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Comme tous les soldats Maekar n'avait fait qu'imaginer son retour chez lui depuis le moment où le début des négociations avait été entamée et, si son ami Aeganon avait su rire de lui en pointant du doigt l'évidence de sa volonté de retrouver sa sœur, ce ne fut pas la seule rencontre à hanter son esprit depuis que le messager lui avait annoncé la bonne nouvelle. Depuis la mort de son frère aîné le jeune homme avait rapidement compris qu'il aurait à prendre sa place à la tête de la famille, et peut-être que le jeune Maekar d'avant la guerre aurait accepté sans rechigner, docilement car il n'était pas du genre à faire des vagues pour attirer l'attention. Mais, lorsque l'annonce de la mort de son frère lui fut parvenue et qu'il eut le temps de faire son deuil, Maekar s'autorisa un instant pour s'interroger sur son avenir, si la guerre devait terminer un jour, mais la réponse ne fut pas aussi évidente que prévue.
Un bon fils aurait instauré le silence dans sa tête, fait taire la voix à l'arrière de son crâne pour accepter silencieusement la nouvelle voie qui devrait être la sienne, accepter son futur poste de chef de la branche cadette des Tergaryon après son père, mais surtout accepter un poste au sénat dans la faction des mercantilistes, comme son géniteur avant lui. Cela aurait dû être d'une simplicité enfantine car c'était dans l'ordre des choses, c'était ce qu'on attendait d'un bon fils, mais alors pourquoi l'avait-il refusé, en sachant pertinemment ce que cela entraînerait pour son futur ? Il n'avait jamais eu de réelles ambitions, n'avait jamais pensé à son futur une fois la guerre terminée car sa vie était dans les forces armées de Valyria, à présent. En vérité cela l'avait frappé un jour, en voyant les rapports de perte défiler devant ses yeux, puis en se dirigeant vers l'infirmerie, là où tous ses voisins blessés étaient allongés là, à attendre leur trépas ou leur guérison, certains agonisant dans un gargouillis horrible alors que le sang remplissait leurs poumons.

C'était ce genre là, devant ce spectacle de larmes et de sang que Maekar sut qu'il ne pourrait faire machine arrière, qu'il ne pourrait plus jamais s'intéresser uniquement aux profits de cette nation face à la souffrance de ses compagnons. Tous avaient donné leur vie pour apporter un glorieux futur à leur nation, ils avaient accepté de mourir pour gloire et richesses, aussi serait-ce une insulte envers tous ces sacrifiés que de nier cette triste évidence. Le général n'était pas un individu belliqueux en soi mais il comprenait la nécessité de se battre pour faire changer les choses et étendre son territoire, de prendre les armes pour se révolter contre le statu quo, et c'était avec cette vérité en tête que, le lendemain du Triomphe, il décida d'avoir la discussion qui avait été pendant trop longtemps repoussée.

Vêtu d'une modeste tunique noire et brodée d'argent, comme d'habitude, l'homme à la posture droite et sèche se dirigea vers le palais où sa famille résidait pendant le Triomphe. Oh il lui était difficile d'oublier les retrouvailles passionnées avec sa sœur, la veille, mais aujourd'hui ce n'était pas elle qu'il venait voir, non.  Les gardes le laissèrent donc passer et, d'une démarche lente, Maekar se dirigea vers une pièce richement décorée qui faisait office de salon, là où un homme l'attendait de l'autre côté.

« Cela faisait bien longtemps. »

Telle était la façon dont Maekar s'était annoncé, figé en une posture d'attente militaire, les mains croisées dans le dos en attendant que l'homme face à lui jette un regard dans sa direction, reconnaissant sa présence. Une fois que cela fut fait, le soldat prit une inspiration et s'avança dans la pièce, balayant le décor d'un regard neutre comme à son habitude, se drapant d'un voile de retenu pour masquer la véritable nature de ses pensées et de l'appréhension qui commençait déjà à entourer son cœur. Il connaissait l'importante de cette discussion, mais il savait qu'à tout moment son destin pourrait être scellé, à tout jamais.

« Je ne savais pas si tu accepterais de t'entretenir avec moi. »

Cela fais  trois longues années que les deux hommes n'avaient pas été dans la même pièce, qu'ils ne s'étaient pas adressés la parole autrement que par messages interposés, mais tous deux savaient que cette discussion était inévitable. Conscient que l'homme en face pourrait le rembarrer  et l'envoyer paître malgré le lien qui les unissait, en raison de ses choix récents, le soldat s'avança donc et, une fois à portée, tendit sa main en guise de salutations, avant de vocaliser ce qu'il avait réellement en tête :

« Content de te voir, Père. »

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Vaegon Tergaryon était un homme occupé. Sénateur, chef de file de la faction mercantiliste, ses journées n’étaient guère des plus reposantes et ses soirées se retrouvaient bien souvent prises en otage par nombre de dossiers sur lesquels il lui fallait travailler. Toute sa vie, Vaegon s’était efforcé de donner le meilleur dont il disposait. Troisième fils d’une famille dont la gloire n’était plus à faire, il s’était longtemps imaginé qu’il lui faudrait vivre dans l’ombre de ses frères, accepter le destin que la vie avait bien voulu lui offrir. Lorsqu’un mariage avec une jeune femme dont les racines remontaient aux territoires du Nord de Valyria et dont la famille était depuis plusieurs générations installée à Oros, ville du Centre, il avait tout d’abord vu cela comme une manière pour son père de se débarrasser de ce troisième fils inutile. Il n’aurait pu être davantage dans l’erreur, car ce mariage arrangé, qui était devenu mariage d’amour, s’était révélé être son meilleur atout. En épousant Saera Vaelarys il avait non seulement gagné un siège au Sénat, honneur auquel il n’aurait pu prétendre autrement, mais également toute la richesse des Vaelarys dont les héritiers dignes de ce nom étaient venus à manquer à force de donner les branches cadettes en mariage à des étrangers. Alors, Vaegon, né troisième fils, né rien du tout, était devenu l’égal de son ainé. Il l’avait presque même dépassé en notoriété et en gloire, et ceci non seulement par son mariage, mais bien les sacrifices auxquels il avait consenti.

