-28%
Le deal à ne pas rater :
Précommande : Smartphone Google Pixel 8a 5G Double Sim 128Go ...
389 € 539 €
Voir le deal

Qui remportera le Post de la Saison de l'Hiver 2022 ?

Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage Empty33%Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage Empty 33% 
[ 3 ]
Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage Empty33%Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage Empty 33% 
[ 3 ]
Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage Empty33%Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage Empty 33% 
[ 3 ]
 
Total des votes : 9
 
+4
Herya Valgaris
Valaena Cellaeron
Laedor Arlaeron
Maegon Riahenor
8 participants
 
Sondage clos
Tessarion
Tessarion


Post de la Saison
Hiver 2022
Chers membres de ROV Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage 57315951

Nous avons le plaisir d'avoir une première fournée de trois posts remarquables d'écrivains non moins talentueux pour cette première édition du Post de la Saison Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage 1985267820

Ces participants sont donc nos héros suivants : Sherkan (@Rhaenys Haeron & @Rhaegar Valineon), LaBlatte (@Herya Valgaris & @Daelarys Nadresyon) & Jaca (@Jacaerys Velaryon, @Vaenyra Menaleos & @Maegon Riahenor) Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage 4263587593

Bravo à ce trio pour leur participation et leur imagination débordante proposant une vision de Valyria au travers de cet événement terrible qu'est le Fléau Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage 3860918007

Sans plus attendre, voici un rappel du sujet puis les trois posts anonymisés. Il ne vous restera plus qu'à choisir pour qui voter Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage 2646971034

Vous avez 10 jours pour voter, le sondage se clôturera automatiquement le 31/12/2022 et vous êtes vivement invités à voter avant cette date What a Face

(principalement car je n'ai aucune idée de quand ça va clôturer réellement entre le 30/12/2022 à 23h59 ou le 31/12/2022 à la même heure Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage 2467439181)

Que le sort vous soit favorable Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage 1862276164

Le Fléau
Thème de la Saison

L'air est doux, la vie est belle, l'Antique Valyria est au faîte de sa gloire.

Depuis cinq millénaires, ses familles nobles et leurs dragons commandent au monde. Les innombrables armées valyriennes et leurs redoutables cracheurs de feu ont conquis tout Essos, anéantissant le rival ancestral, le Vieil Empire de Ghis, jadis superpuissance écrasante. Ghis, jadis plus grande cité du monde, n'est plus qu'un vaste cimetière au centre d'un champ de ruines sur lesquelles ont été répandu du sel, du souffre et les crânes de 100 000 Ghiscaris. Les Rhoynars ont manqué d'être tous exterminés lors de la conquête de la Rhoyne, 10 000 navires fuyant avec la Princesse Nymeria de Chroyane à leur tête. Les fiers Andals, pragmatiques, ont depuis longtemps abandonné les rivages d'Essos, s'aventurant en masse vers Westeros, conquérant ce qui est devenu le Val d'Arryn et, de là, s'aventurant et se mêlant à tous les peuples du grand continent occidental. Plusieurs cités de Sarnor ont également prêté allégeance à la toute-puissante Valyria qui contrôle le monde connu.

Ses Possessions s'étirent de l'avant-poste de Peyredragon dans la Baie de la Néra à l'Ouest jusqu'à la proximité de Qarth, à l'Est. Ses vastes routes pavés bâties par le feu dragon irriguent tout le continent d'Essos, permettant le transport de nombreuses marchandises à grande vitesse. La Paix du Dragon règne en Essos depuis des siècles et jamais l'aristocratie du dragon n'a été si opulente. Valyria a depuis longtemps dépassé ses murailles de jadis, les Quadrants historiques ne sont plus qu'un vaste "Centre Antique" au coeur duquel se tient, fièrement Drivo. Les colonies jadis bourgeonnantes de Volantis et Lys sont devenues des cités à part entière, jouissant d'une large autonomie vis-à-vis du pouvoir central.

Qui pourrait imaginer que ce sont là les dernières heures de cette immense civilisation bâtie par le sang et le feu ?



   
Tessarion
Tessarion

POST 1

Post de la SaisonHiver 2022 : Le Fléau

La mort, dit-on, n’a de vertu que pour les trépassés qui quittent ce monde le cœur léger. Ils ne craignent ni le jugement des Dieux, ni l’antre de Balerion. Bienheureux, alors, sont ceux qui rendent leur dernier souffle paisiblement. On leur rend un dernier hommage et les vivants n’ont plus que pour mission de panser leurs plaies et de reprendre leur vie souvent tumultueuse.

C’était ainsi, que chacun devait vivre sa mort. Elle devait être un rite de passage important où, lorsque l’on faisait les choses convenablement, chaque Homme s’élevait spirituellement et émotionnellement. Pourtant, en ce jour sombre, les Dieux en avaient décidé autrement.  Eux qui avaient béni une civilisation entière, ils avaient finalement pris la décision d’y mettre fin. Agacés par une une arrogance sans limite, lassés par un cycle perpétuel, et irrités par une décadence intarissable, les Tout-Puissants s’étaient prononcés. Valyria devait chuter. Si la cité s’était élevée par le feu, elle périrait dans les flammes. Né poussière, tu redeviendras poussière.

Cette introspection, Tyraedar n’avait pas eu le choix de l’entamer. Le temps lui était compté et il n’avait aucune échappatoire. Il gisait là, sur le sol de mosaïques colorées de son humble demeure. Il regardait le plafond peint avec admiration. Depuis toutes ces années, jamais il n’avait pris le temps d’en apprécier les motifs, les couleurs, les détails… Jamais il n’avait remarqué ces enfants peints dans l’un des angles du mur. Il n’avait pas remarqué non plus à quel point ils pouvaient ressembler à Hehrys et Yraelor. Quelque chose perla au coin de son œil. Il regarda alors plus en détail, tandis qu’autour de lui, les sons semblaient étouffés par les murs effondrés et la noirceur qui se répandait depuis un temps impossible à définir. La petite fille avait des cheveux noirs comme la suie, sa toge était blanche et elle semblait jouer avec un oiseau entre ses mains. Le garçonnet, quant à lui, était roux. Il regardait dans le ciel et semblait fasciné par un dragon aussi bleu que le ciel.

