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Palais Riahenor & An 1064, mois 10 et 11.

Installée à l’ombre de l’atrium, le dos contre une colonne et les jambes légèrement repliées, Saerelys lisait. Le rouleau était déroulé là, dans le creux formé entre ses jambes et son ventre. Des mots muets naissaient et mourraient sur les lèvres de la jeune femme, seuls signes de ces sorts qu’elle aurait pu lancé, qui aurait du exister, si nécessité il y avait eu. De temps à autre, c’était ses doigts qui traçaient quelques symboles dans l’air, comme si leur propriétaire souhaitait s’assurer de sa précision à ce sujet. Puis, ceci fait, Saerelys se plongeait à nouveau dans son parchemin, cherchant une nouvelle chose à expérimenter, bien que, dans les faits, un tel feuillet ne lui était plus d’aucune utilité. Il ne s’agissait-là que d’une relique de l’année précédente, à moins qu’elle n’ait déjà deux ans, alors qu’elle n’arrivait pas encore à exploiter certaines runes plus complexes que d’autres. Une relique qui la rassurait sans doute plus qu’autre chose, maintenant qu’elle avait atteint le Troisième Cercle.

Fermant les yeux quelques instants, Saerelys se remémora une fois de plus ces runes qu’il lui semblaient être connues par cœur. Celle-ci assurait la protection, tandis qu’une autre apportait la sérénité. Quant à celle-ci, pas de doute possible. Il s’agissait d’un symbole destiné à apaiser les douleurs chroniques. Les runes avaient de nombreux pouvoirs, dont certains se rapprochaient des autres pratiques enseignées et pratiquées par les Mages. La Magie était ainsi faite. Toutes ses branches étaient complémentaires les unes des autres, bien que toutes différentes dans les faits. Il s’agissait-là de la raison pour laquelle les novices se devaient de découvrir chacune d’entre elles.

« Toujours en train de rêvasser, Sae ? » ironisa Aelys.

N’ouvrant qu’un œil, la future Mage se retrouva nez-à-nez avec sa sœur. Cette dernière avait pris appui sur ses genoux, au point que la jeune femme ne put que se demander comment elle avait pu ne pas remarquer sa présence auparavant. Saerelys ouvrit son deuxième œil, repoussant gentiment sa sœur, qui s’installa de fait contre la colonne la plus proche, devant elle, les bras croisés, l’air mutin. Prenant le soin d’enrouler son parchemin, bien que son contenu n’était compréhensible que d’elle-seule, la jeune femme le déposa ensuite à côté d’elle. Puis, posant ses mains contre ses cuisses, l’aînée reporta son attention sur sa cadette, un fin sourire aux lèvres.

« Rêvasser, est-ce ainsi que tu qualifies les arts dont je suis la dépositaire ? Mes rêveries pourraient pourtant te causer beaucoup de troubles.
- La vraie question est plutôt de savoir si j’en vaux la peine ! répliqua Aelys, croisant ses bras derrière son crâne, malicieuse. Mais passons veux-tu ? Que faisais-tu, ma sœur ? Ne passes-tu donc ton temps qu’à étudier ?
- Au Collège, il n’y a guère d’autres activités et les runes n’ont jamais été une corvée pour moi, qui plus est. lui fit remarquer Saerelys, avec un léger haussement d’épaules. La Magie est un art des plus précis et nous ne pouvons manquer de concentration à son sujet. Les choses sont sans doute mieux ainsi.
- Ma sœur, que le Collège devrait pourtant te sembler bien lointain lorsque tu es ici ! reprit la plus jeune, avec un petit rire. Ne veux-tu pas faire autre chose quand tu es avec nous ? Tes runes, sans doute les connais-tu par cœur ! Peut-être même pourrais-tu m’en faire une démonstration dès à présent ! Le Collège ne t’aurait pas laissé revenir dans le cas contraire, tu ne crois pas ?
- Et que me proposes-tu pour occuper mon temps, petite sœur ? Existe-t-il une activité que tu aimerais faire en ma triste compagnie ? s’enquit Saerelys, sur un ton faussement attristé.
- Cela se pourrait… remarqua Aelys, un grand sourire trônant désormais sur ses lèvres. Mais je crains que tu ne sois pas dans de bonnes dispositions pour cela, grande sœur ! Si je jurerai qu’Aedar aimerait te voir ainsi vêtue, il n’en irait pas de même pour mon autre sœur ! »

Si Aelys rit à sa propre remarque, Saerelys écarquilla les yeux, ne sachant que répondre à un tel aveu. Sa cadette passait sans doute tout son temps libre à errer dans les cieux avec sa fidèle dragonne. Mais elle… Avait-elle jamais volé ? Lorsque son dragon était trop jeune, leur mère avait sans doute du l’emmener avec elle par moment, comme elle le faisait parfois pour Rhaelys à l’heure actuelle. Peut-être que Père en avait fait de même, bien qu’il ne se montrait que rarement sur le dos de la créature qui partageait pourtant son âme… La jeune femme n’avait plus le moindre souvenir de son dernier vol. Était-ce en compagnie d’Aedar, alors qu’ils profitaient ensemble d’un moment de liberté avant qu’elle ne soit obligée de retourner au Collège ? Peut-être… A moins qu’elle n’ait accompagnée une fois ou deux Aelys ou leur mère ? Saerelys avait beau se creuser l’esprit, aucune de ces propositions ne lui semblait satisfaisante…

« Saerelys ? Tout va bien ? demanda Aelys, dont les traits s’étaient faits plus sérieux, de même que le ton.
- Je… Oui, tout va bien. assura l’intéressée, en reprenant contenance. Voilà bien longtemps que je n’ai pas parcouru les cieux, voilà tout.
- Ma sœur, cela ne s’oublie pas ! C’est tout simplement impossible ! Tu verras, une fois dans les airs, tout te semblera clair ! s’exclama la plus jeune, posant sa main sur l’un des genoux de sa sœur, un sourire compatissant aux lèvres. Mais si tu as peur de moi, je le comprendrai tout à fait ! Gaelor ne s’est jamais totalement remis de notre première escapade ensemble dans les airs ! » reprit Aelys, en pouffant à cette pensée.

La future Mage esquissa un sourire aux mots de sa sœur. Après tout… Après tout cela ne pourrait pas lui faire de mal… N’était-elle pas une descendante de Riahenys ? La Magie qui coulait dans ses veines ne pouvait pas lui ôter ce fait. Et que dire d’Aedar qui lui avait promis dans de nombreuses de ces lettres de l’emmener voler avec lui, lorsque cela leur serait possible. Peut-être même aurait-ce déjà été fait, si la guerre n’avait pas emmené son double loin d’elle. La jeune femme secoua légèrement la tête. Elle n’avait rien à craindre. Elle était un dragon et le resterait. Un dragon différent de ses semblables, mais un dragon tout de même. Qui plus est, l’appel des cieux ne se faisait-il pas souvent entendre dans les tréfonds de son âme ?

Et si, pour une fois, elle prenait le parti d’y céder ?




( Gif de raiha-kasep. )
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Palais Riahenor & An 1064, mois 10 et 11.

Aelys n’avait pas oublié sa promesse. Comment aurait-elle pu ? Alors qu’il s’agissait-là de son idée ? Venant d’elle, cela était de l’ordre de l’impossible. Plus encore dans une période comme la leur. Saerelys avait trouvé son exutoire dans les livres, les grimoires et les rouleaux. Aelys l’avait trouvé auprès de sa dragonne et dans ces nombreuses heures qu’elle passait loin de tout, dans les cieux. Au vu des temps actuels, elles ne pouvaient qu’avoir besoin de tels lieux, de telles activités pour espérer oublier ce que les leurs pouvaient affronter à des lieues de leur famille…

A cette pensée, Saerelys porta ses doigts au dragon d’acier valyrien qu’elle portait toujours autour de son cou. Aedar vivait. La jeune femme n’avait pas besoin d’une lettre de sa part pour savoir cela. Ils étaient liés. Si le pire venait à se produire… Il se passerait quelque chose en son for intérieur, la novice en avait la certitude. Et pour le moment, il n’y avait rien. Si profonde tristesse elle pouvait ressentir, et ressentait, notamment pour les frères d’Alynera ou pour les cousins qu’elle-même avait perdu ou qui, aux dernières nouvelles, étaient ressortis de certains assauts blessés plus ou moins grièvement, cette tristesse n’était pas tournée vers Aedar. Son inquiétude était cependant bien réelle… Plus que réelle même. Elle était pour ainsi dire palpable, au point que Saerelys en avait du mal à trouver le sommeil certaines nuits. Recevraient-ils une lettre le lendemain, annonçant que le pire s’était produit pour les leurs ? A moins que cela ne concerne certains de leurs amis ?

