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Aucun amour n'est plus beau, plus grand, plus sincère que celui d'une soeur.ft. Maera

Demeure Bellarys à Valyria & An 1066, fin du mois 7

Pratiquement enseveli sous une montagne de parchemins et autres tablettes, Aeganon parcourait les rapports sénatoriaux et autres missives qui lui étaient adressées, calé aussi confortablement que possible dans son lit. Bien qu’il put le quitter un peu pour éviter une perte musculaire trop importante et réhabituer son corps à une existence normale, il y passait encore une majorité de son temps, afin d’être certain que ses multiples blessures achèvent leur cicatrisation correctement. La magie, certes, avait sauvé sa main, et surtout sa vie. Cependant, elle avait un prix, et pas que pécunier. Des chairs aussi malmenées ne pouvaient être réparées sans des sacrifices immenses. Et une fois la Toile réarrangée, il convenait aussi à la nature de procéder, car l’art sacré du Collège demeurait avant tout une manipulation du vivant, et non un miracle en tant que tel. Cette nuance, il l’avait expérimenté durant la guerre, face à d’autres blessés. Plongé dans un sommeil artificiel par les mages pendant de longs jours pour permettre à son corps de récupérer et de faire face tant aux traumatismes qu’à la surcharge magique, le Bellarys avait ensuite été soumis à une convalescence interminable, du moins, selon ses standards. Pas question, cependant, de rester inactif. Dès qu’il l’avait pu, il avait repris le travail sénatorial, dans la mesure de ses capacités, dictant des lettres à un scribe quand il ne pouvait écrire, et se faisant lire sa correspondance ainsi que les dernières avancées à Drivo, notamment sur la gestion de la crise, l’enquête … et bien sûr, les bruits et tractations autour de la future élection. Pour le reste, certes, l’ennui avait vite assailli le bouillant Sénateur, et il avait rapidement épuisé les lectures potentielles, ainsi que l’amusement procuré par ses œillades gourmandes aux servantes chargées de changer ses bandages. A vrai dire, il était certain qu’après un baiser volé, Daemor avait décidé de prendre des mesures et lui avait assigné la plus âgée de leurs domestiques à Valyria. Ce qui n’avait guère arrêté ses jeux, par plaisir de l’agacer comme pour se procurer un peu d’amusement dans ces mornes journées qui s’écoulaient si lentement. Et pourtant, ce dernier et Maera se relayaient à son chevet, égayant ses journées de leur présence, chacun à leur façon. Taekar avait même obtenu la permission de sortir du Collège, et il avait reçu un courrier de Jaemor. Leur mère avait aussi voyagé depuis Rhyos, et Aeganon avait eu peine à se rappeler de la dernière fois où elle avait paru sincèrement s’intéresser à lui ainsi, sans l’ombre paternelle pour réfréner sa tendresse maternelle. Il n’y avait que Jaegor pour manquer à l’appel du touchant tableau familial. Il s’était contenté de passer une tête par la porte, de constater que son fils était en vie, avec presque une pointe de regret dans la voix qu’il avait été incapable de masquer, et s’en était allé après lui avoir souhaité un prompt rétablissement qui avait dû lui arracher la bouche entière. Bref, rien ne changeait. Mais la peste soit du patriarche : Aeganon l’avait rayé de son existence des années auparavant. Et le reste de la famille offrait une présence autrement plus agréable. Même s’il lui tardait de reprendre son existence normale. A vrai dire, il lui semblait n’avoir jamais passé une période aussi longue entre les murs d’une résidence Bellarys, sans en sortir, depuis son adolescence. Même de retour à Valyria, le Sénateur avait pris l’habitude de passer une partie de son temps libre dans son bureau à Drivo, ou dans les maisonnées de ses amis – et maîtresses, certes. Il rentrait au coucher du soleil, afin de se décrasser, avant de repartir au creux de la nuit. Parfois, il y menait quelques affaires, ou accueillait quelques connaissances, mais uniquement quand il estimait pouvoir user de ce nom pour lequel il n’éprouvait que peu de loyauté, ou simplement pour recevoir des personnes proches de sa famille. En trois mois, il avait donc eu tout le loisir de se tenir au courant des bruits courants dans le pied-à-terre familial dans la capitale. Bien sûr, il avait épuisé toutes les rumeurs à propos des serviteurs, engrangeant précieusement, cependant, ces dernières dans un coin de son esprit. On ignorait par trop ces petites mains, et ce qu’elles pouvaient faire pour un service rendu. Ainsi, il avait écrit une lettre de recommandation à Sandor Slagaeron, forgeron bien établi et peu enclin à laisser sa fille épouser un de leurs valets, pour conter les mérités de l’homme et l’assurer de son amitié, en souvenir de la guerre vécue côte à côte – récit fortement enjolivé, mais qu’importe. Les amoureux étaient reconnaissants, le forgeron flatté, et il était certain d’avoir désormais des yeux et des oreilles entièrement dévoués. Puis, évidemment, il s’était intéressé à ce qui concernait plus directement sa famille. Les spéculations sur le mariage – encore un, c’était décidément la saison – entre son jumeau et leur jeune sœur allaient bon train. Ajourné le temps de savoir, crûment, s’il ne faudrait pas tout d’abord fêter un enterrement, le sien, les préparatifs avaient tout juste repris. La perspective, évidemment, l’enchantait autant qu’avaler un verre de ciguë. Il aurait presque pu charger un autre wyrm pour repousser encore l’échéance. Hélas, tout cela n’avait que trop duré. Il aurait même parié que son père, finalement, trouvait la nouvelle date potentielle à son goût, espérant peut-être capitaliser sur la course au siège de Lumière pour transformer l’union en un événement mondain incontournable, où tous les candidats se presseraient. C’est ce que lui-même aurait fait, ne pouvait s’empêcher de penser Aeganon avec ironie, contemplant à nouveau la ressemblance patente entre son géniteur et sa personne. Un grincement de la porte le tira de ses pensées. Une silhouette blonde se dessina dans son ombre, aisément reconnaissable. Avec un sourire éclatant, le Bellarys salua sa sœur d’un signe de tête par-dessus ses parchemins :

« Déjà de retour, ma sœur ? Je te manque donc tant que cela ? A moins que je ne sois le refuge idéal pour échapper aux sermons de Père ? Il est vrai que c’est bien la seule pièce où tu es certaine qu’il ne te suivra pas. »

Le constat n’était même pas amer. Il était réellement amusé, car Aeganon était bien au-dessus de cela, désormais, blasé par cette situation dont il se moquait, prenant même un malin plaisir à agacer leur paternel. Ecartant de sa main gauche lourdement bandée encore le monceau de paperasse, sans se soucier de leur devenir, il tapota sur le rebord de son lit, l’homme prit un air conspirateur alors qu’il l’invitait à le rejoindre :

« Allons, dis-moi tout : t’a-t-il encore répété les différences é-vi-den-tes entre le poivre de Volantis et celui importé d’Andalos ? »

Se redressant autant que son torse lui aussi encore bandé le lui permettait, Aeganon prit une voix caverneuse et cassante, avec une mine d’outre-tombe pour délivrer une imitation particulièrement moqueuse de Jaegor Bellarys :

« Le poivre de Volantis est très particulier, par son goût si précieux, qui nous rapporte précisément deux onces d’or par sac, car les cours ont chuté après les récoltes de cette année, en raison de la migration des insectes. Tu devrais savoir cela par cœur, jeune fille. Qui ignore le cours du poivre sur trois saisons, le taux d’échange avec la muscade dans chaque port valyrien, enfin, et tu bailles en plus ! Sais-tu donc que si nous en sommes, c’est parce que ton arrière-grand-père a respiré plus de poivre que tout autre dans sa vie ? Ah vraiment, toi, tu te serais contentée d’éternuer, alors que lui, lui ! Jeunesse indigne de notre glorieux nom, qui est incapable d’énumérer les trente-six variétés de poivre sur le continent, et de dire correctement à quel plat elles s’associent le mieux. »

Un fou rire le gagnait à mesure qu’il s’animait, épousant les tics du patriarche Bellarys, roulant légèrement les yeux de fureur surjouée, les bajoues vibrionnantes d’indignation factice. N’y tenant plus, il arrêta sa logorrhée taquine, espérant avoir fait naître un sourire sur les lèvres de sa cadette.

