S’il existait bien un endroit dans tout Valyria où il était possible d’aller détente et aspect pratique, c’était bien aux thermes. La société s’y pressait chaque jour, et chacun pouvait y avoir accès, et ce, peu importe ses moyens financiers. Bien sûr, lorsque l’on n’avait pas le pécule nécessaire pour grands bains bien fréquentés, on se contentait du minimum, mais le résultat était le même : on y ressortait propre, détendu, et prêt à attaquer sa journée. Herya, elle, préférait des bains mieux fréquentés, quitte à dépenser un peu plus. Mais elle ne s’en plaignait pas. Les bains étaient bien plus beaux, plus propres et surtout, cela lui permettait de garder un œil sur des personnes bien placées dans la société et de pouvoir capter quelques rumeurs et potins propres à la noblesse valyrienne. Les thermes fonctionnaient grâce à d’ingénieux systèmes que la mage n’avait jamais tout à fait compris. Ou tout du moins, ne s’y était-elle jamais intéressée. Elle y allait pour se clarifier les idées avant d’aller au Collège des Mages et bien entendu pour une question d’hygiène. Ce jour-là, elle s’était confortablement installée dans le caldarium après un passage dans un laconicum particulièrement étouffant. Elle avait demandé à l’un des esclaves de lui ramener un rouleau de parchemin et s’était mise à étudier chaque mot en détail. Il s’agissait de notes sur un méthode de divination que les valyriens ne connaissaient pas mais qui semblait fasciner Herya. Les runes étaient un jeu de petites pierres bien spécifiques sur lesquelles ont avait inscrit des symboles runiques, traditionnellement rouges pour représenter le sang. Chaque symbole avait une symbolique bien spécifique et pouvait représenter à la fois un concept, ou des mots-clés, et en fonction de leur position lors d’un tirage, la signification pouvait totalement changer. La trentenaire ne souhaitait pas forcément essayer mais il était important, selon elle, en tant que mage spécialiste de la divination, de connaître les différentes méthodes apportées par les autres peuples. Après tout, il y avait fort à faire avec son tissage. Celui-ci avançait lentement mais surement, et le message des dieux n’apparaissait pas encore. Peut-être n’y aurait-il aucun message ? Elle préférait ne pas y penser. Cela serait un échec et s’il y avait bien une chose qu’un Valgaris ne supportait pas, c’était bien la défaite.
Elle rappela l’esclave et fit rapporter le rouleau dans sa sacoche, le remerciant aimablement. Herya n’approuvait pas l’esclavagisme. Même s’ils étaient très utiles à la société car ils faisaient tourner les roulements de la cité, ils restaient quand même traités comme des sous hommes, des moins que rien, et par certains, pire encore, comme des déchets de la société. Avec Vahaerion, ils n’avaient jamais abordé le sujet, peut-être par retenue afin d’éviter tout conflit d’opinion. Le soldat n’avait sans doute pas la même vision des choses que sa sœur. Et malgré leur très bonne entente, leurs tempéraments de feu pouvaient faire éclater une dispute à n’importe quel moment, parfois pour peu de choses. Les jumeaux avaient parfois dû calmer le jeu. « Et si tu épousais ton frère ? » fit la voix, soudainement. La jeune femme sursauta. Elle grimaça. Jamais cette idée ne lui était venue en tête. De plus, ils n’étaient pas nobles et cette pratique n’avait rien de courant au sein du peuple. « Pourtant il me semble que ta mère a déjà montré la voie, non… ? ». La jeune femme leva les yeux au ciel. IL remuait le couteau dans la plaie et par agacement, elle sorti du caldarium. Le maigre repos était fini, il était temps d’y aller. Tandis que l’une des esclaves s’occupa d’elle, la jeune femme ruminait. La voix n’avait pas tort, elle-même y avait déjà pensé. Mais ne serait-ce pas aller trop loin dans leurs désirs de pouvoir ? Cela ramena également une autre pensée sur la table : à son âge, il allait devoir se marier. Les jeunes femmes qu’elle côtoyait un peu partout étaient déjà soit mariées, ou au minimum, promises, et elles avaient toutes facilement 5 à 6 ans de moins qu’elle. Il lui faudrait trouver un parti, assez bien placé dans la société, et suffisamment absent pour qu’elle puisse continuer à mener sa vie actuelle sans être dérangée, mais ses origines étaient problématiques. Son physique en lui-même l’était : existaient-ils beaucoup de nobles aux cheveux aussi noirs que ceux des Valgaris ? Résolument, la question était problématique.
Rhabillée, Herya était prête à quitter les thermes. Mais, un coup d’œil dans sa sacoche tandis qu'elle y rangeait quelques affaires la fit paniquer. Il y avait bien des parchemins, mais ce n’était pas les siens, et les bijoux qui s’y trouvaient non plus. Où étaient passés ses notes ? Et où était passée la fibule en forme de Leontopodium nivale alpinum, une plante nivéale offerte par sa mère avant de les quitter ? Elle fut prise de panique. Et elle était désormais seule dans la pièce. Dans un accès de colère, elle appela l’esclave en charge de ses affaires qui accouru aussitôt.
« Il ne s’agit pas de mes biens ! Où se trouve mon sac ? » - demanda-t-elle en s’efforçant de ne pas hausser la voix.
Terrifié par l’éventuelle punition qu’il allait recevoir, il bégaya et indiqua qu’une jeune femme aux cheveux longs blonds venait tout juste de quitter la pièce avec un sac similaire au sien. Elle s'était préparée juste avant qu'Herya n'arrive. Il y avait sans doute eu confusion tant les deux sacoches étaient proches, visuellement. La mage tenta de se calmer et promit à l’esclave de ne rien dire. Elle quitta alors le bâtiment en courant et rechercha la personne en question dans la foule. Le cœur battant dans sa cage thoracique, elle paniqua. Puis elle la vit. « C’est elle ! » - sembla hurler la voix dans son esprit. Une tête blonde aux cheveux longs se détachait de la foule. Et elle possédait la même sacoche qu’elle. D’un pas rapide et tout en se frayant un passage entre la masse de personnes, elle parvint à la rattraper. A bout de souffle, elle posa délicatement sa main sur son épaule pour ne pas l’effrayer ni paraître être un voleur.
« Excusez-moi, mais je crois que nos biens ont été malencontreusement intervertis aux thermes. Si je ne me trompe pas, j’ai ici vos affaires, et vous avez les miennes. » - fit-elle respectueusement, tentant de retrouver son souffle.
Herya recula pour ne pas l’oppresser.