Lornaelon était un homme de savoir et de curiosité avant tout, c'était la raison pour laquelle il était si acharné et zélé à l'idée de découvrir les secrets des arcanes, les uns après les autres, sans que sa motivation ne flanche, ne serait-ce qu'un instant. Après tout, la seule existence de ces secrets n'appelait-elle pas à la découverte de ces derniers ? Des défis n'existaient-ils pas pour être relevés ? Alors oui il aurait pu jeter son dévolu sur des domaines plus complexes et insidieuse, comme les runes ou l'alchimie, mais ses dispositions avaient dirigé le jeune Haeron vers un domaine plus...médical. Il n'avait jamais été déçu de cette évolution car cette prédisposition lui avait toujours semblé évidente, même dés les premières années dans le Collège, il lui avait simplement fallu un peu de temps avant que son esprit ne décrypte toutes les utilisations possibles de cette magie.
Pendant longtemps le mage du cinquième cercle s'était contenté d'apprendre l'anatomie du corps humain, de comprendre comment celui-ci fonctionnait afin de pouvoir réparer ce qui était brisé, ou refermer les plaies ouvertes, ce qui lui demanda bien moins d'études et d'acharnement qu'il ne l'aurait cru. Réparer les plaies était venu assez naturellement au jeune homme, bien qu'il n'ait jamais cherché à s'en vanter puisqu'il n'en voyait pas l'intérêt, en revanche cet intérêt fut rapidement capté lorsque son esprit trouva un usage plus...offensif et vicieux, de ce type de magie. Cette découverte vint d'un constat très simple : s'il pouvait utiliser de la magie pour refermer une plaie, ce même usage ne permettait-il pas d'agrandir ladite plaie ? De faire coaguler le sang, à l'intérieur des veines ? Si le premier usage de la magie était de faire naître des affliction, sa connaissance du corps humaine ne pouvait-elle pas aider à en générer, à partir de rien, ou à l'aide d'un petit sacrifice de sang ?
Et ce fut à ce moment-là que le véritable Lornaelon vit le jour : froid, calculateur, zélé, impitoyable et horriblement cruel, s'il y voyait un quelconque possible gain. Il n'était pas l'un de ces guerriers barbares qui se délectait de la violence, mais il était devenu insensible face à ce spectacle de cris et de sang. Il était prêt à tout, pour décrypter les secrets des arcanes et ces actes de torture et de découverte n'étaient qu'un bien mince pris à payer.
Combien d'esclaves, hommes et femmes, passèrent sous son couteau au fil des années ? Combien de corps ou d'animaux s'affaira t-il à disséquer, autant pour satisfaire sa curiosité que pour conduire des expériences, sur des créatures vivantes ou mortes ? Pour tester certaines de ses théories et avancer un peu plus sur la voie des arcanes ? Ce fut avec un certain amusement que le Haeron constata, avec surprise, que sous bien des aspects il était aussi doué comme briseur et tortureur que guérisseur, ce qui le conforta dans l'idée qu'il était sur la bonne voie. Après tout, on avait trop tendance à laisser reposer la victoire sur le feu-dragon ou l'acier valyrien, alors que d'autres méthodes bien plus insidieuse pouvaient exister, si on laissait la magie devenir une partie de l'équation.
Durant les derniers jours le jeune Haeron s'était confiné dans le confort très sommaire de la bibliothèque, dévorant livre après livre et enregistrant chaque précieuse information, laissant son esprit dévier vers quelques théories farfelues jusqu'à ce qu'il en perde la notion du temps. Ce fut lorsque ses yeux commencèrent à se fermer tout seul qu'il comprit et, après une courte nuit du sommeil, il décida de se détendre en changeant un peu d'exercice. Oui, certains s'entraînaient, sortaient prendre l'air ou allaient voir des amis pour passer le temps mais ce savant, lui, avait décidé de se mettre à quelques simples travaux de dissection.
Plusieurs heures durant, des novices lui amenèrent des animaux de diverses tailles et, fort heureusement, ce qu'il se passa resta entre Lornaelon et ces pauvres bêtes. Certaines en ressortir en vie et d'autres...finiraient aux ordures, là où étaient leur place. Le Haeron avait bien fait de se débarrasser de son haut, par peur de se tâcher car, tranche après tranche, test après test, son visage et ses mains se gorgèrent de ce précieux élixir de vie, jusqu'à ce que presque aucune portion de peau nue ne soit visible, sur ses mains.
Sur la table se trouvait à présent un pauvre chat de gouttière qui avait été endormi, par un élixir de son cru. Se penchant sur la table où était allongé le félin, Lornaelon ferma les yeux, posant une main sur sa douce fourrure, avant de puiser dans les puissances sous son contrôle, pour forcer l'organisme du chat à fonctionner plus efficacement. Il força ce corps à éliminer les toxines bien plus rapidement que prévu et, dans un souffle, murmura alors au pauvre félin :
« Réveille-toi. »
Comme animé d'une nouvelle vie qui lui était propre, le félin bondit sur la table et, feulant à l'attention du mage, vint se cacher dans un coin de la pièce, sans demander son reste, faisant naître un discret sourire de satisfaction sur le Haeron. Dans un geste, Lornaelon se dirigea alors vers une vasque où avait rassemblée de l'eau fraîche, pour y essuyer ses mains et, alors que ces extrémités gorgées de sang venaient plonger dans ce liquide, Lornaelon entendit quelqu'un frapper à la porter et répondit machinalement et sur un ton neutre :
« Entrez. »
Il se tourna alors vers la porte, observant le pauvre félin s'enfuir en toute hâte, par cette nouvelle ouverture. Il n'avait pas pris le temps de sentir la présence derrière la porte, il ne savait donc pas qui se présentait à lui, mais cette personne aurait une surprise assez singulière. Sans compter cette nudité partielle qui mettait en valeur sa musculature ferme malgré sa profession très peu guerrière, le liquide carmin sur son visage mettait étonnement en valeur ses yeux d'un bleu encore plus perçant que d'habitude. En plus de son apparence, l'invité qui se présenterait à lui pourrait sentir les traces de magie qui résidaient dans le laboratoire du mage, donnant une impression étrange de se situer sur le fil du rasoir, à la fine limite entre la vie et la mort : l'une des sensations préférées du guérisseur.