« Je préfère entendre ton rire et voir ton sourire, petite sœur. Il est l’un des plus beaux joyaux que recèle cette demeure. »

Maera Bellarys
Maera Bellarys
Dame-Dragon

Aucun amour n'est plus beau, plus grand, plus sincère que celui d'une soeur.Aeganon et Maera

Demeure Bellarys à Valyria & An 1066, fin du mois 7

Maera était restée éveiller les deux premiers jours suivant l’effondrement et était finalement tombée de fatigue le troisième. Elle avait passé les premières heures fatidiques à repousser le sommeil tout autant que les reproches qu’elle s’adressait. Elle se répétait que si elle priait pour la survie d’Aeganon c’est qu’elle priait pour la survie de son frère et non pour la survie de son amant. Comment aurait-on pu lui reprocher quoi que ce soit après tout ? Daemor avait passé tout autant sinon plus de temps qu’elle au chevet de leur frère. Ils s’étaient croisés quelques fois, mais on ne pouvait pas dire qu’elle avait passé énormément de temps avec Daemor durant les deux derniers mois. La visite de Taekar en était aussi un peu pour quelque chose. Elle n’avait pas passé de temps avec son jumeau depuis un moment. En sa présence, Maera pouvait vraiment se changer les idées. Il était agréable de discuter avec lui de tout et de rien. Elle n’avait pas à penser à son mariage prochain, ni ce qui en découlerait, elle avait eu les idées claires tout simplement. La jeune Bellarys avait aussi fait des réserves d’amour maternel durant cette période. Bref, elle avait fait tout son possible pour éviter de trop penser au mariage et aux préparatifs. Cela incluait également éviter le mieux possible son père qui lui n’avait que les mots mariage et épice en bouche lorsqu’il s’adressait à sa fille. Elle avait aussi cru entendre le mot héritier à quelques reprises.

Maera n’avait donc pas pu résister à la tentation et était aller se réfugier au chevet d’Aeganon. Elle savait bien que lui ne viendrait pas s’enquérir des préparatifs du mariage ou bien de la conception du futur héritier. Aeganon et elle ne parlaient pas vraiment de toutes ces choses. Bien que leur l’idylle fût morte de manière abrupte, Maera y avait vraiment cru. Même si à présent, elle ne pouvait plus se délecter de la dilection qu’ils s’étaient, un jour, porté, rien ne l’empêchait d’aller cueillir auprès de lui un peu de tendresse fraternelle. Elle poussa la porte de sa chambre doucement. Maera n’avait pas vraiment peur de le déranger, mais le sourire qui lui adressa fit voler en éclats les doutes qui pouvaient subsister.

« J’espère que je ne te dérange pas ? » Elle s’empressa d’entrer dans la chambre alors qu’il tapotait la place près de lui. « Tu sais que je passerais tout mon temps ici, avec toi, si je pouvais échapper à toute l’organisation et surtout si ça me permettait de rester loin de Père et de ses réprimandes. » La belle prit doucement un papier en main pour ne pas s’asseoir dessus et s’assied près de son frère sur le lit. Elle observa Aeganon se relever, toujours avec un peu de mal, avant d’entamer cette représentation magnifiquement exagérée de leur paternel. Le discours était tout aussi risible que l’expression et le ton de voix utilisé par son frère, bien que d’une horrifiante réalité. Maera exécrait toujours autant le souvenir de ces moments où son père lui reprochait son ignorance de ce qui était pour lui les plus simples préceptes du commerce d’épices. Il n’y avait encore pas si longtemps la jeune femme pouvait prétendre ne pas avoir besoin de maîtriser les trente-six variétés de poivre du continent. Il y avait huit mois de cela, elle pouvait encore prétendre à une union avec Aeganon et à l’espoir de quitter cette famille avec lui pour fondé leur petite branche secondaire bien à eux. À ce moment, alors au diable le poivre ! Ils auraient tout aussi bien pu se concentrer sur d’autres types d’épice, tiens la muscade par exemple. Voilà, ce que leur grand-père aurait dû respirer davantage. L’ambiance familiale n’en aurait été que meilleure. Maera riait encore à mesure que l’imitation se poursuivait, avant de finalement rougir au commentaire d’Aeganon sur ledit rire. Il avait toujours les bons mots. Maera l’idolâtrait depuis toujours. Tout semblait si facile pour Aeganon. Personne ne lui avait imposé sa voie et il avait pu choisir là où elle n’avait pas eu le choix. Elle était la roue de secours, le prix de remplacement. Qu’importe, il fallait qu’elle le joue bien, maintenant, ce rôle.

« Tu as presque vu juste mon frère, j’ai en effet dû subir un nouveau sermon de Père, mais cette fois au sujet du plan de table pour le mariage. Puisque bon, comme tu dois bien t’en douter, je suis d’une incompétence sans nom et il est inconcevable que je ne réalise pas l’importance du plan de table. D’ailleurs, je ne gère déjà plus les invitations, à ce rythme peut-être que je ne serais même pas invitée qui sait ? Peu importe tant que je peux me passer de la prochaine question à savoir le repas. Il est évident qu’il faut des plats mettant les épices à l’honneur, alors tu n’imagines pas l’horreur si je ne devais pas bien répondre à ses questions sur le menu. »

Maera jouait machinalement avec le papier qu’elle n’avait toujours pas lâché et se rappela la véritable raison de sa présence. « En fait, oui, savoir que Père ne viendra pas me trouver ici est une bonne excuse, mais je venais surtout m’enquérir de ton état. Je sais que Daemor est passé te voir un peu plus tôt et j’ai remarqué que tu étais souvent plus fatigué après son passage. Je sais qu’il doit être stressé par tout ça lui aussi, mais il n’a pas à défouler tout ça sur toi. Je m’étais donc dit que je pourrais t’être utile, te lire ta correspondance peut-être ? »


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Aucun amour n'est plus beau, plus grand, plus sincère que celui d'une soeur.ft. Maera