Tyraedar leva la main vers le plafond mais ses doigts le firent atrocement souffrir. Ou peut-être étaient-ce son bras ? Ou tout son corps ? Il n’arrivait plus à voir la couleur de sa peau et il lui sembla que la suie dans l’air avait collé au sang sur son corps. Il ne savait plus. Dans un effort surhumain, il tenta de toucher du doigt les peintures représentant les deux enfants. Ce qui lui fut impossible. Alors, les larmes coulèrent le long de ses joues, traçant un sillon dans la poussière accumulée sur son visage. Soudainement, il se sentit brûler de l’intérieur. Une quinte de toux l’étreignit.  Il luta encore et encore pour rester conscient. Il ne pouvait quitter le visage de ses enfants. Pas tout de suite. Mentalement, il pria Balerion de lui laisser encore un peu de temps pour mieux les sentir auprès de lui. Avaient-ils survécu ? Il l’espérait. Il était archimage, spécialisé dans la divination et l’enfer qui s’abattait désormais sur Valyria, il n’avait pu le voir venir. Les Dieux le lui avaient caché parce que comme tous les autres citoyens, ils se devaient de mourir. C’était là leur décision. Tyraedar avait suivi les pas d’une ancêtre très lointaine et pour honorer sa mémoire, avait lui aussi emprunté la voie de la lecture de flammes.

Sa vision se troubla et sa respiration se fit plus difficile. La poussière qui infiltrait son corps devenait de plus en plus poisseuse et elle s’accrochait à ses poumons telle la sève brûlante d’un arbre en feu. Il ressassa les dernières actions qui l’avaient conduit dans cette situation. Le ciel s’était assombri, le sol avait grondé comme un dragon en colère et un bruit sourd avait résonné dans toute la ville. La panique s’était alors emparée de chacun et Tyraedar avait senti la catastrophe venir. Trop tard, malheureusement. Il s’était alors précipité dans toute la ville pour retrouver ses enfants, en vain. Il avait prié pour que son épouse ait eu le temps de fuir avec eux. Dans une dernière vérification, il avait accouru dans leur demeure du quartier marchand, pour s’assurer qu’ils n’y étaient plus et le sol se mit à trembler, une fois de plus. Alors, une colonne et un mur s’effondrèrent sur lui. Assommé, il n’avait pu reprendre conscience qu’une vingtaine de minutes plus tard. Le mage avait tenté de se relever mais une douleur insupportable l’en empêcha. Une énorme pierre de bâti avait écrasé sa jambe et le maintenait au sol. Il avait alors hurlé pour que l’on vienne l’aider, mais il ne reçu en réponse que solitude et silence. Ceux qui avaient survécu à la première secousse avaient fui.

Il lui fallait affronter la réalité. Tyraedar périrait ici. Il aurait préféré mourir sur le coup, sans souffrance et sans introspection forcée. Mais il accepta son sort. De nouveau, le sol trembla, encore plus fort cette fois-ci et la domus vacilla. Par réflexe, il ferma les yeux et se protégea le visage avec ses bras, mais il ne sentit que la poussière qui tombait du plafond. La demeure tint bon. Ses paupières s’entrouvrirent et cela lui demanda un effort surhumain. Les peintures au-dessus de lui s’étaient assombries jusqu’à ne plus être perceptibles. Yraelor et Hehrys avaient disparu. Les entrelacs floraux, les représentations de dragons, d’œuf, de mers et de montagne aussi. Ô comme il regrettait de ne pas les avoir admirés plus longtemps, et comme il se lamenta de ne pas avoir su voir le cataclysme arriver.

Son cœur ralentissait à mesure que ses poumons s’enflammaient. Il aurait dû souffrir de cette combustion mais il n’en fut rien. Il ferma alors doucement ses yeux et dans un dernier soupir, glissa un sourire. Il avait aimé vivre et pour cela, il n’en voulu pas aux Dieux. Sa vie avait été douce et propice à l’aventure, il avait toujours été à l’abri du besoin et n’avait pas eu à se plaindre. Il avait tant voyagé ! Il ne pouvait oublier les montagnes déchirées de la péninsule du Nord, ses champs à perte de vue et son air frais qui aurait revigoré n’importe quel malade. Sa mémoire n’avait pas non plus effacé les superbes paysages de l’empire de Yi-Ti. Du haut de ses 41 ans, Tyraedar avait voyagé sur toutes les terres connues de Valyria. Parfois pour commercer, parfois pour son propre apprentissage, et dans d’autres circonstances, pour défendre et accroître le territoire, comme le dernier affrontement avec la Harpie. Il s’avouait chanceux.

Enfin, la nuée ardente se fit plus épaisse encore et Tyraedar ne put y survivre. Il n’eut pas à souffrir de la mort de ses enfants et de son épouse, qui, tentant de fuir par les eaux, furent engloutis par une mer déchaînée. Valyria s’éteindrait, elle aussi. Mais pas entièrement. Quelque part, certains dynastes auront réussi à fuir sur le dos de leur dragon. Et pour les autres, la lignée s’effacerait avec le temps. Tyraedar faisait alors partie de ces trépassés qui quittaient ce monde le cœur léger. Les seuls pour qui la mort était une vertu.

Tessarion
Tessarion

POST 2

La seule grandeur pour l'Homme, c'est la légendeLe Fléau

La femme se tenait au cœur du cratère, nue. Ses traits, couverts de sang et de suie, trahissaient une profonde lassitude. La fatigue dans ses prunelles bleutées transperçait l’âme des observateurs. Le chant des acolytes s’élevait, gutturales voyelles. Il montait puis redescendait au rythme du cycle de la vie et de la mort. Les tambours résonnaient en disharmonie. L’esprit de la femme en perdait le fil du temps et la conscience de son corps. À genoux, elle laissait glisser entre ses mains la cendre. Encore et encore, elle unissait ses doigts en coupe pour attraper le don d’Arrax puis les soulever, renonçant au vent cette offrande. Ainsi le temps fuyait.

