For the two of us, home isn't a place. It is a person. And we are finally home.
Quadrant Sud, Cité de Valyria ֍ Troisième Mois de l'An 1066
Le Triomphe avait été grandiose, débauche de richesse et de gloire nécessaire pour mettre un point final à cette guerre qui avait tant duré. L’émotion que j’avais ressentie à la vue de mon frère mis à l’honneur de la sorte avait été sans égal. Le temps était rythmé par un programme très précis. Le Triomphe avait à présent pris fin, et chacun avait été invité à se préparer en vue d’une fête grandiose dans l’un des palais du Quadrant Sud. J’avais espéré arracher un moment seule avec mon frère… en vain. Il me semblait que nous avions été dévorés par un tourbillon incessant de paroles et d’obligations, nous gardant irrémédiablement séparés l’un de l’autre. Je soupçonnais même notre père d’être à l’origine de tout cela. A peine le Triomphe avait-il été clos que déjà notre père attirait Maekar pour le présenter à certains de ses amis sénateurs. Par la suite, chacun s’était pressé auprès de lui et il m’avait fallu rentrer avant lui pour me préparer. S’il avait pu revenir au palais avant de se rendre à la fête, je n’en su rien et il ne me fut pas permis d’échapper une seule seconde aux bavardages de mes cousines bien trop excitées à l’approche de la fête. Cette fête d’ailleurs dont tout le monde parlait depuis des jours. Elle serait le coup d’envoi de quatorze jours de célébration, plus grandioses les uns que les autres. Cette fête devait être un lancement réussi, ainsi l’on annonçait un banquet si abondant que Syrax même s’en trouverait étourdi, des spectacles et des danseuses lascives. Il était coutume que les fêtes de notre belle Valyria n’avait rien des chastes célébrations que pouvait évoquer l’ambassadeur Andal, Hugor Arryn. Nous, Valyriens, aimions la vie et ses plaisirs. Ainsi nos fêtes ne manquaient jamais de nourriture, de boisson et de beauté. Il était coutume que ces fêtes deviennent plus lascives à mesure que les heures s’égrainaient au coeur de la nuit. Cette coutume n’était guère la mienne. Je me trouvais bien idiote de redouter ces fêtes alors même qu’elles constituaient le coeur de la vie sociale Valyrienne. Pourtant, ayant vécu mon rêve de Meleys très peu de temps avant la guerre, et celle-ci ayant mis un terme aux festivités les plus folles, je n’avais guère eu l’occasion d’expérimenter moi-même la sensualité célèbre de mes congénères. Du moins je n’y avais jamais participé.
« Pourras-tu m’excuser auprès de ceux qui demanderont après moi ? Ils ne devraient pas être très nombreux… »
Lorsque je me retournais, Daenyra se tenait dans l’encadrement de la porte de ma chambre.
« Comment fais-tu pour toujours apparaître ainsi ? Serais-tu mage, toi aussi ? »
Je riais et me retournais vers le miroir pour continuer à nouer mes cheveux. Il s’agissait seulement de resserrer les tresses malmenées par les effusions de joie, je préférais profiter de cet instant de paix et de solitude plutôt que de laisser quelqu’un d’autre s’en charger pour moi. Pourtant, rapidement les doigts de Dae se mêlaient aux miens pour finalement les remplacer et continuer le travail.
« Tu sais que tu dois être de la fête, Dae. »
« Je sais. »
Elle répondait d’un air absent, visiblement déjà fatiguée par le Triomphe.
« Tu devrais arrêter de t’inquiéter de la sorte, Elaena, si trois années avaient suffit à dévier le coeur de Maekar de toi alors il ne serait plus Maekar. »
Je relevais le regard, surprise alors que finalement j’aurais du me douter qu’elle saurait lire en moi, comme elle le faisait toujours.
« Ne m’étudies pas trop, ma soeur, tu risquerais d’être choquée. »
« Oh par tes envies de luxures et de débauche ? »
Elle avait pris un faux air d’innocence et il n’en fallait pas plus pour nous provoquer le plus délicieux des fous rires.
« J’imagine que je ne saurais jamais rien de tout cela. »
« Mais enfin que racontes-tu là, tu peux, au même titre que moi, prétendre à toute la luxure dont Valyria voudrait bien te gratifier. »
Elle soupirait en un sourire, soudainement absente. Elle ressemblait à bien des égards davantage à Maekar qu’à moi. Il était connu dans la famille qu’Aenar et moi-même avions des caractères semblables, impulsifs, spontanés, sensuels, sans doute imprudents par là-même. Maekar, Daenyra et Maerion avait hérité du caractère de notre père, bien plus réfléchi, plus introverti sans doute également.
