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Thermes, Cité de Valyria ֍ Troisième Mois de l'An 1066

Valyria était en ébullition. La Cité des Dieux s'apprêtait à accueillir ses valeureux guerriers qui avaient triomphé sur la Harpie. Une victoire totale, au prix de quatre longues années du conflit le plus sanglant que le péninsule ait connu. Débutée dans la trahison et l'assassinat, jalonnée de premières défaites qui avaient un instant fait tremblé tous les Dragons, on était finalement arrivé à bout des forces ghiscaries, pourtant supérieures en nombre et fortes de tout un Empire décidé à écraser ces fils de bergers qui, à leurs yeux, s'en référaient beaucoup trop à leurs Dieux. Mais lorsque les feux brûlants de leurs créatures s'étaient abattu sur leur précieuse Baie des Cerfs, ils avaient compris. Compris que cette civilisation au berceau protégé de quatorze volcans n'était pas de celles qui allaient s'éteindre, mais bien de celles qui perduraient jusqu'à la fin des temps. A mesure que les Seigneurs Dragons châtiaient leurs ennemis, les nouvelles des villes qui tombaient à leur merci enflammaient un peu plus la population ; et lorsqu'enfin, Meereen avait été prise, la liesse avait embrasé toute la péninsule. Si le temps du deuil empêcha qu'on se réjouisse pleinement de cet exploit, la paix qui fut définitivement signée sonna du même coup le retour de la joie. On préparait, sans aucune commune mesure à ce qui avait pu être fait par le passé, un triomphe digne de ceux qui s'étaient illustrés par leur bravoure et leur talents, et l'on murmurait que de grandioses festivités irrigueraient la capitale durant plusieurs jours durant. 

Envoyés depuis Aquos Dhaen pour préparer comme il se devait les appartements privés de leurs maîtres à Drivo, les serviteurs Arlaeron, composés pour moitié de domestiques de métier et pour moitié des tous nouveaux esclaves qui affluaient à Valyria a mesure que les armées se rapprochaient de la capitale, avait accueilli la famille du Sénateur Lucerys en grande pompe. Comme à leur habitude, ils avaient voyagé à dos de dragon. Aux côtés de sa belle-mère et de ses demi-frères et sœurs, Naerys avait chevauché Selarya, le cœur gonflé d’orgueil et de joie. Depuis le début des conflits, elle n'avait pas revu la capitale. Le Palais d'Argent offrait bien des distractions, mais rien, pas même la somptueuse architecture d'Aquos Dhaen, ne pouvait rivaliser avec l'éclat de la Cité de Valyria. De même, l'intimité que conférait la haute flèche de Drivo lui avait manqué. Enfin, la vie reprenait son cours ! Les festivités annoncées permettraient de nouveau de se retrouver entre pairs, de profiter de musique et de théâtre. Et bien que nombreux seraient ceux qui ne pourraient plus se joindre à eux, il y a avait fort à parier qu'on ne tarisse pas sur les libation en leur mémoire.

Après quelques jours d'acclimatation, Naerys avait décidé de se rendre aux thermes. Elle se languissait des grandes étuves de lait d’aînesse et d'un massage aux huiles que seuls les professionnels des bains transformaient en expérience des sens. Bien que Daerys ait supplié sa mère de la laisser se joindre à elle, Rhaelys avait refusé catégoriquement. Elle allait rendre visite à ses amies de la haute société valyrienne, et souhaitait que sa fille l'y accompagne. Ce serait l'occasion pour la jeune fille de ne pas constamment être accrochée à sa demi-sœur, ce dont l'intéressée ne se plaignait pourtant jamais. De toute évidence, il ne s'agissait là une fois de plus qu'une énième pique dans l'incessante guerre que se menaient les deux femmes, et qui semblait s'être ravivée après quelques semaines d'accalmie. Si Naerys était profondément attristée par l'absence de sa demi-sœur, qu'elle aimait plus que tout au monde et dont il était hors de question que sa belle-mère fane les plus belles années de sa jeunesse, ce fut le cœur presque léger que, flanquée de deux Jurés d'Argent ainsi que de sa toute nouvelle esclave personnelle, Shalya, qu'elle franchit les portes des thermes.  

« Je t'attends dehors, Maîtresse ? » Naerys se retourna vivement. « Et puis quoi encore ? Tu viens avec moi. Je ne veux pas qu'on dise que je n'entretiens pas mes serviteurs ! » Elle l'attrapa par la main et se fit remettre pour toutes deux des serviettes. Après quoi elles entrèrent dans le dédale des quelques dizaines de salles de bains, de massages et de repos. Après un premier bain froid et avoir été frictionnées de savon noir, on les mena à un grand bassin de lait d’aînesse. C'était si relaxant que Naerys en poussa un long soupir de plaisir. Shalya, qui n'avait pas souhaité se baigner, fit demander un luth et se mit doucement à jouer. « Tu es une vraie perle ! Continue, c'est très joli... » Acquiesçant, la jeune fille pressa les cordes de son instruments. Alors que Naerys se laissait doucement aller dans le bain, une domestique des thermes s'approcha. « Pardonne mon intrusion, noble Dame. Une nouvelle cliente vient d'arriver. » « Et bien, fais-là entrer, Taryna. Le bain est suffisamment grand pour deux ! »
Elaena Tergaryon
Elaena Tergaryon
Sénatrice


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Thermes, Cité de Valyria ֍ Troisième Mois de l'An 1066

Le palais Hoskagon, nom de notre résidence Valyrienne n'avait rien à envier au palais d'Oros où j'avais grandi. Je me rappelais de mon dernier séjour à Valyria et, même si la familiarité d'Oros me manquait déjà, j'étais ravie de prendre part à l'activité incessante de la capitale. Pas une journée ne s'écoulait sans qu'une fête, une représentation théâtrale où un banquet ne soient organisés. Il y avait de plus de nombreux avantages à être une demoiselle à Valyria, au palais d'Oros j'étais la petite fille de l'archonte, ici les jeunes gens prenaient moins de distance. Ici les jeux n'étaient pas ceux des enfants et les mots prenaient un sens tout différent. Mon arrivée était semble-t-il un véritable événement. Afin de m'ôter la nostalgie du palais d'Oros, mon père m'avait laissé entière liberté afin de décorer mes appartements, les plus grands et fastueux après ceux du Sénateur. Depuis plusieurs jours déjà les artisans et autres artistes se bousculaient afin de présenter leurs projets. Il y avait quelque chose de grisant que d'être pour une fois à la manoeuvre de quelque chose. Je n'étais plus l'enfant à qui l'on indique le comportement adéquate, j'étais celle qui ordonnait. Certes j'étais encore cantonnée à la décoration et les tissus mais le temps viendrait pour moi de commencer mes classes et de faire en sorte d'être à la hauteur de la responsabilité que l'on avait bien voulu faire reposer sur mes épaules.

« Elaena ? M’entends-tu ? »

Ma mère tenait une robe avec à mon sens trop peu de tissu pour être considérée comme telle et la levait face à elle, pour en évaluer la beauté sans doute. Pour être honnête je ne l’écoutais pas vraiment. Depuis notre arrivée elle n’avait eu qu’une obsession, faire savoir à la ville entière que sa fille adorée était arrivée. Elle avait eu une seule idée en tête : organiser de grandioses festivités pour fêter le retour prochain du reste des troupes - et notamment des héros de la guerre - mais également pour m’introduire officiellement dans la bonne société Valyrienne.

