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Magical partnerft. Saerelys

Demeure Bellarys de Valyria & Mois 4 an 1066

D’un air gourmand, Aeganon empoigna une grappe de raisin disposée par les serviteurs au milieu des quelques victuailles apportées et qui trônaient dans le petit jardin intérieur dont disposait la villa Bellarys à Valyria. La demeure ancestrale avait été vendue pour éponger les dettes de la branche principale lorsque cette dernière s’était éteinte et désormais, le siège officiel de la famille se trouvait à Rhyos. Cependant, leur père avait acheté après sa première apparition au Sénat ce pied à terre cossu, qui s’il n’avait pas de quoi égaler les antres les plus opulents des environs, avait au moins le bon goût de se trouver dans le quartier le plus fastueux de la cité, et alliait décoration riche avec quelques privautés du plus bel effet, comme donc ce petit plaisir fait à sa femme, qui consistait en un charmant jardinet intérieur, agrémenté d’une fontaine où une statue de Meleys trônait et se baignait, fausse ingénue, tandis qu’un poisson mordillait son orteil, symbole érotique bien connu et commun dans les grandes maisons valyriennes. Le cadet des jumeaux n’avait mis que peu de temps à investir les lieux en complément de son bureau au sein du Sénat, et des nombreux lits dans lesquels il traînait sa grande carcasse depuis les festivités, les maîtresses ne manquant heureusement pas pour combler ses nuits et lui offrir quelques endroits pour se reposer de jour – ou s’ébattre, au choix. Les riches veuves étaient de vraies bénédictions, dans cette ville.

A vrai dire, il risquait de les fréquenter d’autant plus que son frère avait annoncé son départ précipité pour Rhyos, à la surprise de tous, Aeganon y compris. Manifestement, les fêtes avaient été la goutte de trop dans l’esprit affaibli par le deuil de Daemor, qui préférait rentrer sur leurs terres pour pleurer son fils à son aise … et probablement préparer ses nouvelles noces. Son jumeau regrettait ce choix et ne désespérait pas de le faire changer d’avis, estimant qu’il s’agissait d’une erreur, et que retourner sur les lieux mêmes du drame ne ferait que le plonger un peu plus dans la détresse. Et puis, pardi, il était un Bellarys ! Ils avaient des responsabilités ! Il pouvait … ah mais que pouvait-il ? Il n’avait pas la douceur d’une épouse, le charme d’un enfant, la beauté d’un foyer. Il n’était qu’un pis-aller, une passion destructrice et cachée, une ombre détestée. Son double le lui avait amplement fait comprendre, lors de leurs retrouvailles. Il ne l’aimait pas autant que lui l’aimait. Soit. Qu’il s’enfuie donc. Il y aurait un Bellarys qui ferait honneur à son nom, au moins, qui serait au Sénat pour défendre ceux qui comptaient sur lui. Ironique, n’est-ce pas, que les choses se passent ainsi ? Leur père devait bien s’en mordre les doigts, tiens, d’avoir choisi le mauvais jumeau pour lui succéder. Était-il une sombre râclure pour penser une telle infamie dans ces circonstances ? Bien entendu. Mais Aeganon n’avait jamais prétendu être autre chose. Et on ne changerait pas des années de ressentiment d’un claquement de doigt. La dualité de cet amour/haine existerait probablement constamment au fond de lui. Pis, à l’idée d’être confronté à son propre père dans l’arène sénatoriale, puisque ce dernier ne supporterait sans doute pas que son siège ne soit pas occupé lors de la séance inaugurale qui viendrait, le ravissait. Oh, quel plaisir il aurait de le broyer !

