Le Deal du moment : -39%
Ordinateur portable ASUS Chromebook Vibe CX34 Flip
Voir le deal
399 €

avatar
Invité
Invité

La nuit, tous les dragons sont gris.Elineor Taellarys et Naema Vaelarys.

Cité de Draconys & An 1062, mois 4.


La guerre avait éclaté.


Naema ne parvenait pas à se faire à cette réalité. La nouvelle de la Trahison de Bhorash leur était arrivée, tel un blizzard. En quelques instants, tout espoir de paix avait été brisé, tel un frimas annonciateur. Le Rêve de Vhagar avait été décrété, peu avant le départ des armées. Puis le silence. Que se passait-il, à présent ? La soigneuse n’en avait pas la moindre idée. Telles des engelures douloureuses, les nouvelles du front étaient rares. Très rares. Trop rares. La guerre ne durerait pas, disaient certaines. Les Dieux étaient avec eux, disaient d’autres. Et tel un loup prit au piège, telle une lionne en cage, la Vaelarys tournait en rond dans le palais familial. Le droit de guerroyer lui était interdit, malgré le fait qu’elle ait effectué son service militaire sans sourciller. N’avaient-ils pas besoin de soigneurs, dans un tel cas ? Dans de tels cas, des grelots semblaient teinter dans son esprit. Le tintement de ces traditions ancestrales. Elle devait attendre, à défaut de pouvoir se rendre utile.


C’était ainsi que Naema s’était retrouvée à Draconys. Oncle Taemon avait fait en sorte de convaincre son père de l’y envoyer, en visite auprès de leurs cousins qui résidaient dans la ville. La jeune femme avait été bien accueillie. A dire vrai, elle avait apprécié retrouver cette partie de sa famille et comptait rester quelques jours à leurs côtés. Les rares dragons vivant dans leur entourage avaient besoin d’un regard extérieur pour s’assurer de leur bonne santé. Telle était donc la mission de la soigneuse. Une mission qu’elle avait pris la journée entière à réaliser et qui lui prendrait encore quelques jours. Il était toujours plus complexe de dompter un dragon lié à une personne dont la pureté du sang était inégale. Aussi, la jeune femme avait du s’y prendre à plusieurs fois pour apaiser les créatures qui requerraient son attention, et ce, malgré la présence de leurs chevaucheurs.


Naema en était quitte pour quelques contusions. Ces dernières n’étaient même pas dues aux Dragons mais plutôt au fait qu’elle avait du plusieurs fois se jeter au sol pour éviter leurs ailes ou les coups de leur queue. Alors que la jeune femme massait ses membres endoloris et bandait ses bras, elle ne pouvait s’empêcher de marmonner. Comment Oncle Taemon pouvait-il parvenir à de si bons résultats qu’importe les créatures qu’il croisait ? Grimaçant légèrement alors qu’elle resserrait son dernier bandage, la soigneuse se leva finalement, s’approchant de la vasque d’eau laissée à sa disposition. La surface pellucide refléta quelques instants son visage encore poussiéreux. Prenant de l’eau au creux de ses mains, la Vaelarys l’appliqua sur son visage. Faire bonne figure. Elle devait faire bonne figure. Car ce soir, les Vaelarys de Draconys rendaient visite à quelques amis et elle était cordialement invitée à les accompagner. La dernière fête avant longtemps, sans doute. Nul ne pouvait savoir si elles se poursuivraient réellement, avec la guerre qui grondait au loin.


Aussi passa-t-elle une robe que sa tante Daenerys avait déposé dans ses affaires à son attention. Elle pensait décidément à tout. Naema se refusa cependant à porter les quelques bijoux dissimulés par sa tante. Elle était mieux sans. Le casque que Oncle Taemon avait fait fabriqué à son intention suffirait. Aussi, Naema s’en coiffa, esquissant un sourire alors qu’elle passait à côté d’un miroir. Elle rejoignit ensuite sa famille, l’heure du départ étant venue. Les fêtes de Draconys ne ressemblaient en rien aux fêtes d’Oros ou de Valyria. Si elles avaient quelques points communs, sans doute les plus importants, il n’en restait pas moins qu’elles avaient une saveur différente. Il n’en resta pas moins que Naema ressentit le besoin de prendre un peu de distance avec les autres invités. Si les fêtes étaient monnaie courante dans la péninsule, la journée avait été éreintante et il lui fallait rassembler ses pensées avant de songer à se mêler à nouveau aux personnes en présence.