« Mère, je fréquente ces gens depuis ma naissance… Est-il vraiment nécessaire de me présenter à eux ? »
« C’est une question de protocole. Tu n’es plus la même qu’ils ont connu. Tu es Elaena Tergaryon, héritière de la branche d’Oros. Et cette héritière portera cette robe-ci. »
« Oui, oui… »

Assise près de la fenêtre, je faisais tourner le parchemin entre mes doigts, les quelques mots écrits par Maekar accaparant bien davantage mon attention que les mots de ma mère pourtant dans la même pièce que moi. Je ne l’avais pas entendu approcher mais elle elle m’arrachait rapidement le parchemin des mains, en débutant la lecture. Je me levais d’un bond pour tenter de le rattraper, en vain.

« Il n’est jamais bon pour une femme de ne vivre qu’au travers d’un homme, Elaena. Pose ce parchemin et prépare toi, nous rendons visite à une amie. »
« Oh Mère… »
« Et bien ? Quoi ? »
« Et bien… Je dois aller au thermes. J’ai déjà tout organisé. Marsalen doit m’y accompagner. N’est-ce pas, Nahyla ? »
« Oui, maîtresse. »

La jeune fille était une esclave tout juste arrivée dans la famille, de par sa posture et sa discrétion il avait été décidé qu’elle pourrait travailler auprès des femmes de la maison. Je l’avais immédiatement remarqué, elle était discrète mais ses yeux en disaient tant. J’étais loin d’être enthousiaste à l’idée que nous commencions à employer… à exploiter plutôt d’ailleurs les esclaves pris durant la guerre. Les premiers jours furent difficiles, Marsalen était discrète mais cela me donnait l’impression d’être constamment épiée par une ombre. Pourtant nous avions fini par discuter, sa maîtrise du Haut-Valyrien n’était pas parfaite mais elle avait appris quelques rudiments durant ses quelques mois de captivité à Meereen. Elle était d’un tempérament doux, craintif - sans doute à cause des nombreux sévices qu’elle avait du subir - et elle faisait preuve d’une curiosité étonnante bien que très souvent réprimée.

« La parole d’une esclave… »
« Mère, s’il te plait… Les thermes ne sont-ils pas un lieu parfait pour se montrer et rencontrer d’autres personnes ? »

Elle ne se donna même pas la peine de répondre et posa la robe sur le lit, avec un regard indiquant qu’il me faudrait la porter lors des festivités au palais. J’acquiesçais sans causer plus de troubles et attendais qu’elle sorte pour me tourner vers Mersalen, la remerciant d’un regard.

***

« Bien sûr, noble Dame Elaena, verrais-tu un inconvénient à partager l’endroit avec une autre noble Dame ? »
« Nous devrions parvenir à partager, j’imagine. »

Un sourire amusé aux lèvres, je prenais les serviettes et indiquait à Marsalen de me suivre.

« Maîtresse… »

Elle avait peur. Elle venait d’arriver dans cette ville, d’être donnée comme esclave à une famille qu’elle ne connaissait pas, et peut-être s’imaginait-elle que nous serions aussi monstrueux que ses anciens propriétaires.

« N’aies crainte. Il n’y a là rien de douloureux ou dangereux, bien au contraire ! Seulement si tu souhaites m’attendre à l’extérieur tu en as le droit, je ferai en sorte qu’ils te donnent de quoi boire et manger. Comprends-tu ? »

Elle levait les yeux vers moi, et je ne sus trop déchiffrer ce qu’ils contenaient, mais elle finit par hocher la tête et me suivre sans un mot de plus, ce que je pris comme le signe qu’elle devait me faire confiance. De nombreuses théories venues de Ghis prétendaient qu’il ne fallait jamais être trop bon avec ses esclaves, qu’ils devenaient par la suite fainéants et même rebelles. A première vue, je pouvais me permettre d’être humaine avec Mersalen avant qu’une once de rébellion n’illumine ses yeux éteins par des années de mauvais traitements. Il ne fallait pas avoir la sensibilité de Daenyra pour percevoir qu’elle avait souffert. Esclave ou non elle était une femme, de chair et de sang, alors je la traiterai au moins comme telle.

Nous entrions et rapidement je laissais derrière moi les nombreux soucis qui occupaient mon esprit et l’empêchaient d’être paisible depuis de si longues nuits. Les massages, les gommages, les bains froids, autant d’étapes qui peu à peu semblaient me débarrasser d’une seconde peau trop étriquée et pesante. Lorsque nous atteignions finalement la pièce du bain, au lait d’anesse, je me sentais comme née à nouveau. Prête à laisser derrière moi les inquiétudes et les turpitudes qui avaient éclos de mon esprit au départ d’Oros. J’entrais et découvrais un bassin somptueux, dans la pièce flottait un air de musique enchanteur.

« Bonjour. »

Sans plus de cérémonie j’entrais dans le bain, réprimant un soupir d’aise mais fermant les yeux à mesure que je m’immergeais. Je restais un instant silencieuse, égoïstement retranchée dans les méandres de mon esprit pour mieux profiter des sensations.

« Cet air est enchanteur… Mais je manque à tous mes devoirs, pardonnes-moi ! Je suis Elaena Tergaryon. Voici Mersalen. »

La jeune esclave était restée sur le bord, visiblement pas encouragée à rejoindre le bain par le fait de voir une autre esclave y ayant résisté. Je l’encourageais à s’y immerger mais elle préféra simplement s’asseoir non loin du bord.

« J’espère que tu ne vois pas d’inconvénient à me voir troubler ta quiétude. Je t’assure que quelques secondes encore et j’aurai été réduite au silence par le plaisir procuré par ce bain. »

Je riais et adressais un regard intrigué à la jeune femme qui me faisait face.

« Pardonnes-moi mais… il me semble que nous nous soyons déjà rencontrées ? Il y a quelques années déjà… Je… Ma mémoire est un terrible objet, sans doute pensé pour me torturer… »

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Thermes, Cité de Valyria ֍ Troisième Mois de l'An 1066

La domestique s'inclina. Se prélassant de nouveau dans l'étuve et fermant les yeux, ce fut non sans une certaine curiosité que Naerys attendit la nouvelle venue. Les bains étaient, tout comme la grande place et le bazar, un endroit propice aux rencontres et à la vie publique. Peut-être même plus encore, car l'on y abandonnait les soucis du quotidien pour un moment de détente et ainsi, l'esprit était d'avantage disposé à autrui. Nombre d'affaires s'étaient conclues entre deux massages et soins aux huiles ! En ces temps de fêtes, qui faisaient suite à tant de journées troubles, il y avait fort à parier que même les plus solitaires des citoyens s'adonneraient à quelques plaisirs. Quelle serait donc celle qui partagerait ce moment de volupté avec elle ? A l'annonce d'une femme, Naerys n'avait pas été surprise. Les thermes étaient réservées aux dames le matin, et comme elle pouvait se flatter d'évoluer en société depuis ses quinze ans, la jeune femme sentit son cœur battre avec une certaine forme de joie. Retrouverait-elle une de ses amies ? « Maîtresse ? Veux-tu que j'arrête ? » Shalya avait continué sa mélodie sans se laisser troubler par la nouvelle arrivée. Mais lorsque la mélodie avait touché à sa fin, elle avait marqué un temps de pause, et doucement recueilli les désirs de sa propriétaire. « Oh non, joue encore ! Je suis certaine que cela plaira, et puis je ne connais pas ces chansons. Ne t'arrête que lorsque je t'en ferai la demande... » aujouta-t-elle en sortant une main de l'eau et en caressant tendrement les cheveux de son esclave. Elle lui répondit par un grand sourire, et s'attela à son instrument, assise les jambes en tailleur sur le rebord de l'étuve.