Un léger changement de tonalité dans le chant des acolytes troubla la femme. Tirée de sa méditation, elle inspira profondément. Son corps souffrait le martyre et la faim rugissait dans son estomac. Voilà deux jours qu’elle trônait là, affaiblie, épuisée. Le grondement étouffé des Anciens lui parvenait. Ils profitaient de la vie offerte par Aegarax. Un gémissement sourd s’échappa des lèvres desséchées de la suppliciée. Ces mains tremblèrent, hésitèrent. Puis inlassablement, elles retrouvèrent le chemin des cendres. Alors, aveugle aux deux mages qui s’avançaient sur le promontoire au-dessus d’elle, la femme sombra à nouveau.

L’esprit de l’Archaïque la toucha. Plusieurs dizaines de kilomètres les séparaient, mais la puissance de l’âme du dragon était telle qu’il n’était jamais bien loin. Le colosse aux pieds d’argile gisait près de Fossedragon dans son propre temple. Le plus redoutable des fils d’Aegarax agonisait et haïssait la femme autant qu’elle l’aimait. Cinq cents ans d’une vie morte, les sorts antiques l’enchaînaient à l’essence même de Valyria. Ses écailles purulentes, ses yeux mornes et son odeur putride trahissaient le soin des nécromanciens. L’Archaïque n’était qu’un désir corrompu, une âme brûlante pour qui l’accès à l’exubérance de l’amour était interdit. Un être damné et condamné à le rester.

Les mots antiques du valyrien tirèrent la femme de sa torpeur. Ses yeux s’élevèrent, étincelants d’une colère sombre. Les mâchoires crispées, elle ressentit la magie s’abattre sur elle. La douleur pure de son esprit écartelé au nom d’Aegarax l’envahissait. Elle résista l’espace d’un instant, son regard plongé dans celui des Mages. Puis son âme vola en éclats alors que la cendre s’écoulait entre ses mains, encore et encore…

Lorsqu’elle reprit connaissance, sa tête reposait sur la pierre tiède du volcan. Elle se redressa avec peine, le crâne prêt à imploser. Un hoquet la prit, puis un second avant qu’elle se cambre en deux. Une épaisse bile noire coula sur son menton. Le goût des cendres et du sang envahit son palais tandis que des larmes tout aussi macabres coulaient le long de ses joues immaculées. Elle avait vu.
« Dieux qu’avons-nous fait ? »

***

Un jet brûlant jaillit de sa gorge, soulageant à peine sa douleur et irritant d’autant plus ses lèvres. La fleur se fana un peu plus. Les traces de vomissures sur les pourtours du vase trahissaient la raison de son état. Se redressant, Marcorys observa d’un œil expert et, quelque peu las, sa contribution à l’entretien des plantes. Avec un plaisir déplacé, le vieil homme réalisa qu’à cette heure elle ne pourrait se nourrir de son sang tant la bile était exempte de pourpre. Sifflotant, il sourit à l’idée de pouvoir entamer une journée sans douleur et le corps en paix. Ses pas le menèrent jusqu’au balcon surplombant les jardins du Collège et il étudia les esclaves et autres mages plongés dans diverses tâches.

Voilà bien longtemps que les maîtres des arcanes avaient quitté leur siège originel, une vulgaire annexe au lourd sens historique. La Tour — Fort-Savoir pour les imbéciles — se dressait désormais à l’entrée de Fossedragon dont elle gardait les secrets. Marcorys était le Magister tout puissant de l’organisation pour sa plus grande contrariété. La tradition de choisir le nouveau dirigeant du Collège parmi les arcanistes et autres virtuoses des runes était cruciale, mais ils en souffraient d’autant plus.

La langue du vieil homme transperça la fine barrière de ses lèvres pâles pour les humidifier tandis que son regard s’attardait sur une enfant. Elle portait une lourde cruche d’eau, sa toge remontant sur ses minces jambes. Peut-être qu’il la demanderait dans sa couche cette nuit. Voilà bien longtemps que Marcorys avait perdu tout appétit sexuel, mais il épuisait ses vieux os lorsque les insomnies le frappaient. Ses yeux lâchèrent enfin sa proie comme le sol tremblait mollement et qu’un léger nuage de fumée s’élevait derrière les remparts du Collège. Le mage huma de mécontentement. Les protections s’amenuisaient à nouveau.

« Viserys ! Viserys ! Où es-tu espèce de vaurien ? » cracha-t-il d’une voix rauque et cassée par les ans. Elle devait porter suffisamment loin parce que, presque aussitôt, un homme apparut à ses côtés. Malgré ses traits valyriens, il soutenait avec une fierté arrogante le collier des esclaves. Son sang impur parlait pour lui et Viserys courba la tête avec un irrespect apparent. Exaspéré, Marcorys leva les yeux au ciel. Son peuple était le pire des servants. « Cesse donc de te croire encore un homme libre ou je te ferai fouetter encore ! Tu es faible et un imbécile. » Viserys était de ces soldats joueur et négligent sur lesquels le couperet inflexible de la loi s’était abattu pour les réduire en esclave pour dettes.

« Prépare un bain et mes tuniques puis fait appeler l’exarque Nohtigar. Nous allons devoir descendre. »

Lorsque le cortège de la Grande-Prêtresse se présenta aux portes du Collège, Marcorys était déjà habillé de ses longues robes de Magister, accompagné d’une troupe de soixante soldats. Viserys se trouvait juste derrière lui, les bras chargés de rouleaux. Alyssa détestait profondément le mage et son entourage. Vêtue de sa toge blanche, un voile bleu sur ses cheveux argentés, elle pinça ses lèvres à la vue de la mise négligée du vieil homme. Ses mœurs douteuses, même pour un valyrien, et sa morgue l’écœuraient au plus haut point. Un dégoût partagé par le Magister, il ne voyait en la jeune femme qu’une arriviste aux dents longues, drapée dans des vertus dépassées et à peine capable de comprendre le monde.

Pourtant, ils étaient les gardiens du Secret. L’enchantement presque millénaire de l’Archaïque et le réseau de runes au cœur de Fosse-Dragon, étaient la clé de voûte de la protection valyrienne. Le sous-sol de la région était un véritable dédale de carrières et autres mines abandonnées. Quatre mille ans d’exploitation intensive des Quatorze Flammes affaiblissaient considérablement la croûte terrestre séparant la capitale des laves infernales des volcans. Seules la volonté, et les compétences des Mages, empêchaient depuis la destruction de la ville. Quelques milliers d’esclaves étaient nécessaires pour renforcer les runes du Secret, arcanes d’autant plus amplifiés par la puissance du dragon auquel elles étaient liées.