Demeure Bellarys à Valyria & An 1066, fin du mois 7

Aeganon roula des yeux en entendant Maera lui expliquer, cette fois sans rire, à quel point il avait vu juste. Evidemment, Jaegor devait être parfaitement infect. Enfin, de son point de vue partisan, cela ne changeait guère de d’habitude. Disons qu’il devait l’être encore plus qu’à l’ordinaire, à rôder autour de son couple parfait, espérant, après ce léger retard dû à une catastrophe majeure et à la presque mort d’un de ses enfants, revenir vite aux affaires courantes, et donc réussir ce maudit mariage qui les préoccupaient tous à des degrés divers, quoique pour des raisons différentes. Au père de famille, le souci d’enfin perpétuer sa noble lignée, au fils aîné celui de de réussir à avoir une descendance viable en lutinant la seconde sœur après la première, au second fils le loisir de jalouser le marié et la mariée, à la fille heureuse élue le plaisir d’être au centre de l’attention et de composer avec regrets et espoirs, et aux deux autres fils l’abjecte sensation d’être une fois de plus laissés de côté. Oh, il en oubliait leur mère ! C’est qu’elle était si oubliable, cette mère aimante mais effacée, dominée par la pesante ombre de l’époux redouté quoique aimé, peut-être. Et au milieu de ce désastre annoncé, chacun devait tenir son rang, jouer sa partition. Cela le rendait malade. Malade de voir Daemor jouer à nouveau les fiancés modèles. Malade de voir Maera à son bras. La jalousie l’étreignait à nouveau, confusément. Tout avait été nettement plus simple, aux noces de Daemor et Aenerya. Il n’avait que cette dernière à haïr. Là, la bile le prenait avec âcreté, parce qu’il ne pouvait pas détester sa petite sœur chérie. Il l’avait trop désirée pour la rejeter. Au moins ses blessures avaient-elles retardées l’échéance. Pour un peu, il aurait affronté une nouvelle horde de wyrms, pour se donner un peu d’air. Pour leur donner un peu d’air, à tous, avant cette pantalonnade grandiloquente qu’ils subiraient tous. D’ores et déjà, Aeganon ne voyait pas comment y survivre autrement qu’en se saoulant le plus vite possible, avant d’honorer la moitié de leurs cousines. Le pari était amusant tiens : parviendrait-il à réaliser le tour de Valyria en une soirée, comme les langues les plus libertines aimaient à appeler la pratique consistant à choisir un amant ou une amante de chaque grande ville de la péninsule ? Voilà à quoi il en était réduit. Baste : il s’avilirait de son propre chef, plutôt que de subir la vue de ce qu’il ne pourrait supporter sobre. Sa résistance avait des limites. Et en attendant, il devait continuer à mentir, dans cet exercice où il excellait. Même si cela lui coûtait, que de se jouer de sa sœur. Avant, ce n’étaient que des omissions. Enfin, il ne pouvait pas lui avouer que s’il était fatigué après les venues de Daemor, c’est parce que leur frère et son fiancé – leur fiancé, aurait-il pu ajouter avec mauvais esprit – avait par trop usé sa bouche à lui apporter un tendre réconfort, et qu’ils s’étaient joués des limites imposées par son état pour se renouveler leurs serments brûlants, qui avaient manqué trouver une fin brutale dans la mort entrevue. Il était des vérités impossibles à dévoiler. Il était des mensonges nécessaires. Nonchalamment, sa main vint de poser sur la joue de Maera, caressant cette dernière, tandis qu’il lui répondait, son sourire conquérant aux lèvres :

« Ne t’inquiète pas, Daemor et moi parlons simplement de politique, et tu sais que ces discussions peuvent être enlevées, mais il est nécessaire que je sois tenu au courant, et ma foi, si nous ne nous disputions pas, je croirais que quelque chose n’est pas normal ! »

Leurs désaccords furibonds étaient légendaires, chez les Bellarys, et tous s’étaient depuis longtemps accordés sur le fait de ne jamais, jamais, tenter de s’interposer entre les jumeaux lorsque les cris résonnaient. Tout finissait plus ou moins par rentrer dans l’ordre. Certes, ils tiraient amplement parti de cette réputation, depuis leur enfance, pour dissimuler leurs plaisants méfaits et leurs douces trahisons. Cependant, il n’était pas faux de dire que quiconque aurait tenté, lorsqu’ils se hurlaient réellement dessus, de les raisonner, aurait subi un sort douloureux. Leur violence passionnée aurait vite apprécié trouver un autre exutoire, pour le pire. C’était une différence notable entre la relation qu’il entretenait avec le futur marié, et celle qu’il avait la future mariée. Avec Maera, tout avait toujours rire, luxe et volupté. Ils aimaient tous les deux les belles fêtes, les plaisirs de la vie et les plaisanteries faciles. Face au sérieux de Daemor et d’Aenerya, ils n’étaient que des trouble-fêtes aux rêves plus grands qu’eux. Et maintenant, ils avaient fini de rêver, ils étaient arrivés. Et quelque part, l’envie de partir était présente. De se perdre aussi, alors qu’Aeganon contemplait la chevelure blonde de sa sœur, ses traits fins et réguliers, sa bouche pleine, et que ses doigts se faisaient, sans qu’il ne s’en rende réellement compte, plus tendre, dans une caresse désormais plus appuyée.

« J’ai achevé de lire les lettres qui me sont parvenues ce matin, j’étais en train de répondre à certaines. Non, ma sœur, compte-moi plutôt Valyria en ce moment, moi qui ne peux pas sortir. Dis-moi, as-tu assisté à des fêtes dernièrement ? Oh, je ne doute pas que Père a sélectionné quelques invitations à honorer.

Comment avez-vous été reçus ? As-tu trouvé de beaux amants ? Est-ce que tu les attires toujours avec ta lyre ? Je sais que je n’y ai jamais résisté.

La vie est-elle donc revenue en dehors de ces quatre murs ? »


En dehors de Valyria, la question aurait évidemment paru incongrue. Mais Aeganon était partageur, en ce qui concernait les fêtes rituelles, et rien ne l’amusait plus que d’imaginer sa sœur ravager les cœurs des valyriens par sa beauté incandescente, et par tout ce qu’il lui avait appris de la séduction. Il avait été, après tout, un maître attentif, et il lui tardait de voir ce que l’élève vaudrait, dans la capitale, et si elle réussirait à s’élever au-delà de ce qu’il avait toujours voulu. Et il la fixait de son regard de braise, curieux et joueur, le défi au bord des lèvres et au coin de ses yeux rieurs.


Maera Bellarys
Maera Bellarys
Dame-Dragon

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Demeure Bellarys à Valyria & An 1066, fin du mois 7

S’inquiéter de l’état d’Aeganon était tout à fait naturel. Il avait presque péri lors des derniers événements. Maera n’aurait pu supporter de le perdre ainsi. Elle avait renoncé à bien des choses récemment alors qu’elle en acceptait d’autres purement par obligation. Elle avait passé beaucoup de temps auprès de lui par inquiétude autant que par nécessité de se raccrocher encore un peu à ce qui avait, jusqu’à présent, été sa vie.
Plus le mariage et ses préparatifs avançait, et plus elle fuyait le futur marié. Savoir qu’il se chamaillait encore vivement avec son jumeau signifiait effectivement qu’il n’allait pas trop mal. Maera aurait aimé être plus présente pour lui. Être la présence rassurante qu’avait été Aenerya de son vivant. Daemor méritait d’être couvert d’amour et de tendresse, d’avoir quelqu’un avec lui, à ses côtés. Ce n’était pas encore naturel pour Maera de tenir ce rôle. Sa sœur avait toujours, d’aussi loin qu’elle pouvait se souvenir, été auprès de lui tout comme son jumeau. Au fond d’elle, peut-être avait-elle une certaine inquiétude qu’il n’y ai pas, dans son cœur, une place pour elle, quelque chose qu’elle pourrait y apporter et combler.

La place de Maera dans le monde se déterminait à partir de ce qu’il restait après avoir éliminé tout ce qu’elle ne serait pas. Tout au long de son enfance, il avait été clair qu’elle ne deviendrait pas la Dame de la lignée, place qui revenait à sa grande sœur. Elle ne serait pas plus Dame-Dragon qu’elle ne serait Mage ou soldat. Cette liberté l’avait rapproché de l’art, de la musique et des plaisirs un peu plus éphémères. Elle n’avait pas encore les responsabilités qui incombait à ses ainés. Tout cela l’avait tranquillement éloigné des héritiers pour se rapprocher un peu plus d’Aeganon. Ils avaient toujours été deux rêveurs jamais satisfaits. Ils voyaient toujours plus haut, imaginant toujours quelques choses de mieux. Être avec lui, c’était un retour dans son adolescence, alors qu’ils passaient des soirées à refaire le monde et prévoir des futurs impossibles. Maera était ainsi. Elle était jeune et insatiable, elle voulait tout, mais surtout, elle voulait le bonheur des siens.  

« J’ai bien été invité à quelques endroits, mais uniquement pour quelques bavardages entre copines, rien de plus. Peut-être que cela pourrait me faire du bien, mais pourtant, je n’ai pas le cœur à la fête. Lorsqu’Aenerya me disait que je ne pouvais pas comprendre le stress qu’elle vivait avant d’organiser moi-même un mariage, je croyais qu’elle exagérait, mais elle avait raison. »

C’est vrai que les occasions n’avaient pas manqué et pourtant elle s’était toujours trouvé un bon prétexte pour décliner les invitations. Avant, elle raffolait des soirées et n’aurait pas laisser passer la chance de divertir les gens par sa musique, mais toutes ses angoisses lui pesaient bien trop pour laisser son cœur virevolté doucement sur quelques rhapsodies.