Refermant les yeux, Naerys entendit la porte s'ouvrir, le bruits de pas d'abord étouffés sur les tapis puis, plus prononcés, de ceux sur le carrelage peint. Le bruissement d'étoffes que l'on retire, l'entrée de corps dans l'eau et le soupir bienheureux de celle qui goûte avec délectation aux charmes des vapeurs subtilement parfumées. Elle sourit. « Bonjour. » répondit-elle sur le même ton, entre détente et satisfaction, à la voix qui l'avait saluée. Un timbre qui ne lui était pas aussi étranger qu'elle le crut au premier abord. Entraînée depuis l'enfance à se servir de son oreille, sous le prétexte de travailler son chant, Naerys n'oubliait jamais un son déjà entendu une fois. Celui-ci réveillait des souvenirs lointains, d'avant-guerre et même encore. Il y avait même une pointe, un subtil accent, comme celui que l'on parle dans les villes du Centre. Sa curiosité définitivement piquée, Naerys ouvrit les yeux et fit face à une jeune femme qui devait avoir environ son âge, aux cheveux aussi argentés, et aux yeux d'un violet semblable aux siens. De toute évidence, il s'agissait d'une noble et de haute naissance. Le sang ne mentait pas, et plus il était grand, plus il conférait les caractéristiques de la beauté valyrienne à ceux qui étaient dignes de le porter en leurs veines. « Que les Quatorze t'enflamment d'un feu radieux, Elaena Tergaryon. Je me nomme Naerys Voix d'Argent Arlaeron.  » Que c'était bon de pouvoir à nouveau converser en civilisée ! La guerre avait jeté un voile timide sur de nombreuses rencontres, et Aquos Dhaen n'y avait pas échappé. Enfin, elle pouvait de nouveau user des formules dignes des grandes sphères, et faire honneur à son nom ainsi qu'à son baptême.

Lorsqu'elle lui présenta son esclave, elle ne pu s'empêcher de lever légèrement un sourcil. Elle devait en être fière pour lui accorder une telle importance aussi, Naerys s'accorda une minute de contemplation. Pas bien grande, elle baissait les yeux et semblait un rien apeurée. L'avait-elle battue ? Faisait-elle partie de ces créatures trop dépaysées pour réaliser leur chance que le sort lui réservait en l'ayant placée dans une noble famille valyrienne ? « C'est toi qui l'a appelée ainsi ? Shalya, ma meereenienne, avait un nom si exotique que je ne pouvais pas me résoudre à le lui changer ! » ajouta-t-elle en reportant son attention sur sa propre esclave. Docile, Shalya n'avait pas interrompu sa musique. « Elle a servi comme traductrice, et comme tu l'entends, c'est aussi une vraie mélomane ! Nous l'avons achetée avec son frère, j'ai hâte de le voir combattre dans la prochaine arène ! » Son enthousiasme était réel. Dès que les travaux avaient été lancés au Quadrant Nord, Naerys n'avait cessé de répéter qu'il ne leur fallait pas tarder à entraîner de potentiels gladiateurs. Elle mettait sa main à l'eau que le prestige de sa famille ne ferait que grandir si l'un de ses esclaves s'illustrait aux mêlées ou encore mieux, en combats singuliers. On disait que les prêtres de Vhagar avaient sollicité les flammes pour demander la bénédiction du Dieu de la guerre pour organiser des combats symboliques en l'honneur des héros. Si tel était le cas, le colosse qui servait d’aîné à son esclave personnelle serait passé à l'entrainement séance tenante ! 

« Une matinée aux thermes n'est jamais vraiment complète sans discussion, ta présence me ravie et... » La fin de sa phrase fut mangée par le bruit de la porte s'ouvrant de nouveau. Taryna était de retour, accompagnée de deux beaux esclaves masculins en pagne ; l'un portait un plateau débordant de fruits mûrs, l'autre une carafe et deux coupes. « Que la noble Naerys et la noble Elaena me pardonnent, j'ai pensé qu'une collation pourrait leur faire plaisir. » Tandis que l'esclave qui portait le plateau de fruits se retira à reculons et l'échine baissée, le second versait ce qui semblait être une citronnade fraîche dans chacune des deux coupes et les posa respectueusement sur les rebords de la cuve. « Comme toujours, tu devines les désirs avant qu'ils n'aient besoin d'être exprimés ! C'est délicieux ces chaleurs, mais j'avoue que la soif commençait à se faire ressentir ! » Taryna s'inclina et, claquant des doigts, intima à son serviteur de la suivre et de laisser à nouveau les deux jeunes femmes seules. Naerys tendit le bras pour se prendre la coupe entre ses doigts et la leva en direction de sa compagne. « Que ce citron aiguise nos sens et nous permette de lever le mystère de notre passé commun ! Aōha rytsāri ! » Au contact du savant mélange acide et sucré, Naerys frissonna. C'était comme si le temps ne s'était pas arrêté pendant quatre ans, que tout reprenait sa place. Elle poussa même un petit gémissement de bonheur, très vite suivi d'un léger rire. C'était si bon !

Observant la jeune fille par dessus sa coupe, elle cherchait fébrilement à se remémorer l'évidence. Les Tergaryon tenaient, au même titre que les siens ou les Maerion, le haut du pavé à Valyria. Une famille qui jouissait d'un splendide palais au Quadrant Ouest et d'une influence qui allait bien au delà de la capitale. A cette pensée, Naerys maintint sa coupe en suspens. Peut-être était-elle de cette branche particulière, celle qui faisait tant parler d'elle ? « Pardonne-moi, mais je peux me vanter de connaître les Tergaryon d'Hoskagon par leur prénom aussi... Serais-tu des Tergaryon d'Oros ? J'ai entendu le plus grand bien du vénérable Sénateur Vaegon par mon père, ils siègent ensemble au Sénat. Tu es ici pour le Triomphe ? » On n'avait cessé d'affluer depuis des jours et bientôt, la capitale serait fin prête à accueillir ses fils. Un retour qui en enchanterait plus d'un, Naerys comprise. Elle se languissait de retrouver son frère Laedor, dont la dernière lettre commençait à remonter et dont elle savait qu'il avait échappé de peu à la mort. Une nouvelle qui lui avait arraché un cri de douleur. La seule idée qu'on lui prenne son frère-amant suffisait à lui souffler celle de se prendre la vie, si c'était là le seul moyen de le retrouver.
Elaena Tergaryon
Elaena Tergaryon
Sénatrice


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Thermes, Cité de Valyria ֍ Troisième Mois de l'An 1066


« Que les Quatorze t'enflamment d'un feu radieux, Elaena Tergaryon. Je me nomme Naerys Voix d'Argent Arlaeron. C'est toi qui l'a appelée ainsi ? Shalya, ma meereenienne, avait un nom si exotique que je ne pouvais pas me résoudre à le lui changer ! Elle a servi comme traductrice, et comme tu l'entends, c'est aussi une vraie mélomane ! Nous l'avons achetée avec son frère, j'ai hâte de le voir combattre dans la prochaine arène ! » 

Je n’avais à vrai dire pas même pensé à changer son prénom. Je me souvenais encore du plaisir de mon père en m’offrant ce cadeau, qu’il considérait comme délicieux. Il y avait Marsalen, Yfene et Naoya. Des prénoms aux accents exotiques mais que je m’étais rapidement appropriés. Tous trois faisaient partie d’un contingent choisi par mon père afin de venir grossir les rangs des travailleurs au service de notre famille. En revanche, des trois qui m’étaient réservés, seule Marsalen était apparue comme capable de me tenir compagnie. Il y avait quelque chose chez elle qui m’avait émue, elle était encore timide, effrayée, mais elle avait vécu bien des choses et je ne doutais que cela lui avait donné de la force. Yfene était un homme puissant, dédié semblait-il à ma protection. Quant à Naoya, c’était une dame d’un âge plus avancé, ayant un aspect serein, presque résigné, elle maîtrisait cependant à la perfection la langue et bien d’autres, cet apprentissage avait été fait au prix de ses nombreux changements de maîtres.