« Pourquoi autant de soldats ? » demanda Alyssa aussitôt arrivée, bien qu’elle soit elle-même entourée de sa garde personnelle d’une quinzaine d’hommes.
« Les timpa ont attaqué et tué plusieurs dizaines de moutons voici quelques jours. Ils s’enhardissent et pourraient harceler notre troupe. L’exarque Nohtigar nous protégera. »

Telle était la malédiction de cette famille. Frappée d’opprobre depuis si longtemps que la raison en avait été oubliée, elle était au service du Secret. Leur chef, un brave soldat couturé de cicatrices, salua de la tête la Grande Prêtresse qui l’observa de ses grands yeux améthyste. Le nom des Nohtigar obéissait si fidèlement qu’elle ne doutait pas une seule seconde de sa capacité à les protéger. Malgré tout, ses narines se pincèrent d’irritation et Marcorys la détesta d’autant plus alors qu’elle se tournait vers lui.

« Tu aurais dû me prévenir bien plus tôt de l’affaiblissement des sorts. L’Archaïque est faible, très faible. Nous devons renforcer tes runes aujourd’hui ou nous perdrons le contrôle de la situation.
— Je ne suis pas un imbécile, Grande Prêtresse. N’oublie pas que je suis le seul à en connaître les détails et en avoir la puissance nécessaire. Occupe-toi du dragon et laisse-moi à mes propres savoirs.
— Bien. Je te fais confiance pour tenir les timpa à distance également.
— Évidemment. Et tu apprendras que j’ai fait descendre plusieurs centaines d’esclaves supplémentaires ces derniers jours pour compenser les pertes, cela a demandé du temps pour éviter que quiconque se doute de quelque chose.
 »

Marcorys ne répondit pas et coupa court à la discussion en levant la main d’un air détaché. Par les Dieux, il haïssait cette femme. Il se disait qu’elle ne couchait avec aucun autre homme qu’elle suivait strictement de vieilles écoles de pensée orthodoxes et se dévouait entièrement sa tâche. Son amour pour l’Archaïque le dérangeait et il se sentait de trop dès son regard mystique s’animait de cette étincelle particulière. Il espérait sincèrement qu’elle viendrait un jour à disparaître ou être destituée. Marcorys avait vu passé non pas moins de trois Grands Prêtres depuis qu’il était lui-même Magister. Un accident était si vite arrivé, et ses sauvages difformes des profondeurs — les timpa — pouvaient la tuer assurément. Ruminant à ses sombres pensées, le Magister se surprit à sourire tandis qu’ils approchaient de la gueule béante qui les mènerait au cœur du Secret, à près de sept cents mètres de profondeur.

***

Tandis que la troupe s’enfonçait dans les larges boyaux des mines, Alyssa doutait sincèrement de leur cause. Elle ressentait, loin au-dessus d’elle, la douleur de l’Archaïque alors que ses sorts m’amenuisaient. Son âme était un tourment incessant. La prêtresse concentrait toute son énergie à refouler la marée folle et infamante du dragon. Malgré tout, elle s’émerveillait encore de la beauté horrifique des mines. La plupart des esclaves étaient vêtus de simples pagnes, leurs corps musculeux affrontant les jeux d’ombres sous la poussière des roches volcaniques. Même leurs gardes, peu nombreux tant la servilité était imprimée dans les gênes ce ces peuples, restaient presque nus.

Alyssa resserra sa toge près de son cœur, essayant d’éviter de laisser sa traîne dans la boue rougeâtre du boyau principal. Un courant d’air froid les entraînait vers le fond du puits, prêt à les avaler goulûment, loin de la chaleur infernale des ramifications de la mine. Les soldats Nohitgar étaient détendus, leurs mains posées négligemment sur la poignée de leurs armes. Les niveaux supérieurs étaient sûrs et il devait s’enfoncer profondément pour rencontrer quelques esclaves en fuite et surtout les terribles timpa.

L' épreuve commencerait une fois l’ascenseur atteint. Véritable prouesse technologique et magique, il avait été bâti par les meilleurs orfèvres et forgerons de la ville. Les prêtres avaient béni quatorze fois chacun des engrenages. Pas moins de  trois mages le défendaient nuit et jour, bien qu’une seule rune suffise pour le faire avancer. Lorsque le groupe parut devant les lourdes portes d’acier valyrien, le gardien apparut. Couvert de cuir de la tête au pied, un large foulard en travers du visage, il questionna le Magister en valyrien archaïque auquel le vieil homme lui répondit aussitôt. Il maudissait ces prédécesseurs qui avaient mis en place un tel rituel. L’humidité de la mine lui rongeait les os et il sentit venir l’arthrite lui déchirer les mains à nouveau. Il ferait mander non pas une, mais deux ou trois enfants cette nuit pour se réchauffer et oublier cette aventure douloureuse. Tandis que les panneaux d’aciers s’écartaient pour découvrir l’ascenseur, il observa longuement la Grande Prêtresse. Plus pâle que les statues de marbre des dynastes au temps du Réveil, elle semblait en grande peine.Il serait aisé de l’éliminer.

La troupe embarqua sur la large plateforme et salua les Mages qui commencèrent aussitôt à activer les différents sorts. L’ascenseur vibra fortement et un gémissement métallique déchira le silence du puits avant qu’ils n’enfoncent enfin dans les profondeurs de la terre.