Pour cela, Vaegon ne pouvait pas comprendre la décision de son fils, Maekar. Le patriarche avait bien sûr accepté la décision, poussé par son épouse et convaincu par ce qu’il avait décelé chez sa fille, mais s’était glissée entre lui et son second fils une incompréhension essentielle. Vaegon était un père aimant, un patriarche pour lequel l’union de la famille était essentielle. Pourtant, son éducation et l’expérience de la vie en avait fait un homme exigeant, strict avec ceux dont il attendait beaucoup… et donc surtout avec ses enfants. Ceux-ci pouvaient s’estimer heureux de la sereine influence de Saera sur le tempérament de son époux, sans doute aurait-il forcé Maekar à prendre sa succession, ou peut-être l’aurait-il chassé à jamais sans l’intercession de son épouse. Lui qui avait dû se saisir de ce qu’il possédait aujourd’hui, comment comprendre ce fils qui préférait évoluer loin des sphères de sa famille et qui était prêt à faire retomber un tel poids sur les frêles épaules d’une jeune fille…

« Cela faisait bien longtemps. »

Assis sur l’un des fauteuils du salon, Vaegon passait en revue les propositions des lois que sa faction envisageait de pousser au sénat, prenant un instant pour finir sa lecture, il ne levait les yeux vers son fils que quelques secondes après son arrivée. Ils ne s’étaient guère entretenus en tête à tête depuis bien longtemps. Vaegon n’avait été qu’au second plan durant la guerre, laissant à son fils le rôle de s’y illustrer, ce qu’il avait fait heureusement. Par la suite, au retour des soldats, si le père avait étalé sa fierté aux yeux de ses homologues sénateurs en leur présentant son fils, il n’en était pas moins amer lorsque ceux-ci le félicitaient pour le siège qu’il venait d’obtenir. Un siège supplémentaire dans la famille, cela aurait dû le réjouir au-delà des mots, mais ce siège était une manière de rejeter tout ce que Vaegon lui avait inculqué. C’était la symbolique qui le rendait fou de rage, car au fond comment ne pas être fier de ce fils dont tous chantaient les louages ? Comment ne pas reconnaître que Maekar faisait rayonner le nom Tergaryon et la branche d’Oros comme personne ne l’avait fait auparavant ?

« Je ne savais pas si tu accepterais de t'entretenir avec moi. »

Il était droit comme un i, carrure et posture de soldat à ne pas s’y tromper. Sans doute Vaegon aurait-il dû le comprendre depuis longtemps d’ailleurs, et entrevoir dans cette lubie militaire le signe qu’il ne désirait rien d’autre que cela.

« Content de te voir, Père. »

Le visage du sénateur, qui était resté neutre durant les premiers mots de son fils, s’illuminait d’un sourire sincère. Il reposait les quelques feuillets sur la petite table jouxtant son fauteuil pour se lever et se diriger vers son fils. Il déposait ses deux mains sur ses épaules comme il avait l’habitude de le faire lorsque Maekar était enfant.

« Quel homme serais-je si je n’étais pas heureux de voir mon fils, ce héros revenu de guerre ! Assieds-toi. »

Désignant de la main un des sièges qui faisaient face au sien, Vaegon s’asseyait avec un soupir de fatigue avant de ranger les quelques feuillets éparpillés autour de lui sur la petite table.

« Bien. Qu’est-ce qui t’amène, mon fils ? J’imagine que tu n’es pas là pour me dire que tu renonces à cette folie et que tu acceptes d’être mon héritier. Alors qu’est-ce ? Les fêtes sont-elles si lassantes que tu préfères plutôt passer une soirée avec ton père ? »

Il s’élançait dans un rire étrange, ni réellement amusé, ni réellement jaune. Il n’était pas si amer de voir son fils se borner à s’éloigner de son devoir. A vrai dire, il s’y était résigné. Il avait présenté Elaena à tous comme étant son héritière, il aurait été bien mal à l’aise de revenir sur cette parole. Pourtant, il n’en oubliait pas pour autant ce camouflet, et l’affaiblissement potentiel qu’il représentait pour l’avenir de cette famille.

« Elaena a justement évoqué une fête non loin d’ici, gageons qu’elle saura s’y faire remarquer… Ta sœur a toujours eu le don d’attirer les regards. Si nous arrivons à faire d’elle une politique et une stratège, peut-être même n’en sera-t-elle que plus efficace… Enfin. Je m’égards. Que veux-tu, Maekar ? »


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Maekar avait toujours été très discret même durant sa place tendre enfance, si bien qu'il n'avait pas eu beaucoup de discussions à cœur ouvert avec son père, mais connaissait le parcours de Vaegon sur le bout des doigts. Son père avait toujours eu plus d'ambition et de potentiel que son second fils ne pourrait jamais en montrer, il avait fait ce qu'il fallait pour se couper une importante part du gâteau malgré sa position de troisième fils, alors comment ne pas respecter pareil homme devenu chef de file au Sénat ? Maekar avait toujours su que parmi ses fils Aenar était le plus proche du profil de son père, le plus à même de remplir ses fonctions lorsqu'il serait trop âgé pour le faire, aussi avait-il rapidement accepté ce constat pour pouvoir chercher sa propre voie. Certes le jeune général savait bien qu'une fois la mort de son frère annoncée il aurait pu prendre la place qui lui revenait de droit, devenir un mercantiliste à son tour et siéger au Sénat comme il le méritait, mais la décision qu'il prit fut toute autre.
Il ne regrettait pas la décision prise mais les conséquences de cette dernière. Aussi, avait-il qu'il ne soit trop tard et que le lien de père à fils s'en trouve endommagé, Maekar eut l'intention de retrouver son père mais l'accueil fut bien différent de celui attendu. Il avait imaginé que son père l'accueillerait avec un air froid, les bras croisés en une posture fermée, totalement clos à l'idée d'un dialogue mais, lorsque son géniteur initia le contact, un sourire discret et soulagé vint se dessiner sur son visage.

On l'avait appelé héros toute la journée sans qu'il ne soit d'accord un seul instant, car il était un soldat vide de toute trace d'ego ou d'arrogance, aussi s'était-il fait violence pour enterrer tout désir de contradiction en lui mais, maintenant qu'il était face à son propre héros, son père, ce mot sonnait encore plus étrange. En vérité Maekar s'était attendu au pire en arrivant, à la possibilité d'être renié par sa famille mais, maintenant qu'il était face à celui qui lui avait donné la vie, il ne savait plus sur quel pied danser.