En attendant, son esprit retors poursuivait d’autres buts. Toujours dans sa recherche d’obligés, mais aussi dans son besoin de sonder les adversaires de leur faction et de voir s’il y avait certaines fêlures à exploiter tout en prenant soin de sa gloire, il avait eu l’idée parfaite. Aussi avait-il contacté le Collège des Mages avec une idée bien précise en tête. Et maintenant, il attendait son auguste invitée, qui n’allait pas tarder. Il s’était fait élégant pour l’occasion, arborant la toge sénatoriale pliée à la dernière mode, sa barbe rasée de près et parfumée délicatement, de même que son corps qui avait été frictionné aux thermes toute la matinée. Bref, il irradiait de ce charme suave et animal qui avait fait sa renommée, ses yeux lavande continuant de briller de cette aura de danger caressante qui ne le quittait pas, tandis qu’il laissait son regard, parfois, se poser sur une servante pour l’envelopper de ses attentions, un mince sourire aux lèvres alors que sa bouche croquait le raisin et que du jus s’échappait, goutte à goutte, au recoin. Une jeune fille embauchée depuis peu rougit fortement en l’observant, et Aeganon lui décocha un sourire ravageur, notant mentalement d’en demander davantage sur cette délicieuse créature à leur intendant. Mais baste des amusements. Il avait plus important à faire. D’ailleurs, la voix de stentor du portier avait raisonné. En quelques pas vifs, Aeganon fut dans l’atrium, faisant signe d’y introduire celle qu’il attendait. S’inclinant brièvement devant elle, son éternel sourire plaqué sur le visage, le Bellarys déclara :

« Dame-Mage Saerelys Riahenor, c’est un honneur que ton charme embellisse notre humble demeure familiale en cet après-midi ensoleillé qui ne devrait pas le rester, car le soleil risque de se cacher, honteux de ne pouvoir rivaliser avec ton sourire.

Je te remercie, ainsi que l’Honorable Collège des Mages, d’avoir accédé à ma requête. Entre, je t’en prie, j’ai fait préparer quelques modestes rafraîchissements et petits plaisirs. »


Attendant qu’elle lui emboîte le pas, il la mena au cœur du jardin, où deux divans les attendaient, la table dressée et chargées de sucreries diverses et de fruits devant eux. Il l’invita à prendre place, avant de faire un signe discret pour qu’une musicienne entonne un air doux à la lyre, agrémentant le bercement de la fontaine à leurs côtés qui les rafraîchissait.  

« J’ai conscience que tout cela n’a point les charmes singuliers de la vénérable demeure de ta famille, mais j’espère que mes modestes arrangements seront à ton goût pour le temps durant lequel tu nous fera grâce de ta présence.

Ces fruits viennent directement de nos comptoirs de la Rhoyne. »


D’une main, il lui tendit une pêche juteuse à souhait, son regard chaud la contemplant avec une attention perçante.


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Magical Partner.Aeganon Bellarys et Saerelys Riahenor.

Pied à terre des Bellarys & An 1066, mois 4.

C’était d’un bon pas que Saerelys marchait ce jour-là. Un pas qui restait cependant léger, presque dansant par moments. Cette douce cadence qui ne pouvait qu’animer le moindre de ses gestes, le moindre de ses mouvements, depuis le retour des siens en leur foyer. Bien au-delà de ces quatre années de guerre, cela faisait fort longtemps que la novice n’avait pas vu tous ses cousins attablés avec elle, riant volontiers, se prêtant aux jeux des conteurs pour rappeler à tous et à toutes cette guerre qui avait été la leur à sa manière, lui demandant parfois, lorsque la table s’était vidée, de poser ses doigts sur leurs blessures, de souffler sur elles afin de les apaiser. Saerelys ne s’était jamais dérobée à ce rôle bien que, dans les faits, elle préférait toujours les baumes et autres cataplasmes pour apaiser les maux de ces personnes si chères à son cœur.

Et les choses ne pouvaient s’arrêter là. Qu’il était bon de sentir la main d’Aedar sur la sienne alors que tous deux siégeaient l’un à côté de l’autre, de sentir ses bras entourer ses épaules alors qu’elle était à l’étude dans sa chambre. Qu’il était bon d’entendre à nouveau de sa bouche cette langue qu’ils avaient inventé au cours de leur enfance. Qu’il était bon de ne plus sommeiller seule, de savoir que, lorsque le soleil se lèverait, il se trouverait à ses côtés et non plus uniquement dans ses songes. Esquissant un doux sourire, une pointe rêveuse s’y glissant, la jeune femme pressa son pas, se saisissant délicatement du bout des doigts l’un des pans de sa robe d’un bleu si pâle qu’il en imitait celui du ciel de ce jour. Valyria était sa Cité, son nid. Hélas, fort était de constater que tous et toutes n’y prêtaient pas l’attention nécessaire. Aussi fallait-il jouer de ses jambes afin d’éviter certains désagréments.