N’emportant avec elle que quelques victuailles placées dans sa coupe, la jeune femme évita quelques groupes de personnes, trouvant finalement refuge dans un petit bosquet. Suffisamment éloigné pour qu’elle puisse se reposer quelques instants mais également suffisamment près pour qu’elle puisse se mêler à nouveaux aux invités si son absence était remarquée. Fort heureusement, cette cachette n’était pas déjà occupée par quelques fervents croyants de Meleys. Naema s’installa donc là, mangeant les quelques fruits qu’elle avait pu emporter. Il lui faudrait aller voir Hyndrill, demain. Elle avait passé trop de temps avec d’autres dragons. Il lui fallait rééquilibrer la balance. Toute à ses pensées, la soigneuse sursauta légèrement en entendant des pas venant dans sa direction.


Relevant la tête, la Vaelarys remarqua alors la présence d’une autre jeune femme. A vrai dire, il s’agissait sans doute plus d’une adolescente. Esquissant alors un sourire, la jeune femme se releva, tapa sur l’étoffe de sa robe afin de la remettre en ordre. Grands Dieux, si Tante Daenerys la voyait ainsi… Sa coupe encore à moitié pleine de quelques fruits et de d’autres choses à la main, la Vaelarys fit signe à la nouvelle venue avant de lui lancer, à la cantonade :


« Mes excuses, je ne pensais pas que cette cachette était déjà occupée. Je te la laisse bien volontiers. »





( Gif de eternalroleplay. )
Elineor Taellarys
Elineor Taellarys
Dame

La nuit, tous les dragons sont gris
feat. Naema Vaelarys

Palais Taellarys & mois 4 de l'an 1062

La roideur mortifère du bâton vint meurtrir sa chair à plusieurs reprises. Une douleur devenue une atroce compagne au fil des années. Le perfide regard de Baessa Taellarys frappa Elineor plus rudement que les coups de sa canne. Une aversion souveraine s’écrasait sur la face vieillissante de la noble dynaste, révulsée par l’existence même de celle qui apparaissait sous ses yeux. Les années et la haine formaient de prodigieux sillons sur son pâle visage. Enlaidie. Hideuse. Méphitique.