« Pour être honnête, c'est le cas. Je suis ton fils avant d'être autre chose, d'être un soi-disant héros. J'avais besoin de m'éloigner un peu de toute cette attention et de passer un peu de temps avec toi, mais surtout...»

Vaegon connaissait assez bien son fils pour savoir que ce dernier était incapable de mentir, aussi quand il avouait vouloir passer un peu de temps avec son père, loin de cette célébration, il ne pouvait pas être plus honnête que cela. Certes il était content d'être rentré, mais il ne s'était jamais battu dans le but que toute l'attention soit reportée sur lui. Son frère aurait pu le faire, mais pas lui.
Suivant l'invitation du chef de famille, Maekar s'enfonça dans un siège au face de celui où se situait celui à qui il devait la vie, avant de se muer dans un silence afin de réfléchir à la façon de formuler la raison de sa venue ici. Le Sénateur n'était pas bête et devait déjà en connaître la raison ou s'en douter, aussi le général commença par :

« Je suis venu mettre les choses à plat avec toi, parce que tu as toujours été franc avec moi. Il est donc normal que j'en fasse de même. »

Que pouvait-il faire de plus ? Maekar avait toujours fait preuve de simplicité et de retenue dans ses propos mais aujourd'hui, s'il voulait se faire entendre clairement, la retenue n'était plus vraiment à l'ordre du jour. Laissant ses yeux s'attarder sur le flot de ses pensées, plongés dans le vide, le Tergaryon laissa planer un silence de quelques secondes avant de relever un regard calme vers son père, avant de lui expliquer :

« Je veux épouser Elaena parce que je l'aime, je ne peux pas être plus clair que cela. Je me doute que ta première réponse sera de refuser, parce que je t'ai fait honte en refusant mon héritage familial, dans le but de faire mes preuves, mais j'espérais pouvoir changer cela. »

Ne pouvait-il pas faire plus simple que cela ? Maekar ne se souvenait pas la dernière fois qu'il avait rappelé à son père à quel point il aimait sa sœur, peut-être ne l'avait-il jamais fait d'ailleurs mais il était trop tard pour passer cette information sous silence. Laissant ce même silence s'installer quelques secondes, le général ne perdit pas son père du regard et continue, sur un ton plus humble :

« Je n'ai jamais voulu te faire honte ou me montrer ingrat, Père. Je ne pourrai jamais te remercier assez pour tout ce que tu m'as donné mais...soyons sérieux un instant : je ne suis pas Aenar. Je ne suis pas un orateur, je n'ai pas l'étoffe d'un chef de famille mais Elaena ? Elle est plus intelligente et rusée que je ne le serai jamais. »

Il la connaissait mieux que personne et inversement. Elle était plus rusée qu'il n'y paraissait et, si l'expérience lui faisait défaut, avec le bon entourage elle finirait pas combler rapidement ce trou pour être à la hauteur du nouveau rôle qui était la sien. Lui-même n'avait jamais été un meneur, jamais été charismatique ou particulièrement avisé. Alors qu''était-il ? Sa réponse lui vint, sur un ton pensif.

« Je suis un soldat. »

Peut-être était-il né Tergaryon, né second fils, mais la seule chose qu'il avait réellement choisi d'être était un soldat. C'était le seul choix qu'il avait jamais eu et, avec cette idée en tête, Maekar se leva de la chaise pour faire ce qu'il n'avait encore jamais fait pour quiconque. S'avançant de quelques pas, il se positionna à côté du siège de son père et posa un genou à terre, la tête baissée respectueusement vers le sol, avant de lui murmurer  :

« Un soldat avec ton nom, qui fera ce qu'il faudra pour continuer à couvrir ce nom de gloire. Un soldat qui demande humblement ta permission d'épouser sa sœur. »

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« Pour être honnête, c'est le cas. Je suis ton fils avant d'être autre chose, d'être un soi-disant héros. J'avais besoin de m'éloigner un peu de toute cette attention et de passer un peu de temps avec toi, mais surtout...»

Un sourire aux lèvres, Vaegon Tergaryon écoutait son fils avec attention. Il se doutait que celui qui était à présent son ainé n’était guère venu pour le simple plaisir de deviser avec un père qu’il devait considérer comme un oppresseur. Vaegon n’avait pas d’opposition intrinsèque aux ambitions de son fils, bien au contraire, c’est bien cette ambition qui l’avait poussé à devenir un excellent soldat, puis un général reconnu. Plus que jamais le nom des Tergaryon était sur toutes les lèvres.

Le sénateur s’amusait de constater comme son fils lui ressemblait. Maekar ne s’en doutait sans doute pas, mais s’il était à présent un sénateur reconnu et respecté, il n’était pas né ainsi. Troisième fils, il n’avait guère été élevé dans l’idée qu’il ferait de grandes choses, et tout ce qu’il savait, tout ce qu’il était, il avait dû l’apprendre sur le tard. Dans sa jeunesse, il avait été un aspirant soldat, oh il n’avait jamais eu les capacités de son fils, et pourtant il s’était imaginé poursuivre dans cette voie qu’il estimait être la seule capable de lui offrir un avenir. Réservé et rigide, il n’avait rien des qualités qui permettaient de naviguer dans les eaux troubles de Valyria. Pourtant, il avait appris à se faire plus souple, à adapter cette fameuse idée de l’honneur à ses intérêts, à s’exprimer et à s’allier aux puissants par le pouvoir d’un don oratoire qui s’était révélé alors qu’il pensait en être dépourvu à jamais. Les gens pouvaient changer. Et Maekar, lui aussi, changerait.