En ces instants, Saerelys ne pouvait que comprendre d’avantage encore l’énergie que pouvait mettre sa mère dans certaines bonnes œuvres dédiées aux soldats et à leurs familles, jouant de son nom et de celui de leur lignée pour aider et soutenir le plus grand nombre. Son époux était sur le champ de bataille et elle jugeait qu’il s’agissait de sa responsabilité de poursuivre son combat au sein de leur belle Valyria. Sa fille l’avait d’ailleurs aidée à de nombreuses reprises, vérifiant ses calculs lorsque cela était nécessaire et que la fatigue se faisait trop ressentir ou l’accompagnant pour qu’elle puisse rencontrer d’autres personnes partageant ses convictions. Et les Dieux seuls pouvaient voir à quel point elles étaient nombreuses. Leur famille semblait s’être élargie et Vaelya ne ressemblait que d’avantage encore à un esprit protecteur de leur lignée, aux yeux de sa fille.

Et elle, que faisait-elle ? Saerelys étudiait et apprenait. Avec la guerre, ses capacités de guérison lui semblaient plus importantes encore, presque vitales dans un tel contexte. Il lui arrivait alors d’en user lorsqu’on lui en faisait la demande, malgré la crainte qu’elle pouvait ressentir à ce sujet. La tempérance était l’une des plus grandes qualités que les Mages se devaient d’acquérir avec le temps. La Magie était un art à la fois merveilleux et des plus dangereux, s’infiltrant dans la psyché même des personnes qui s’essayaient à son utilisation. Mais la situation était des plus exceptionnelles. Aussi, la novice faisait de son mieux et au mieux. Il s’agissait-là de sa maigre contribution.

Avec un soupir soulagé, la jeune fille finit par reposer sa plume sur son bureau. Tandis que l’encre séchait sur son parchemin, Saerelys relisait son œuvre. Les chiffres dansaient sur leur support. Il s’agissait-là d’une tâche que sa mère lui avait demandé d’accomplir, afin qu’elle puisse s’acquitter de d’autres obligations. Si les Riahenor n’avaient plus autant de pouvoir qu’autrefois, leurs affaires restaient des plus nombreuses et il fallait toujours y porter un soin particulier. Et en l’absence de son père, sa mère et sa grand-mère menaient cet orchestre d’une main de maître. Aussi se devait-elle de se montrer à la hauteur des tâches qu’elles lui confiaient. Qui plus est, ne s’agissait-il pas de tâches qu’elle devrait accomplir par la suite, lorsque le tour d’Aedar serait venu de diriger leur famille ? Elle ne pouvait guère plus se contenter de l’ombre du Collège, c’était un fait…

« Saerelys, il est l’heure ! s’exclama Aelys, en entrant, telle une bourrasque, dans la chambre de son aînée.
- Puis-je te demander la raison de ta venue ? répondit la plus vieille des deux sœurs, feignant d’avoir oublié leur rendez-vous alors même qu’elle avait revêtu des vêtements plus adaptés à l’activité qui s’annonçait.
- Une promesse est une promesse, tu le sais aussi bien que moi ! Nous ne serons pas parties bien longtemps ! Tes parchemins ne se rendront même pas compte de ton absence ! » plaisanta Aelys.

Saerelys se fendit d’un petit rire à cette remarque. Après s’être assurée que l’encre était bien sèche, la jeune femme enroula le parchemin, le glissant ensuite dans un tiroir qu’elle ferma à clef. Sa mère recevait quelques personnes liées à leur famille, aujourd’hui. Aussi, mieux valait ne pas la déranger pour lui remettre des informations qui pouvaient attendre la fin de la journée à n’en pas douter. La conversation en cours actuellement était sans aucun doute plus importante encore, surtout aux yeux de sa mère. Bien avant la guerre, et avant même la génération de ses parents, voire avant celle des parents de leurs propres parents, les Riahenor avaient joué les bienfaiteurs pour un certain nombre d’enfants, par le biais d’un orphelinat qui, hélas, avait toujours eu un certain succès. C’était le plus naturellement du monde que sa mère avait repris une partie des responsabilités à ce sujet, non sans fierté et compassion, et ce, même avant le départ de son époux pour les combats. Toujours est-il que Saerelys ne comptait pas la déranger pour le moment. Elle avait besoin de se consacrer à ses propres projets, c’était un fait.

« Ma sœur ne va pas nous attendre indéfiniment ! commenta Aelys, amusée. Dépêchons-nous, veux-tu ? »

Saerelys n’eut pas le temps de répondre que déjà, sa sœur s’approchait d’elle pour l’attraper par la main. Ne cherchant pas à résister, la jeune femme suivi sa cadette, riant avec elle face à cette aventure qui s’offrait à elles. Un rire à la fois joyeux et quelque peu d’appréhension également , il est vrai. Une appréhension qui ne resurgit que d’avantage encore lorsque la future Mage fit face à la dragonne de sa sœur. Ce que la créature avait pu grandir alors qu’elle se trouvait au Collège… Et dire qu’elle avait encore quelques vagues souvenirs de la dragonne alors qu’elle ne faisait que la taille d’un chat ou d’un chien… A présent, sa taille était telle qu’elle pouvait sans doute porter plus de trois personnes en plus de sa cavalière !

« Ma sœur, tu dois sans doute te souvenir de Saerelys, ma sœur de sang ! lança Aelys à l’attention de sa dragonne, sur un ton des plus enjoués. Elle va nous accompagner aujourd’hui ! »

En sentant le regard de la dragonne sur elle, Saerelys dut se retenir de déglutir. Cela faisait longtemps, trop longtemps sans doute qu’elle ne s’était pas retrouvée dans une telle situation… Et pourtant, tout se passa pour le mieux. La dragonne de sa cadette tendit son cou dans sa direction, son museau pointé vers elle. Posant délicatement la paume de sa main sur les écailles rosâtres et tièdes de la créature reptilienne, Saerelys ne put se retenir de sourire. Un grand sourire comme cela ne lui arrivait que rarement en ces temps sombres.

« Cela fait longtemps que nous ne sommes pas vues, il est vrai. avoua Saerelys à l’attention de la dragonne. Mais tu as toute ma confiance. Comme toi, Aelys. »

En prononçant ces derniers mots, Saerelys s’était tournée vers sa sœur. Cette dernière hocha vigoureusement la tête, un sourire des plus larges aux lèvres. Puis, avec une grande agilité, preuve de l’habitude et du temps qu’Aelys pouvait passer sur le dos de sa dragonne, la jeune femme se retrouva sur le dos de sa dragonne, aidant son aînée à faire de même. Saerelys se laissa donc guider, n’ayant que trop conscience du fait que cela faisait un long moment qu’elle ne s’était pas retrouvée dans une telle situation. Aelys la fit s’asseoir derrière elle, lui indiquant de la tenir aussi fermement que possible, ne pouvant la placer devant elle de part leurs tailles presque semblables qui l’auraient empêchée de voir devant elle.

Saerelys obtempéra donc, resserrant ses bras autour des hanches de sa sœur. Son étreinte ne fit que se renforcer lorsque la dragonne prit son envol à la demande sa cavalière. La novice retint même un cri de toutes ses forces, quitte à s’en mordre la langue. Elle était une descendante de Riahenys. Voler à dos de dragon faisait partie de l’héritage de sa famille depuis la nuit des temps. Qui plus est, petit à petit, le nœud qui s’était formé dans son estomac se déliait, de même que son inquiétude et son appréhension semblaient s’évaporer. Au final, les deux sœurs rirent de bon cœur de cette situation, heureuses de partager ce moment ensemble, de voler loin de leurs doutes et de leurs inquiétudes l’espace de quelques instants.

« Aelys ! s’exclama Saerelys, couvrant ainsi le souffle du vent qui courait à cette altitude. C’est magnifique, regarde !
- Tu prêches une convertie, ma sœur ! répondit Aelys, avec un rire. Il n’y a pas de meilleure vue de Valyria que celle-ci, crois-moi sur parole ! »

Saerelys ne put que rire à nouveau. Ce qu’elle pouvait faire preuve d’idiotie par moment ! Aelys connaissait sans doute ce paysage par cœur. Ce que Valyria pouvait être différente, vue du ciel ! La future Mage ne pouvait que la trouver plus belle encore, vue sous cet angle ! La jeune femme n’eut cependant pas l’occasion de songer d’avantage à ce fait, Aelys demandant à sa dragonne de prendre plus d’altitude et de vitesse, arguant qu’elle avait encore beaucoup de choses à faire découvrir à son aînée. Aînée qui ne put que montrer son accord à ce sujet.

Pour la première fois depuis longtemps, Saerelys avait retrouvé ses ailes. De véritables ailes.

A cet instant précis, il lui semblait que rien de néfaste ne pouvait plus leur arriver.


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Palais Riahenor & An 1064, mois 10 et 11.

Rien ne pouvait leur arriver.

Saerelys ne pouvait que se rendre compte qu’elle s’était lourdement trompée.

Aelys était partie. Gaelor était parti. Alynera était partie.

Et elle, elle restait là.

Tout était allé si vite. Comme si tout cela n’était qu’un rêve, ou plutôt le pire des cauchemars. Depuis quelques heures à peine, les plus puissants dragons de Valyria avait quitté les lieux pour combattre la flotte de Ghis qui avait été repérée au large de Mhysa Faer. Depuis quelques heures à peine, Valyriens et Valyriennes retenaient d’avantage leur souffle encore. Depuis quelques heures, Aelys et Gaelor combattaient alors même qu’ils avaient été considérés comme trop jeunes pour rejoindre leur armée au début des combats. Et que dire d’Alynera ? Elle avait déjà tant perdu à cause de ces combats… Où pouvaient-ils bien être à présent ? Au-dessus des flots ? A mois qu’ils ne soient encore en chemin… Comment savoir ? Tout cela était allé si vite… Bien trop vite. Saerelys n’avait eu le temps que de saluer brièvement sa sœur avant que celle-ci ne rejoigne sa dragonne rosâtre, tandis que Gaelor faisait de même quelques instants plus tard, rejoignant notamment la dragonne blanche d’Alynera et bien d’autres créatures encore…

Et elle, elle restait là.

Elle restait là, agenouillée non loin de l’une des fenêtres de sa chambre, en prière. Les yeux clos, bordés de larmes que la jeune femme ne cherchait pas à retenir, Saerelys priait. Elle priait avec cette ferveur qui avait toujours été la sienne, bien qu’elle fusse renforcée par la gravité de la situation. Elle priait Vhagar et Tyraxes pour que la guerre épargne les siens. Elle priait Tessarion pour qu’elle lui accorde assez de force pour soigner ceux et celles qui en auraient besoin à leur retour. Elle priait Vermax pour que les siens reviennent en leur foyer. Elle priait Caraxes, afin qu’il n’emporte pas Aelys, Gaelor, Alynera et tant d’autres encore au plus profond des entrailles de son propre monde. Et enfin, elle priait Arrax et Syrax pour que sa famille soit bientôt réunie. Au grand complet.

« Grands Dieux et Grandes Déesses de ce monde. Puissants parmi les Puissants, Puissantes parmi les Puissantes, je vous supplie d’écouter la complainte de la simple mortelle que je suis. Nous menons vos enfants à la guerre, et nous ne pouvons que nous excuser pour cet acte. Nous menons vos enfants et nos enfants loin de vos flammes et de votre chaleur à notre grande crainte, à notre grande peur. L’ennemi est là sans quoi nous n’aurions pas agi de la sorte. Veillez sur ces guerriers, jeunes et moins jeunes, qui n’ont pas pu partir combattre auparavant. Veillez sur ces femmes, filles, sœurs, fiancées, épouses ou mères, qui n’ont pas hésité à leur porter assistance. Offrez-nous la force d’attendre leur retour. murmura la jeune femme. Offrez-nous…

- Saerelys ? »

En entendant la voix de Rhaelys, la jeune femme rouvrit les yeux, sortant ses prières. Se redressant, légèrement chancelante au départ, la novice finit par apercevoir la plus jeune représentante de sa fratrie. En partie cachée derrière la porte qu’elle avait ouverte, l’enfant semblait comme apeurée ou tout du moins des plus inquiètes. Sans prendre la peine de chasser les plis qui constellaient sa robe, Saerelys se rapprocha de l’enfant, s’agenouillant afin de se mettre à sa hauteur. Ses joues étaient humides, ses yeux légèrement rougis. Ses mains s’étaient fébrilement resserrées sur l’étoffe de sa robe.

Essuyant ses propres prunelles, Saerelys attira sa cadette contre elle, l’étreignant doucement, ressentant immédiatement une étrange chaleur l’envahir comme à chaque fois qu’une pareille chose se produisait. Rhaelys n’avait pas besoin de mots. Et dire que dès le départ de leur père, d’Aedar et de leurs cousins, Aelys, Gaelor et elle-même avaient fait en sorte de lui faire oublier la guerre. Lors du départ des armées valyriennes, Rhaelys n’avait que cinq ans. Cinq ans. Cela n’était que trop jeune pour s’inquiéter de la guerre ou de la violence qui faisait pourtant parfois l’essence de leur monde. Et quand bien même Rhaelys eut désormais sept années, Saerelys n’avait pas à cœur de lui expliquer de telles choses.

« Rhaelys, n’étais-tu pas avec Mère ? s’enquit doucement Saerelys, relevant délicatement la tête de sa petite sœur en lui redressant le menton.
- Si mais… Mais j’avais peur que tu sois partie avec les autres… bredouilla l’enfant.
- Oh… Je vois… murmura la jeune femme, surprise par cet aveu. Mais comme tu peux le constater, je suis toujours là. »

Elle était là et resterait là. Sa place n’était plus dans les cieux depuis de nombreuses années à présent. S’il s’agissait d’une sensation des plus grisantes, si elle aurait sans aucun doute accompagné Aelys et Gaelor si cela lui avait été possible, son destin était différent du leur. Une réalité à laquelle elle avait du se faire. Elle resterait là. Rhaelys n’avait aucune crainte à avoir à ce sujet. Au bout de quelques instants, Saerelys offrit un sourire rassurant à sa plus jeune sœur, qui le lui rendit, bien que plus timidement. Se redressant, la novice tendit sa main à l’enfant, qui la prit. Ceci fait, la jeune femme entraîna sa sœur en dehors de sa chambre. Dans une telle situation, Rhaelys ne devait pas rester seule. Pas plus qu’elle, dans les faits. Aussi, Saerelys était bien décidée à retrouver leur mère et leur grand-mère, afin qu’elles puissent rester ensemble pour attendre le retour des leurs. Il s’agissait sans doute de la meilleure chose à faire, après avoir tant prié.

« Grande sœur ? reprit Rhaelys, après plusieurs minutes passées dans le silence.
- Que se passe-t-il, Rhaelys ?
- Ils reviendront ? Aelys et Gaelor, ils reviendront ? Ils sont pas partis pour toujours ?
- … Avec leurs dragons, rien ne peut leur arriver. Te souviens-tu de ce que Mère t’as dis à leur sujet ? demanda doucement son aînée, espérant ainsi détourner les pensées de sa cadette d’une macabre issue pour leur sœur et leur frère.
- Qu’ils sont les petits des premiers dragons et qu’ils sont grands et forts ! Plus que les autres dragons même ! répondit l’enfant, avec entrain.
- C’est cela. C’est exactement cela. assura Saerelys, un fin sourire aux lèvres. Aelys et Gaelor n’ont rien à craindre avec eux pour les protéger et pour parcourir les cieux. Ils te le diraient eux-mêmes et tu sais aussi bien que moi que les airs leur sont plus que familiers.
- Aelys m’a dit qu’elle m’apprendrait tout ce qu’elle sait à ce sujet ! » piailla l’enfant.

Saerelys rit quelques instants aux mots de Rhaelys. Elle ne doutait pas un seul instant qu’il s’agissait-là d’une promesse d’Aelys ! Ces mots lui étaient même pour le moins familiers, à force d’accompagner leur sœur sur le dos de sa fidèle dragonne. Aelys pouvait tout à fait avoir promis une telle chose à leur cadette. Sans doute l’avait-elle fait avec plaisir. Leur sœur était une fille de l’air. Une femme avec une âme de dragon. Le fait de voler imprégnait son sang autant que la Magie pouvait imprégner le sien.

Et bientôt, qui sait, peut-être voleraient-elles ensemble à nouveau ?


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Ce que le ciel pouvait lui sembler vide, ce jour-là.

Valyria était bien calme. Sans doute l’était-elle même trop. La fosse draconique s’était vidée de certains de ses occupants et si rugissements et battements d’ailes il y avait, ils s’étaient faits bien plus discrets. Saerelys avait même l’impression de pouvoir oublier leur présence, chose tout bonnement impensable pour la descendante de Riahenys qu’elle était pourtant. Ces créatures étaient l’âme de Valyria, de leurs terres. Leur si belle Cité semblait avoir perdu de son éclat, depuis le départ d’une partie d’entre eux pour Mhysa Faer… Il lui manquait une partie de son essence, de sa nature même...

Ce que le ciel pouvait lui sembler vide, ce jour-là.

Alors que la jeune femme se rendait à son prochain enseignement de la journée, elle s’arrêta quelques instants, jetant un regard dans la direction de la fenêtre la plus proche. Quelques dragons profitaient des cieux. Peut-être recherchaient-ils leurs frères humains et leurs sœurs humaines ? Mais leur nombre était restreint. Beaucoup trop restreint… Saerelys poussa un soupir à cette pensée, secouant légèrement la tête, visiblement attristée. Mhysa Faer… Qu’avait-il bien pu s’y produire exactement ? Et dire qu’ils n’avaient aucune nouvelle pour le moment… Juste le silence. Comme ce qu’il pouvait se produire dans les cieux à cet instant…

Ce que le ciel pouvait lui sembler vide, ce jour-là.

Le cours fut plus silencieux qu’à l’accoutumée. Combien ici avaient des proches partis combattre à Mhysa Faer ? Combien craignaient, comme elle, de perdre leurs frères, leurs sœurs ou leurs parents ? De ne jamais les revoir, de ne même pas pouvoir pleurer leurs dépouilles si le pire se produisait ? Ce que le monde de Caraxes pouvait être injuste pour les mortels qu’ils étaient. La main de Saerelys se crispa sur sa plume à cette pensée. Aedar allait bien. Peut-être était-il blessé, comme certains de leurs cousins, mais il vivait. La jeune femme le ressentait au plus profond de son être. Les choses ne pouvaient pas être autrement. Mais son corps et son âme étaient dévorés par l’inquiétude, au sujet d’Aelys et de Gaelor… Ils étaient si jeunes… Trop jeunes pour se retrouver dans une telle situation, au-dessus des eaux, dans des effluves de sel, de fumée, de peur, de cris et de douleur…

Ce que le ciel pouvait lui sembler vide, ce jour-là.

A la fin du cours, Saerelys rangea précautionneusement ses affaires. Se levant de sa place, la jeune femme quitta la salle, la mine grave, en silence. Derrière elle, des pas ne tardèrent pas à retentir cependant. Tournant légèrement la tête, la jeune femme esquissa un pauvre sourire en voyant qu’il s’agissait de Taerys, l’une de ses plus proches amies, au Collège. La jeune femme semblait être dans un état proche du sien. N’échangeant aucun mot, les deux jeunes femmes déambulèrent un moment dans les couloirs du Collège, jusqu’à en atteindre sa sortie.

Ce que le ciel pouvait lui sembler vide, ce jour-là.

« … Toi aussi, pas vrai ? commença Saerelys, presque dans un murmure.
- Je le crains… répondit l’autre jeune femme, sur le même ton.
- J’ai l’impression que cela fait une éternité qu’ils ne sont plus ici… » avoua la descendante de Riahenys, en levant les yeux en direction du ciel qui s’offrait à elles.

Une éternité. Le mot lui semblait presque faible. Aedar, Aelys et Gaelor n’étaient plus ici, pas plus que leurs dragons. Et pourtant, l’espace de quelques instants, Saerelys chercha l’ombre rouge sombre du dragon de son jumeau, l’éclair rosâtre que pouvait être la dragonne de sa sœur, le vol plus paisible de la créature de son plus jeune frère ou encore ce fantôme blanc auquel pouvait être comparé la gracieuse dragonne d’Alynera. Se rendant compte de ce comportement, la novice secoua la tête, chassant ainsi le chagrin qui lui montait aux yeux. Ils n’étaient pas là mais se devaient de revenir. Aedar ne pouvait pas la laisser seule en ce monde, de même qu’Aelys et Gaelor. Et Alynera… Alynera avait déjà trop perdu. Elle se devait de vivre. De vivre pour ses frères qui, hélas, ne reviendraient jamais. Ils ne pouvaient pas les laisser seuls, pas alors qu’ils avaient encore tant d’années devant eux. Cette guerre avait sans doute déjà fait trop de victimes…

Ce que le ciel pouvait lui semblait vide, ce jour-là.


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Palais Riahenor & An 1064, mois 10 et 11.

Ils étaient revenus.

Saerelys n’en croyait pas ses yeux. Et pourtant, il ne pouvait pas s’agir d’une illusion. Que son esprit se montrerait cruel avec elle, dans un tel cas… Les mains tremblantes, les yeux embués de larmes, la jeune femme ne savait plus à laquelle de leurs Divinités se vouer. Non, il ne pouvait s’agir que de la réalité. Peu de temps auparavant, Valyria avait été tirée de son étrange torpeur par des rugissements et des battements d’ailes. De nombreuses personnes étaient alors sorties dans les rues, cherchant la source de tout cela. Saerelys avait fait de même, croyant que son esprit lui jouait des tours.

Ils étaient revenus.

Ses yeux ne pouvaient que se rendre compte du spectacle qui se jouait là. Une nuée de dragons avait comme envahi le ciel de leur Cité. En l’espace de quelques instants, cette dernière semblait avoir retrouvé toute la vie qui l’animait en temps normal. Mais la jeune femme n’avait pas pu se réjouir à cette vision, fusse-t-elle des plus agréable à son regard. L’étau autour de son cœur s’était comme resserré d’un coup d’un seul, alors qu’elle scrutait les cieux à la recherche de la dragonne rosâtre de sa cadette, du dragon sombre de son cadet et de la dragonne blanche reconnaissable entre toutes d’Alynera, sans pour autant les apercevoir. Où pouvaient-ils bien être ? Cette nuée était si dense que la novice n’avait que trop de difficultés pour y discerner précisément ces formes portant si familières.

Ils étaient revenus.

« Grands Dieux et Grandes Déesses de ce monde, ayez pitié de moi et laissez-moi les apercevoir juste un instant. Juste un instant... » songea la jeune femme.

Se frictionnant les mains, au comble de l’anxiété, Saerelys recherchait un signe distinctif. N’importe lequel, cela lui suffirait. Même le plus infime trouverait grâce à ses yeux. Chassant discrètement les larmes qui naissaient au niveau de ses yeux, la novice scrutait toujours les cieux, alors que des cris de joie et d’autres manifestations du même acabit se faisaient entendre dans les rues principales de la Cité. Sans doute envahiraient-ils toute leur Cité lorsque la nouvelle se serait répandue dans ses moindres recoins. Saerelys aurait tant voulu se réjouir autant que les autres personnes qui l’entouraient. Mais son âme semblait en être incapable. Il fallait qu’ils soient avec eux. Il le fallait.

Ils étaient revenus.

La cohue draconique sembla se faire moins dense. Saerelys saisit cette chance, espérant enfin apercevoir les dragons de ceux et celles chers à son cœur. La dragonne d’Aelys et celle d’Alynera étaient sans doute les créatures les plus reconnaissables, contrairement au dragon de son frère, plus sombre. Si la novice se concentra surtout sur les deux dragonnes, elle prit tout de même le parti de ne pas occulter les dragons aux écailles moins claires. Son cœur manqua un battement lorsqu’il lui sembla apercevoir la dragonne de sa jeune sœur. La créature semblait se porter pour le mieux. En tout cas ne semblait-elle pas avoir de difficultés pour se mouvoir, ce qui aurait pu être remarqué immédiatement dans le cas contraire, tant la dragonne pouvait faire preuve de vivacité. Et si elle était présente, cela ne pouvait pas être différent pour Aelys. Elles étaient liées à un point tel que sa sœur lui disait souvent qu’elle ne se voyait pas vivre sans sa troisième sœur, comme elle aimait surnommer sa dragonne. Et plus loin, sans doute s’agissait-il de Gaelor ! Il lui semblait aussi avoir aperçu Athynera ! Ainsi, ses prières avaient été entendues !

« Que votre miséricorde soit louée pour des générations et des générations. Louée de tous et de toutes pour tous les siècles à venir. » murmura Saerelys, un sourire des plus lumineux ornant désormais ses lèvres.

Ils étaient revenus. Ils étaient revenus tous les trois.

A cette vision, Saerelys se laissa aller aux réjouissances, joignant sa joie et son soulagement à ceux des autres personnes présentes. De discrètes larmes de joie coulaient sur ses joues.

Ils étaient revenus !


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