« Il s’agit de son nom d'origine… Elle est avec moi depuis peu, et c’est bien ma première esclave. Je ne suis pas certaine d’être tout à fait au fait de la bonne manière de faire. Comme il est précieux d’être accompagné par un être muni de tels talents. »

Qu’il était étrange de posséder un autre être humain. Je n’avais jamais réellement porté d’attention particulière à la coutume ghiscari de l’esclavage. Je comprenais bien vite que cette main d’oeuvre était un avantage non négligeable, et pourtant je ne parvenais pas à les voir autrement que comme des êtres humains. Mon père avait pourtant été très clair, ils étaient nos biens, nous devions donc prendre soin d’eux comme nous prenions soin de nos meubles, mais il n’était guère question de s’y attacher comme l’on s’attacherait à une personne. Ils n’étaient pas des personnes, et leur condition était bien trop basse pour mériter notre confiance. Les soldats et généraux valyriens avaient vu les esclaves se révolter, et c’était justement cette révolte qui avait fait tomber Meereen. Il en était persuadé, si nous n’étions pas suffisamment stricts et si nous ne les surveillions pas, alors ils seraient notre perte. Je tentais de m’en convaincre. Sans grand succès jusqu’à présent.

« Une matinée aux thermes n'est jamais vraiment complète sans discussion, ta présence me ravie et... » 

J’adressais un sourire chaleureux à Naerys avant de me retourner vers celle qui s’appelait Taryna, je l’avais appris plus tôt à mon arrivée, et deux esclaves qui l’accompagnaient.

« Que la noble Naerys et la noble Elaena me pardonnent, j'ai pensé qu'une collation pourrait leur faire plaisir. »

Je me déplaçais afin de prendre une des coupes disposées à notre intention. Le métal était froid, sans doute le contraste avec le bain lui-même, et le portant à mes lèvres je dégustais une petite gorgée de la citronnade délicieuse qu’elle renfermait.

« Comme toujours, tu devines les désirs avant qu'ils n'aient besoin d'être exprimés ! C'est délicieux ces chaleurs, mais j'avoue que la soif commençait à se faire ressentir ! » 
« Je ne peux qu’ajouter mes louanges à celles de Dame Naerys ! »

Les trois disparaissaient rapidement.

« Que ce citron aiguise nos sens et nous permette de lever le mystère de notre passé commun ! Aōha rytsāri ! »
« Aōha rytsāri ! … »

Je le vais ma coupe également, en direction de la jeune femme, la portant ensuite à mes lèvres à nouveau et prenant cette fois-ci une plus grande gorgée. Fermant les yeux un instant, je retrouvais le plaisir de ce gout acidulé, auquel nous étions si habitués car les citrons ne manquaient pas de pousser dans les jardins du palais.

« … Cela me ramène aux citrons de nos jardins. Les fruits y sont si abondants, un ravissement pour les sens. »

Je prenais un instant pour rêver à ces instants joyeux de notre jeunesse. Combien de fois avais-je conduit Maekar dans ce verger, lui s’adossant au tronc d’un pommier, moi déposant ma tête sur ses cuisses. Ce rituel était le nôtre. Il me parlait de son année de service militaire, de ses cours si nombreux, mais il partageait aussi ses ambitions et ses pensée profondes. Ces moments étaient au départ de simples moments nous permettant de nous éloigner de l’effervescence du palais. Avec l’âge et alors que nous nous rapprochions, ces moments étaient aussi l’occasion de nous retrouver. A mesure que nous grandissions, les obligations de chacun nous tenaient éloignés l’un de l’autre dans le palais. Ces instants volés étaient d’une beauté saisissante. Nous nous désirions bien sûr, mais il n’était pas là question de pulsions charnelles de jeunes adultes… Non, notre communion était aussi celle de l’esprit. Nous partagions tout.

« Pardonne-moi, mais je peux me vanter de connaître les Tergaryon d'Hoskagon par leur prénom aussi... Serais-tu des Tergaryon d'Oros ? J'ai entendu le plus grand bien du vénérable Sénateur Vaegon par mon père, ils siègent ensemble au Sénat. Tu es ici pour le Triomphe ? »

Je sortais difficilement de mes rêveries, concentrant mon attention sur celle qui partageait mon bain. Il serait bien temps de panser à Maekar.

« Tu connais donc mes cousins. Le Sénateur Vaegon est mon père et j’ai passé une grande partie de mon enfance dans le palais de mon grand-père, dans la ville d’Oros. Valyria est une ville somptueuse, mais je crois ne pas être trop orgueilleuse en affirmant qu’Oros est une merveille non loin de lui faire concurrence. »

Je tendais le bras pour attraper quelques grains de raisins.

« Pour le Triomphe, entre autres. »

Je buvais une gorgée.

« Comme je suis impatiente d’assister au retour de nos troupes et de nos héros… Cela promet d’être un spectacle grandiose ! Oh bien sûr j’attends avec impatience les festivités, comme nous tous. Mais je suis bien égoïste, la guerre m’a pris deux frères, elle a été assez cruelle pour m’en prendre un, j’attends que le Triomphe me rende le second, Maekar. J’imagines que tu attends également avec impatience le retour de ton frère ? Il me semble que Maekar ait évoquer ton père, ainsi que ton frère, dans certaines de ses lettres. »


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Thermes, Cité de Valyria ֍ Troisième Mois de l'An 1066

Naerys avait vu juste, la petite esclave n'était pas encore acclimatée, et ce malgré la visible indulgence dont sa maîtresse faisait preuve à son égard. En cela, elle avait une chance supplémentaire. Si elle avait été sienne, jamais Naerys ne lui aurait permis de se montrer ainsi, les joues empourprées et le regard timoré, c'était tout bonnement misérable et aurait jeté le déshonneur sur son nom ! Voulait-elle qu'on dise que ses maîtres ne savaient pas tenir une maison ? Cherchait-elle à ce qu'on la traite comme dans les contrées barbares d'où elle était originaire ? Haussant les épaules, elle se laissa tenter par une figue. Libre à sa compagne de faire comme bon lui semblait avec ce qui lui appartenait. Elle espérait simplement que, si leurs chemins étaient voués à se croiser de nouveau, la jeune femme ait su faire comprendre l'importance de l'apparence à Valyria, à défaut de la remplacer par quelque chose de plus convenable pour l'accompagner en public ! « Nous avons fait appel à un excellent contremaître pour nos esclaves ! Ses conseils étaient précieux, c'est un homme d'expérience, un astapori qui longtemps servi à la « plaza d'Orgueil » ! Je te conseille de t’entourer d'un de ses semblables, on dit qu'ils tiennent le haut du pavé de leur nouvelle Guilde... ! Bien sûr, ils demandent à être grassement payés mais c'est comme pour tout : le meilleur exige forte contrepartie ! » ajouta-t-elle en fronçant son petit nez. Elle avait retrouvé son élément, celui des discussions mondaines et teintées de commérages, et elle en tirait un vif plaisir. Les quatre dernières années avaient été beaucoup trop maussades, rythmées par l'attente de nouvelles venues du front ou pire, de vols de défense. Elle n'y avait que peu pris part, craignant pour sa dragonne et du reste trop peu entraînée. De son point de vue, les cieux étaient le privilège de la joie et non de la mort.