« Elaena, Daenyra, il est temps d’y aller, votre père et vos frères sont déjà partis. »
« Déjà, mais… Nous n’avons pas même pu saluer Maekar depuis son arrivée ! »
« Elaena, tu le salueras lors du banquet, ne fais pas l’enfant. »
Elle sortait dans un tourbillon de soie, visiblement agacée par le retard accumulé par ses filles, l’empêchant de profiter dès maintenant de la fête.
***
La ville était décorée avec goût, et spécialement pour l’occasion. Les invités se pressaient dans les différents espaces pour en découvrir les secrets. Dans le grand hall étaient disposés des banquettes à même le sol, entourées de mets plus délicieux les uns que les autres. Les serviteurs et esclaves se pressaient afin de proposer des boissons aux invités dès que leurs coupes semblaient vides. Nous traversions le hall bien trop lentement à mon goût. Nous n’avions guère le choix, puisqu’il nous fallait saluer tous les visages connus gravitant sur notre chemin. Je croisais le regard de l’ambassadeur de Chroyane, le prince Garin Rosayan, et il fondait sur moi sans attendre une seconde, me proposant une coupe ainsi que quelques grains de raisins. L’homme était charmant, avec un exotisme perturbant je devais l’avouer. Nous avions déjà eu l’occasion de nous fréquenter à l’occasion d’une invitation de mon père à Garin de séjourner quelques temps à Oros. Le commerce avec les Rhoynars était essentiel aux affaires de nos familles. J’avais dès lors déjà pu apprécier son esprit, tranchant mais bien souvent d’un humour irrésistible, et ses élans charnels connus dans tout Valyria. Je n’en avais jamais fait les frais bien sûr, mais sa réputation le précédait largement. Je restais un instant à échanger avec lui, riant malgré moi aux éclats alors qu’il s’amusait à singer les airs de l’ambassadrice de Ghis et des sénateurs durant le Triomphe. Je me laissais tant happer par son esprit que j’en perdais de vue ma mère et ma soeur et me retrouvais seule. Prenant congés de l’homme, il me fallu promettre de lui réserver une danse afin de pouvoir quitter la pièce. La seconde pièce était bien plus calme, réservée aux discussions feutrées et sérieuses, elle était quelque peu enfumée par les vapeurs des pipes. Non loin se trouvait la petite cour où des musiciens jouaient pour des danseuses aux airs exotiques. Leurs danses enchanteresses, la musique entraînante, n’étaient que rendues plus belles par le ciel étoilé, le son du vent dans la verdure ornant la cour ainsi que le clapotis de l’eau de la fontaine centrale.
Je devinais deux pièces où des coussins étaient disposés au sol, ces salles servant au départ à accueillir des petits groupes souhaitant manger dans le calme se transformaient rapidement en écrin pour les orgies les plus sensuelles. Décidant de garder ces pièces pour plus tard, je m’aventurais dans la cour, attrapant au passage une coupe de vin je la traversais lentement, prenant le temps de savourer la douceur de l’air et la beauté de la scène. Je déambulais avec plaisir dans la villa, m’arrêtant régulièrement pour échanger avec des amis rencontrés par hasard, des dignitaires empressés de me féliciter pour mon nouveau rôle d’héritière, ou encore de courageux jeunes hommes désireux de passer quelques minutes avec moi. Le temps semblait filer à une vitesse surnaturelle. A mesure que je progressais dans la villa, il me semblait que la nuit se faisait plus noir, l’ambiance plus feutrée et électrique. Je retrouvais finalement le hall, encore centre de la fête à cette heure. S’y pressaient de nombreux invités, pour manger bien sûr, boire c’était évident, mais également voir et être vu. J’apercevais d’ailleurs la seule personne qui ne m’avait pas été donné de rencontrer avant cet instant en cette journée de fête.
« Valeureux soldats, pardonnez mon intrusion dans vos discussions d’hommes, mais je ne peux résister à l’envie de vous voler mon héros de frère. »
Les soldats qui entouraient Maekar m’adressaient presque à l’unisson un signe de tête respectueux, certains même osaient un sourire, il fallait dire que la soirée était à la fête ! S’excusant auprès de leur général, les jeunes hommes s’éloignaient et rejoignaient d’autres groupes rieurs et déjà largement alcoolisés.
« Dois-je à présent t’appeler mon général ? Serait-il plus convenable que j’en appelle à l’un de tes hommes pour organiser une audience ? Il semblerait qu’il soit plus difficile de t’approcher ce soir que de côtoyer les Dieux eux-mêmes… »