Saerelys connaissait bien ce chemin qu’elle suivait depuis un moment déjà. Il y a de cela quelques mois, ses pas s’y dessinaient déjà, suivant ceux du Mage que le Collège avait envoyé pour apaiser autant que faire ce peut les maux de ce pauvre petit qui les avaient désormais quitté. Il y a de cela quelques mois, c’était tout de noir vêtu qu’elle avait traversé ces rues, qu’elle avait frappé à cette porte. Qu’on l’avait accueilli dans cette demeure à laquelle elle retournait désormais. Seule mais envoyée par le Collège, une fois de plus. Une mission que la jeune femme n’avait pas pu ne serait-ce qu’imaginer refuser.

Son attrait pour la guérison n’était un secret pour personne, parmi les novices comme les Mages. Qui plus est, ce n’était pas la première fois qu’elle mettait ses dons au service des Bellarys. Dans les faits, cet art qu’elle étudiait depuis tant d’années ne leur serait pas immédiatement destiné, d’après les informations qui lui avaient été données avant qu’elle n’accepte de se prêter à un tel jeu. Ses cousins, son frère et son père avaient, ou auraient reçu, toute l’attention nécessaire que cela soit à leur retour en leur foyer ou après les combats. Cela n’avait pas été le cas de nombreux malheureux qui souffraient encore le martyr pour des blessures reçues sous les tentures qui avaient été les leurs lorsque Ghis avait cru bon de s’opposer aux feux de leurs frères et sœurs d’écailles…

Alors, la novice avait accepté volontiers cette offre qui lui avait été faite. Le Troisième Cercle était le temps des démonstrations magiques, des services rendus. Des nouvelles découvertes également. Pour ces raisons, elle ne put que presser son pas à nouveau. Cette rencontre n’avait rien d’ordinaire. Au contraire. Au grand contraire. Si elle avait passé du temps dans ses ouvrages et ses grimoires, Saerelys n’était point une idiote pour autant. Des grandes familles valyriennes, la jeune femme savait de nombreuses choses, bien qu’elle ne pouvait que s’amuser, bien que masquant ce fait, de ces regards qui lui étaient lancés. Certains la considéraient sans doute comme une ingénue, une brebis docile uniquement abreuvée par ses parchemins. Et Saerelys ne se risquerait pas à les détromper. Que son père et son jumeau jouent en pleine lumière. Telle la lune, elle saurait se jouer de l’obscurité.

Toujours est-il que cette rencontre restait d’importance. Et que cette fois, elle serait seule. Ressentait-elle de l’appréhension ? D’une certaine façon. Aeganon Bellarys était à l’origine de tout cela, de cet appel lancé au Collège. De sa présence au sein du pied à terre des Bellarys à Valyria. De cette rencontre qui s’annonçait. Il ne s’agissait cependant pas là de sa première mission seule. Alors, Saerelys lissa du bout des doigts le tissu délicat qui composait sa robe. Un long voile de la même couleur, brodé de volutes d’un bleu légèrement plus foncé, couvrait une partie de sa chevelure. Autour de son cou, elle avait conservé son dragon d’acier valyrien. Dans cet océan bleuté, les quelques pierreries rouges qui ornaient le reptile factice ressortaient légèrement. De fins bracelets d’argent s’ajoutaient à cette parure.

De part ces atours qui étaient les siens, Saerelys se présentait sous son meilleur jour. Si au Collège, elle était une novice parmi tant d’autres. A l’extérieur, elle était Saerelys Riahenor, descendante de Riahenys, fille de Maegon et de Vaelya Riahenor, fiancée d’Aedar Riahenor. Si elle n’avait plus de dragon, son sang n’en était pas moins enflammé. C’est donc avec un sourire radieux que la jeune femme accueillit la personne chargée de la mener jusqu’à celui qui était à l’origine de tout cela. Dans l’atrium, l’atmosphère était douce. Saerelys crut d’ailleurs y percevoir comme un restant des festivités qui s’étaient déroulées dernièrement. Lorsque Aeganon la salua, la jeune femme ne put que s’incliner respectueusement à son tour, saluant ainsi comme il se devait l’hôte de ces lieux. Se redressant, la novice esquissa un fin sourire, laissant ses mains se rejoindre au niveau de son ventre.