***

Un champ de bataille les y attendait. Les blessés s’amoncelaient contre les murs, leurs plaies pansées vaguement et le regard dans le vide. Délaissés, à peine gardés en vie, soldats et esclaves montraient un front uni de désespoir sanglant. Alyssa eut un hoquet comme l’odeur de pourriture les frappa et les larmes montèrent à ses beaux yeux en amande. Marcorys sourit doucement et ne put s’empêcher de rappeler la vérité d’une voix mielleuse :

« N’aie crainte, la plupart seront encore en vivant pendant le rituel. Lorsque nous remonterons, leur désespoir se sera envolé avec les Dieux. »

Les lèvres de la Grande Prêtresse se pincèrent et ses yeux jetèrent des éclairs au Magister. Quelle outrecuidance de s’épanouir dans la mort prochaine de tant de vies ! La plupart avaient survécu aux attaques pour seulement se voir immoler sur l’autel du bien commun. Alyssa aurait une prière collective pour eux et sacrifierait même certains animaux à Aegarax. Elle les offrirait à l’Archaïque. Il se réjouissait toujours de la viande déjà carbonisée des cérémonies.

« Hâtons-nous, déclara soudainement l’exarque. »

Le Magister et la Grande Prêtresse acquiescèrent. L’équipée quitta la grande salle du puits pour s’enfoncer dans les boyaux de la mine. Passé les rangées de morts et mourants, elle recouvrait son aspect normal où les gardes surveillaient les esclaves qui s’acharnaient à survivre un jour de plus. Ils marchèrent près d’une heure pour se retrouver face à une porte d’acier valyrien. Cette, ce fut à Marcorys de briser les enchantements pour qu’enfin le Temple du Secret s’ouvre à eux.
C’était une immense caverne dont les contours leur apparaissaient flous, à des centaines et des centaines de pieds de l’entrée. En son cœur se dressait le Pinnacle, une fine tour de calcaire naturelle dans laquelle étaient taillées des degrés. Alors qu’ils approchaient, tous purent découvrir sa blancheur, aussi pure que l’aube, une innocence entachée par de longues salissures sur ses flancs. L’œil avisé d’Alyssa les remonta vers le sommet, de plus en plus sombre jusqu’à se fondre dans l’obscurité ambiante.

Ce fut l’odeur qui les frappa en premier. La fragrance âcre et métallique abandonnée depuis plusieurs centaines d’années, celle de la viande avariée et trois avariée. La chair dévorée par les vers, le bourdonnement de centaines de mouches leur déchirait les oreilles, écho des temps anciens. Plusieurs milliers d’esclaves et volontaires valyrien égorgés un par un par sur l’autel et donc le sang venait salir l’angélique Pinnacle. Leur pas devenait visqueux sur ces reliquats séculaires et la puissante magie nécromant pesait lourd sur leur cœur. Des larmes coulèrent sur les joues d’Alyssa, frappée comme toujours par l’ignoble acte de son peuple pour sa survie. Un gloussement macabre résonna et elle se résolut à accepter de voir Marcorys caqueter de joie tandis qu’elle pleurait en silence. Arrivés au sommet, ils découvrirent les ossements abandonnés là depuis près de cinq cents ans, bien avant que le rituel ne soit prêt et permette de réaliser cette tâche funèbre de manière plus propre.

Une gigantesque statue trônait au centre de l’étroite cime du Pinnacle. Véritable chimère des dieux, elle représentait Balerion, Aegarax et leur Père, liés ensemble en une horrible créature tricéphale. À ses pieds, une immense rune de lumière brillait d’un éclat noir. Le poil hérissé, même Marcorys dut détourner le regard alors que les soldats se mettaient en position.

« Il est temps. »

Tandis que le Magister préparait le rituel et étalait les différents parchemins, porteurs de runes ad vitam æternam interdites et autorisées pour ce seul rituel, Alyssa se remémora l’histoire du lieu. Dans les temps anciens, une explosion terrible s'y était produite. Le Grand Effondrement — le premier d’une longue série au fil des ans — marquait la libération des timpa. Cette population de monstres difformes, des castes oubliées de Valyria et d’esclaves en fuite régnait alors en maître dans les souterrains. Cinq mille ans plus tard, ils existaient encore, refoulés toujours plus profondément dans les entrailles de la Terre, côtoyant le royaume des Dieux.

« Que se passe-t-il ? »

La voix éraillée du Magister la tira de ses pensées. Alyssa vit la mine soucieuse des hommes ainsi qu’un nouveau venu, un soldat couvert de bandages et au regard hanté. Avant même qu’il ne puisse s’exprimer, la Grande-Prêtresse réalisa qu’un bruit lointain lui parvenait. Des hurlements et des cris ainsi qu’un grondement profond déchiraient le silence du Secret. Il gagnait en ampleur par vagues, comme s’il se rapprochait. Rapidement, elle put y distinguer des mots puis une chanson et un couplet :

L’âcre odeur du ragoût
Qui se mêle à l’encens
Ma voix frappant la voûte
Et le dragon qui perd ses dents



« Une révolte des esclaves ! Mais quelle idée ! Nous aurions dû fermer la porte… » Marcorys était fou de rage. L’évènement survenait au pire moment alors qu’il s’apprêtait à sacrifier toutes ces personnes présentes dans les niveaux inférieurs, à l’exception de ceux au Secret. Il ordonna aussitôt à l’exarque et ses hommes de se poster à l’entrée du temple et de repousser les ennemis. « Surtout, n’allez pas plus loin que les portes d’acier ou vous périrez également. Tenez la ligne. Tous ceux qui poseront un pied sur ce sol sacré survivront. »

Tandis que le soldat le saluait, il se mit à graver en l’air les runes du rituel. Ses mains bougeaient à une vitesse presque surnaturelle au moment où la magie enflammait ses vieux os. Il lui paraissait que chaque parcelle de son corps allait se briser pour rejoindre son flux. Il entendit à peine la Grande Prêtresse s’approchait de lui.

« Crois-tu que nous sommes en danger, Magister ?
— Non, ces esclaves ne seront jamais armés d’autres choses que de pelles et pioches. Le plus grand danger viendra toujours des timpa.
— Tu sembles soucieux au-delà de ta magie pourtant…
— Diable femme, voilà quarante ans que je visite ces mines sans danger ! N’aies crainte je te dis. Mon seul souci est de réussir à sauver la ville.
— Ne crois-tu pas que le temps est parfait pour une révolte justement ? demanda sournoisement Alyssa, le regard sombre, persuadée d’avoir été trahie.
— Certes ! Certes !
 »

Malgré sa confiance affichée, le Magister n’en restait pas moins troublé. Il était vrai que les évènements se cumulaient contre la réalisation du rituel. Des attaques des sauvages des souterrains, dont il avait minimisé volontairement l’impact, à la révolte passagère des esclaves, le destin s’y mêlait. Pourtant, il refusait de croire à une trahison. Alors que les premiers bruits de la bataille à l’entrée du Temple leur parvenaient, il poursuivit la dernière série de runes. Il lui suffirait de frapper l’ensemble de ses mains chargées de magie et Valyria vivrait encore au moins dix ans sous la protection du Secret et de l’Archaïque.