Une colère sourde ourdit les entrailles de l’Oiseau Maudit, dirigée pleinement contre sa grand-mère et contre elle-même. La guerre avait frappé la demeure de Taellarys d’une terrible infortune, projetant les deux fils de Gaeron sur les champs de bataille, affrontant l’empire Ghis et s’exposant chaque jour à l’appétit vorace de Balerion. L’absence de Jaemarr le Jeune, héritier désigné de cette noblesse en déclin, écrasait ses maléfices sur les murs du Palais. Le joyau de Draconys. Merveilleuse demeure accrochée aux flancs des montagnes qui rendirent les Taellarys si prospères au cours des siècles, étincelante de richesses et d’enchantements. Hélas, les mines hurlaient leur agonie et les récoltes étaient sèches. Toutefois, comme capturée dans un écrin de magie, le palais conservait ses charmes somptueux. Un mirage éblouissant qui savait tromper l’œil de ceux qui ignoraient la terrible situation qui ébranlait les fondations désormais fragiles de cette illustre famille. Mais les tristes résidents de cet empire déchu n’étaient point abusés de tous ces artifices qui paraient murs et tables tout au long du jour. Il n’y avait que Alhyrys qui se complaisait dans cette douce fantaisie, se drapant d’or et d’étoffes précieuses, comme pour éloigner l’haleine fétide de la ruine. Seule Baessa savait sermonner sa petite-fille précieuse et l’exhorter à plus de raison. A son plus grand dam, cependant, la jeune fille s’ingéniait à l’art de la sottise et n’était guère convaincue par leurs coffres vides que par l’argument d’une guerre coûteuse. Ainsi, toutes les vanités d’Alhyrys ne parvenaient à être réfrénées par la poigne ferme de la noble douairière. L’âge fatiguait ses révoltes et la vieille dame n’avait plus le courage de lutter face à un caractère si capricieux et infantile auquel elle vouait une inexplicable tendresse. Les sens irrités par ses faiblesses, Baessa Taellarys se métamorphosait plus hostile, grignotée par l’inquiétude manifeste de ne point voir Jaemarr revenir de la guerre, ou pire encore, que son propre trépas survienne avant. Seule la sauvegarde du prestige des Taellarys agitait encore ses vieux os fourbus. Une gloire qu’elle ne supportait guère d’être entachée plus qu’elle ne l’était déjà. Et la vision du démon qui rôdait sous ses toits n’apaisait nullement son courroux. L’existence même d’Elineor était autant un mystère qu’une malédiction pour celle qui respectait scrupuleusement les préceptes des Quatorze et n’acceptait aucune impureté dans sa lignée. Dès lors que Daerya était morte en couche, donnant naissance à cette frêle créature, Baessa était assurée qu’Arrax appliquait sa propre justice sur les sacrilèges de Gaeron, chargeant Balerion d’emporter dans son antre ces êtres inaptes. Toutefois, celle qu’elle pensait condamnée dès l’éclosion s’était épanouie en une fleur délicate au cours des années. Une fleur maudite et hideuse qui avait passé bien trop d’hiver, ébranlant la foi de la dynaste. Se pouvait-il qu’Arrax souhaite laisser la vie à cette indigne progéniture ? N’avait-elle pas suffisamment prié pour la gloire des siens ? A présent, elle dédaignait tout semblant de grâce et percevait comme une affreuse punition la survie de cette immonde créature. Chaque aspect de son existence prouvait par mille fois son inaptitude à appartenir à cette famille, de la couleur d’écorce de sa chevelure à la maigreur de sa silhouette, de son absence de dragon à la difformité qui affligeait sa langue. Si ce n’était point par égard pour son fils, la vieille Dame-Dragon aurait eu tôt fait de jeter le corps du nourrisson dans la première rivière ou de l’enfermer là où nul ne pourrait la voir. Hélas, l’écho ténu du remord retenait sa main. Tout ce qu’elle pouvait faire était de la retenir en ces lieux, d’étouffer sa présence et ses paroles et de l’empêcher de paraître au regard des autres. La preuve écrasante de leur chute et de l’impureté de leur sang. Et pour chaque jour où Elineor lui faisait l’offense d’être toujours en vie, Baessa abattait ses foudres sur elle.

« Impertinente ! Que crois-tu ?! Ne t’avise point de paraître à la réception de ce soir. Si je devais ne discerner ne serait-ce que ton ombre, gare à mon courroux. Pars t’enfermer là où personne ne te verra. » Le regard sentencieux de Baessa s’entrechoqua à celui de l’Oiseau Maudit et un frisson menaça de la saisir. Deux prunelles pâles, limpides, prêtes à scruter et fouiller l’âme. Il lui semblait parfois qu’une créature maléfique logeait dans ses chairs pour qu’un tel pouvoir s’imprime sur sa rétine. Un affront silencieux qui lui valut une nouvelle correction. Cette fois-ci, Elineor n’attendit point que la colère de Baessa soit assouvie et s’enfuit, la laissant pantelante de rage et de fatigue. Son trépas était proche. Elle le sentait et réclamait dans ses silencieuses prières qu’elle soit délivrée de sa présence.

Bouillonnante de colère et les membres rompus de douleur, la damnée s’envola vers ses appartements. Si, autrefois, elle pouvait trouver quelque réconfort dans les bras de son père ou la compagnie de Jaemarr, ni l’un ni l’autre ne pouvait assurer ce rôle salvateur, le premier par sa démence, le second par son absence. Résolue à réprimer la plus subtile essence de faiblesse, la jeune fille effaça les larmes qui menaçaient de s’écraser sur ses joues.

