Un banquet aurait pu permettre de célébrer son retour à Valyria. Pour une fois, peut-être même aurait-elle pu apprécier y assister. Offrir une danse à sa jumelle, lui raconter dans le creux de l’oreille tout ce qu’elle avait pu voir d’extraordinaire à Sothoryos. Prendre Oncle Taemon dans ses bras, avant de lui conter à grands renforts de détails, et sans le moindre tremblement comme elle-même et les autres émissaires de leur patrie avaient combattu une Vouivre immense ! Peut-être même Naema aurait-elle apprécié que sa tante Daenerys la pare de ces guirlandes de perles qu’elle affectionnait tant. Quant à son frère aîné, peut-être auraient-ils pu se retrouver, afin de parler de la faune qu’elle avait observé au cours de son voyage ? Lui aurait pu lui parler des créatures qu’il avait observé sur leurs terres ou qu’il apprécierait posséder pour la grandeur d’une possible ménagerie familiale ? ‘’ Pourquoi pas un lynx, ma sœur ? Ou un perroquet ? J’ai aussi entendu dire que le Roi de Sarnor avait aussi des bêtes magnifiques, dont des chevaux aux yeux pers, rends-toi compte ! ‘’ Et elle l’aurait écouté avec attention, comme elle l’avait toujours fait, une lueur de malice dans le regard.
Mais il n’y avait rien eu de tout cela. A la place, la soigneuse n’avait récolté que quelques migraines et un silence imposé. A cela s’ajoutait des rêves au contenu fort étrange, qui ne lui laissaient à son réveil, plus que de la sueur aussi froide que le grésil au contact de sa chair. Alors, dans de tels cas, Naema s’évadait jusqu’à la tour la plus proche, Hyndrill ne tardant jamais à la rejoindre qu’importe l’heure du jour ou de la nuit. A croire que la créature comprenait ses doutes. Les partageaient d’une certaine manière. Alors, elles s’élevaient dans les cieux, profitant de la lueur de la lune opaline pour seule source de lumière. Elles manquaient toutes les deux d’air, de cela la jeune femme avait bien conscience. Comme elle aurait voulu voler jusqu’à ces contrées qui connaissaient réellement la neige et ses flocons, où les conifères remplaçaient les chênes, les ifs et les arbres fruitiers. L’approche du solstice y était peut-être pour quelque chose.
Hélas, quitter Valyria lui était impossible. Ou tout du moins, pour de longs voyages. La soigneuse devait se tenir prête. A tout moment, on pouvait demander à la rencontrer afin qu’elle éclaire les chandelles de d’autres personnes quant à leur expédition à Sothoryos. Hélas, dans les pensées de la Vaelarys, il n’y avait que le brouillard, à ce sujet. Un brouillard collant, gluant, qui l’empêchait de rassembler réellement ses pensées et ses songes les plus cohérents quant à ce qui avait pu se produire. Quant aux questions que la soigneuse pouvait se poser, fort était de constater qu’elles étaient bien nombreuses et qu’elle n’avait en son esprit que des réponses bien trop courtes, bien trop évasives. A qui pouvait-elle en parler ? Aux autres membres de leur expédition ? C’était là une bien dangereuse idée. Suspects, ils l’étaient aux yeux du Sénat. Une quelconque discussion était donc à proscrire, pour leur bien à tous et à toutes.
« Même Oncle Taemon n’aurait aucune réponse à m’apporter au sujet de cette Vouivre et de ce qui lui est arrivé. marmonna Naema, alors qu’elle refermait brusquement l’ouvrage qui se trouvait devant elle. Je ne peux pas me tromper. Nous avons combattu cet animal et ses chairs étaient aussi chaudes et vivantes qu’auraient pu l’être celles de nos Dragons. La jeune femme se massa les tempes. Je dois me souvenir, ou tout du moins essayer. Il y a forcément une chose qui m’a échappée. »
Lasse de ne point retrouver le fil de ses pensées, Naema se leva finalement de sa chaise. Attrapant fouet et glaive avant de quitter sa chambre, la jeune femme se glissa ensuite dans le couloir tout proche. Par les fenêtres, la lune éclairait les dalles et les murs, lui permettant de ne point user d’un éclairage artificiel pour se repérer. Ce fut donc avec une aisance certaine que Naema parvint en haut de la tour la plus proche. Un pauvre sourire étira ses lèvres, alors que la jeune femme remarquait la présence de sa Dragonne.
« Si seulement tu pouvais parler, ma Sœur. Sans doute aurais-tu bien des choses à me dire... »
En prononçant ces quelques mots, Naema avait tendu sa main, laissant Hyndrill appuyer la pointe de son museau sur sa paume. Appréciant la chaleur qui se dégageait à ce contact, Naema resta ainsi quelques instants, admirant cette créature qui était la sienne. Jamais son époux ne pourrait comprendre cela. Cette puissance que lui donnait son sang, l’ampleur du Lien qui la reliait à Hyndrill, aux autres Dragons en général et aux cieux. Grimpant avec aisance sur le dos de sa Sœur de Feu, la soigneuse s’harnacha à sa selle avec la force de l’habitude. Puis, Hyndrill prit son envol, s’éloignant pour quelques heures seulement de Valyria. S’éloignant de ces questionnements qui n’avaient, dans les faits, que peu de sens.
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