Pourtant, une petite voix insistait au creux de son esprit. Il avait fallu armer les esclaves, les faire comprendre où et quand se révolter. De la même façon, l’attaque des timpa laissait à penser que les gardes avaient abandonné leur poste — de véritables forteresses à l’entrée de leur royaume. Or il n’existait que trois personnes au courant de l’approche de son rituel ces dernières semaines. Alyssa, dont il ne craignait rien tant la douceur écœurante de la Grande Prêtresse l’irritait, lui-même et…

La lame ébréchée et rouillée le frappa en pleine gorge. Avec un sursaut, Marcorys resta coi l’espace d’un instant avant que la nouvelle bouche s’ouvre en travers de sa chair. Un sang noirâtre et pollué par la magie s’en échappa à grands flots. Les yeux du Magister découvrirent avec horreur son assassin tandis que Viserys reculait, un sourire satisfait au visage et l’arme meurtrière à la dextre. Dans un dernier geste désespéré, le mage essaya de se tourner vers ses runes. Elles étaient parfaites, presque terminées. Il lui suffisait de tendre la main vers elle pour sauver son peuple encore une fois.
Pourquoi s’éloignaient-elles ?
Pourquoi le vent soufflait-il si fort ?
Pourquoi tombait-il ?

***

Un hurlement déchira l’air tandis que le Magister disparaissait dans le vide, jeté au bas de la tour d’un simple coup de pied. Tétanisée, les lèvres remuant en silence, elle entendit le corps se briser les marches dans un bruit mou et tomba à genoux. Les mains tachées et les vêtements couverts de sang sacrificiel, elle leva de grands yeux vers Viserys.

« Qu’as-tu fait esclave ?
— Je me suis libéré des chaînes d’un monstre.
— Tu nous as condamnés par la même occasion. Valyria va s’effondrer et notre peuple avec.
— C’est que nous ne sommes plus dignes des Dieux.
 »

Alors qu’il parlait, les runes brillèrent encore l’espace d’un instant puis s’effacèrent dans un flash lumineux. Un grand silence s’abattit et même l’écho de la bataille disparut.
Le grondement s’éleva. Ils purent le sentir dans leurs os tandis qu’à la surface, les Quatorze se dégourdissaient tous ensemble. Le Fléau se réveillait.

« Lève toi, Grande Prêtresse. Il te reste encore demain à vivre. Tu dois bien avoir quelque chose à sauver. »

Levant les yeux, Alyssa acquiesça. Oui, elle devait réparer l’erreur originelle, celle par qui tout avait commencé.

***

Lorsqu’ils rejoignirent l’entrée de la salle, la bataille avait cessé. Le corps des esclaves révoltés jonchés le sol ainsi que ceux de plusieurs soldats et gardes. Les rebelles, vainqueurs, observaient avec méfiance la Grande Prêtresse s’approcher. Seule la présence de Viserys, leur discret chef, les empêchait de la mettre à terre et de la ligoter. Alyssa n’en montrait rien, le visage de marbre, mais son corps tremblait. L’esprit affolé par les évènements, elle craignait pour sa vie, d’être violentée voir violée. Le corps empourpré et en sueur des esclaves, leurs muscles noués par l’effort trahissaient leur excitation. Or l’appel du sang réveille celui du stupre. Cette terreur se mêlait à la honte de son échec. Le choc de la destruction prochaine de Valyria la rendait perméable à toutes les émotions.

« Ah Viserys ! les accueillit un grand esclave noir, le crâne rasé de près et avec une longue estafilade au bras. Alors tu as réussi ? Le Magister est mort ?
— Il ne reviendra plus nous hanter mes frères, répondit sobrement l’ancien soldat avec un sourire entendu.
— Maudit soit son nom ! cracha l’homme tandis que les autres esclaves hurlaient leur joie, il nous a pris assez nos enfants !
— Vous avez détruit Valyria et vous avec.
 »
Le ton atone d’Alyssa éveilla la curiosité et les regards se tournèrent vers elle.
« Qu’as-tu dit chienne ? s’exclama le grand noir en levant son gourdin improvisé.
— La mort s’abattra sur nous. Les Quatorze sont libérés de leurs chaînes et leur gueule béante engloutira le cœur de notre civilisation. Des Cendres et du Feu sont nés les Valyriens, dans les larmes noires du basalte ils périront. Telle est la prophétie d’Aegarax. Tel est le Secret que nous gardons depuis plus de mille ans.
— Je ne comprends rien à ce qu’elle raconte. Tuons là et échappons-nous !
— Silence, répliqua Viserys, intrigué. Parle prêtresse.
— Pourquoi crois-tu que je sois descendue me vautrer parmi les vers ? Pour sauver ceux qui le méritent ! Ce temple que vous voyez là-bas était la raison même qui permettait aux Quatorze de ne pas détruire la région tout entière. Or, le sort a été brisé et sa protection de même. Vous n’aurez même pas le temps de vous échapper. Vous vous êtes condamnés.
 »
Alyssa partit d’un rire atroce, un caquètement sec, teint de la folie pure de son esprit. Elle ne sut combien de temps elle demeura debout, les yeux écarquillés. Elle ne s’arrêta que lorsque les muscles de sa mâchoire ne s’affaissent sous l’épuisement. Sans surprise, la grande prêtresse était isolée. Seuls restaient Viserys et une poignée d’esclaves. Les autres avaient fui.
« Pourquoi ne fuis-tu pas, traître ? demanda Alyssa de sa voix brisée.
— Je voulais voir mourir mon peuple. Je ne regrette pas mon acte. Mais si je dois partir, cela sera aux côtés des miens. Il en est de ceux là aussi.
— Tu mérites qu’une éternelle noyade dans le royaume de Carraxès, Viserys. Même si Marcorys était une bête, il était la clé du paradis de notre survie.
— Le prodige et le monstre ont les mêmes racines. Pourtant, c’est en laissant le dragon dans la garderie que l’on s’étonne de le voir dévorer les nouveau-nés. Noble dame, j’ai toujours eu foi dans nos dieux. Donne-nous l’honneur de mourir ici.
— Non.
— Comment oses-tu me refuser ça ! Je reste un valyien !
— Je compte faire mieux. Suis-moi et aide-moi. Alors seulement je chuchoterai ton nom à l’oreille d’Aegarax lorsque je siégerai à sa droite.
— Que comptes-tu faire ?
— Réparer une vieille erreur
. »