Sa chambre lui apparut un refuge tout juste apaisant. L’envie dévorante de se joindre aux festivités la grignotait malgré la violente interdiction de Baessa. Et lorsque la nuit établit son règne sur la demeure et que l’effervescence de la fête vint la tenter jusque sous sa fenêtre, Elineor ne parvint à contenir sa curiosité. Ce fut d’abord une approche hésitante, louvoyant dans la pénombre pour observer l’animation entre conversations animées, banques fabuleux et somptueuses démonstrations. Musiciens, danseurs et autres artistes étaient dispersés pour présenter leur don offert par Tessarion sous le regard médusé de l’adolescente. Nul doute qu’Alhyrys était à l’origine d’un faste pareil et d’une telle démonstration de pouvoir. Sa progression s’établissait d’ombre en ombre, soucieuse à chaque instant de ne point être vue. Elle guettait la présence de sa sœur ou de Baessa en tous lieux. Le soulagement l’envahit dès lors qu’elle fut hors de l’étreinte des murs, ayant pu repérer qu’elles se trouvaient bien à l’intérieur et qu’aucune âme ne remarquait sa présence. Elle poussa sa fortune jusqu’à subtiliser une coupe et une grappe de raisins avant de s’enfouir dans les plis sombres du jardin. Depuis sa cachette, elle pouvait observer à loisir le mouvement de la fête, sirotant çà et là quelques gorgées de ce breuvage bien trop onéreux pour eux. Son attention fut captivée par l’échange subtil et gracieux d’un duo dont les mots voilaient un désir que leurs regards ne pouvaient tromper. Hélas, lorsque le couple vint à s’éloigner, Elineor fut abandonnée à sa fascination inassouvie. Déçue et dépouillée de son divertissement, la jeune fille décida de s’extraire de sa cachette pour en trouver une autre. Restant sous le couvert des buissons, sa progression s’interrompit à la vue d’une silhouette tapit dans la végétation.

Elineor s’agrippa des deux mains à sa coupe comme si cela permettait d’activer un sortilège qui la ferait disparaître d’un coup. Hélas, nulle magie ne vint à son secours et elle observa cette gracile Dame se redresser pour la saluer avec les usages. Frappée d’une telle beauté, ses lèvres semblaient scellées. Il ne lui avait guère été donné l’opportunité de s’adresser à quiconque ne résidant pas au palais. « N-non…c-ce n’est r-rien. » Accablée de gêne et étreinte par l’inquiétude d’avoir été repérée, sa voix la trahit plus encore. Se molestant silencieusement, elle s’arma pour reprendre plus de contenance. « Je t-t-t-en prie. R-reste. » Contredisant ses instincts qui réclamaient la fuite, Elineor s’assit près de la jeune femme, autant par volonté de rester que pour s’assurer d’être entièrement cachée. La curiosité se disputait à la raison quant à la présence de cette inconnue qui ne revêtait aucun masque hostile. Du moins, pas avant qu’elle n’ouvre la bouche. L’Oiseau Maudit n’osait scruter sa réaction, de crainte d’y lire quelque révulsion. « Te c-caches-tu de la fê-fête ? » s’enhardit-elle à demander, plongeant son nez dans sa coupe déjà bien entamée.



avatar
Invité
Invité

La nuit, tous les dragons sont gris.Elineor Taellarys et Naema Vaelarys.

Cité de Draconys & An 1062, mois 4.

Alors que la nouvelle venue ouvrait la bouche, Naema ne put se retenir de hausser les sourcils. Était-elle si effrayante, pour lui causer un tel trouble ? La jeune femme avait l’impression de se retrouver en compagnie d’un oisillon effrayé. La curiosité de la Dame Dragon avait cependant été piquée au vif. Après tout, cela ne lui coûtait rien, de rester assise quelques instants de plus. Si cela pouvait lui éviter ces personnes qui cherchaient à obtenir les faveurs de sa famille par son biais. Comme si elle avait un réel pouvoir, à ce sujet. Alors, après un hochement de tête, la Vaelarys se réinstalla sur le sol, posant sa coupe encore pleine à ses côtés. Ses phalanges se perdirent quelques instants dans le contenu du récipient, la jeune femme ôtant sa main alors qu’une nouvelle question lui était adressée.


« En quelques sortes. Naema esquissa un sourire suite à cette révélation. Disons que j’apprécie un peu de calme de temps à autre. Qui plus est, je dois avouer que je tire un certain amusement à tous et toutes les observer. Cela vaut bien des pièces de théâtre. »


Alors que la soigneuse se taisait, sa main se perdait à nouveau dans la coupe, finissant par y trouver une datte. Portant le fruit à ses lèvres, Naema se permit de détailler rapidement la jeune femme qui l’avait rejoint. A moins qu’il ne s’agisse plutôt d’une jeune fille ? Au premier regard, la Vaelarys n’aurait su dire. L’inconnue lui semblait bien frêle. En cela, ses réactions n’aidaient en rien à se forger une opinion différente. Si la Dame Dragon ne se cachait pas tant par crainte que par envie de s’isoler, la nature de la présence de la nouvelle venue ne semblait pas suivre ce principe.