Alors que Shalya entamait une nouvelle mélodie, Naerys écouta la jeune femme avec attention. Sa remarque sur ses jardins ne lui avaient pas échappée, renforçant l'idée première de sa nativité du Centre à l'écouter parler. Au Sud, les cultures étaient moins abondantes malgré les cendres fertiles, et les terres beaucoup plus minérales - ce dont les siens avaient su tirer profit en faisant de l'argent scintillant leur signature. Aquos Dhaen resplendissait de lignes épurées et fraiches, le coulures mélangeant le précieux métal et le feu-dragon donnant un aspect féerique à leur palais mais à la ville toute entière, à mesure que des générations d'Arlaeron s'étaient improvisés patrons protecteurs de la ville. C'était si beau que cela attirait moulte marchands, ce dont on avait grand besoin. Dans jardins à elle, où les pièces d'eaux reflétaient les images de gracieuses statues serties de pierres précieuses, moulées dans un savant mélange de marbre et d'argent, les arbres fruitiers provenaient de graines importées. Ce devait être divertissant de pouvoir profiter des merveilles de la nature aussi simplement, ce qui ne fit que piquer d'avantage encore sa curiosité ! Qui était-elle donc ?

Son hypothèse de l'associer aux cadets du regretté Rhaenar Terharyon s'avéra comme bonne. Naerys connaissait en effet bien les Tergaryon "d'Hoskagon" - en référence à leur sublime palais de la capitale et où plus d'une fois, elle avait été conviée pour chanter ou tout simplement, se mélanger aux dames de la maison. Elle en gardait cependant des souvenirs mitigés, bien différents de ses séjours au Castel Maerion qui pourtant, jouissait d'une réputation bien plus sulfureuse malgré tous les efforts de la dame Vhyseria. Peut-être était-ce dû au prénom de la benjamine du palais, Rhaelys Tergaryon, dont le prénom n'avait de cesse de lui rappeler celui de sa belle-mère qu'elle ne pouvait sentir ? Préjugés absurdes mais qui ont la dent dure, et dont Naerys ne s'était jamais donné la peine de se défaire ? A quoi bon ? Il existe bien d'autres familles avec lesquelles tisser des liens, et du reste, on parlait bien d'avantage des Tergaryon d'Oros qui avaient la fantaisie d'être issue de la première union non consanguine de la lignée. Un événement suffisamment rare pour une famille du Sud pour être non seulement noté mais également raillé. Quelle idée saugrenue d'aller accepter pour épouse, toute fille d'Archonte soit-elle, une étrangère à son sang ? De quelles étrangeté seraient donc façonnés les possibles enfants d'un tel mariage, car il avait donné des fruits, malgré les rumeurs de malédiction. On murmurait en effet que la colère de l'abominable Saelyra Vaelgaris, qui s'élevait en papesse - indésirée - de la pureté du sang, avait jeté un sort non seulement sur toute une branche qu'elle considérait mécréante, mais plus encore sur la lignée toute entière. Mais à regarder la jeune femme qui lui faisait face, Naerys ne pouvait constater ni furoncle, ni laideur d'esprit.

Et brusquement, Naerys eut une révélation. Ses yeux violet s'agrandirent de bonheur, ses longs cils noirs papillonnant frénétiquement tendit qu'elle joignit les mains contre ses seins. « Par les Quatorze réunis ! Elaena ! Elaena Tergaryon ! Tu es du sang de celui auquel je dois la vie ! » Sans se soucier ni des convenances, ni de ses seins, ni du fait qu'elle se trouvait dans un bassin rempli de lait animal réchauffé, elle nagea jusqu'à la jeune femme et la serra contre elle. Durant le temps de l'étreinte forcée, elle riait contre l'épaule de la dépourvue, quelques larmes coulant même contre sa joue. Finalement, elle la libéra, mais non sans prendre fraternellement son visage entre ses deux mains, caressant ces joues l'instant d'avant encore étrangères, et qu'elle considérait à présent le plus précieusement du monde. « Ton frère a sauvé le mien d'une mort certaine ! J'ai juré devant les Vhagar, Tyraxes, Shrykos et Balerion que je me prosternerai devant ce héros, ce Maekar Tergaryon dont je ne connais que le nom, et voilà que les Dieux m'envoient sa chaire ! C'est un signe ! Tu seras mon amie, non plus encore, tu seras ma sœur ! Oh, quelle joie ! » Des effusions si vives qu'elle pouvaient paraître feintes et pourtant, il n'en était rien. Transfigurée, Naerys irradiait d'une gratitude réelle. Sans Laedor, et plus encore depuis qu'à ses quinze ans, il l'avait définitivement faite sienne, elle ne s'imaginait pas une vie sans lui. Et malgré tous les plaisirs et les merveilles qu'elle avait à offrir, elle n'aurait pas hésité à la tronquer contre la mort si tel avait été le destin de celui qu'elle aimait.
Elaena Tergaryon
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Sénatrice

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Thermes, Cité de Valyria ֍ Troisième Mois de l'An 1066


« Nous avons fait appel à un excellent contremaître pour nos esclaves ! Ses conseils étaient précieux, c'est un homme d'expérience, un astapori qui longtemps servi à la « plaza d'Orgueil » ! Je te conseille de t’entourer d'un de ses semblables, on dit qu'ils tiennent le haut du pavé de leur nouvelle Guilde... ! Bien sûr, ils demandent à être grassement payés mais c'est comme pour tout : le meilleur exige forte contrepartie ! »

« Oh, et bien… oui j’imagine que nous pourrons en faire de même. Quelle chance de profiter de tes précieux conseils, Naerys. »

Je buvais une nouvelle gorgée, plus sceptique je ne l’avais laissé percevoir. La rumeur voulait que les méthodes des astapori avaient tout de barbare et que s’ils obtenaient des résultats probants, c’était bien parce qu’ils ne rechignaient à aucune extrémité. Je connaissais ma tendance au sentimentalisme, mon père n’hésitait pas à me faire remarquer qu’il me faudrait me débarrasser d’états d’âmes inutiles si je voulais survivre au destin qui était à présent le mien. Peut-être d’ailleurs n’était-ce pas rendre service à Marsalen que de la traiter différemment du fait d’une certaine pitié que je pourrais nourrir à son égard. Après tout, était-il juste de la prendre davantage en pitié que tous les autres ? Et avais-je seulement la place en mon cœur pour avoir pitié de tous les esclaves amenés à Valyria ? Je pouvais imaginer sans peine les railleries d’Aenar, sans doute m’aurait-il traitée d’enfant, m’invitant à grandir pour ouvrir les yeux sur le fait que le monde, le vrai monde pas le monde idéaliste dans lequel je semblais évoluer, tournais sur le dos de ces esclaves que je prenais en pitié.