« Je suis venu mettre les choses à plat avec toi, parce que tu as toujours été franc avec moi. Il est donc normal que j'en fasse de même. »
« Tu as toute mon attention mon fils. »
« Je veux épouser Elaena parce que je l'aime, je ne peux pas être plus clair que cela. Je me doute que ta première réponse sera de refuser, parce que je t'ai fait honte en refusant mon héritage familial, dans le but de faire mes preuves, mais j'espérais pouvoir changer cela. »

Le regard toujours fixement ancré dans le regard déterminé de son fils, Vaegon ne put, pour autant, retenir un soupir. Il s’était imaginé que quatre années de guerre et de filles de joie auraient eu raison de la passion de son fils pour Elaena. Lorsque cette dernière avait évoqué les fiançailles, le jour du Triomphe, il avait eu un pincement au cœur pour la jeune fille. N’était-il pas connu que la guerre changeait les hommes et influençait les cœurs ?

« Je n'ai jamais voulu te faire honte ou me montrer ingrat, Père. Je ne pourrai jamais te remercier assez pour tout ce que tu m'as donné mais...soyons sérieux un instant : je ne suis pas Aenar. Je ne suis pas un orateur, je n'ai pas l'étoffe d'un chef de famille mais Elaena ? Elle est plus intelligente et rusée que je ne le serai jamais. »

Il se bornait à rester silencieux, souhaitant ne pas interrompre son fils pour le laisser dérouler le fil d’un discours qui semblait murement pensé. Vaegon n’avait jamais douté de l’estime que Maekar portait à Elaena, et peut-être même cet amour qu’il revendiquait avait eu raison de sa lucidité.

« Je suis un soldat. Un soldat avec ton nom, qui fera ce qu'il faudra pour continuer à couvrir ce nom de gloire. Un soldat qui demande humblement ta permission d'épouser sa sœur. »

Vaegon avait regardé ce fils se lever, d’un air qu’il ne lui connaissait pas, et déposer un genou à terre à ses côtés. Ainsi il était bien déterminé. Déposant une main chaleureuse sur l’épaule de son fils, Vaegon se laissait aller à rire face à la dramaturgie savamment travaillée par le jeune homme.

« Relève toi, nul besoin d’un tel cérémoniel. Allons. Retourne t’asseoir. Allons. »

Il laissait son fils reprendre sa place dans le fauteuil qui lui faisait face, le visage soudain grave et la main occupée à frotter la barbe qui ornait son menton, le regard fixé sur un point lointain que lui-même n’identifiait pas.

« Maekar… Tu n’es pas Aenar, bien-sûr que non. Nous n'avons jamais voulu faire de toi un double de ton frère. »

L’homme redirigeait son regard vers son fils, ses lèvres esquissant à nouveau un sourire.

« Ta sœur serait sans doute très heureuse de t’entendre parler ainsi… Et tu as raison sur un point, elle a sans doute plus de capacités que je ne l’avais imaginé au début. Mais sais-tu dans quelle situation tu l’as plongée ? Être une femme au Sénat est déjà un défi, mais une cadette, désignée pour la seule raison que son frère ainé a décidé qu’il était trop heureux hors du giron familial ? »

Pressentant l’intervention de Maekar, il levait la main pour l’arrêter.

« Nous ne sommes pas là pour rediscuter de ce fait. J’ai depuis longtemps cessé de vouloir te convaincre. »

Il restait un instant silencieux, puis se levait pour se diriger vers une desserte où avait été disposée à son attention une carafe de  liqueur. Il se servait et remplissait une seconde coupe qui porta à son fils, toujours assis avant de se mettre à parcours la pièce, sans autre but que celui de mettre en ordre ses pensées.

« Tu es un héros ! Un héros de guerre, par Arrax ! Ne te languis pas ainsi pour une seule femme, fait ce que la jeunesse t’autorise et ramasse les lauriers… et cueille les jeunes filles qui te les lancent. »

Il déposait sa main sur l’épaule de son fils, se tenant à ses côtés en le regardant du haut de sa position dominante – fait suffisamment rare pour être souligné.

« Tu es un soldat. Un général. Non, un excellent général. Il sera bien temps pour toi de penser au mariage. Fis-toi à mon expérience et bois à toutes les sources de Valyria, je doute qu’une seule ne te résiste… Profites-en avant de rejoindre le Sénat. Drivo aura vite raison de cette fougue. »

Un sourire aux lèvres, il vidait sa coupe d’une traite, de redirigeant vers la desserte pour se resservir.

« Mais raconte-moi, Meereen, le siège, la victoire. Diverti ton vieux père avec ces récits d’héroïsme dont il raffole tant. »

Il avait clos le sujet de lui-même mais il n’avait pas la naïveté de croire que son cadet prendrait cela pour une conclusion satisfaisante. Oh Vaegon Tergaryon n’ignorait rien des effets des feux du désir et de l’amour sur l’esprit et le corps d’un jeune homme… Mais il n’était plus un jeune homme, et il n’était plus celui que l’on manipule ou fait plier. Il avait un objectif et un seul : la prospérité de sa famille. Il comptait bien sur Maekar et Elaena pour l’aider à sécuriser cet objectif… Même si cela devait être à leurs dépens.




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En dehors de leur propre parcours, Maekar n'avait jamais suffisamment échangé avec son père pour se rendre compte à quel point leurs personnalités étaient similaires, sans doute parce que son géniteur avait été trop occupé à former son aîné pour le rôle qui aurait dû être le sien, à la tête de sa famille, mais maintenant qu'il était confronté au silence de son père il commençait à y voir un petit peu plus clair. Vaegon avait bien plus vécu que lui et connaissait la nature rude et injuste de l'existence humaine, il s'était donc forgé un caractère bien trempé à même de surmonter tous les obstacles qui se mirent sur sa route tandis que Maekar avait lui-même plongé dans la gueule du loup pour voir la vie, sous son aspect le plus horrible. Tous les deux avaient pris des décisions différentes dans leur vie, avaient appris des leçons bien distinctes, mais s'étaient drapés d'un sérieux et d'une retenue nécessaires selon leurs positions respectives.
Maekar n'était pas doué pour exprimer ses sentiments, pour s'exprimer tout court en réalité mais, puisqu'il connaissait l'importance de ce qu'il était sur le point de demander, il se fit violence et vint s'agenouiller devant son père en signe d'ultime respect, avant que ce dernier ne se décrispe pour demander à son fils de se relever. En avait-il trop fait ? Probablement que oui, mais quand est-ce que le général n'était-il pas anormalement sérieux ? Quand faisait-il les choses à moitié ? Jamais, tous dans sa famille le savaient bien.