Sur ces mots cryptiques, Alyssa s’avança d’un pas déterminé. À peine eut-elle rejoint les corridors abandonnés de la mine que l’équipée tomba sur les survivants de leur escorte. La demi-douzaine de soldats était ligotée solidement. L’exarque Nohtigar se trouvait parmi eux, le visage recouvert du sang d’une vilaine plaie à la tempe. Lorsqu’il leva les yeux vers elle, Alyssa put y lire la honte. S’agenouillant à ses côtés, elle commença à défaire ses liens.

« Tu n’as pas échoué. Le nom de tes pères a été mille fois honoré. J’absous les Nohtigar, exarque. Pars tu es libre. »

Il la regarda interdit l’espace d’un instant puis le soulagement se traduisit sur ses traits tandis qu’il pleurait. Pour lui qui connaissait le Secret, et les conséquences de son dénouement, le pardon était tout ce qui comptait.

« Je suis à toi, madame. »

Alyssa hocha la tête et reprit sa marche, aussitôt suivie par un bien étrange mélange de soldats et d’esclaves.

***

Lorsqu’ils atteignirent les ascenseurs, ils y découvrirent un véritable charnier. Les mages et gardiens de l’œuvre avaient abattu la colère infernale de leur caste sur les esclaves. Sur près de vingt mètres, il ne subsistait que des carcasses carbonisées, cuites à point pour les dragons. Voilà tout ce qui restait de la glorieuse révolte des bas-fonds de Valyria. Alyssa s’avança vers les silhouettes encapuchonnées qui les attendaient. L’affaire fut expédiée en quelques secondes, dès qu’ils la reconnurent ils s’inclinèrent. La Grande Prêtresse dut leur expliquer la situation à nouveau et les libérer de leur serment. À l’instant où ils atteindraient la surface, ils pourraient fuir.
Aucun ne le fit.

Les Dieux savaient qu’Alyssa regrettait la protection des souterrains. Malgré le sol qui tremblait par intermittence et la chaleur, rien ne laissait à présager de la destruction de Valyria. Pourtant lorsqu’ils quittèrent les mines de Fossedragon, le Fléau se dévoila dans sa toute-puissance. Le ciel brûlait, engourdi des panaches suants de quatorze gueules béantes. De la ville, il ne résistait que les plus petits bâtiments. Tout le reste n’était que désolation. Les survivants erraient, abasourdis par l’explosion simultanée des volcans. Rendus sourds par le cataclysme, ils avançaient. Leur catatonie ne se laissait pas distraire par les pierres ponces, ni les débris et encore moins les nuées ardentes. Quartier par quartier, Valyria disparaissait.

Pourtant, un groupe progressait sous les cendres, porté par l’espoir fou d’une miséricorde.
Il leur fallut près d’une heure pour atteindre l’entrée du temple de l’Archaïque, là où autrefois vingt minutes suffisaient. L’immense bâtiment, une véritable arène ouverte, tenait encore debout par la grâce des dieux. Alyssa avança vers le hall, gravit les marches. Il lui semblait que son souffle se faisait plus court alors que ses poumons se gorgeaient de cendres. Arrivée au sommet, elle s’effondra. Les sens amenuis, elle sentit à peine Viserys la secouer.

« Ma dame, ma dame ! Les timpa ! Les timpa ! »

Avec l’énergie du désespoir, Alyssa roula sur le ventre, se mit à quatre pattes puis enfin à genoux. Près de cent créatures grotesques escaladaient à leur tour le temple.

« Va prêtresse. Nous les retiendrons. »

C’était l’exarque. La démarche chancelante, l’épée au poing, il lui fit signe de dévaler les gradins jusqu’à l’immense masse de l’Archaïque. Les esclaves se regardèrent et d’un accord commun s’échappèrent en courant. Seuls Viserys et les soldats restèrent.
Le cœur déchiré, l’esprit embrumé, Alyssa leur tourna le dos à son tour. Chaque pas était une torture, mais l’éloignait de la scène. Lorsque les hurlements résonnèrent, elle comprit que la mort saurait la libérer des bruits. Les entrailles lacérées par les ongles, les doigts s’infiltrant dans la chair, le craquement des os sous les dents. Les cris la hantaient par-dessus tout, leur effacement dans le Fléau.
Des larmes de sang coulaient sur son visage lorsqu’elle tomba à genoux devant l’Archaïque. Achab tenait Moby Dick. L’immense dragon l’attendait. Affaibli par les ans et les sorts, il n’était que l’ombre de lui-même. Le plus grand des enfants d’Aegarax soumis à la volonté des hommes. Posant sa main sur le colossal collier runique autour du cou de la bête, Alyssa prononça le rituel, « iksā dāez, ñuha kepa » qui brisa les chaînes. Se reculant, elle ferma les yeux tandis que le dragon bougeait pour la première fois depuis des années.

« Vole mon aimé, vole une dernière fois. »

Les flammes l’engloutirent. L’étincelle de sa vie s’éparpilla au vent alors que l’Archaïque se redressait et poussait un dernier rugissement provocateur envers les yeux. Il déploya ses immenses ciels et se figea. Les cendres de ce qu’était Alyssa se déposèrent les premières sur le dragon, taillé à jamais dans l’obsidienne la plus pure. La Foi se nourrissait parmi les tombes ; et au cœur même de cette certitude, elle plantait les graines du doute. Les questions du monde se cognaient contre le mur aveugle de la mort. La grandeur n’était qu’une maladie, l’homme sans dieu, pareil à un dieu.

