Valyria, an 1067, mois 10.
Les thermes demeuraient l’endroit où Maegon se sentait le plus tranquille. Il pouvait y réfléchir tranquillement à loisir. Il laissait son regard se perdre sur les décors somptueux de la partie des thermes qu’il privatisait systématiquement lorsqu’il s’y rendait. Il aimait, dans ces moment-là, sa solitude. Il priait, les yeux fermés. Ses lèvres bougeaient imperceptiblement tandis que l’écrasante chaleur du sauna faisait perler la sueur sur les muscles de son corps d’athlète. Assis sur le bois dur, vêtu seulement d’une serviette blanche, les bras croisés, la tête basculée vers l’arrière. Il cuisait, et détestait en général les chaleurs étouffantes. Ici, la tranquillité d’esprit surpassait l’inconfort de la chaleur. Au reste, il venait souvent ici après son entraînement matinal et cette élimination des mauvaises humeurs par un bain froid le rendait plus serein pour traiter les affaires politiques de l’après-midi.
Mais aujourd’hui, les choses étaient différentes. Aujourd’hui, Maegon avait privatisé une autre partie des thermes, plus reculée, plus tranquille et surtout, une heure plus tôt qu’à l’habitude. Il ne s’était pas assis, mais allongé sur le long banc de bois brut, ses deux bras sous la base de son crâne faisant office d’oreiller. Sa serviette n’était pas nouée autour de sa taille, mais négligemment posée là où il fallait pour cacher ce qu’il fallait. Il ne priait pas aujourd’hui, il ne dormait pas non plus en dépit des apparences. Il ne réfléchissait pas davantage. Il se contentait simplement de se laisser aller, pour une fois, à quelque méditation captivante sur le plancher après avoir légèrement tourné la tête. Il en constatait, là, la régularité, là, au contraire, il notait mentalement une écharde qu’il pourrait prendre au pied. La vapeur n’embrumait pas trop sa vue, ni la vue de celui ou celle qui serait entré et aurait vu le sénateur Tergaryon, aurait ainsi vu le corps quasiment offert du puissant valyrien, dans cette posture négligemment lascive.
On toqua à la porte du sauna ou Maegon suait. Maegon invita à entrer, trois serviteurs vinrent les bras chargées de victuailles. C’était une exception, Maegon, en bon valyrien, ne mangeait jamais à cette heure-ci, encore moins à profusion, il ne buvait pas d’avantage avant le coucher du soleil. Cependant les règles étaient faites pour être parfois brisées et même aux thermes, il fallait savoir se mettre en scène et recevoir. Car oui, ici, aux thermes, Maegon Tergaryon avait décidé de recevoir.
Qui donc ? Une mystérieuse personne. Non pas que Maegon ait tenu à ce que la rencontre fut secrète, mais qu’à tout le moins, il dispose de l’assurance d’être tranquille pour faire ce qu’il avait à faire. Aller au fond des choses demandait la sérénité, agrémenté de pas mal de viandes et de vins, ce que Maegon avait pourvu. L’odeur des morceaux de bœuf rôti ne manqua pas, d’ailleurs, de lui titiller les narines. Sa main quitta mollement le bas de son crâne, et s’étendit avec une magnifique nonchalance pour en prendre un et le porter à sa bouche. Les serviteurs sortirent rapidement après que la boisson -un des meilleurs vins de la cave Tergaryon- fut amenée sur un plateau d’argent, avec deux coupes de très belle facture. Continuant de manger tranquillement, il se mit à attendre. Lorsqu’un autre bruit lui fit légèrement lever la tête, avant de la reposer tranquillement sur son bras restant et de fermer les yeux.
-J’ai failli croire que tu ne viendrais pas. Je reconnais que mon invitation était osée, à la limite du cavalier, mais enfin je me suis dit que ce serait plutôt à ton goût.