Parler d’Oros avait le don de me plonger dans une certaine nostalgie. Bien sûr grâce à Meghar le palais de mon grand-père n’était guère éloigné de Valyria, et il serait facile de m’y rendre. Pourtant je n’avais aucun doute sur le fait qu’à mesure que le temps passe je sois de plus en plus sollicitée. Je me demandais parfois si je n’aurais pas simplement du insister auprès de Maekar pour qu’il renonce à son siège. Ou bien inviter mon père à désigner quelqu’un d’autre… Mais qui ? Il aurait été encore plus injuste de faire retomber cette tâche sur les frêles épaules de Daenyra qui avait toujours détesté la vie publique, ou du moins en restait éloignée le plus souvent possible. Maerion était au Collège et avait, par ce fait, abandonné toute légitimité. Faute d’héritier direct, ou d’héritier de la branche ainée des Vaelarys, e siège risquait alors de revenir à nos cousins, ceux-là mêmes qui récemment avaient commencé à se montrer distants. Jaloux, disait mon père. Il n’ignorait pas que la gloire grandissante de notre famille, permise par l’union avec les Vaelarys, avait attisé la colère de son frère ainé.

« Par les Quatorze réunis ! Elaena ! Elaena Tergaryon ! Tu es du sang de celui auquel je dois la vie ! »

Soudainement tirée de mes réflexions, je refixais mon regard sur la jeune femme qui m’adressait à présent un regard plein de surprise et d’enthousiasme. Il me fallut un instant pour ne serait-ce que remettre de l’ordre dans les mots qui venaient de me tirer d’une réflexion profonde, et pour essayer d’en comprendre le sens. Alors que j’ouvrais la bouche pour lui demander de préciser, elle nagea vers moi et m’enserra vivement. J’aurais pu dire qu’elle s’était jetée sur moi, mais cela aurait sans doute été injuste envers la grâce qui était la sienne. Affirmer qu’être enlacée, nue, dans un bain de lait d’ânesse, par une jeune femme elle-même nue, était une première pour moi était sans doute inutile, ce n’était guère le genre de situation dans lesquelles j’avais pu me trouver à Oros. Je restais légèrement raide alors qu’elle brisait son étreinte pour finalement déposer ses mains sur visage. Elle… pleurait-elle réellement ? J’étais presque tentée de regarder autour de nous afin de trouver le deuxième plaisantin, mais je pouvais voir dans ses yeux que tout cela n’avait rien d’une plaisanterie. Je lui adressais un sourire, sincère, car j’étais étrangement touchée par ce débordement d’émotion à mon égard, mais également interrogateur, car sa réaction était pour moi toujours aussi mystérieuse.

« … Je suis… comment ? »
« Ton frère a sauvé le mien d'une mort certaine ! J'ai juré devant les Vhagar, Tyraxes, Shrykos et Balerion que je me prosternerai devant ce héros, ce Maekar Tergaryon dont je ne connais que le nom, et voilà que les Dieux m'envoient sa chaire ! C'est un signe ! Tu seras mon amie, non plus encore, tu seras ma sœur ! Oh, quelle joie ! »

Ma bouche avait à peine le temps de former un « Oh », comme signal que tout s’éclairait, qu’elle me serrait à nouveau dans ses bras, toujours bouleversée. Tout s’éclairait en effet car je n’étais pas ignorante de ce fait et du fait que Laedor, en retour, avait également sauvé la vie de Maekar lors d’un combat. Les deux hommes étaient devenus amis, comme soudés à jamais par l’idée de devoir sa vie à l’autre. Alors, éprise moi-même d’une certaine émotion, surprise mais comblée par la proximité que cela avait instauré entre nous. Elle aimait son frère, d’un amour profond et dévastateur, comment expliquer dès lors une telle réaction ? En cela nous ne pouvions que nous comprendre.

« Oh Naerys comme ai-je pu ne pas comprendre lorsque tu as prononcé ton nom ! Tu es donc la sœur de ce Laedor dont Maekar m’a tant parlé. Si les écrits de mon frère sont exacts, il me semble qu’il lui doive la vie autant que Laedor lui doit la sienne. »

Je souriais, serrant la main de la jeune femme dans la mienne pour sceller cette rencontre Ô combien mouvementée.

« Si j’en crois la lueur dans ton regard, je serais tentée de parier sur le fait que tu attends le retour de nos héros avec la même impatience fébrile que moi. »

Alors que nous retrouvions une certaine distance, restant cependant plus proches qu’auparavant, je reprenais la coupe que j’avais posée en catastrophe pour en préserver le breuvage, et y trempais mes lèvres, d’un air absent. Le Triomphe approchait, déjà les rues étaient préparées en prévision du retour de nos héros… Nos héros… Si je devais être honnête je me moquais bien du butin, des esclaves et de la gloire, et d’ailleurs il n’y avait qu’un héros, un seul, qui importait.

« Nous pourrons enfin laisser cette guerre derrière nous, retrouver les joies et plaisirs de la vie valyrienne ! J’espère, à cette occasion, pouvoir te présenter Maekar, il n’est pas le plus grand adepte des fêtes mais après quatre années de guerre je devrais avoir les arguments nécessaires pour l’influencer… Et tu me présenteras ton frère, que je puisse le remercier d’avoir permis que le mienne me revienne. Si j’avais du le perdre, lui aussi, je ne l’aurais pas supporté. »

Je riais, de bon cœur, amusée à l’image que je me faisais de l’expression que Maekar aurait eu à m’entendre parler ainsi. Sans doute aurait-il ri, sans doute se serait-il allègrement moqué de moi, peut-être même m’aurait-il lancé quelques piques, et j’aurais répondu de plus belle… Ces joutes verbales étaient ce qui était le plus à même de stimuler le feu qui nous unissait. Nous n’étions pas de ces amants si doux qu’ils en deviennent écoeurants, nous aimions nous mettre au défi, nous provoquer.

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Toute à sa joie, Naerys ne s'était pas souciée un instant de ce qu'une telle réaction provoquerait chez celle dont elle avait décrété qu'elle serait sa sœur. Mais pourquoi faire ? Les liens qui les uniraient ne pourraient être que de ceux forgés sans que beaucoup mots ne soient nécessaires, filles de bien nés, élevée à la douceur de vivre et sœurs aimantes de deux combattants d'une trempe égale qui venaient de s'illustrer sur le champ de bataille ! Si en d'autres circonstances, elle se serait sans doute trouvée d'avantage sur la retenue - après tout, Elaena avait évolué dans des sphères étrangères à la capitale - il en était tout autre dans ce bassin qui sentait bon le miel et les huiles parfumées. A moins que les senteurs ne lui montaient à la tête ? Elle se surprit à rire. C'était possible et pourtant, elle ne s'en souciait pas. Rien n'avait plus d'importance, sinon cette fraîche jeune fille qui, la première explosion de surprise passée, lui prit les mains aussi tendrement que Naerys lui avait embrassé les joues ! Elles nageaient si visiblement dans un bonheur exalté que quiconque serait entré à cet instant dans le bain n'y aurait vu que du feu ! D'ailleurs, il n'y avait qu'à regarder leurs deux esclaves : un sourire contagieux éclairaient leurs visages, à elles aussi !

« Nous nous devons donc la vie mutuellement, Prūmia Mandia ! » Sœur de cœur, voilà ce qu'elle seraient. Naerys le savait, Naerys le sentait. Au plus profond de son âme, chevillée depuis les nuits d'éternité à celles de ce frère qu'elle chérissait tant. Elle se mit à rire de plus belle, quelques larmes de joie coulant depuis ses yeux violet sur ses joues rosies par l'excitation. D'une doigt charmant, elle en chassa quelques unes. « D'ordinaire, j'aurais été jalouse d'un homme qui aurait eu l’audace de me voler une place de choix dans le cœur de mon frère mais je suis prête à faire une exception pour Maekar Tergaryon, après tout, Laedor devra bien me partager avec toi en retour ! » Rien n'était plus vrai. Naerys n'avait jamais conçu l'amitié comme une chose réelle, tangible. Il y avait Aerys Maerion qui s'approchait beaucoup de l'idée de ce que le commun se faisait de tels liens, mais même en connaissant une même personne depuis tant d'années - on pouvait presque parler de berceau ! - elle ne s'était jamais laissée aller jusqu'à prononcer le titre. Peut-être parce qu'il était de ce sexe fort avec lequel s'installait toujours des jeux troubles depuis qu'elle était en âge d'y jouer, ou peut-être aussi parce qu'il était le fils d'un homme qui lui inspirait beaucoup de chose, incluant méfiance et même une forme très raffiné de dégoût.