« Peut-être vas-tu rire, mais il semble que je suis incapable de m’amuser en te sachant coincé, ici, dans ce lit. Pire encore, je me sens incapable de me laisser aller alors que je sais Daemor si perturbé par tout cela. Ne le sommes nous tous pas ? »

Avant Daemor, plus récemment, Maera n’avait jamais réellement cherché à séduire un autre homme qu’Aeganon. C’est lui qui était venu la rejoindre lors de son rêve de Meleys. Bien qu’il n’y eût aucune crainte à avoir, elle avait tout de même éprouvé de la peur alors qu’elle attendait, seule dans cette grotte. Son frère aîné était, selon toutes leurs coutumes, le choix idéal pour elle, mais le destin aurait pu vouloir lui jouer un tour à ce moment-là. Que Nenni. C’était bien Aeganon qui était venu à elle. Cet événement était prévisible depuis sa naissance, tout suivait le plan établi pour elle. Il avait pris ce qu’aucun autre homme ne pourrait lui prendre. Il l’avait amené ailleurs, l’avait entraîné dans l’admiration de nouveaux Dieux. Il avait scellé leur corps et leur destin. Elle avait été sienne à partir de ce jour. Son cœur n’avait jamais appartenu à un autre et s’il est vrai qu’elle adorait aller chercher la convoitise et l’admiration dans le regard des hommes, rien, pour elle, ne pouvait égaler de ce qu’elle pouvait voir dans son regard à lui. Aeganon était célèbre autant par ses prouesses à la guerre qu’à l’amour. Il savait embraser les passions et Maera n’aurait pu souhaiter un meilleur professeur pour lui apprendre les blandices de l’amour charnel. Il avait en effet une jolie liste de conquête qui avait toujours un peu émoustiller Maera. Chose étrange et pourtant si compréhensible à l’époque. Maera savait bien que peu importe le nombre de maîtresses qu’il pouvait avoir, c’est avec elle qu’il partagerait sa vie. Qu’elle pourrait toujours aller trouver le réconfort de ses bras, la chaleur de ses baisers. Il n’y avait pas si longtemps, il aurait été impensable pour la jeune femme d’imaginer qu’il pourrait ne plus lui être destiné. Il était étrange qu’une simple décision de leur père, qu’une seule parole de lui change cela.

Maera avait eu toute sa vie l’impression d’être là pour ramasser les miettes et c’était toujours de plus en plus vrai. Pouvait-on alors lui reprocher d’avoir été tout d’abord séduite par l’idée d’avoir enfin une place qui lui revenait dans cette hiérarchie familiale contraignante et maintenant de regretter cette vie insouciante qui avait été la sienne ? Aeganon était à présent totalement libre et elle enviait tout autant qu’elle maudissait cette liberté. Il pouvait maintenant faire ce qu’il voulait et cela la déconcertait.

La caresse de la main de son frère qui lui avait jusqu’à présent procuré du réconfort était maintenant un peu plus chaleureuse. Ce n’était plus la main du frère, de l’ami, mais bien de l’amant. Quelque chose se noua au fond d’elle. Elle rit doucement.

« C’est étrange n’est ce pas ? Il n’y a pas si longtemps, je jouais pour toi, je jouais pour eu. Je m’amusais à ce qu’ils me dévorent des yeux alors que je ne voyais que ton regard sur moi. »

Ces soirées avaient sensiblement toujours la même fin. Lorsqu’ils en avaient assez de se dévorer du regard, ils rentraient ensemble et s’abandonnaient à toutes les viles tentations qui avaient traversé leur imagination. Dans ces instants, ils auraient pu être emportés par la fièvre palustre, ils n’y auraient pas plus porté attention.

Elle replia ses jambes sous elle, se rapprochant un peu plus du blessé. Elle écarta un peu plus les différentes lettres qui était encore éparpillées autour. Sa main glissa doucement sur son torse, dans un mouvement nonchalant. Elle l’avait tant de fois caressée. Ses lèvres connaissaient par cœur la courbure de ses muscles et la plupart de ses blessures, de nouvelles s’ajoutant continuellement il était dure d’en suivre le compte final.

Par les Quatorze elle maudissait son père. Qui était-il pour lui interdire l’amour. Qui était-il pour la priver de ce désir qui la rongeait. Jamais elle ne pourrait en vouloir à Daemor. Elle savait qu’il était tout comme elle un pion que Jaegor maniait comme s’il était le maître de leurs vies. Si elle se privait d’aller à des fêter et de faire tourner les têtes par respect pour lui, c’était son choix et elle ne pouvait lui reprocher. Elle ne pouvait pas non plus en vouloir à Aeganon d’être libre et de pouvoir à présent faire tout ce qu’il entendait. La jeune femme redoutait plus que tout le jour où il lui annoncerait avoir trouvé le bonheur auprès d’une de leurs cousines.

Son regard parcouru son torse alors que ses doigts caressaient sa peau. Le désir incandescent qui avait toujours été en elle, qu’elle avait toujours éprouvé pour lui, brûlait en elle. Ils avaient beau être seuls, le ton de sa voix avait descendu, comme si elle ne voulait pas rompre la quiétude qui c’était installé.

« Pourquoi ? Pourquoi, est-ce que l’on fait encore ça ? Est-ce que ce n’est pas une trahison envers lui ? »

Et pourtant elle en mourait d’envie.


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Demeure Bellarys à Valyria & An 1066, fin du mois 7

« Oh je t’en prie, Aenerya aurait été capable de se noyer dans une coupe de vin … Elle passait des heures à ennuyer tout le monde sur le ton exact de sa robe pour que ça s’accorde avec la nappe que choisirait la maîtresse de maison de la famille l’invitant …

Mais c’est si important, tu ne comprends pas, que se passera-t-il si le ton est bleu cyan et pas bleu azur, par les dieux, il ne manquerait plus que je me mette à renifler, et le glorieux nom de Bellarys s’écroulera …’ »

