Les mains accrochées au revers de sa ceinture de cuir tressé, Baelor Cellaeron osbervait la cité de Valyria qui s’étendait face à lui. Depuis son bureau, l’un des plus confortables mais loin d’être des plus majestueux, il surveillait cette ville qu’il convoitait tant. Le Cellaeron n’était pas un illustre inconnu de la politique valyrienne, pourtant ils étaient peu à braver la timide frontière qui séparait les ambitions suprêmes de la concrétisation d’un véritable projet pour y parvenir.
Pour Baelor, le sommet était encore trop bas, mais il faudrait faire avec. Profondément épris de sa patrie et de la civilisation qu’elle renfermait, le Seigneur-Soie avait toujours pensé que la meilleure façon pour que Valyria prospère serait celle où il prospérerait avec elle. Il avait bien entendu des plans, des idées, des soutiens et des alliés, même en dehors des frontières, mais il disposait – selon lui – d’une chose supplémentaire, dont ses adversaires potentiels ou affirmés manquaient cruellement : une vision.
Contrairement à d’autres, comme Arraxios Maerion ou Echya Odenys, il avait une idée précise d’où partirait Valyria une fois qu’il serait au Conseil, et où il pouvait convaincre le Sénat de l’amener. Ses ambitions, bien qu’impossible à expliquer en des termes aussi mécaniques au bon peuple et à son élite, consistaient en faire de Valyria la puissance hégémonique du continent sous un siècle. Les Valyriens disposaient de la plus formidable des armes de guerre et ne l’utilisaient qu’avec parcimonie pour des raisons bien claires. N’importe quel noble perdant son dragon se retrouverait aussitôt vu comme puni par les Dieux. Personne ne souhaitait cela. D’ordinaire, les dragons survivaient leur propriétaire. L’inverse, toutefois, était vu comme contre-nature. Il faudrait toutefois des braves pour faire face à ces risques pour la plus grande gloire des Valyriens. Le monde avait vu la capacité de Valyria à répondre à un ennemi, et il fallait désormais prendre les devants pour s’installer partout. D’ici quelques années, Baelor gageait que la Péninsule serait le nouveau centre du monde. Déjà, on pouvait sentir le centre de gravité du monde se décaler de l’Orient où il nichait depuis si longtemps pour revenir vers l’Ouest, vers cette région volcanique isolée où grondaient volcans et dragons.
Pourtant, parmi tout le faisceau d’indices, d’informations, de conjectures et d’instinct dont avait bénéficié Baelor avant de se décider à être candidat pour les prochaines élections, une information avait emporté sa décision finale. Sans être tout à fait religieux, le Cellaeron avait une fibre mystique qu’il exploitait généralement avec sa compagne de complots et amante, la liseuse de flammes et prêtresse de Meraxès Laera Zaldrizma. Pourtant, pour ce délicat sujet, ils avaient convenu qu’il devrait chercher du soutien ailleurs. Et dès que la guerre avait été officiellement terminée, Baelor s’était empressé de trouver une mage pouvant correspondre. Herya Valgaris était rapidement sortie du lot comme une personne compétente et suffisamment ambitieuse pour entreprendre une divination sur un sujet aussi précis. Bien que l’expérience eût pour le moins… mal tournée, Baelor avait eu sa réponse. Il deviendrait Lumière de Sagesse sous un an, si les Dieux étaient de bonne humeur. Alors la machinerie politique que le Seigneur-Soie bâtissait depuis toujours avait activé tous ses engrenages en même temps. Des coursiers étaient partis aux quatre coins du monde, des missives avaient été échangées, parfois sous le sceau de l’anonymat. Quelques gêneurs avaient été supprimés et d’autres avaient reçus une large bourse de pièces d’or pour acheter leur silence, leur soutien ou simplement leur abstention. En quelques semaines, l’appareil politique Cellaeron s’était préparé tandis que Baelor annonçait la nouvelle peu à peu à ses proches et ses fidèles. Il n’avait pas encore osé renouer avec la jeune mage dont l’esprit avait manqué d’être brisé par les exigences de son œuvre arcanique.
Toutefois, maintenant qu’il approchait du moment fatal de déclarer publiquement sa candidature, il se devait de retrouver le contact. Il voulait évaluer sa capacité à garder la tête froide. On lui avait assuré qu’elle était encore secouée mais qu’elle continuait à exercer en toute liberté. Si c’était le cas, alors il pourrait négocier avec elle, et éventuellement s’assurer les services d’une mage à temps plein. Cela ne plairait pas à Myssaria qui y verrait sans doute une nouvelle maîtresse à exhiber en public mais son avis n’avait pas d’importance pour le Cellaeron. Aussi, lorsqu’Herya finît par apparaître pour rejoindre son bureau, il se détourna de la grande fenêtre pour se retourner et lui faire face.
« Herya Valgaris. Bonjour à toi, ma chère. Te souviens-tu de moi ? »