Suivant l'invitation de Vaegon, le général se releva donc silencieusement quoiqu'un peu frustré par la réaction de l'homme à qui il devait la vie, avant de s'asseoir sur le siège qui lui fut indiqué. Plongé de nouveau dans son silence habituel, il écouta son père lui rappeler à quel point il était différent de son frère et que personne n'avait voulu qu'il en soit autrement, alors pourquoi s'offusquer de son changement de voie ? Pourquoi ne pas accepter que, si les deux frères étaient diamétralement opposés, leurs choix puissent l'être également ? Cette idée fut rapidement balayée lorsque le père de famille mentionna la situation complexe dans laquelle sa fille aînée se trouvait, en raison du choix du fils qu'il avait en face de lui. Pensait-il vraiment que le soldat n'avait pas réfléchi à tout ceci avant de prendre sa décision ? Suggérait-il que le choix de Maekar ait eu lieu sur un coup de tête ? Il devait connaître assez son fils pour savoir que cela ne pouvait pas être le cas.

Le jeune Tergaryon aurait laissé coulé cette remarque en répondant d'un simple hochement de tête, mais la toute dernière phrase de son père figea son visage en une expression froide derrière laquelle se cachait une colère sourde. Connaissait-il si peu son fils pour penser que tout ce qu'il avait fait, tout ce qu'il avait sacrifié et dépensé avait été pour une quelconque recherche du bonheur ? Le ton du fils se fit immédiatement plus froid et plus sec, en formulant sa réponse malgré la volonté de son père de clore ce débat.

« J'en ai bien conscience, Père. Mais je tiens à te corriger sur un point, il n'a jamais été question de trouver mon bonheur en dehors du cercle familial. Mon bonheur n'a jamais  rien eu à voir là-dedans et tu le sais. Tu sais pourquoi j'agis comme je le fais.  »

On lui avait rapidement appris l'importance de la famille et du respect filial, une chose qu'il n'avait jamais essayé de combattre, mais ne pouvait-il pas combattre pour sa famille et sa nation en même temps ? Ce qui bénéficiait à l'un devait bénéficier à l'autre, non ? La vie de soldat avait retiré à Maekar l'idée d'un quelconque bonheur pendant ces quatre dernières années, car il n'avait jamais cru revenir de ce conflit interminable, mais à présent qu'il était revenu n'avait-il pas suffisamment sacrifié pour oser demander quelque chose ?

« Jadis tu as toi-même essayé de sortir de l'ombre de tes aînés et de créer quelque chose de tes propres mains. Je pensais que de toute notre famille, tu serais le plus à même de comprendre mon geste.  »

Ils n'avaient jamais eu les mêmes ambitions, mais ne pouvait-il pas comprendre que son fils puisse vouloir autre chose que s'intéresser à l'économie et aux richesses ? Que son fils n'était pas un marchand mais un soldat ? Ce fils en question prit la coupe qui lui fut tendue et fut sur le point d'y boire, de goûter à son nectar, mais la posa lorsque son père lui fit part de ses conseils...avisés. Il voulait que son fils profite de la vie et récolte les lauriers d'une gloire gagnée dans le sang et la douleur, car il la méritait et Maekar le comprenait bien, mais il savait surtout aussi ce que son géniteur essayait de faire en lui prodiguant ces conseils. Il voulait que son fils profite de la vie avant de désirer s'installer avec une femme et il avait raison, mais le soldat n'aimait pas la tournure que prenait la discussion. Il s'enfonça donc dans son siège, frottant son menton de sa main droite d'un air pensif, avant de lever un regard plus déterminé que jamais vers celui à qui il devait tout.

« Ce n'est pas  n'importe quelle femme, Père, mais je sais très bien pourquoi tu me dis cela. Tu veux que je renonce à elle et je comprend. Mais j'ai hérité de ton entêtement, ce même trait de caractère qui m'a fait repousser toutes les femmes qui se sont présentées à moi durant les quatre dernières années. Penses-tu vraiment que j'en ai quelque chose à faire de ce titre de héros, de ma propre gloire ou du nombre de femmes dans mon lit, si cela signifie perdre ce à quoi je tiens ? »

Bientôt son regard sembla se perdre dans le vide, ou plutôt dans le passé alors que ses pensées plongeaient vers ce qu'il avait fait pour mériter ce titre de héros, ce titre qu'il n'avait jamais vraiment souhaité. Tout le monde avait célébré le retour de ces braves hommes avec joie et allégresse, marquant enfin la fin de ce long conflit mais, bientôt, le général s'autorisa un constat qu'il n'avait jamais encore vocalisé en présence de quiconque.

« Les véritables héros sont ceux qui ne sont pas revenus.  »

Dans un coin de sa tête étaient marqués au fer rouge le nom de tous ceux qui avaient péris, tous ces héros que leurs familles ne révéraient jamais et, si certains pourraient prendre cette phrase comme un fatalisme ou une fausse modestie, en réalité c'était surtout un rappel de ce qu'ils avaient eu à sacrifier pour gagner cette paix à la durée indéterminée. Il ne pouvait pas oublier, ne le voulait pas et c'était pour tous ces morts qu'il avait accepté ce poste de sénateur plutôt que de se saisir de son héritage familial. Il espérait que son Père comprenne au moins cela.

« Tu devrais voir Meereen, Père. Tu aurais dû voir le visage des soldats lorsque les portes se sont ouvertes, l'impression d'être insignifiant lorsque je me suis posé au pied d'une de ces immenses pyramides. Je t'ai d'ailleurs ramené quelques uns de leurs grands crus, tu m'en diras des nouvelles. »

S'autorisant un petit sourire alors que la conversation déviait vers un sujet plus léger, Maekar plongea ensuite vers les images de la guerre, les victoires remportées et les cris de liesse de ses camarades, avant de dresser un portrait objectif de ce qu'avait pu être ce conflit, pour lui.

