Cet après-midi là, Saerelys s’était enfermée dans l’une des salles du Collège. L’une de ces salles de petite taille, dépourvue de fenêtre. Les mixtures qu’elle préparait là ne devaient entrer en contact avec la lueur du jour avant que le processus soit achevé. Alors, malgré la précision de la tâche qui s’annonçait, la jeune femme fredonnait. Non lui d’elle, sur un pupitre, un livre était resté ouvert, dévoilant la nature de ses desseins. Ce n’était pas la première fois que la novice préparait un tel sort, bien au contraire. Elle avait du l’expérimenter plusieurs fois avant sa Grande Épreuve, et davantage encore auparavant. Dès lors, la jeune femme dansait entre le pupitre et sa table de préparation, s’assurant que les dosages étaient respectés, qu’elle n’avait pas oublié une étape.
Puis, inlassablement, Saerelys reprenait sa tâche. D’une main avertie, elle broyait plantes, cristaux orangés et autres petits éléments. Non loin d’elle, suspendu au-dessus d’un brasero, un petit chaudron de fer noir bouillonnait. Pour le moment, il ne s’agissait que d’une eau portée à la chaleur. Si l’Art que la jeune femme souhaitait perfectionnait était avant tout lié à la Sang Magie, il existait quelques artifices pour le stabiliser, pour s’assurer que la Toile serait plus magnanime à son égard. Vidant son mortier dans un bol de bois, la novice nettoya le récipient à l’eau claire avant d’y déposer quelques petits fragments d’os quelque peu arrondis. Son dernier ingrédient. Ensuite, les choses sérieuses débuteraient.
« Nous y voilà. murmura la jeune femme, alors qu’elle laissait s’écouler la poudre blanchâtre dans un autre pot. Ambre, neuf vertèbres réduites en poudre, charbon. Il ne me manquera plus qu’une bougie, un peu de mon sang et le tour sera joué. »
Au-dessus du brasero, l’eau bouillonnait encore et toujours, comme douée d’une vie propre. La première partie du sortilège pouvait débuter. Prenant le récipient remplit d’arbre dans une main, les vertèbres réduites en poudre dans l’autre, Saerelys versa délicatement leur contenu dans l’eau. A l’aide d’une longue cuillère d’acier valyrien, la novice remua le liquide qui avait pris une couleur quelque peu orangée. La cuisson durerait plusieurs heures. Puis, elle laisserait la mixture reposer, refroidir. Seule la nuit pouvait clore le rituel. Jusqu’à ce moment, jamais la lumière du soleil ne devait frôler la surface ondulante, frétillante.
Satisfaite de la teinte plus foncée prise par le liquide, Saerelys se saisit d’un morceau de tissu. L’enroulant autour de petite crémaillère, la jeune femme récupéra son chaudron, le déposant sur sa table de travail. Le couvrant à l’aide d’une autre pièce de fonte, la novice laissa échapper un soupir. La partie la plus dure de l’épreuve était désormais passée. Elle devait faire preuve de patience. Qui plus est, il lui restait une dernière partie du rituel à préparer avant que la nuit ne tombe ou que les cours ne reprennent. Séparant une partie des braises des flammes désormais mourantes, la Riahenor les déposa dans son mortier avec le charbon qu’elle avait gardé de côté. Les broyant ensemble, la jeune femme délaissa ensuite son pilon. Il y avait un ingrédient qu’elle n’avait pas encore utilisé. Il se trouvait là, dans ce minuscule coffre de bois, que Saerelys ouvrit d’un seul mouvement.
Un os d’une blancheur immaculée, à peine plus long qu’une phalange, reposait sur un petit morceau de tissu. Prenant l’os entre son pouce et son index, Saerelys le déposa dans les cendres mêlées au charbon, le recouvrant totalement. Il ne lui restait plus qu’à attendre que la nuit soit tombée, désormais.
(Image de delyriaesthetic.)