« Le plaisir de cette rencontre est partagé, Aeganon, toi qui fut l’un des héros de cette guerre dont nous sortîmes victorieux. commença la jeune femme, tout sourire. Le Collège sera informé de la gratitude que tu éprouves à son égard, sois-en assuré. J’espère ne point te décevoir au sujet de ces compétences qui ont pu t’être présentées à mon sujet. Saerelys se tut quelques instants avant de reprendre, sur un ton amusé. Si la Nature m’a doté de certains charmes, je crains qu’ils ne soient pas aussi utiles que ceux que tu trouveras dans ma tête, d’après ce qu’il m’a été dit. »

Les flatteries d’Aeganon n’étaient en rien une chose inconnue aux oreilles de la novice. Si elle n’en avait jamais été la cible jusqu’à présent, fort était de constater que sa réputation courait les rues d’une manière fort aisée. Le compliment restait agréable cependant, Saerelys ne pouvait pas le nier. Aussi l’accepta-t-elle, emboîtant par la suite le pas d’Aeganon. Une douce quiétude enveloppait ces lieux, bien que Meleys semblait avoir choisi ces jardins pour devenir l’un de ses lieux de repos. Remerciant son hôte d’un regard, la novice prit place sur le divan qui lui était destiné. La table était décidément bien remplie. Saerelys n’avait jamais eu un appétit de dragon, les faits étaient là. L’attention était cependant de circonstances et appréciable.

« Alors je ne puis que t’assurer que j’y ferai honneur. répondit la novice, se saisissant délicatement du fruit qui lui était tendu. Comme je ferai en sorte de faire honneur à tout ces minutieux préparatifs qui semblent avoir précédé ma venue ! »

Lorsque la pointe de ses doigts frôla la peau d’Aeganon, Saerelys sentit comme un frisson lui parcourir le dos. Les Mages avaient accès à un tout autre monde que celui du commun des Mortels. Avec les années passant, la jeune femme s’en rendait d’avantage compte. Les Valyriens avaient comme une énergie qui leur était propre. Une énergie totalement différente de celle qu’elle avait pu ressentir chez Cassia ou même chez des étrangers de passage. Les Mages avaient aussi leurs propres couleurs à ce sujet. A croire que cette énergie était d’avantage éveillée au sein de certaines personnes. Chassant ces pensées de son esprit, la novice observa quelques instants le fruit qui lui avait été offert. Il lui semblait juteux à souhait. La jeune femme ne le porta cependant pas immédiatement à ses lèvres, préférant relever son regard afin de croiser celui de son hôte.

« Le Collège a fait grand cas de cette mission dont tu es à l’origine. Aussi te doutes-tu que ma présence ici témoigne du fait que cette quête a su éveiller mon intérêt. La jeune femme se tut quelques instants. A moins que cela ne soit par ton frère ou par la Prêtresse Haemera que te soient parvenus des récits de mes compétences ? »

Au Collège, la somme des savoirs et des domaines abordés était tout simplement incommensurable. La généalogie faisait partie de certains d’entre eux. Après tout, comment s’assurer de la pureté du sang d’une personne ou le prestige de sa lignée sans avoir recours à ces vieux ouvrages qui semblaient remonter à la nuit des temps ? Toujours est-il que Saerelys avait eu l’occasion d’apprendre bien des choses au sujet des Bellarys. Ses rencontres avec Daemor et Haemera avaient parachevé ce travail. Mais il semblait à Saerelys qu’elle avait encore bien des choses à découvrir. D’Aeganon, elle ne connaissait que ce que les rumeurs colportaient. Cela ne représentait que bien peu de choses.




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Magical partnerft. Saerelys

Demeure Bellarys de Valyria & Mois 4 an 1066

« La beauté d’un plaisant visage ne se reflète-t-il pas dans ses intérieurs d’esprit, ma chère mage ? »