La pique originelle était mesquine, l’imitation était d’une moquerie cruelle, tant elle singeait à la perfection les manies de leur sœur décédée. Aeganon était connu autant pour son humour égrillard que pour ses taquineries plus ou moins douces. Et Aenerya avait toujours une de ses cibles favorites. Tout avait paru rapidement opposer la douce et affairée cadette et son bouillant aîné. Elle, de faible constitution et de noble apparence en toute circonstance, ayant toujours mis le devoir et le nom de Bellarys avant tout, alors que lui-même ne cherchait qu’à s’en extraire, turbulent et volontiers provoquant. L’incompréhension était évidente. Surtout, à l’insu de tous, et d’elle-même, existait une sourde rivalité entre les deux compétiteurs pour l’attention d’une seule et même personne. Parce qu’Aenerya avait été destinée à lui voler Daemor, parce qu’elle pouvait parader à son bras et ne se privait pas de le faire, parce qu’elle l’entourait de cette affection sincère et cotonneuse qu’il exécrait, parce qu’elle l’enchaînait toujours plus à cette famille, à ses devoirs, l’enfermant dans ce rôle, excitant le bon en lui, Aeganon l’avait haï, et des années plus tard, la poursuivait de sa vindicte jusque dans sa tombe. Son frère ignorait probablement à quel point, secrètement, son amant avait exécré son épouse, à un point obsessionnel. Il n’avait jamais manqué une occasion de l’humilier discrètement, de la mettre en porte-à-faux avec Daemor, mauvais et jaloux. A chaque fois qu’il savait son frère avec elle, il brisait des meubles ou se retrouvait avec une autre femme, dans des étreintes brutales, qui paraissaient le paradigme de la passion alors qu’elles n’étaient que l’exécration vengeresse d’un amour qui ne pouvait être, et qui se jouait dans d’autres draps. Dès qu’il le pouvait, il le rejoignait, effaçant la présence de sa sœur au creux des bras de son frère, lui rappelant, la jalousie nettement prégnante dans sa voix, à quel point lui seul était capable de lui offrir autant de plaisir, et lui seul l’aimait avec autant de force. Il l’avait voulu morte, et il avait obtenu ce pour quoi il avait si souvent prié. L’horreur l’avait saisi … ainsi qu’une forme de joie pathétique, et de sentiment de mépris, parce qu’elle était faible, incapable réaliser ce qu’on attendait d’elle. Oh, il se moquait de savoir qui, de Daemor ou d’Aenerya, avait la fertilité chancelante. Par acquis social, c’était forcément elle. Mais quand bien même cela avait Daemor, elle ne manquait pas d’option pour lui donner une descendance. De toute façon, elle en avait été incapable, et ils l’avaient tous su, alors qu’elle se tuait à la tâche. Détesterait-il Maera autant, pour lui prendre ce qu’il considérait comme sa place légitime ? Probablement. A terme, il n’y avait pas d’autres issues. Voilà pourquoi, aussi, il rechignait à couper les ponts entièrement, à mettre des barrières nécessaires entre eux. S’il la désirait, il ne lui souhaiterait pas l’enfer. S’il l’aimait parfois, il se sentirait comme sur un pied d’égalité avec son frère. C’était un raisonnement tordu et pervers, mais c’était le sien. Et il ne voyait pas d’autre moyen de l’épargner. Parce qu’il se connaissait : dès qu’il déciderait de la détester, il le ferait, avec sa verve sournoise, celle dont il avait poursuivi Aenerya pendant tant de temps. Et à la différence de leur sœur, qui ne l’avait jamais porté dans son cœur, il avait conscience que Maera l’aimait, sincèrement, et qu’il la blesserait beaucoup plus durement. Il ne le lui souhaitait pas. Ses mots, comme ses gestes, trahissaient l’emprise qu’il avait encore sur la jeune femme, dévoilaient les sentiments non éteints, en dépit des fiançailles. Il sentit ses doigts contre son torse, et le contact, comme souvent en ces circonstances, éprouva son désir. Sa sœur était une belle femme, et dans ses traits, Aeganon retrouvait plus facilement qu’avec n’importe quelle autre femme ceux de son frère. Elle était une amante dévouée, qu’il connaissait par cœur, pour l’avoir initié personnellement aux plaisirs de la chair. Elle était sans doute la femme avec qui il aurait eu le plus de facilité à vivre tout en y trouvant un semblant de joie, en dépit de son amour obsessionnel pour son jumeau. Le désir lui vint, et il éprouva une certaine satisfaction toute masculine à constater qu’en dépit de ses blessures, quelque fonction essentielle était encore des plus réactives, même en dehors des soins prodigués par Daemor.

« Est-ce une trahison que d’apprécier exactement la même chose ? »

Ils savaient tous deux que c’était faux. Certes, physiquement, ils étaient semblables, bien qu’il soit possible de les différencier en raison de la carrure plus marquée d’Aeganon comme de sa barbe plus fournie et taillée différemment, ou encore de ses nombreuses cicatrices pour celles qui avaient pu faire la comparaison. Bien entendu, en modulant ses intonations et en se rasant comme Daemor, l’illusion aurait été presque parfaite, et il aurait fallu une grande attention aux détails pour démêler le vrai du faux. Et surtout, rarement deux jumeaux avaient paru aussi intellectuellement dissemblables que ces deux-là, même si là encore, les apparences n’étaient pas aussi nettes. Sa main s’enroula autour des doigts de sa sœur, et il poursuivit, provocateur :

« Tu penses à moi quand tu es avec lui, n’est-ce pas ? Est-ce que ce n’est pas déjà la trahison que tu redoutes ? »

Il en était certain. Comme il savait que Daemor rêvait de lui quand il était avec elle. La pensée l’amusa encore plus profondément, éclairant ses traits d’une lueur délicieusement perverse.

« Tu m’étais promise. Aucunes autres fiançailles ne rompra cela, quoiqu’en dise Père. Meleys ne lui obéit pas au doigt et à l’œil. Et Daemor pense encore à ce qu’il avait avant toi. Il ne peut pas te satisfaire, comme tu ne le peux pas. Donc, il a ses maîtresses, dont tu ne t’offusques pas …

Et toi, tu as tes amants, ma sœur.


Malgré tout ce que Père veut bien croire, vous me ressemblez beaucoup plus qu’il ne le voudrait. »

Redressé, il fit un effort pour se décoller de son oreiller et souffla, à quelques centimètres de son visage :

« Ce dont, entre nous, je ne me suis jamais plaint. Tu as mon ambition et mes désirs, Maera. Tu te moques des plans de table, des poivres, de ces idioties. Tu veux qu’on t’admire, tu voulais la place d’Aenerya, et tu l’as obtenue, mais tu veux davantage que faire ton devoir. Tu ne veux pas être la dame des Bellarys, tu veux être Dame Maera Bellarys.

Comme, désormais, je suis le Sénateur Aeganon Bellarys, et non pas le Sénateur Bellarys. Nous sommes faits pour obtenir ce que nous voulons. Dans tous les domaines. »


Mauvaise conscience de Daemor, il l’était aussi de Maera, n’ayant pas les attaches familiales suffisantes pour s’empêcher d’éprouver un plaisir dépravé à susurrer à son oreille les vérités les plus crues.

« Daemor est ce que tu veux. Je le suis aussi. C’est simple non, ma sœur ? »

Maera Bellarys
Maera Bellarys
Dame-Dragon

Aucun amour n'est plus beau, plus grand, plus sincère que celui d'une soeur.Aeganon et Maera

Demeure Bellarys à Valyria & An 1066, fin du mois 7

Aenerya était née Dame, ou du moins c’est ainsi que Maera le voyait. Sa grande sœur avait toujours eu la grâce naturelle digne des plus hautes dirigeantes. Elle était parfaite en toute circonstance, ayant perfectionné cette perfection tout au long de sa bien trop courte existence. Maintenant, qu’elle avait pris sa place, qu’elle avait sa situation et son prestige, Maera ne concevait pas qu’Aenerya ait pu vivre ainsi toute sa vie. Ce devait être naturel chez elle, une deuxième nature, sans quoi elle n’aurait pas pu supporter tout ce cirque aussi longtemps sans flancher.
Comme elle est belle, comme elle est parfaite.
Voilà ce que la jeune fille, c’était toujours dit en voyant son ainée valser dans ce monde tel un poisson dans l’eau. Lorsqu’elle entrait dans une pièce, tous les regards se posaient sûr elle, lorsqu’elle sa voix s’élevait, tous se taisaient pour l’écouter. Là où elle avait hérité de la superbe des nobles de leurs statuts, Maera, c’était toujours sentie comme un petit canard. Elle n’avait eu de cesse de chercher comment briller, elle aussi, et que l’on remarque enfin L’autre fille Bellarys. Avec l’aide de sa chère Aelys elle avait essayer le dessin et la peinture, mais elle était bien loin de la superbe de son amie et avait constaté que ce n’était là sa voie. Ayant toujours apprécié la musique, elle avait d’instinct su qu’elle pourrait trouver par là un véhicule pour se faire entendre. Il lui fallut quelques essais, mais lorsque ses doigts pincèrent doucement les cordes, faisant raisonner ce son divin, elle sut qu’elle avait trouvé son instrument.

Au fond, il n’était pas surprenant que ses deux passions, que les deux choses auxquels elle excellait se ressemble tant. Elle retrouvait les mêmes gestes lorsqu’elle caressait son instrument, que lorsque l’on caresse un homme. Les mêmes contacts délicats du bout des doigts, qui parfois effleurait, parfois pinçait, à un rythme qui n’était connu que d’elle-même. Maera exprimait la musique qui emplissait son esprit. Son art reflétait ses pensées profondes, souvent enjôleuses, ce qui lui rapportait bien des admirateurs.