« Les ghiscaris sont des guerriers valeureux, je leur accorde au moins cela. Ils nous ont mené la vie dure pendant ces quatre années, mais en même temps est-ce vraiment étonnant ? Nous en ferions de même pour défendre nos propres villes. Le siège de Meereen a été long et éprouvant à plus d'un titre, mais ce n'est pas la première image qui me vient en tête, lorsque tu me parles de victoire.  »

Le poing droit du jeune homme se ferma sans même qu'il s'en rende compte, alors que sa main gauche attrapa la coupe pour enfin en goûter le contenu. La victoire de Meereen avait été incroyable et réjouissante à plus d'un titre mais, si Vaegon voulait entendre de la bouche de son fils le moment le plus marquant à ses yeux, il eut l'occasion de l'entendre alors que le visage du général se relevait vers lui, ses yeux brûlant d'un brasier encore rarement vu, pour ceux qui n'avaient pas été au combat avec lui.

« Lorsque nous sommes descendus à travers les nuages, pour passer Bhorash par le feu-dragon...je n'ai pas les mots pour décrire ce spectacle. C'était...  »

Il laissa un moment de silence s'installer alors qu'il cherchait ses mots, une façon digne de représenter la grandeur d'une telle action mais, lorsque sa bouche se ferma, Vaegon put comprendre qu'aucun mot ne pourrait jamais rendre justice à cette victoire durement payée. Ce fut le premier coup d'éclat de Maekar, sa première réelle victoire dont il se souviendrait jusqu'à son dernier souffle.

Arrax
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It's been a while, father 



« J'en ai bien conscience, Père. Mais je tiens à te corriger sur un point, il n'a jamais été question de trouver mon bonheur en dehors du cercle familial. Mon bonheur n'a jamais  rien eu à voir là-dedans et tu le sais. Tu sais pourquoi j'agis comme je le fais.  »

Vaegon ne pu contenir un sourire de poindre sur ses lèvres. C’était évidemment une affirmation rassurante pour le père qui ne souhaitait que voir son fils rester fidèle aux intérêts familiaux, mais l’homme était bien trop rompu aux jeux du Sénat pour se le tenir pour dit. Vaegon connaissait les jeux d’influence et les effets qu’ils pouvaient avoir sur les esprits les moins rompus à l’exercice. Tout héros qu’il était Maekar n’était pas né pour être sénateur, et n’avait jamais été formé à ce rôle. Être sénateur et le rester ne consistait pas à suivre les ordres mais plutôt d’être capable de naviguer dans les eaux contraires de la faveur politique. Cela recommandait de la souplesse et une propension à ajuster ses convictions selon le sens du vent, ou du moins en apparences, car ce monde était fait d’apparences. Vaegon connaissait suffisamment son fils pour savoir qu’il lui serait difficile d’être ce genre de sénateur. C’était justement sa rigueur et ses convictions qui avaient fait de lui un héros. Alors le Tergaryon aurait aimé croire sur parole la détermination de son fils à travailler pour les intérêts de sa famille, mais il préférait prendre le temps de s’en assurer lui-même. Il n’était pas de ces hommes qui se fient à la parole des autres, il avait une trop grande expérience pour cela.

« Jadis tu as toi-même essayé de sortir de l'ombre de tes aînés et de créer quelque chose de tes propres mains. Je pensais que de toute notre famille, tu serais le plus à même de comprendre mon geste.  »
« Maekar, j’ai épousé la femme que mon père avait choisi pour moi, quitté ma famille et Gelios sans le souhaiter, mais pour servir les intérêts de ma famille. Il s’avère que cette union fut le début d’une ascension imprévue, mais je ne l’ai guère fait pour moi, mais pour vous, mes enfants et vos enfants par la suite. »

Vaegon n’était évidemment pas tout à fait honnête. Il était vrai qu’il n’avait fait que suivre les commandements de son père lorsqu’il fut envoyé à Oros pour épouser Saera, mais tout ce qu’il avait fait par la suite n’avait eu pour but que celui de construire quelque chose qui dépasserait un jour l’achèvement de ses frères ainés. Il connaissait la soif de réalisation que pouvait ressentir son fils, puisqu’il avait eu cette même ambition. Il n’acceptait seulement pas que cette démarche puisse se retourner contre lui, comme cela avait le cas pour son père. Son fils avait choisi l’indépendance, mais il y avait bien une chose qu’il ne pouvait avoir sans dépendre de son père : Elaena. Elle était une carte précieuse à jouer dans la stratégie de Vaegon. Il serait bien temps de la marier à Maekar si celui-ci se révélait à la hauteur de la confiance familiale, au Sénat, ou bien de l’offrir à une autre famille. Vaegon n’était pas un fervent défenseur des mariages hors de la famille, il en connaissait le prix et ne souhaitait guère voir son sang plus altéré encore. Il ne serait pas dit que la branche d’Oros disposait d’un sang impur. Il pourrait cependant donner sa main à Maegon, qui voyait en la jeune femme une opportunité intéressante de se rapprocher de la branche cadette. Elaena était suffisamment intelligente pour manoeuvrer un époux, et les enfants de Maekar seraient amenés à prendre la tête de la branche d’Oros, tandis que ceux d’Elaena seraient à la tête de la branche principale. Les deux branches de la famille, réunies sous l’égide de Vaegon, au détriment de ses ainés. Une belle revanche. Toujours était-il qu’il n’avait pas pris sa décision, ou du moins qu’il était bien décidé à jouer cette carte pour maintenir son fils dans le droit chemin.

« Ce n'est pas  n'importe quelle femme, Père, mais je sais très bien pourquoi tu me dis cela. Tu veux que je renonce à elle et je comprend. Mais j'ai hérité de ton entêtement, ce même trait de caractère qui m'a fait repousser toutes les femmes qui se sont présentées à moi durant les quatre dernières années. Penses-tu vraiment que j'en ai quelque chose à faire de ce titre de héros, de ma propre gloire ou du nombre de femmes dans mon lit, si cela signifie perdre ce à quoi je tiens ? »
« Quatre années sans femmes ? Ne vois-tu pas que c’est justement le danger, te rends-tu compte de ce que les gens pourront penser d’un homme qui se contente de sa soeur cadette ? Tu es un héros, par Arrax, tu as une réputation à tenir ! Elaena est… elle est jeune. Je ne te demande pas de renoncer à elle mon fils, je te conseiller simplement d’élargir tes horizons comme tout jeune homme de ton âge est en droit de le faire, sinon le devoir. Tu ne voudrais pas que le monde pense que Le Téméraire se fait mener à la baguette par une jeune fille ! »