« … Je suis Naema. finit par annoncer la Dame Dragon, tout sourire pour détendre l’atmosphère. Naema Vaelarys d’Oros, Dame Dragon et soigneuse de ces nobles créatures. Puis-je te demander à qui ai-je l’honneur ? »


Si elles devaient restées cachées un moment ensemble, autant échanger leurs prénoms. Cela rendrait cette conversation qui s’annonçait plus aisée. Qui plus est, Naema doutait avoir à faire à une jeune fille du commun. Quoique… A la réflexion faite, cela n’importait que peu. Ce n’était pas la Vaelarys qui la dénoncerait à un possible employeur. Elle n’était pas ici pour s’attirer des problèmes ou pour en attirer à autrui. Qu’importe les cas, connaître le prénom de cette inconnue resterait d’un certain confort. Farfouillant à nouveau dans sa coupe, le regard lilas de la jeune femme s’éclaira alors qu’elle y découvrait quelques morceaux d’orange confite.


« Et toi, que viens-tu faire ici ? s’enquit la soigneuse, tout en grignotant l’un des morceaux d’orange. Si ce n’est pas indiscret, bien sûr. La voix de Naema se fit plus amusée. Je comprendrai que tu veuilles te passer du récit de quelques conversations s’étirant en longueur malgré leur intérêt limité. Plusieurs personnes semblent en être particulièrement friandes, en ces lieux. Les dragons sont en cela bien plus agréables. S’ils peuvent se montrer bavards, au moins sont-ils capables de rester intéressants en toutes circonstances. »


Bien sûr, Naema appréciait les fêtes. Grandement, même. Celles du sud de la péninsule avaient une saveur toute particulière, à laquelle la Vaelarys goûtait toujours avec un réel plaisir. Et pourtant, la présence d’Hyndrill finissait toujours par lui manquer, de plus en plus à chaque heure qui passait. Il lui était déjà arrivé de s’éclipser de certaines réceptions afin de la retrouver. Il n’était pas forcément question de voler, qui plus est. La présence de la créature, même au sol, suffisait à son bonheur. La soigneuse devait cependant avouer que l’arrivée impromptue de cette inconnue avait rehaussé son intérêt pour ces festivités.




( Gif de eternalroleplay. )
Elineor Taellarys
Elineor Taellarys
Dame

La nuit, tous les dragons sont gris
feat. Naema Vaelarys

Palais Taellarys & mois 4 de l'an 1062

Le fragile Oiseau Maudit profitait des ombres de la nuit pour se dissimuler au regard des convives. Gare au courroux qui menacerait de s’abattre sur son être frêle si sa présence en ces lieux venait à être sue. Ces réjouissances, leurs délices et leur insouciance lui étaient formellement proscrits, au risque que la malédiction des Taellarys ne vienne à être exposée au grand jour. Elineor était usée à l’art ingrat de se fondre dans les moindres interstices d’obscurité. Elle faisait corps avec les ténèbres, jalonnant cet antre opaque d’un pas discret, presque insondable. Un témoin discret de toutes ces festivités, plus expansives les unes que les autres, gonflées de frivolité, d’explosion des sens et d’une allégresse qui intimidaient la jeune fille autant qu’elles attisaient sa curiosité.

Hélas, alors qu’elle se croyait sous le couvert de ces ombres rassurantes, une silhouette bougea tout près d’elle. Son cœur bondit dans sa poitrine, prêt à s’en extirper. Ses angoisses les plus vivaces lui firent penser que Maelor venait de la trouver. Il possédait toujours un don sûr pour la débusquer là où elle se cachait ou se trouver à sa proximité, la forçant à battre en retraite si elle ne souhaitait pas subir ses jeux pervers. La douleur roide des coups de canne de Baessa éprouvait encore ses jambes tandis que tout son être s’affolait la perspective de subir les sanctions promises. Cependant, se découpant dans les faibles lueurs de la nuit, ce fut un visage plus amène qui lui apparut. Un visage gracile à la courbe digne et souveraine, au regard profond et implacable. Malgré tout, une certaine bienveillance semblait se dégager de cette Valyrienne aux attraits inconnus. Cette dernière s’enquit même d’avoir troublé sa tranquillité et proposa son congé. Elineor n’eut d’autre sursaut que de celui de la retenir. Si la démarche n’avait rien de sage, elle trouvait plus malvenu encore de laisser s’échapper la personne qui venait tout juste de la surprendre. Plus étrange encore, sa présence attisait une curiosité toute singulière chez elle.