Cédant à la facilité, Aeganon n’avait pas résisté à la tentation de pousser un peu ses compliments caressants, honorant par là sa réputation de séducteur impénitent comme de galant personnage, ainsi que d’amateur des plaisirs simples d’une conversation feutrée. A vrai dire, le Bellarys n’y pensait presque plus, tant les remarques amusées lui venaient facilement, enrobant la plupart de ses conversations d’une once de licence qui flottait dans les airs, et souvent autour de lui. Il adorait, lorsqu’il rencontrait de nouvelles personnes, jouer de cette personnalité trouble pour jauger ses interlocuteurs à travers leurs réactions. Véritablement, cela le fascinait, sans qu’il y pense à mal. En même temps, quel mal y avait-il à honorer les splendeurs offertes par les dieux, surtout quand elles avaient le privilège d’orner une si charmante silhouette ? Tel était le privilège de Valyria, que de savoir apprécier les beautés de cette terre sans chercher à les cacher comme ces imbéciles d’Andals, ou à se réfugier derrière des préceptes qui étaient à ses yeux éminemment barbares. A la place, donc, il s’adonnait sans honte aux plaisirs des yeux, et ces derniers n’étaient pas les derniers à faire comprendre leur appréciation. En un sens, d’ailleurs, rester de marbre face à une dame issue d’une lignée de Fondateurs eut presque été un manque de respect. Bien que leur lustre ait pâli, ils restaient respectés pour ce que leurs ancêtres avaient apportés à Valyria, avant de faillir et de sombrer dans des travers qui avaient hâté l’avènement d’autres lignées, aujourd’hui encore bien en place. Lorsqu’elle accepta le fruit tendu, le Bellarys laissa traîner sa main un peu trop longtemps, appréciant le contact électrique d’une autre chair contre la sienne, avant de se retirer, à regret, pour l’observer apprécier la récolte familiale. L’écoutant donc accepter ses remerciements, Aeganon haussa un léger sourcil en entendant mentionner son frère – lequel ? – et Haemera, sa maîtresse retrouvée durant les festivités. Le monde valyrien était décidément bien petit. Se calant un peu plus dans son propre fauteuil, il répondit de sa voix grave :

« Ainsi donc, tu connais Haemera de Tessarion ? J’ignorai que ma chère cousine avait de si agréables connaissances, sinon, j’aurai émis le souhait d’une rencontre beaucoup plus tôt, pour le plaisir de lui plaire et de te contempler, Saerelys. »

Le sourire qui ornait son visage, lorsqu’il évoquait la prêtresse, était sincère, et empreint d’une affection non feinte, preuve de leur lien – qui n’était évidemment pas que familial, mais cela, ceux qui avaient assisté à leurs retrouvailles lors des festivités du Triomphe pouvaient amplement en témoigner. Cependant, à cet instant, c’était plutôt la chaleur de leur amitié retrouvée qui l’égayait, fait suffisamment rare pour être souligné, au milieu du tourbillon de liaisons qui peuplait l’existence d’Aeganon, condamné à cette errance pour avoir commis le crime de ne désirer qu’un seul être, et de ne pouvoir assouvir pleinement cette passion fautive. Du reste, Daemor le rejetait, désormais. Et ce constat fouettait ses sangs et le poussait à toujours plus d’excès pour noyer sa peine et sa fureur. A la place, il l’exerçait sur d’autres corps, dans d’autres étreintes. Alors oui, rares étaient ces amantes éphémères à pouvoir se targuer d’une telle démonstration pétrie d’honnêteté, bien qu’il cachât facilement ce constat sous ses sourires luxurieux. Même si ces considérations ne répondaient pas à la question de la mage. Aussi finit-il par reprendre :

« Mais, pour te répondre, j’ai visité mon frère benjamin Taekar à mon retour, et il m’a donné ton nom. Il est un peu plus jeune, mais c’est un futur jeune mage très prometteur, à ce que m’ont dit certains de ses professeurs. Et comme ces derniers ont corroboré ses affirmations à ton égard, je n’ai pu que céder à ma curiosité légitime … et à mon besoin de t’avoir ainsi en ma demeure. »

L’accentuation de la dernière partie de sa phrase était évidente, jeu perpétuel sur les sens des mots, et sur les siens qui avaient une propension farouche à s’éveiller constamment. Il reprit néanmoins son discours, alors qu’en d’autres temps, et d’autres lieux, il aurait laissé un silence plaisant, pour questionner, sa curiosité piquée :

« Est-ce le Bellarys auquel tu songeais ? »