S’il était entièrement honnête, Vaegon aurait du admettre qu’il était quelque peu impressionné par la détermination de son fils. Oh il connaissait son caractère entêté, il semblait que tous ses enfants en avaient hérité. Pourtant il connaissait les besoins et désirs des jeunes hommes, et ne pouvait que reconnaître l’affection et la loyauté de son fils envers sa soeur. C’était avantageux pour lui. Un homme capable d’affronter la mort sans rechercher le réconfort sensuel offert par de belles femmes serait capable d’apprendre à naviguer entre ses obligations de militaire au sénat, et son devoir familial. C’était en tout cas ce que Vaegon attendait de lui. Cela demanderait des sacrifices et une adaptabilité que son fils n’avait peut-être pas encore. Cela impliquerait de ne plus être un militaire au sénat, mais d’être un réel politicien. Cela serait éprouvant, mais s’il y parvenait, c’était une gloire assurée pour leur nom, et l’assurance d’un mariage glorieux entre ses deux enfants devenus deux personnes influentes.

Le sujet était important, et Vaegon aurait tout le loisir d’exposer ses attentes à son fils, mais il souhaitait pour l’instant l’amener à lui raconter ses exploits. Il était politicien et n’en perdait jamais l’idée, mais il était un père et quel père ne serait pas fier des exploits d’un fils adulé de tous ?

« Les véritables héros sont ceux qui ne sont pas revenus.  »

Vaegon baissait le regard, soudainement abattu par le souvenir violent de la perte que devait évoquer Maekar. Aenar avait quitté ce palais en promettant d’y revenir victorieux… Mais il n’était jamais revenu.

« Tu devrais voir Meereen, Père. Tu aurais dû voir le visage des soldats lorsque les portes se sont ouvertes, l'impression d'être insignifiant lorsque je me suis posé au pied d'une de ces immenses pyramides. Je t'ai d'ailleurs ramené quelques uns de leurs grands crus, tu m'en diras des nouvelles. »

Vaegon s’élançait dans un rire tonitruant, remerciant son fils d’un geste de la tête et d’un sourire. Il ne doutait guère de la beauté de Meereen, beaucoup parlaient de cette ville comme d’une merveille architecturale. L’Empire de Ghis n’était d’ailleurs pas l’opposant à Valyria le plus prestigieux pour rien.

« Les ghiscaris sont des guerriers valeureux, je leur accorde au moins cela. Ils nous ont mené la vie dure pendant ces quatre années, mais en même temps est-ce vraiment étonnant ? Nous en ferions de même pour défendre nos propres villes. Le siège de Meereen a été long et éprouvant à plus d'un titre, mais ce n'est pas la première image qui me vient en tête, lorsque tu me parles de victoire. Lorsque nous sommes descendus à travers les nuages, pour passer Bhorash par le feu-dragon...je n'ai pas les mots pour décrire ce spectacle. C'était...  »
« ... Exaltant. »


Vaegon portait la coupe à ses lèvres, se délectant de ce nectar doux qui transitait régulièrement par les routes marchandes et notamment le port de Gelios en très grande partie sous influence Tergaryon. Il avait rêvé d’un moment tel que celui-ci. Lui qui s’était rêvé militaire avait imaginé un jour être face à une telle scène et c’était finalement son fils qui avait réalisé ce rêve inavoué.

« Comme je t’envie, mon fils. Je n’ai pas toujours été pétri d’ambitions sénatoriales, j’ai accepté ce destin que m’offrait mon père au détriment de mon rêve des armées… Je n’étais guère aussi doué que tu l’es cependant, je n’abandonnais que la chimère d’une gloire militaire qui serait mienne. Elle ne l’aurait jamais été. Mais je suis fière qu’elle ait pu être tienne. »

Pourtant, Maekar ne réalisait peut-être guère qu’il venait d’entrer dans une spirale qui le dévorerait tout cru s’il ne s’y préparait pas. Le jeune homme qui n’avait toujours voulu n’être qu’un soldat était devenu général et de général il avait été nommé sénateur. C’était à double tranchant, tant pour lui que pour Vaegon lui-même. Si Maekar se montrait à la hauteur, s’il apprenait à être plus politicien que soldat, alors leur gloire n’en serait que redoublée, et leur influence ne saurait connaître de limite. Si, en revanche, il se bornait à une certaine rigueur - pour ne pas dire raideur - toute militaire, alors il perdrait beaucoup, et Vaegon n’aurait d’autre choix que sacrifier Elaena pour renforcer l’influence familiale.

« T’es-tu préparé à ton nouveau rôle de Sénateur, Maekar ? Je connais ton caractère et tes appétences, j’aurais aimé que tu acceptes d’être mon héritier pour que je puisse te préparer à ce qui t’attend à Drivo… Mais il te faudra apprendre sur le tas. Comment abordes-tu cela ? Et ta place dans tout cela ? J’imagine que Lucerys Arlaeron a déjà avancé ses pions pour t’adjoindre à sa cause… »


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It's been a while, father 




Maekar avait rapidement compris que la vie n'était qu'un champ de bataille comme les autres et que, comme lorsqu'il s'agissait de prendre les armes, il se devait de réagir et s'adapter rapidement aux éventuels changements de situation. C'était ce qu'il s'était efforcé de faire lorsqu'on lui annonça la mort de son frère aîné, lorsqu'on le gratifia du poste de général mais l'adaptation la plus rude fut celle nécessaire lorsque le poste de sénateur lui fut présenté. Lui, politicien ? Vraiment ? Il était honoré que les têtes pensantes de Valyria puissent reconnaître son implication dans la victoire de leur pays, même s'il n'avait jamais cherché aucune forme de reconnaissance, mais était-ce vraiment le rôle qui lui allait le mieux ? N'était-il pas mieux placé à rester un général de l'armée ? Certains pourraient dire que oui et s'en contenter, mais Maekar savait qu'un soldat était inutile en temps de paix et la paix, justement, était ce pour quoi il avait donné quatre années de sa si jeune vie.
Pour être parfaitement honnête il n'avait aucune idée de si il serait à la hauteurs des attentes pour un tel poste, conscient qu'il serait attendu au tournant par ce changement de théâtre d'opération, car tous les autres sénateurs auraient ses faits d'armes en tête mais, comme toujours, il était plus que jamais prêt à relever le défi. Après tout les Tergaryons n'étaient pas connus pour être des couards reculant devant l'adversité et, si une chose était sûre, c'était que le jeune général n’entacherait pas davantage le nom de ses ancêtres en devenant le premier pleutre de la famille !