Elaena serait bien différente des autres. Elle n'aurait pas pour elle le même amour fraternel qu'elle gardait tout entier pour sa cadette, Daerys, ou encore la tendresse toute nouvelle construite avec Daenerys Maerion sur quatre années d'attente. Elaena serait le témoin vivant de sa spontanéité, de ses élans d'émotions qui caractérisaient les Arlaeron au moins que leurs brusques retours à leur froideur, aussi hautaine qu'irritante. Naerys n'échappait pas à cette fantaisie de la nature, qui n'avait de naturelle que celle qu'engendre fatalement le mélange des mêmes sangs, grondant l'un contre l'autre pour se faire aussi langoureux qu'explosif. Mais Elaena le comprendrait. Comment pouvait-il en être autrement ? « Impatience ? Je me meurs noyée de sueurs bien plus froides que cela ! Surtout depuis que je sais leurs exploits ! On raconte que leurs armures rutilent de gloire, et qu'ils seront tous deux récompensés par les Lumières en personne ! Tu rends-tu compte ? Non, vraiment : je n'en puis plus d'attendre, et si je ne t'avais pas rencontrée, je crois que je serais allée au devant de ces maudites armées pour aller les trouver directement ! » Elle n'exagérait qu'à peine. Combien de fois, en effet, avait-elle poussé l'imprudence jusqu'à survoler les frontières d'Aquos Dhaen, jouant avec l'idée d'aller retrouvé son aimé ? Trop de fois pour ne pas revenir de chaque escapade avec une Selarya aussi frustrée qu'elle. 

« Viens ! Buvons à cet avenir qui s'annonce radieux ! » Sa voix claironnait, vibrait encore aussi de quelques rires, alors que Naerys apposa un autre baiser sur la joue de la jeune femme avant de l’entraîner d'une main toujours dans sienne vers le rebords de la cuve. Shalya s'était empressée de verser un peu de vin supplémentaire pour remplir les deux coupes qui y reposaient et Naerys les prit toutes deux, avant d'en tendre une à Elaena. « Je bois... Je bois à la vie ! Aux merveilles de ses détours et en particulier celui qui me donna l'envie de venir aux thermes en ce jour béni ! »
Elaena Tergaryon
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Sénatrice


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« Il parait que la jalousie est un terrible défaut pour une valyrienne… »

Mon sourire était taquin, amusée de voir une jeune femme sans doute aussi éprise de son frère que je l’étais du mien. Je retrouvais beaucoup de moi-même dans cette jeune femme dont l’enthousiasme, cependant, dépassait cependant largement le mien.

« … Je ne te jetterai pas la pierre, lorsqu’il s’agit de Maekar il me faut me faire violence pour me montrer partageuse. »

Je levais ma coupe en direction de la jeune femme, un sourire radieux aux lèvres à la perspective d’avoir enfin trouvé une âme semblable avec laquelle partager mes débuts à Valyria. Après tout, si j’en croyais l’étincelle dans ses yeux lorsqu’elle avait évoqué le nom de Laedor, Naerys avait du souffrir de cette guerre et de cette absence particulière au moins autant que moi.

« Impatience ? Je me meurs noyée de sueurs bien plus froides que cela ! Surtout depuis que je sais leurs exploits ! On raconte que leurs armures rutilent de gloire, et qu'ils seront tous deux récompensés par les Lumières en personne ! Tu rends-tu compte ? Non, vraiment : je n'en puis plus d'attendre, et si je ne t'avais pas rencontrée, je crois que je serais allée au devant de ces maudites armées pour aller les trouver directement ! »

Aller au devant des armées, en effet cela avait bien plus d’une fois effleuré mon esprit. Combien de fois avais-je profiter d’un instant libre pour faire faux bonds à mon cousin Maegon et voler aussi loin que possible, me rapprochant toujours un peu plus des territoires ghiscaris sans jamais cependant oser aller suffisamment loin pour me targuer d’un courage aveugle. Je me rappelais sans cesse cette nuit, il y a trois ans, où nous avions eu la chance de revoir Maekar à Oros. Ce dernier avait obtenu une permission de quelques jours eu égard à sa nouvelle promotion et à la perte de notre frère. J’avais ce soir là évoqué de me joindre à lui, partir en guerre moi aussi comme tant d’autres avaient du le faire. Cela avait beau remonter à trois années déjà, je n’avais jamais oublié le regard de mon frère à l’idée que je puisse m’engager dans cette guerre. Je ne l’avais toujours vu que comme un héros, avant même que le monde ne le consacre comme tel, un homme fait d’un acier plus dur encore que l’acier valyrien. L’acier s’était fissuré ce soir-là, par ma faute, et j’avais juré, à lui comme à moi, de ne plus évoquer cette idée. Mon effort de guerre était de rester loin de lui, en sécurité, pour ne pas ajouter à son coeur la douleur d’une perte supplémentaire.

« Oh comme je te comprends, j’ai moi-même menacé de rejoindre la guerre… Cela me semblait un danger bien moindre que celui d’être séparée encore longtemps de mon frère. C’est bien peu dire qu’affirmer que l’idée n’a guère trouvé grâce à ses yeux. »

J’en riais, en présence de Naerys, mais ce simple souvenir suffisait à raviver la peine qui avait brisé mon coeur lorsque j’avais du le laisser quitter mon lit le lendemain matin et reprendre la route vers un destin qui me semblait plus incertain que jamais.

« J’ai toujours su qu’il était un héros… Je suis bien aise de voir que Valyria confirme ce qu’une adolescente sous le charme avait toujours su. »

Je riais, amusée de cette image d’amoureuse éperdue que j’acceptais de dépeindre. Il n’y avait là cependant rien d’inexact. A nous voir, Maekar et moi, il était aisé de deviner qu’un lien particulier nous unissait, en revanche la nature même de nos échanges impliquaient que nous passions notre temps à nous défier, à nous provoquer. Bien loin de l’amoureuse adolescente éperdue et transie que je dépeignais, c’était plutôt celle qui lui tenait tête, qui usait de tous les artifices en sa possession pour le rendre fou. Nous offrions bien volontiers l’image du désir quand ce qui nous unissait vraiment allait bien au-delà. Je me laissais guider sans résistance par Naerys à travers le bassin, me rapprochant des quelques victuailles déposées à notre intention. Je profitais du fait que Naerys se saisisse des deux coupes pour attraper une fraise et y croquer avec gourmandise. Attrapant la coupe que mon amie me tendait, je terminais la fraise dans un soupir d’aise.

