La vie avait repris son cours. Comme il était doux et enivrant de voir les danses et les couleurs réapparaître dans les rues. Les sourires des citoyens de Valyria ramenaient la mémoire à des jours plus heureux et surtout un avenir radieux. Là où, à la nuit tombée, se dressaient des postes de guet, on retrouvait à nouveau l'amuseur de rues. Ici l'étal du marchand retrouvait son abondance d'autrefois. Les catins et les tavernes connaissaient une richesse inégalée et l'on disait même que l'exotique Sabbha la Noire était plus devenue plus riche que les Arlaeron et que ces bâtards égrenaient volontiers les rues de la ville.
L'amphithéâtre jouissait également d'une prospérité nouvelle. Les drames valyriens y côtoyaient les comédies Rhoynars et les prêches sauvages de certains prêtres. Quelques mois plus tôt, peu de citoyens s'y pressaient. Ni l'envie ni le temps de profiter de cet endroit en plein jour. Effectivement, le quidam ne pouvait s'émerveiller des jeux d'ombres et lumière du maquillage, du doute quant à l'identité de la femme de Figaeryx - ce valet coquin, ce serviteur virevoltant, mais aussi nigaud maladroit. En d'autres termes, la fête battait son plein à Valryia jusqu'à ses recoins autrefois délaissés.
Maegon Riahenor était fier d'avoir été la pierre angulaire avec ses frères et soeurs dynastes de cette liberté retrouvée. Depuis six mois, il se voulait présent. Tous pouvaient le voir presque chaque semaine à la cour draconique, à la fosse des dragons, au bazar ou plus simplement à l'amphithéâtre. Sa loge privée, toujours gardée par un ou deux membres de sa maisonnée regorgeait de serviteurs et il n'était pas rare de le voir tenir un conseil avec ses alliés de l'ancienne faction bleue ou courtiser de nouveaux soutiens. Ce soir là ne faisait pas défaut alors que la foule commençait à s'agglutiner dans les gradins. Maegon trônait déjà sur son siège curule, vêtu d'une toge aux couleurs de la dynastie. Arrachant distraitement quelques grains de raisin de sa grappe, il releva la tête en entendant les pas feutrés derrière lui. D'un geste de la main, il fit signe à ses serviteurs qui s'empressèrent de baisser le carré de tissus au dessus de la loge, plongeant le dynaste et son invité dans la pénombre.
"Sombre temps que voilà n'est-ce pas ?"
Avec un sourire torve, Maegon se tourna vers le nouveau venu et lui fit signe de prendre place. La réunion des deux hommes se devait être discrète, si ce n'était pas secrète. Leur envergure et leur popularité étaient pour ainsi dire polarisées. Or les mages savaient l'explosivité d'une telle rencontre. Maegon ne doutait pas que de fidèles et vicieux agents de la République - ou d'autres partis - ne manquaient d'essayer de deviner le visage qui se cachait dans les ombres à ses côtés. Malgré tout, ils pouvaient bien essayer de deviner. Maegon ne recevait à l'amphithéâtre que ses soutiens les moins importants - ou ceux qu'il voulait garder oubliés. C'était notoriété publique. Or la pergola de soie faisant pencher la balance pour la seconde hypothèse.
"J'espère que tu me pardonneras pour le temps entre notre dernière rencontre et celle-ci. Les récents évènements m'ont forcé à faire du ménage parmi mes affaires courantes. Un regrettable accident, très regrettable..." Maegon se tourna pour observer le peuple, ce cher et doux peuple qu'il haïssait autant qu'il l'aimait : "Ce qui est arrivé ce jour est d'une tristesse sans nom. Je me dois de m'excuser pour les mots durs que certains ont pu mal interpréter. Les traîtres ne doivent pas être tous châtiés. Certains parmi vous n'étaient que d'innocentes victimes collatérales, simplement dévouées à leur cause. Les véritables rats se cachent bien plus que l'État-Major. Toi tu ne portes que le nom désormais maltraité de ton père."
Avec une certaine délicatesse, Maegon se pencha en avant : "As-tu déjà entendu le drame de Lucerys Oeil d'Argent ? Evidemment. Ce n'est qu'une question rhétorique et tu en étais... proche. Je crois que nous devons nous soutenir. Toi dans ta réputation écorchée par ce tragique évènement, moi... car je vois en toi un certain potentiel brut digne de ton père. Je pense que tes mains méritent plus que l'or et les outils des marchands. Au contraire, je pense que la trahison devrait parfois porter un autre nom et être récompensée." Se tournant à nouveau vers l'inconnu, le dynaste se fit soudainement flegmatique :
"Qu'en penses-tu ? Je vois que tu veux servir à nouveau. Je te demande simplement une réponse en trois lettres. Accepterais-tu de revenir à la lumière en tant que capitaine de ma garde Vagar ?"