Il tenta donc dans un premier temps d'expliquer à son père ses motivations, sans pour autant être naïf quant à ses chances d'obtenir gain de cause aujourd'hui, jusqu'à ce que son géniteur se mette à lui expliquer que tout ce qu'il avait toujours fait n'avait été que pour sa famille. Maekar se retint de laisser son visage exprimer un mécontentement passager, comme si le fait de se battre pour son pays était moins important que pour sa famille. Il était bien conscient qu'il venait de fragiliser l'équilibre des Tergaryons en acceptant ce poste et en s'éloignant de la sphère d'influence de son père, nul besoin d'être un génie pour s'en rendre compte mais, sans regretter sa décision, il espérait simplement pouvoir trouver un moyen de faire coïncider famille et carrière. Alors, sur un ton aussi neutre que possible, il renchérit immédiatement avec :

« J'ai saigné pour ce pays, pour cette famille. Je ne suis pas aveugle, Père, ni aussi rigide d'esprit que tu peux le soupçonner. Je sais que nos chemin divergent, mais il n'y a pas qu'une seule façon d'atteindre le sommet.  »

Le père de Maekar savait que son fils détestait se mettre en avant alors, s'il se forçait à le faire, ce n'était pas sans une excellente raison. Il ne supportait pas l'idée que d'autres puissent croire qu'il ne faisait tout ceci que dans son intérêt personnel, à plus forte raison lorsque ces propos venaient de l'homme à qui il devait la vie. Vaegon pouvait-il seulement entrevoir l'effet que cette guerre avait eu sur la psyché de son fils le plus âgé ? De toute évidence non, c'était justement ce que Maekar essayait d'expliquer sans désirer rentrer dans les détails.
Par la suite il retint un sourire face à la surprise de son père d'apprendre qu'aucune femme n'avait su lui mettre de grappin dessus, conscient que ce n'était pas vraiment la norme de la société dans laquelle il était né,  mais pourquoi devrait-il s'en soucier ? Il avait toujours fait ce qu'il devait, cela n'était pas prêt de changer. Il fut quelque peu rassuré en apprenant que son père n'était pas assez bête pour demander au Téméraire d'abandonner l'idée d'être uni à sa sœur, sans doute conscient que l'entêtement était transmis dans le sang, mais Maekar tint tout de même à soulever un point important.

« Laisse-moi m'occuper de ma propre réputation, Père. Ce titre de Téméraire ne m'a pas été donné, pour rien.  »

Il savait bien que le poste de sénateur était plus politique qu'autre chose et que sa réputation serait étudiée sous toutes les coutures pour trouver un angle d'attaque, aucun doute là-dessus, mais il n'allait pas laisser cela l'arrêter pour autant. La conversation dévia ensuite sur le sujet de la guerre, le soldat racontant quelques moments traversés durant ces quatre dernières années et, enfin, en entendant les quelques mots de son père, il fut contraint de faire un effort conscient pour ne pas laisser son visage se décomposer. Toute sa vie il avait vécu dans l'ombre de son aîné, loin de l'attention de ses parents et enfin, après tout ce temps, son géniteur évoquait la fierté qu'il ressentait à l'idée de la gloire qui rayonnait enfin sur son fils. Le général baissa la tête un instant, tentant de mettre de l'ordre dans ses esprits et, en un souffle, murmura :

« Si tu savais depuis combien de temps j'ai espéré entendre cela... »

Le père avait-il seulement conscience du manque causé par cette absence, aussi physique que mentale ? Probablement pas mais ce n'était pas un sujet sur lequel Maekar souhaiterait s'étendre, de toute façon. Au lieu de cela, il rebondit sur la mention de son officier supérieur qui évoluait lui aussi au Sénat, en répondant :

« Je n'ai pas vraiment abordé le sujet avec lui, pour le moment. Il faudra que je trouve un moment pour m'entretenir avec lui, avant la fin des festivités. Pour le reste, une bataille n'est jamais gagnée d'avance aussi je ne préfère pas me montrer trop confiant, surtout pas avant ma première participation. »

Peut-être était-ce signe de faiblesse pour certain de ne pas bomber le torse en public, mais Maekar avait toujours été plus prudent et discret que la moyenne. Plus réfléchi sans doute également., ce qui l'avait mené là où il était aujourd'hui et il ne changerait cet aspect de sa personne pour rien au monde.

« J'aborde ce nouveau champ de bataille comme n'importe quel autre. La tête froide, l'esprit alerte et ouvert.   »

Le général se força à prendre une pause, refusant de prendre une nouvelle gorgée de ce doux nectar alors qu'il remettait ses pensées en place. Le but de cet entretien était évidemment de pouvoir demander la main de sa sœur, cela allait sans doute, mais également de dissiper les tensions avec son père en expliquant que ce choix n'était en rien un signe d'ingratitude. Aussi, il soutint le regard de son père tout en poursuivant ses explications.

« Comprends bien que je ne peux pas être la figure de proue des mercantilistes, pas après tout ce que j'ai vu ou fait. Mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas trouver un terrain d'entente. Tu me sais déterminé, mais pas aveuglément borné. »

Pas comme mon aîné, voilà ce qu'il aurait voulu dire mais se retint de le faire, incapable d'entacher la mémoire de son aîné par cette attaque mesquine et puérile. Ils avaient été élevés de deux façons bien distinctes, il était donc inutile d'essayer de comparer les deux mâles Tergaryons mais, si le soldat devait bien reconnaître quelque chose à son défunt frère, c'était qu'il avait été bien mieux préparé que lui à cette vie politique. Aussi, soutenant toujours le regard de son père, il finit par lui demander :

« Quelques petits conseils à me donner, de sénateur à sénateur, ou de père à fils ?   »


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