« Viens ! Buvons à cet avenir qui s'annonce radieux ! » 
« Au retour de nos héros et à notre rencontre aussi fortuite que formidable ! »
« Je bois... Je bois à la vie ! Aux merveilles de ses détours et en particulier celui qui me donna l'envie de venir aux thermes en ce jour béni ! »

Nous tendions nos coupes en direction de l’autre, exultant du simple fait d’être en vie. N’était-ce pas, d’ailleurs, tout l’enseignement que doivent tirer les vivants d’une guerre touchant à sa fin ? N’était-ce pas de ces moments où ceux qui avaient échappé à la mort glorifiaient le fait d’être vivant ? Il n’y avait rien d’étonnant à voir d’immenses fêtes célébrer la fin d’un conflit, elles étaient notre manière de célébrer la vie et d’y ramener ceux qui avaient côtoyé la mort si longtemps. Naerys et moi n’avions pas côtoyé la mort, du moins jamais n’avions nous été confrontée à la proximité de notre mort. Elle était pourtant partout, tout autour de nous, pas un jour ne s’était écoulé sans que nous perdions une connaissance, un frère, un ami, sans qu’une liste de noms infinie s’ajoute à ceux déjà annoncés. Nous avions vécu avec la crainte de la mort constamment harnachée à l’estomac, et en ce jour, alors que nous étions témoins de la naissance d’une nouvelle amitié, nous célébrions la vie pour repousser la mort.

« Oh Naerys, ce bain en ta compagnie est une pause que je savoure avec bonheur… Je ne prends guère de risques en affirmant que ton esprit me ravie davantage que celui de mon cousin. »

Depuis mon arrivée à Valyria, je n’avais eu que très peu d’opportunités de divertissement, rapidement enfermée dans une pièce immense avec un Maegon frustré de n’avoir pu davantage participer à la guerre du fait de ses nouvelles responsabilités sénatoriales. Vaekar Tergaryon, son père, mon oncle, avait été assassiné lord de la trahison de Bhorash, et Maegon qui comptait sur la guerre pour se faire un nom avait du abandonner tout espoir de s’illustrer. Il était bien intervenu pour certaines batailles, apportant le feu de son dragon lorsque nécessaire, mais il n’avait pas été le tacticien qu’il avait rêvé d’être. J’avais rapidement constaté son amertume à ce sujet et la jalousie grandissante qui l’opposait à Maekar. La rivalité entre les deux branches de notre famille n’était un secret pour personne, malgré tous les efforts de notre grand-mère pour faire en sorte que l’opposition entre ses fils ne gagne pas ses petits enfants, les fils avaient suivi les pas de leurs pères. A vrai dire, Maegon n’avait pas toujours été ainsi. Il était de ces hommes de bonne nature qui très vite se laissent corrompre par les feux de l’ambition. La guerre n’avait fait qu’amplifier sa colère envers Maekar qui avait eu le toupet de s’illustrer, lui. Il ne me laissait guère l’oublier, et je sentais qu’il se réjouissait de l’emprise que mon père lui avait accordée sur moi. Après tout toute héritière que j’étais, à ses yeux je n’étais pas l’ombre d’une menace pour la branche ainée, tout au plus un détail à régler. La vraie menace était Maekar.

« La capacité qu’on les hommes à nous sous-estimer m’étonnera toujours… »  


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Thermes, Cité de Valyria ֍ Troisième Mois de l'An 1066

Sitôt son voeu exhorté, Naerys avala d'une traite sa coupe avant de gratifier sa compagne d'un regard plus éclatant encore. L'alcool colorait ses joues, faisait vibrer le violet de ses yeux et frémir ses lèvres qui semblaient s'être mues en un rire permanent. Shalya avait repris son luth, et entonné une mélodie plus vive, joyeuse, et qui ne faisait que raviver sa bonne humeur. Elle l'observa un moment d'un air où se mêlaient attendrissement et fierté, avant de se laisser aller à nouveau dans le bain en ponctuant la mesure de la musique par quelques gestes langoureux. C’était comme si elle était revenue quatre années en arrière. Comme les fêtes lui manquaient ! Les réceptions orchestrées par Rhaelys au Palais d'Argent ne pouvaient pas rivaliser avec celles que l'on promettait organiser pour le retour des Héros, et la perspective de pouvoir bientôt les partager en compagnie d'Elaena ne fit que redoubler son impatience. Qu'ils viennent, qu'ils viennent vite ! Pour tout oublier et reprendre tout comme avant !

A ses côtés, partageant sa libation avec le même enthousiasme, Elaena ne tarissait plus d'éloges sur son frère. Sa curiosité piquée, la mine de Naerys se fit alors joueuse, et elle pencha légèrement la tête. « Vraiment ? Oh mais c'est qu'il me tarde davantage encore de le rencontrer, ce "Héros"... » fit-elle en clignant des cils, un sourire espiègle colorant ses lèvres. Elle ne reculait jamais devant une nouvelle rencontre, surtout lorsqu'on lui en vantait les charmes avec tant d'insistance. De toute évidence, sa nouvelle amie éprouvait des sentiments plus qu'éclatants. Allait-on bientôt célébrer leur mariage ? Célèbrerait-on une double noce ? La guerre avait mis un terme plus que brutal aux préparatifs de sa propre union avec Laedor, et si son père ne s'était pas exprimé sur le sujet depuis le début du conflit, rien ne laissait présager que ses plans avaient changé. Elle caressa un instant l'image charmante que pourraient former leurs deux couples unis le même jour à la face des Dieux... Ce qui valu à Elaena un nouvel élan de tendresse, et un baiser sur la joue.

Emplissant à nouveau sa coupe, toute à sa liesse, Naerys ne pu dès lors s'empêcher un air de surprise en entendant associer son nom à celui de Maegon Tergaryon. « Ton cousin, n'est-il pas... ?  » fit-elle, levant distraitement les yeux au plafond tout en fouillant sa mémoire. Elle finit par retrouver l'image d'un jeune homme bien fait, voir assez séduisant, mais dont le ton et les manières assez brutes l'avaient très vite lassée. Elle cligna alors plusieurs fois des yeux. « Maegon Tergaryon... Maegon Tergaryon... Oui, je le remets ! Encore un écharpé de Gelios, à croire que cette ville empeste le taciturne ! Et... c'est à ça que tu me compares ? » lui lança-t-elle, faussement outrée, avant d'éclater de rire. « Oh, délicieuse Elaena d'Oros, l'on voit que tu viens d'arriver ! On te renseignera bien assez vite sur mon compte mais sache d'ores et déjà que "Naerys Voix d'Argent" et "taciturne" ne font vraiment pas bon ménage ! Que. Du. Contraire ! » Après quoi, reposant sa coupe près du bord de l'étude, elle s'employa à grand renfort de bras d'éclabousser la jeune femme en riant de plus belle !

Elle ne sut combien de temps elles restèrent ainsi dans le bain à se chamailler et à rire, renouvelant à intervalles plus ou moins régulières leurs serments d'amitié éternelle. Mais les heures de la matinée avançant, elles furent bientôt contraintes de quitter le bain car l'après-midi approchant, les thermes seraient occupés par les hommes. S'enroulant dans un ample drap qui sentait bon la lavande, Naerys prit entre les siennes les mains d'Elaena. « C'est donc décidé : nous nous retrouverons au Triomphe ! Je pourrai ainsi admirer de mes propres yeux ton cher Maekar... Oh et naturellement, je compte sur vous pour me rejoindre aux festivités ! On dit qu'elles seront très variées, nous pourrons nous retrouver plus d'une fois ! Et ma robe ! Attends de voir ma robe ! » Naerys ne calmait plus son enthousiasme. Sa voix chantait, irradiait de bonheur, et avant de se quitter aux portes de l'établissement, elle embrassa une dernière fois sa nouvelle amie.

« A très vite, Prūmia Mandia ! » claironna-t-elle avant de rejoindre l'escorte des Jurés d'Argent et, Shalya sur les talons, reprendre le chemin vers Drivo.
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