« Il n’est pas toi, » elle frissonna, autant par le contact de ses doigts venant se lier aux siens que par les paroles qu’il venait de prononcer. Elle était sincèrement surprise et choquée qu’il lise si bien en elle. Pourtant, il en avait toujours été ainsi. Elle n’avait jamais eu besoin, ni même cherché, à cacher la moindre émotion aux yeux de son frère aîné. Elle avait toujours été ce livre ouvert dans lequel il n’avait eu de cesse d’être parfois auteur, parfois muse.
« Bien sûr que je pense à toi, comment pourrait-il en être autrement ? Tout ce que je sais, je te le dois. Chacun de mes gestes, chacune de mes caresses, tous les mouvements de ma langue ainsi que tous mes baisers ne sont que réplique de ce que tu m’as un jour enseigné. Tu m’as guidée dans la gloire des Dieux et j’ai suivi chacun de tes enseignements à la lettre. »

Daemor, fidèle à la réputation Bellarys, qu’ils avaient bien malgré eux, était un très bon amant et c’est un point sur lequel Maera ne pouvait se plaindre. Elle savait que bien des femmes rêveraient de prendre sa place auprès de Daemor, non seulement dans la vie, mais aussi dans le lit. Elle-même l’avait rêvé. Pourtant, lorsqu’elle était dans ses bras, tout cela sonnait faux. Il n’était pas Aeganon, il ne vibrait pas avec la même intensité. La sienne était tout aussi puissante, complémentaire même, mais différente. Maera ne pouvait s’abandonner entièrement dans des bras qui n’étaient pas ceux de son premier amour alors qu’un seul regard la ramenait à la réalité de celui qu’il était et celui, surtout, qu’il n’était pas. Comment oublier de plus qu’ils en étaient là par devoir et non pas par amour ou par passion.

« Tu as raison. Je suis Dame Maera Bellarys. Je suis tout et je veux tout. Oui, je suis comme toi. Nous aurions pu être heureux et nous le pouvons encore. Je te veux et je veux être à tes côtés. Pourtant, tu as bien raison, je le veux, lui aussi, et je désire la place qu’il m’apporte. »
Sa main qui, auparavant, câlinait la peau offerte de son torse, c'était à présent levée pour se perdre parmis ses quelques mêches rebelles avant de redescendre doucement le long de la courbe de sa machoire.
« Nous sommes plus que les enfants de Jaegor Bellarys. Nous sommes plus que des épices et des jolis minois. Nous pouvons faire tellement plus et emmener cette famille tellement plus haut. C’est ce que je veux leur montrer. »

Si Aenerya avait été l’ange sur l’épaule de Daemor là où Aeganon, murmurait diablement, voilà qu’il murmurait depuis presque aussi longtemps aux oreilles de leur jeune sœur. N'y avait-il donc plus alors de bonne conscience pour guider cette famille dans le droit chemin ? Ou bien, peut-être que maintenant qu’il n’y avait plus de chemin, ils pourraient enfin s’étendre, s’élargir et resplendir sur toutes les scènes.

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Aucun amour n'est plus beau, plus grand, plus sincère que celui d'une soeur.ft. Maera

Demeure Bellarys à Valyria & An 1066, fin du mois 7

« Et tu étais une élève brillante, ma tendre. »

Lentement, les doigts d’Aeganon quittèrent la main de sa sœur pour parcourir son bras, puis remontèrent jusqu’à son épaule avant de caresser son cou et sa mâchoire, avec une douceur sulfureuse, à la fois comme un frère complimentant sa sœur, mais bien davantage comme un amant complimentait une maîtresse, à sa manière si particulière de faire croire à son interlocutrice qu’elle était l’unique objet de son attention, alors qu’ils savaient tous les deux que c’était faux. C’était peut-être, cependant, l’une des raisons de son succès. Le Bellarys était peut-être – raisonnablement – séduisant, et avait suffisamment de verve pour charmer par le verbe ce que le physique n’avait pas accompli, le tout agrémenté désormais d’une réputation parfois fort exagérée et d’une position sociale enfin enviable. Mais tout ces éléments n’expliquaient pas nécessairement pourquoi il accumulait autant de conquêtes. D’autres hommes, à Valyria, était beaucoup plus beaux, il l’admettait, et correspondant d’autant mieux aux idéaux valyriens. D’autres hommes étaient plus intelligents, plus fins que lui. D’autres probablement étaient meilleurs amants – il y avait toujours matière à s’améliorer, après tout. Et d’autres enfin, étaient plus riches, plus influents, plus puissants. Il ne pouvait rivaliser. Il y parvenait cependant, d’abord il était vrai parce que, comme il l’admettait avec bonhommie, en courant tous les lièvres à la fois, le chasseur finissait bien par ramener celui qui courrait le moins vite, et peu importe s’il n’était pas bien gras. Ensuite, parce qu’il avait ce talent inimitable pour comprendre ce qui manquait à ses maîtresses, ce qu’elle cherchait, et à le leur offrir, à s’intéresser à elles. Il l’avait souvent dit : chaque femme qui avait peuplé ses nuits était unique. Il aurait pu gloser à loisir sur les unes et les autres. Des années après, il les saluait comme un vieil ami, demandait des nouvelles de tel ou tel secret murmuré dans le creux des draps, applaudissait leurs réussites et se positionnait comme cet admirateur à distance respectueuse sincèrement heureux. Et assez souvent, il l’était. Comme, là encore, il se plaisait à le dire, Aeganon était un homme simple, qui n’avait jamais promis son amour, mais avait en revanche juré des nuits où la belle serait reine. Il estimait avoir tenu ses promesses. Soit parce qu’il en attendait quelque chose, soit parce qu’il les avait choisis, pour quelques raisons que ce soit, le Bellarys prenait un soin tout particulier de ses amantes. Là encore, sa vantardise n’aurait pu soutenir le long terme si elle avait été bâti sur une vision étriquée des arts érotiques. Mais parce qu’il aimait autant, avec Daemor, donner que recevoir, et peut-être même davantage encore donner, il avait appliqué cet enseignement à ses conquêtes féminines, ne rechignant jamais à la recherche de leur plaisir, puisqu’elles ne parviendraient jamais à lui en offrir autant que ce qu’il obtenait auprès de son jumeau. Il se complaisait dans cette posture de conquérant si aisément vaincu, ou de professeur attentif à éveiller les sens des ingénues. A cet égard, l’éducation de Maera avait été une parenthèse appréciée dans ses années guerrières. Il y avait un aspect narcissique évident dans le fait de guider sa cadette sur le chemin de Meleys, et de la façonner pour qu’elle sache répondre, plus tard, à ses attentes, de l’amener peu à peu sur des voies de plus en plus déviantes, de plus en plus luxurieuses, de corrompre cette douceur pour révéler la vraie Bellarys qui se trouvait en-dessous – car sa fiancée n’aurait pu être uniquement une jolie fleur à cueillir, mais au contraire, un bouquet qu’il convenait de savoir manier sous peine de se faire piquer cruellement. Quitte à la laisser à un autre, à la voir s’épanouir loin de lui et montrer ses pétales pour cette famille dans laquelle il se sentait si à l’étroit, autant que ce soit en rendant hommage à son enseignement, en ne cherchant pas à devenir une pâle copie de la fade Aenerya, mais bien en appuyant sur ses propres qualités. Lui saurait les apprécier. Son mouvement de main agissait en miroir du sien, et il baissa son regard pour la regarder descendre au-delà de sa mâchoire, un sourire incitateur aux lèvres, son poitrail puissant légèrement soulevé par le désir nettement visible. La situation, ces confidences volées à cette famille et aux machinations paternelles, l’excitait terriblement, plus qu’elle n’aurait dû. Malheureusement, le Bellarys avait toujours aimé les défis, encore plus quand ils étaient dangereux, et se vautrait avec plaisir dans le secret des alcôves. Sa voix atteignit cette basse enjôleuse, profonde et tentatrice, de velours, alors qu’il susurra :

« Alors, envoie promener ces affaires et construis un temple à ta mesure ma sœur, sur lequel tu pourras régner. Que t’importe les plans de table, et je ne sais quelle stupidité de greluche, quand tu peux créer un spectacle à ta mesure, à ta gloire ? Emploie des musiciens pour qu’il joue une musique de ta composition, crée un décor de tes mains, et rejoins leur chœur au milieu du dîner, avec la robe la plus sensuelle, la pose la plus exquise. Personne n’aura plus en tête ces détails insignifiants, mais tout Valyria parlera de toi, de la chance de Daemor de t’avoir comme épouse et non l’inverse … »

Avec une expression diaboliquement sulfureuse, Aeganon s’interrompit, ses yeux admirant sans honte sa sœur, avant qu’il n’ajoute :

« … Et de la mienne pour avoir été le premier à bénéficier de tes faveurs, ce qui excitera la jalousie des femmes que j’aurai à mon bras ce soir-là, et me comblera plus tard, quand je penserai à ta nuit de noces.

