la Tour des Cinq, Valyria - An 1066, mois 12
La nuit était belle en ce soir d’été à Valyria. Le ciel était entièrement dégagé et baigné de milliers d’étoiles dont on percevait les variations à l’œil nu. Pour qui avait une bonne vue et du temps à passer le nez en l’air, on pouvait même apercevoir les nuages de matière céleste parsemant l’immensité infinie du ciel noir. Au loin, le rougeoiement des volcans cerclait l’horizon d’une douce lueur chaude rappelant que l’âme de la Péninsule vivait toujours aussi brûlante qu’au premier jour de la Fondation.
Ce tableau était complété par la plus belle vue possible à Valyria, celle de la Salle d’Audience. La véritable salle du trône de Valyria : là où se réunissait le Conseil des Cinq : les Lumières de Sagesse qui étaient élues par le Sénat pour cinq ans à présider à la destinée des leurs ; et du monde. Sertie de quatorze épaisses colonnes supportant le toit de la structure, elle était ouverte aux quatre vents et permettait aux dirigeants de Valyria d’observer la cité et ses quadrants de n’importe quel côté où ils se tournaient. La grande table circulaire en son centre symbolisait tout ce que l’égalité et la justesse était sensée être entre ces grands personnages. Puissants, ils l’étaient assurément. Riches, c’était vrai pour la plupart. Ils partageaient surtout une faculté spécifique de détermination couplée à un conscience aigüe de la République : c’était ce qui leur avait donné les ailes pour se hisser aussi haut. De toute la hauteur de la Flamme, ils pouvaient regarder le monde s’étendre à leurs pieds et guider Valyria comme un phare dans la nuit du monde.
Ce soir, malgré tout, le décorum n’était pas tout. Les sièges avaient été rapprochés pour faire en sorte que les Lumières soient également disposées le long d’une moitié de la table. De l’autre côté, la seconde moitié ne disposait que d’un siège faisant face à celui au centre des cinq. Parmi les Cinq, on comptait des personnages publics et bien identifiés. Les trois plus connus étaient Valerion Qoherys, Edarion Vaelgaris et le dernier arrivé, Baelor Cellaeron. Les deux autres étaient plus discrets, plus renfermés. Ils étaient aussi retors que les autres mais disposaient de moins de pouvoir et la raison de leur présence à cette table était le fruit d’habiles compromis entre les différentes factions du Sénat. Ce soir, toutefois, le Conseil était monolithique, du moins en théorie. Il jugeait une affaire grave qui avait dû être reportée pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce qu’en période d’élection, il avait été jugé inopportun de réunir le Conseil dans ces conditions. Ensuite parce que le développement diplomatique du Rêve de Caraxes avait plongé Valyria dans une tourmente conséquente sur le plan extérieur. L’enquête diligentée par Valyria s’était heurtée aux réticences de Ghis et de la méfiance ancestrale entre les deux civilisations. Il s’agissait toutefois de pouvoir aujourd’hui définir des responsabilités. Ni le Sénat, ni le Conseil n’étaient ravis de devoir rendre des comptes à Ghis et cette expédition à Sothoryos, pourtant sanctionnée par la République, avait désormais des airs de prétexte parfait pour réactiver la guerre entre la Harpie et le Dragon.
La controverse avait gagné progressivement les couloirs du Sénat alors que la matriarche des Haeron, l’une des membres de l’assemblée, était impliquée. Bien que la faction mercantiliste ait relativement fait bloc, cela n’avait guère suffit à calmer le jeu. Tout le monde savait qu’il allait falloir désigner des responsables et pointer des doigts. Une telle situation ne pouvait pas se résoudre sans pertes.
Rhaenys Haeron, Sénatrice de Tolos et cheffe de la famille descendant de l’une des légendaires héroïnes de Valyria, comparaissait aujourd’hui devant les dirigeants de Valyria. Elle avait pu se faire déposer quelques étages plus bas, sur l’une des multiples terrasses qui parsemaient la hauteur de la tour pour permettre aux nobles de ne pas gravir des milliers de marches à chaque fois qu’ils s’y rendaient. La tour était gardée par une unité spéciale de la première armée valyrienne, portant des armures d’acier valyrien recouvert d’une fiche couche de cuivre leur donnant un aspect rouge sombre. Lorsque Rhaenys fut introduite dans la Salle d’Audience, les Lumières se levèrent dans un même mouvement, sans un bruit. Valerion siégeait au centre, face à la Sénatrice. Baelor et Edarion étaient à ses côtés. Les deux autres Lumières complétaient le tableau sur les extrémités. Valerion prit la parole d’un ton solennel.
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Sans un mot de concertation, les Cinq retrouvèrent leur place assise. Autour d’eux, un habile système de poulies et de cordages dissimulé dans les murs fit tirer les rideaux disposés entre chaque colonne, enfermant symboliquement ces six personnes dans la salle. L’air devint plus lourd et les bruits de l’extérieur – le vent, la rumeur nocturne de la ville, les cris des dragons – furent absorbés. Valerion continua une fois que les rideaux furent tirés.
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Il n’y avait plus aucun bruit à part le ronflement discret des braseros autour de la pièce qui donnaient une chaleureuse lumière à l’endroit.
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- Le dragon de Pâques est passé par ici: