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A la faveur de la nuit, les peines ne sont que plus dures et plus cruelles.

Festivités du Triomphe & An 1066, mois 3.

La fête battait encore et toujours son plein. Depuis combien de jours les festivités avaient-elles débutées ? Plus d’une semaine, Saerelys en avait la certitude. Elle avait cependant perdu le compte du nombre exact de jours qui s’étaient écoulés depuis le Triomphe. Les fêtes finissaient par toutes se ressembler également, ce qui rendait l’appréhension et la compréhension du temps qui passait plus complexe encore. Accoudée à la balustrade d’un balcon, sa main droite dans le vide et tenant un gobelet d’argent, la jeune femme contemplait l’horizon étoilé, muette. Si des rires se faisaient entendre derrière elle, Saerelys ne parvenait pas à imiter les autres invités. Si joie elle avait pu ressentir, celle-ci restait bloquée dans sa gorge. Ses lèvres étaient également figées, la faisant d’avantage ressembler à une statue d’albâtre, d’argent et d’améthyste qu’à un être de chair et de sang. Plus aucun sourire n’ornait son visage. Seule l’ombre semblait y avoir sa place.

Chaque moment de joie, chaque rire… Ces moments avaient toujours eu un prix. Saerelys n’avait jamais réellement su pourquoi, si ce n’est que son arrière-grand-mère dont elle avait hérité son patronyme, souffrait d’une pareille affliction disait-on. Une affliction qui ne se soignait pas, semblait-il et qui se plaisait à venir réduire en poussière tous les instants profitables que les Dieux se plaisaient à lui offrir. Alors, il ne restait plus qu’à attendre. Attendre et prier pour que cela passe. Attendre et faire en sorte de cacher cela. De cacher le fait que la vie perdait parfois toute sa saveur en l’espace de quelques instants, d’un battement de cil, d’un battement de cœur. De cacher le fait que les ombres se faisaient de plus en plus oppressantes au fil des secondes, qu’elles semblaient douées d’une vie qui leur était propre. De cacher ces cauchemars qui hachaient ses nuits, les réduisant parfois à peau de chagrin.

Tout cela en attendant que la joie triomphe à nouveau. Tout cela en attendant que le jour revienne. Tout cela en attendant que son sommeil s’apaise. Tout cela en attendant une nouvelle valse. Les choses étaient ainsi faites. Saerelys s’était toujours connue ainsi. Du moins, d’aussi loin qu’elle pouvait se souvenir, bien que ses pensées enfantines occultaient souvent de tels faits. Depuis qu’elle était au Collège, la jeune femme ne pouvait que se rendre compte de leur véracité, de l’impact que cette douloureuse torpeur pouvait avoir sur elle lorsqu’elle s’emparait de son âme.

« Saerelys, te joindrais-tu à nous ? lança alors sa cousine, avant de rire de bon cœur. Tu n’as pas dansé de la soirée et je suis certaine qu’Aedar ne verrait pas d’un mauvais œil le fait que tu partages mes bras ou ceux d’une autre personne pour quelques pas ! »

Aedar… Saerelys déglutit difficilement lorsque le prénom de son frère parvint jusqu’à ses oreilles. Si elle était venue ici… Si elle était venue ici, c’était pour se cacher de lui. Pour lui cacher l’état qui était le sien. Bien sûr que son double comprendrait l’affliction qui était la sienne. Mais la jeune femme ne pouvait que s’interroger quant à la manière dont il l’assimilerait ou de la façon dont il chercherait à l’aider. Son état avait changé depuis qu’elle était entrée au Collège, et cela… Et cela, son jumeau n’en avait sans doute pas conscience. Et que dire de ces quatre années qui s’étaient également écoulées ? Saerelys ne s’était pas sentie le courage de lui en parler. Pas ce soir alors que leur peuple célébrait cette paix tant désirée. Aussi avait-elle préféré suivre ses cousines jusqu’ici, promettant à Aedar qu’ils se reverraient d’ici quelques heures, qu’elle ne risquait pas de l’oublier.

« Cela sera sans moi, ma chère cousine. commença Saerelys, tout en posant son gobelet sur la balustrade. N’y vois aucune atteinte à ta personne. Je préfère juste l’air de la nuit à celui de la fête pour l’instant.
- Peut-être plus tard alors ! répondit l’autre Riahenor, visiblement bien plus enjouée que la première. Je te connais. Tu ne restes jamais loin des danses ! Qui plus est, j’ai peut-être parlé de toi à quelques personnes et de tes dons en la matière… » acheva-t-elle, avant de s’éloigner.

Pas un seul instant Saerelys ne s’était retournée, se contentant juste de baisser la tête lorsque sa cousine fut repartie se mêler aux autres invités. Les choses étaient mieux ainsi. Au moins de dos, elle pouvait faire encore illusion au sujet de son état. La jeune femme récupéra son gobelet, trempant ses lèvres dans le breuvage qu’il contenait. Si la novice ne pouvait pas se permettre de consommer des alcools trop forts de sa propre initiative, elle avait eu bien besoin d’un remontant ce soir. Aussi avait-elle jeté son dévolu sur l'un de ces vins agrémentés de miel et de nombreuses épices, d’avantage reconnus pour leur goût que pour le capacité à enivrer les personnes qui y goûtaient. Aussi, le breuvage ne devenait qu'un maigre réconfort, dans les faits.

De cette joie qui lui manquait tant, il n’avait que le lointain arrière-goût…




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A la faveur de la nuit, les peines ne sont que plus dures et plus cruelles.

Festivités du Triomphe & An 1066, mois 3.

L’insistance de sa cousine avait fini par avoir raison d’elle. Aussi, Saerelys avait retrouvé la chaude torpeur qui animait cette antique demeure. Des sous-sols aux étages, tout n’était que danse, chants et amusements dont seule Valyria avait le secret. Il y a encore quelques jours, la jeune novice aurait sans donc été réceptive à tout cela. Elle n’aurait pas hésité à échanger quelques confidences avec ses contemporains, des sourires plus ou moins appuyés  avec certaines personnes qui auraient trouvé grâce à son regard, profitant de l’abondance qui régnait en ces lieux ou encore en murmurant quelques plaisanteries à sa cousine. Ladite cousine semblait d’ailleurs prendre un grand plaisir à bavasser avec un illustre inconnu.

A cette vue, Saerelys soupira. Elle avait l’impression de cuire ici. Cuire aussi bien à cause de la chaleur ambiante qu’à cause de ces regards lourds qu’il lui semblait recevoir de ses semblables. Assise seule sur une méridienne, le dos rigide et le regard sombre, la jeune femme détonnait, c’était un fait. Sa cousine l’avait délaissée pour une bien meilleure compagnie, ce que la novice ne pouvait que comprendre. Cette solitude était cependant douloureuse. Sans doute n’y avait-il qu’elle pour se sentir seule au milieu de tant de joie et de tant de monde. Les rires lui parvenaient comme déformés. Et elle, elle restait là.

Comme elle aurait voulu rire, elle aussi. Au milieu de toutes ces âmes heureuses, elle était devenue comme une marginale, une âme en peine qui ne trouvait point le repos. Il suffisait qu’elle cesse un instant de se concentrer sur un point dans cette pièce pour que ses noires pensées enserrent à nouveau son cœur. Tant de choses lui revenaient alors en mémoire. Tant de moments qu’elle avait fait en sorte d’occulter, d’éloigner d’elle la plupart du temps. Mais ce soir, Saerelys n’en avait pas la force. Elle n’en avait plus la force, tant elle avait déjà lutté contre de tels sentiments. La joie cachait toujours la tristesse. Les choses étaient ainsi faites chez elle, semblait-il.

A cette pensée, ses mains se crispèrent sur le tissu de sa robe à un point tel que les jointures de ses doigts se mirent à blanchir. Sa mâchoire se crispa de concert, comme pour lui rappeler à quel point il serait mal vu de sombrer dès à présent. Un goût de sel lui avait envahi la bouche et la gorge sans qu’elle n’ait le temps de s’en apercevoir. La jeune femme doutait que cela soit du au vin qu’elle avait pu ingurgiter. Son esprit était encore trop alerte, loin d’être pervertit par ce faible dosage d’alcool, et elle ne souffrait d’aucun déséquilibre. Hélas… Si seulement elle avait pu endormir sa propre conscience. Si seulement elle avait pu l’enfouir loin, très loin de son corps, dans ces lointaines landes qui composaient son inconscient. Juste quelques secondes. Juste quelques instants…

Secouant sa main pour en chasser les crampes qui s’y glissaient petit à petit, Saerelys se saisit du gobelet d’argent qu’elle n’avait pas quitté de la soirée. D’un regard morne, la jeune femme ne put que se rendre compte du fait qu’il était vide. Cependant, la novice ne se leva pas de la méridienne, posant le gobelet sur le meuble le plus proche. Rien ne pouvait la soigner. Elle avait développé comme une immunité à tout ce qui aurait pu lui changer les idées… Elle ne pouvait que faillir à cette tâche. Faillir à trouver un quelconque réconfort à cet instant dans le monde tangible.

Lorsqu’elle fermait les yeux, la situation ne devenait que pire encore. La plupart du temps, il n’y avait que l’obscurité pour l’accueillir. Puis, par moment, des souvenirs frauduleux se glissaient dans sa mémoire. Des bribes étranges que Saerelys n’arrivait pas forcément à interpréter. Elle n’en ressentait qu’un profond mal-être. C’était là tout. Et c’était suffisant pour la forcer à rouvrir les yeux presque immédiatement.  Secouant la tête, la jeune femme passa ses mains sur son visage. Elle ne devait pas se laisser aller. Si sourire lui semblait être une tâche impossible, elle pouvait au moins tâcher de faire la meilleure figure possible. Peut-être même pourrait-elle passer inaperçue dans toute cette cohue ?

C’était là tout ce que la novice pouvait espérer...



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A la faveur de la nuit, les peines ne sont que plus dures et plus cruelles.

Festivités du Triomphe & An 1066, mois 3.

Il fallait qu’elle parte.

Cette idée ne pouvait que s’imposer dans son esprit. Il le fallait. Rester ici ne faisait qu’amplifier son mal-être et Saerelys doutait de pouvoir le masquer aux yeux de ses contemporains encore bien longtemps. L’atmosphère lui semblait être de plus en plus étouffante, de plus en plus lourde. La novice devait partir. Retrouver les ombres familières de la demeure de sa famille, les mots chauds d’Aedar et sa présence alors qu’elle s’apprêtait à sombrer dans le sommeil. Du moins, si des cauchemars ne tentaient pas de pervertir ses songes alors qu’elle tentait de quitter le monde tangible

L’espace de quelques instants, Saerelys chercha les siens du regard. Hélas, si visages familiers elle discernait, aucun d’entre eux n’appartenait à ses cousins ou à sa cousine. Ils semblaient s’être évaporés. Les Dieux seuls pouvaient savoir où ils se trouvaient exactement. Et la novice n’avait guère le temps de les rechercher. Son besoin de fuir était trop prégnant pour cela. La jeune femme se leva donc, chassant fébrilement les plis qui s’étaient formés dans ses vêtements. Cela ne pouvait pas attendre. Elle devait partir. Maintenant. Qu’importe que cela lui attire des ennuis, notamment le lendemain alors qu’elle retrouverait ses cousins et sa cousine. Elle aviserait en temps et en heure. La nuit lui donnerait peut-être le temps de trouver une excuse à son comportement…

Fendant la foule qui s’était amassée en ces lieux, Saerelys se dirigea vers le couloir qui menait jusqu’à l’entrée de l’antique demeure. Tout en faisant cela, la jeune femme évitait sciemment les différents groupes qui profitaient de l’abondance des mets et des distractions afin de ne point les troubler. Au Collège, elle avait appris à être discrète, c’était un fait, bien que son sang parlait toujours pour elle. Ici, les choses ne pouvaient que s’amplifier à ce sujet. Elle n’était pas une novice parmi tant d’autres. Elle était une Riahenor, la première d’entre elles dans les faits. Cela ne pouvait que jouer en sa défaveur dans la situation actuelle…

« Saerelys, est-ce que tout va bien ? »

L’intéressée sursauta en sentant quelqu’un s’emparer de son poignet, se cambrant au passage. Tournant la tête, à la fois effrayée et surprise, Saerelys se détendit cependant en se rendant compte de la personne qui se trouvait avec elle. Finalement, l’un de ses cousins se trouvait plus près d’elle qu’elle n’avait pu l’imaginer… Que pouvait-elle bien lui dire ? Pouvait-elle lui parler de cette impression de cuire qu’elle ressentait dans chacune des parcelles de sa peau ? De ce profond mal-être qui l’avait attaquée sans même qu’elle ne puisse s’y attendre ? Que tout semblait avoir un goût de sel et de cendres pour elle désormais ? Saerelys serra le poing au point que ses jointures recommencèrent à blanchir. Cela n’avait que peu de sens, hélas…

« Je… Je suis épuisée, mon bon cousin. avoua finalement la jeune femme, en secouant légèrement la tête. Toutes ces fêtes ont raison de moi, j’en ai bien peur…
- Le Collège ne t’as pas préparé à tout cela semble-t-il ! ironisa l’autre Riahenor, tout sourire. Veux-tu que je te raccompagne chez nous ? Cela sera plus sûr et nous aurons tous les deux l’esprit apaisé ainsi ! »

L’esprit apaisé ? Saerelys esquissa un vague sourire à cette idée. Si seulement tout était si simple. Dans son cas, le ver était déjà dans le fruit. Si seulement elle pouvait y faire quoique ce soit. Si seulement… Alors que son cousin lui lâchait le poignet, la jeune femme se laissa tout de même le temps de la réflexion. Mais au fond, sa décision était déjà prise. Depuis le moment où elle s’était levée, la novice savait ce qu’elle devait faire. Qu’importe que cela puisse sembler étonnant. Elle n’en avait cure à cet instant.

« Ta sollicitude t’honore, mon bon cousin. assura la jeune femme. Mais je saurai retrouver mon chemin, ne t’en fais pas. La nuit ne me fait pas peur et tu me retrouveras demain matin, comme à chaque fois. Reste donc ici et amuse-toi avec nos cousins et notre cousine. Des fêtes comme celles-ci ne dureront pas et je me sentirai bien coupable de ne pas te laisser en profiter.
- Es-tu sûre ? Le chemin n’est pas bien long jusqu’à chez nous. Je ne serai pas parti bien longtemps.
- Raison de plus pour me laisser rentrer seule. Ne t’en fais pas, tout ira bien. Pourrais-tu remercier notre hôte pour moi ? Je crains de ne pas avoir l’occasion de le faire de ma propre voix. »

Saerelys ne pouvait que prier pour que son cousin accepte cela. Qu’il la croit sur paroles. Ses mots semblèrent avoir un certain effet cependant. Son cousin hocha la tête, la saluant finalement et la laissant seule. Alors, la novice se remit en marche. Alors qu’elle descendait les marches qui se trouvait non loin du porche de la demeure, la novice jeta un dernier regard derrière elle. Puis, sans le moindre mot, Saerelys quitta définitivement les lieux. De part les fêtes qui se déroulaient toujours ici et là, l’obscurité était loin d’être pleine et entière. Mais cela ne valait en rien la lumière du soleil. Ce qu’elle pouvait lui manquer à cet instant.

Que le jour se lève. Si les Dieux étaient avec elle, son mal-être se dissiperait peut-être en même temps que le monde des rêves...




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