Tu sauras, en voyant l’envie dans mon regard, que tu auras réussi au-delà de tes espérances. Parce que je ne serai qu’un parmi la foule à convoiter ce qui ne sera pas mien … »


Son doigt passa sur ses lèvres, se glissant entre ces dernières, savourant la moiteur de sa bouche, frissonnant sous son expiration. Il conclut dans ce qui n’était qu’un souffle :

« … Même si j’aurai quelque satisfaction à ne pas y être pour rien. »

Le murmure hypnotique, sensuel, continua :

« Je saurai quels chants peut s’échapper de ta gorge quand on sait jouer la bonne partition. Je saurai quels hymnes tu peux composer de tes doigts. Je saurai quels rythmes ont les symphonies de tes cuisses. Je saurai de quels instruments si bien user, et comment les faire crisser, pour atteindre une fausse note abandonnée. Je saurai quel maître d’orchestre tu aimes suivre, et quelle soliste exquise tu peux être. »

Et ça …

« Daemor ne le sait pas, pas comme moi. Il saura te faire chanter la politique, les alliances, les familles.

Il t’offrira le plaisir de la puissance … et tu n’auras qu’à trouver la puissance du plaisir dans l’orchestre qui conviendra à ta fantaisie. »



Maera Bellarys
Maera Bellarys
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Aucun amour n'est plus beau, plus grand, plus sincère que celui d'une soeur.Aeganon et Maera

Demeure Bellarys à Valyria & An 1066, fin du mois 7

« Peu de femmes peuvent se vanter d’avoir connu un si bon professeur, et ce, dès la première nuit. »

Dans les moments où elle sentait sa vie s’écrouler, où plus rien n’avait de sens, durant cette guerre incessante qui n’en finissait pas, il était tout de même venu pour elle. Cette nuit de félicité avait été pour elle – pour eux deux, l’espérait-elle – un souffle apaisant sur les tourments de la guerre et de son cœur. Elle avait eu alors la certitude que malgré toutes les épreuves qu’ils auraient à traverser à l’avenir, ils pourraient compter l’un sur l’autre. Pas seulement comme un frère et une sœur, Maera savait qu’elle ne serait jamais mise à l’écart par un membre de sa fratrie, mais bien parce que les Dieux en avaient décidé ainsi.

« Je suis celle vers qui les Quatorze t’ont envoyé, c’est toi que Meleys a choisi pour moi. Si notre union a été bénie à l’époque, alors pourquoi ne le serait-elle plus à présent ? Je ne crois pas avoir fait quoi que ce soit qui mériterait d’être renié ainsi par nos Dieux, et toi ? »

Son regard était mutin, son sourire enjôleur. La belle se glissa un peu plus dans le lit aux côtés de son frère, prenant bien soin de ne pas brusquer le blesser ou lui causer les quelconques douleurs par inadvertance. Elle se lova contre lui, non plus comme l’enfant qu’elle avait été, réclamant des bras protecteurs, mais comme la femme qu’elle était devenue à son contact et qui prenait plaisir à sentir ce corps chaud et robuste contre le siens. Elle le taquinait du bout des doigts écoutant ses paroles.

« Voyons, tu imagines un instant la tête de Père ? Il me foudroierait sur place pour avoir mis mes intérêts avant ceux de la famille. Au mieux, son cœur lâcherait dans l’instant ! Non pas que l’idée n’est pas alléchante, mais, non, vraiment, je ne peux pas ! Puis, je dois penser à Daemor, c’est aussi son mariage et l’héritier, ne l’oublions pas. Mais, ne t’en fait pas pour moi, je suis Maera Bellarys après tout. Comment pourrais-je faire autrement qui briller ? »

Elle rigolait, mais les mots perfides du serpent avaient déjà fait place dans son esprit. La jeune Maera restait toujours cette élève attentive, cherchant à apprendre et à faire plaisir. Elle voyait bien ces chants, cette musique et cette robe vaporeuse au décolleté indécent. Tout cela était bien clair dans son esprit, mais pourtant, au bout de cette allée, ce n’est pas le bon frère qui venait à ses pensées. Imaginer une vie conjugale avec Daemor lui était encore difficile à pleinement concevoir.

« Tu sais comme je l’aime et comme je veux que tout cela réussisse, si je fais tout ça, c’est pour lui et pour qu’on nous laisse un peu tranquilles. »

Maera et Daemor ne se comprenaient pas sur beaucoup de points. Ils n’avaient pas toujours les mêmes idées ou priorités, mais elle l’admirait et le respectait sincèrement. Leurs devoirs et responsabilités, tous deux biens différents à l’époque, avaient créé le début d’une distance entre eux que l’annonce de leur fiançailles n’avait que creuser d’avantages. Bien sûr qu’ils finiraient par vivre des vies séparées, avoir chacun leurs amants et c’était même déjà le cas. Puis, en aucun cas elle ne voudrait chercher à remplacer Aenerya dans son cœur, mais la jeune Bellarys était ainsi. Elle était tout, elle voulait tout. Bien sûr qu’elle pourrait se contenter d’amants, et voyant ce qu’elle avait sous les yeux elle se contenterait même très bien, mais était-ce trop demander que de vouloir, qu’au moins une fois, son mari ne vienne la rejoindre pas uniquement par devoir, mais aussi par envie ?

Les sens en éveil, les poils de ses bras hérissés, sa peau réclamant caresses et affection. Les mots d’Aeganon avaient déjà éveillé en elle un feu et maintenant, il n’en tenait qu’à lui d’apaiser le brasier, puisque lui seul savait si bien le faire. Maera s’arrêta un instant, elle venait d’avoir une idée.

Laissant momentanément derrière elle son frère pour se placer devant lui, elle commença doucement à défaire les attaches à son cou en formulant sa demande.

« Apprends-moi une dernière leçon. J’ai été une brillante élève, tu l’as toi-même dit. Tu m’as tant enseigné et je crois que bien des hommes de Valyria t’en sont et t’en seront reconnaissant. Je croyais que cela suffirait, mais j’étais bien naïve. Daemor n’est pas n’importe quel homme et j’ai bêtement cru que ce serait facile, qu’il serait comme toi, je me trompais. Mais toi, tu le connais mieux que quiconque. Je suis sûre que si quelqu’un peut m’aider, ça ne peut être que toi. »


Laissant sa robe tomber doucement sur elle, Maera se dévoila entièrement, blanche tel le canevas qui appelait l’artiste.

« Mon frère, peut-être est-il venu l’heure pour toi de compléter ton œuvre. »

Au diable les plans de table et toutes ces autres idioties. Il serait toujours temps de prendre une décision plus tard sur la tournure des célébrations. Resserrer les liens familiaux d'abord, le reste suivra.

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Aucun amour n'est plus beau, plus grand, plus sincère que celui d'une soeur.ft. Maera

Demeure Bellarys à Valyria & An 1066, fin du mois 7

« Ma sœur, j’ai trop fait pour qu’un dieu n’ait rien à me reprocher. J’ai séduit des femmes mariées, souillé des jeunes filles avant leur nuit de Meleys, massacré, pillé, brûlé, volé, menti, trahi, intrigué …

Ne crois-tu donc pas Père quand il répète à quel point je suis un être déplorable ? Tu sais qu’il a raison, pourtant, que les traditions m’importunent et que je ne vis que pour créer les miennes ?