Son univers s’avérait restreint. Un monde rétréci aux parois épaisses, rugueuses et immuables dont elle ne parvenait à s’extirper. La malédiction des Taellarys… Elle était ce pâle joyau qu’il fallait dissimuler au regard de la haute société valyrienne. La preuve abjecte de la déliquescence de sa dynastie. Rares étaient les nobles qu’elle avait pu rencontrer et les visages qui tapissaient son existence. Il y avait une fascination toute sauvage à se précipiter dans cette rencontre aussi insolite que dangereuse. Il lui fut pourtant ardu d’ouvrir la bouche pour la retenir auprès d’elle et entamer ce qui s’affichait comme l’une de ses premières conversations. La gorge serrée, sa langue retorse lutta contre les mots qu’elle tentait de prononcer. Un combat plus éprouvant qu’à l’ordinaire. La crainte s’immisça par tous les interstices de son assurance poreuse. Son regard clair scruta une éventuelle rudesse de ses traits, l’esquisse d’un dégoût… mais n’en fut rien tandis que la Dame s’installait à ses côtés. La respiration de l’Oiseau se troubla à cette proximité si troublante. Ses doigts fins se resserrèrent sur sa coupe. Puis un léger rire ébranla ses épaules et craqua le masque figé sur son visage en écoutant l’inconnue. Elle partageait ce même plaisir particulier à se faire spectatrice de la pièce incongrue qui se jouait sous leurs yeux.

L’Oiseau Maudit se mordilla les lèvres au cœur de ce silence étrange. Autour d’elles, les effluves de la fête leur revenaient dans le lointain. Elle tentait de composer une phrase dans son esprit sans parvenir à la délivrer, la jugeant trop sotte, ou futile ou impossible à prononcer… L’inconnue l’arracha à son terrible combat intérieur en se présentant d’elle-même. Naema Vaelarys d’Oros, Dame Dragon et soigneuse… La poitrine de l’adolescente se gonfla d’un souffle aussi impressionné qu’intimidé. La fascination d’Elineor s’était métamorphosée en une admiration enfiévrée. Ces maîtres des cieux ne revêtaient qu’un aspect redoutable pour elle. Des créatures féroces, brutales et promptes à martyriser les plus vulnérables. Son aîné se délectait de la terreur qu’il suscitait en elle au renfort de son jumeau, aussi pervers et impitoyable que lui. Imaginer que cette frêle femme à ses côtés puissent régner auprès d'eux relevait du spectaculaire. Elle en aurait presque pu oublier de se présenter à son tour si la noble n’avait pas renouvelé ses questions.

Une nouvelle bataille se livra dans l’esprit de l’Oiseau… S’il lui apparaissait limpide qu’elle ne pouvait s’afficher en tant que Taellarys, guère désireuse de subir les foudres de sa grand-mère, il ne lui était pas encore venu à l’esprit une identité plus légitime. Aussi sa réponse fit-elle dans un sursaut impulsif. « Hel-lys. » bégaya-t-elle, usant du nom de sa servante. Aucun autre nom ne lui était venu à l’esprit. Et ce mensonge si peu travaillé vint à se construire au fil de sa parole cahoteuse. « Mon n-nom est H-Helys. Je… j-je ne suis p-pas censée êt-tre ici. » Son regard s’inclina vers sa coupe, comme si elle pourrait y déloger quelques nouveaux mensonges. « J-je voulais j-juste observ-ver la fêt-te. Je ne c-comptais rien faire de m-mal. » Il lui était aisé de s’approprier le langage de sa domestique pour s’adresser à Naema, la plupart de ses conversations s’instaurant avec elle. Le regard qu’elle releva vers la noble se fit implorant. « T-tu n’en p-parler-ras pas, n’est-ce p-pas ? » Outre le déplaisir qu’elle aurait à se heurter à la colère des siens, elle n’espérait pour rien au monde mettre sa servante dans une position délicate.

Mais au-delà de cette sécurité qu’elle s’accordait, la curiosité irradiait par chaque pore de son âme. Ses prunelles, sous l’éclat lunaire, se firent étincelantes tandis qu’elle se penchait un peu plus vers Naema. « Les drag-gons… c-comment sont-ils ? Ne les c-crains-tu p-pas ? »



Contenu sponsorisé