L’espoir, lui, vivrait toujours.

Tessarion
Tessarion

POST 3

This is the endVermithor aurait dû aller dormir

Valyria L’aurore qui s’était levée ce matin-là était d’une magnificence comme il n’avait pas été donné de voir au jeune maître-verrier qui y avait assisté en s’installant au sommet du bâtiment qui abritait l’atelier. Cela lui permettait ainsi d’avoir une vue plus dégagée sur le ciel. Les nuages rendus bleus par la nuit avaient peu à peu été inondés de la lumière du soleil, les colorants d’un rouge tirant sur un orange particulier comme si le coton des nuages s’était soudainement enflammé, apportant une vive lumière jaune qui courait sur toute la ligne d’horizon. Un véritable spectacle pour ces yeux qui luttaient encore contre cette fatigue inhérente à la courte nuit que le jeune homme s’était imposé. Il était bien là, nonchalamment allongé, les bras repliés vers lui de sorte que ses mains surélèvent légèrement sa tête et seule cette odeur de souffre dans l’air perturbait quelque peu la divine image que Meraxes et Gaelithos offraient conjointement à ses yeux. Peut-être que Vermithor s’affairait dans ses forges qui se situaient à des pieds au-dessous de la surface du sol ? Ces dernières lunes, il était devenu régulier que le sol tremble sous les coups de marteau du dieu forgeron et que des nuages s’échappent du sommets des Flammes. Le nez froncé, Aemor prit une profonde inspiration puis se leva. Il était l’heure de vérifier la chaleur des fours et de se mettre au travail.

Comme à son habitude le travail du verre le faisait vagabonder dans sa concentration, son esprit glissant avec douceur le long de la tige qu’il manipulait soigneusement entre ses mains, allant jusqu’à la matière en fusion qu’il travaillait avec un mélange de précaution et de vigueur mêlées. Le temps qui s’écoulait il ne le voyait ni ne le sentait, seule l’avancée de son travail et les rotations avec les autres verriers lui permettaient d’estimer le temps qu’il prenait à réaliser ce vase, pour lequel il multipliait les couches de verre en fusion afin du lui donner une meilleure solidité finale et surtout mélanger les couleurs. Il ne remercierait jamais assez les dieux d’avoir donné de leur volonté et force aux soldats ainsi qu’aux seigneurs-dragons pour rendre leur péninsule si belle et l’épargner de la violence extérieure. Il ne pouvait non plus ignorer les marchands sans qui les techniques rapportées des autres contrées n’auraient pu permettre d’améliorer les techniques des artisans. Alors qu’il indiquait à son collègue qu’il était temps d’ajuster la forme du verre en fusion, une grande et longue secousse ébranla la bâtisse. Cela fut si soudain et puissant qu’Aemor -pourtant bien portant- senti ses jambes se dérober sous son poids, lâchant bien malgré lui la tige de fer et fut entrainée sur le sol par le poids de plusieurs livres qu’elle devait supporter à son bout.

Tout tremblait à l’intérieur de l’atelier, les fissures déjà présentes depuis la dernière secousse s’agrandissaient et ne laissaient guère présager un futur radieux pour le bâtiment. Le grondement était assourdissant et se diffusait dans son corps jusqu’à venir secouer avec force ses os. Le maître-verrier sentait son cœur battre la chamade tandis qu’il essayait de se relever et d’éviter les morceaux de plafond qui commençaient à tomber. Quand il put enfin parvenir à rester debout, il quitta alors l’atelier qui s’était transformé en piège, flanqué des autres verriers chez qui la crainte pouvait se lire sur les traits de leur visage. Cela n’avait rien à voir avec les secousses précédentes, c’était la sensation qui l’assaillait et pourtant il ne pouvait s’empêcher de croire qu’à nouveau cela serait passager.

- Vermithor est fort occupé aujourd’hui ! s’exclama non loin de lui une fois essoufflée.

Oui, fort occupé dans son travail ou sacrément en colère. Les secondes continuèrent à défiler, interminables alors qu’à peine deux minutes devaient s’être écoulée. Le grondement terrestre cessa et avec lui un silence commença à s’installer quelques instants avant que les voix des habitants de la cité ne s’élèvent, chacun venant en aide à un autre ou venant dégager des affaires ou des voisins des décombres. Si Aemor apporta un temps son aide aux autres, il ne pu s’empêcher de retourner sur le toit du bâtiment alors s’était trouvé plusieurs heures auparavant afin de tenter de jauger les dégâts causés par la puissante secousse. Promenant son regard sur les alentours, il remarqua les nombreux édifices touchés quand ces derniers ne s’étaient pas effondrés -déjà fragilisés par les secousses des lunes précédentes- puis son regard se posa vers horizon où se trouvaient les Flammes desquelles commençaient des rivières de flammes coulaient sur leurs flancs. Vermithor semblaient définitivement en colère mais contre qui ? Lui-même ou eux ? Désormais le ciel était noir et il commençait à pleuvoir des cendres qui vinrent rapidement griser les cheveux clairs du jeune homme. Il toussa, l’air puait le souffre mais surtout il était brûlant, vicié. Des larmes commencèrent à couler le long de ses joues. Il toussa à nouveau, une toux plus rocailleuse et devenant douloureuse mais il inspirait de l’air plus ses poumons le brûlaient. Il s’écroula à genoux, ne pouvant s’arrêter de tousser, tandis qu’autours de lui à la pluie de cendre se joignait une pluie de sang noir et de verredragon qui frappait tout sur son passage, y compris le corps d’Aemor qui finit par s’écouler. La douleur il la ressentait dans tout son être et le brûlait tant, il voulait descendre pour rejoindre les autres mais il en était incapable pas avec cette roche qui s’était abattue sur son crâne et qui le laissait dans un état pitoyable. Il était là, souffrant et cherchant à aspirer de cet air ardent et mortel pour tenter de survivre alors qu’autours de lui Valyria et tout ce qu’il avait connu étaient détruits. Et était en train de mourir à petit feu, affreusement et seul...

Tessarion
Tessarion

Les votes sont terminés Le Post de la Saison : Hiver 2022 - Sondage 1260238716
Contenu sponsorisé