Que m’importe la bénédiction des dieux. Je prends ce que je désire. Comme toi. Prends ce que tu désires. Montre-moi ce que tu veux. Montre-leur qui tu es. Et ne recule devant rien pour l’obtenir. »


Dans les yeux pers du Bellarys brillaient une lueur d’une joie mauvaise, tandis qu’il admettait sans honte et sans fard tout ce qui pouvait lui être reproché. Qu’est-ce qui était vrai et faux, dans cette litanie ? Oh, tout, absolument tout. Il se moquait des dieux, des hommes, de ces justifications qui auraient dû l’enfermer dans ce rôle de seconde main, de cadet tout juste bon à produire des héritiers de rechange et à endurer en silence la félicité d’un jumeau plus doué, plus aimé. Il s’était élevé seul. Il avait pris son risque, il avait ouvert sa voie à la force de son épée et de sa volonté farouche, il avait joué, rusé. Il était temps que Maera apprenne à en faire de même, qu’elle se moque des lignes rouges de leur père pour mieux s’amuser à les franchir, et le tout avec son assentiment. Parce qu’il serait si aisé de le convaincre, le patriarche. Ce qu’il voulait, c’était des petits-fils purs. Peu importait le moyen. Et une fille capable de prendre le relais de sa mère pour montrer au monde la puissance de leur famille. Ce qui importait, par conséquent, c’était de réussir. Tout pouvait être tenté, pourvu que ce soit un succès éclatant. Alors, Jaegor Bellarys ravalerait sa superbe, sourirait faussement et finirait par dire à ses invités que l’idée venait de lui. Sa mainmise sur leur fratrie n’avait que trop duré, et lentement, Aeganon instillait le besoin de la défiance dans le cœur de sa sœur, en lui apprenant à transgresser subtilement les règles édictées par le puissant marchand. Ce qu’il tenta donc de lui expliquer, souriant à ses dernières paroles :

« Je préfère entendre cela. Tu brilleras ma sœur, telle une Meleys nitide qui illuminera ces noces. Mais tu brilleras selon tes conditions. Ce qui importe à Père, c’est que ce soit l’événement de l’année, une réussite totale. Donne-toi les moyens de cette ambition. Fais à ta façon. Valyria adorera, car Valyria aime l’excès, et Daemor s’en moquera, car ce qui lui importe, c’est que ce mariage se fasse et qu’il puisse retourner à ses affaires.

Il te laisse les rênes ? Prends-les. Prends tout. La moindre parcelle de liberté. Conquiers, ma sœur. »


Dans son globe oculaire pellucide se mit à luire la fin informulée de son conseil : Et le moment donné, brûle-tout. Cela l’amusait, de savoir jusqu’où irait Maera, dans cette position qui était désormais la sienne. Et il espérait la façonner pour en faire une antithèse d’Aenerya, une alliée au sein de cette famille. Plus la jeune femme serait heureuse dans ce mariage improbable et dans cette position, moins elle voudrait la mettre en danger, et donc rompre avec lui ou Daemor. Et plus ils pourraient espérer continuer chacun leur existence bancale, au milieu de ce secret qui les dévorait : elle l’aimait, Daemor l’aimait, il les aimait tous les deux. Ou peut-être qu’outrée, elle les crucifierait, ces frères retors. Ce n’en serait que plus drôle, que de jouter contre sa propre créature, de se faire détruire par ce qu’il avait mis dans de temps à bâtir. L’ironie de la chose lui était délicieuse.

Et la rouée avait de qui tenir ! En la voyant défaire sa robe devant lui, le supplier de lui apprendre comment plaire à son propre amant, Aeganon retint le rire cinglant, tonitruant, malfaisant, qui lui venait. Diantre, elle tenait tout de lui. Quel raffinement de cruauté, que de demander à l’amant éconduit d’officier pour que la maîtresse sache conquérir le mari froid. Oh, ce jeu, il aurait dû l’inventer. Pourquoi n’y avait-il pas pensé lui-même ? Ces yeux de fauve se posèrent sur la silhouette offerte de sa sœur, et le désir le saisit. Avec un soulagement perceptible, il sentit la réaction naturelle de son corps poindre sous le drap, et une mâle satisfaction surgit en constatant que ses appétits n’avaient rien perdu de leur superbe malgré les blessures infligées par les wyrms. Il feula presque, tel un lynx attendant sa proie en ronronnant, avant de bondir pour l’attraper et ne plus la lâcher pour l’emporter jusqu’à sa tanière. A travers la brume de son esprit, pétri d’images toutes plus luxurieuses que les autres, notamment de ce qu’il aurait été en mesure de faire s’il avait été dans une autre disposition, Aeganon se contenta de la dévorer du regard, de ce regard si naturellement enveloppant, chaleureux, qui avait si naturellement tendance à faire chavirer ses amantes – et son amant. Il s’imagina un instant, au faît de sa puissance physique. Il aurait repoussé les draps avec vivacité pour agripper Maera par les hanches, sans sommation, avant de la soulever de terre et de la plaquer contre le mur en un corps un corps torride, marquant son cou de baisers brûlants, l’entraînant dans un tourbillon qui l’aurait conduite à crier grâce, sous les coups de boutoirs de ses lèvres, de ses doigts, de ses sens en ébullition. Il l’aurait puni de son indécence, et elle le lui aurait rendu comme souvent, en labourant son torse de ses ongles, en mordant sa pomme d’Adam comme elle aimait le faire. Il l’aurait bâillonné de ses doigts, lui susurrant tout ce qu’il se passerait s’ils étaient découverts, comme il adorait le faire quand Daemor était dans la même position, à se cambrer sous ses assauts et à le supplier d’accélérer encore et encore. Mais il ne les libérait jamais que pour qu’ils glissent à ses pieds, une main dans leurs cheveux, trop blonds ou trop bruns, pour les amener à étouffer leurs gémissements afin de lui en procurer, en rappelant à quel point il serait délectable que l’autre entre, ou un membre de leur famille. Au lieu de cela, il était cloué dans son lit, et pourtant, il ne faillirait pas à cette mission à la douleur exquise. Sa voix se fit autoritaire, de celle qu’il utilisait dans ces moments, et qui arrachait des frissons, alors que son timbre grave tombait dans une basse vibrante et qu’il murmurait, n’ayant pas besoin d’élever son ton :

« Viens. »

Retirant son drap, il se redressa sur ses oreillers tant bien que mal, attendant de l’accueillir. D’un doigt de son bras valide, il l’arrêta pour l’asseoir entre ses cuisses, sa virilité dressée contre son dos, et il l’attira brutalement contre lui, pour avoir sa bouche à portée de son oreille, à laquelle il susurra :

« Il est des hommes qui assouvissent leurs désirs, et des hommes dont le désir doit être fouetté, apprivoisé …

Si tu veux Daemor, tu devras le lui montrer. Le faire céder. Le conquérir. Anéantir ses barrières. »


Lentement, son index se perdit sous son cou, et il amena sa tête à quelques millimètres de ses lèvres, mordant l’inférieure avant de chuchoter :

« Transforme le blizzard dans cœur en éruption volcanique dans corps, Maera. »

Son doigt traça sa gorge, sa poitrine, son ventre, s’arrêtant quelques instants pour s’enrouler autour de quelques boucles blondes pour les friser avec délectation tandis qu’il achevait, plongeant son regard dans celui, pers également et si semblable de sa sœur :

« Dépasse ton maître. »

Au diable le soleil au dehors, qu’il s’abaisse ou se lève, Aeganon ne vivait que pour les ténèbres de la nuit, qu’il invoquait pour les envelopper dans ce jeu dangereux. Et de cette période d’extase, il créerait le solstice de son année, et éclipserait Daemor en osant l’invoquer. C’était peut-être là l’ironie la plus délicieuse. Maera jouait. Lui aussi. Et il était certain qu’il y aurait deux vainqueurs, et un vaincu. Restait à trouver lequel.



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