S’il avait mentalement exclu Jaemor, le lien de parenté n’étant guère évident à première vue, encore que sa position comme prêtre de Styrax puisse expliquer une éventuelle connaissance, de la part d’une ancienne famille comme celle des Riahenor, il devait admettre se demander si Taekar avait eu la langue bien pendue, ou si … Daemor, peut-être ? Sûrement. Entre civilistes, c’était une évidence. Voilà une information qu’il faudrait dans ce cas étudier avec attention, tout en ignorant la jalousie qui, brusquement, avait pris feu en lui. Non, il suffisait. Ces enfantillages n’avaient plus lieu d’être. A la place, il attrapa donc un fruit et mordit dedans avec appétit, trouvant dans la saveur sucrée qui coulait dans sa gorge de quoi satisfaire, temporairement, sa soif et ses envies contrariées. Puis il revint à la conversation, l’achevant tout à fait :

« Du reste, ton frère jumeau nous a suffisamment parlé de sa chère sœur pour que je n’ai pas quelques connaissances à ton sujet. La guerre a cette vertu de délier les langues des hommes quant à ce qu’ils ont laissés derrière eux. »

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Magical Partner.Aeganon Bellarys et Saerelys Riahenor.

Pied à terre des Bellarys & An 1066, mois 4.

Quel beau parleur que voilà. Un fait qui n’étonna pas en outre mesure la novice. Rumeurs et nouvelles allaient vite dans leur Cité, et le Collège, aussi fermé pouvait-il être, se laissait parfois bercer par certaines d’entre elles. Le contraire était cependant bien moins vrai. Bien malin serait l’homme ou la femme de l’extérieur qui serait au courant des trames qui se tissaient parmi les novices, ou parmi les Mages. Si les fêtes leur étaient interdites jusqu’à un certain Cercle, il allait de soi que ceux et celles qui souhaitaient honorer les Dieux avaient bien des moyens de le faire. Toujours est-il que les plus fins esprits n’étaient malheureusement pas forcément les meilleurs amants. Un fait quelque peu attristant, il fallait l’avouer.

« Je connais bien des Mages qui pourraient te prouver le contraire. commenta Saerelys, une étincelle d’amusement dans le regard. Qu’importe le visage que j’arbore, mon esprit reste le même. Et ce, même si tu me voyais sous la forme d’une quelconque autre créature. Si l’art de la métamorphose s’est déjà prêté à ton regard, bien sûr. La jeune femme marqua une pause. Il faut cependant avouer que les Dieux semblent parfois apprécier de se pencher sur le berceau de certains d’entre nous, afin de nous accorder plus de qualités qu’à un autre enfant, pourtant né en un jour semblable au nôtre. Mais si telle est leur volonté, qui sommes-nous pour en juger ? Acceptons leurs dons et trouvons y un quelconque profit. »

Les Bellarys détonnaient quelque peu à Valyria, il est vrai. Si Saerelys avait côtoyé bien des Sangs Mêlés au Collège, fort était de constater que la plupart d’entre eux étaient issus de parents Valyriens. Aussi avaient-ils conservés les caractéristiques inhérentes à leur Peuple, bien que certains arboraient des cheveux d’avantage blonds qu’argentés, ou des yeux bleus à la place de cette couleur mauve qui caractérisait les enfants des Dieux qu’ils étaient. Les Bellarys étaient en cela bien différents. Une petite tâche de couleur dans leur monde argenté. Une différence qui les rendait unique, détonnants d’une certaine manière, bien que le reste de leurs traits restaient aussi Valyriens que ceux que la novice pouvait arborer.

« Pour ne rien te cacher, Haemera a été ma mentor d’une journée, alors qu’elle officiait auprès des nécessiteux. C’est une femme de talent et j’ai été honorée de pouvoir la seconder. La jeune femme se laissa aller à un rire. Permets-moi de te retourner le compliment. D’un autre côté, je crains que nous n’ayons pas pu nous rencontrer par son intermédiaire. Les lois du Collège sont ce qu’elles sont et quand j’ai pu quitter l’ombre de ses murs, vous, nos frères, vous étiez tous évaporés au loin pour combattre la Harpie. »

L’affection qu’Aeganon semblait porter à Haemera était sincère. Du moins, c’est ce qui frappa Saerelys, lorsque le sourire de l’homme changea. Cela ne dura qu’un bref instant, quelques secondes à peine, peut-être même moins qu’un battement de cœur. La jeune femme chassa cependant ses pensées de son esprit lorsque le nom de Taekar fut évoqué. Le novice faisait partie de ces personnes que Saerelys avait eu l’occasion d’accompagner dans leurs apprentissages dans certains cas, les guidant autant qu’elle le pouvait de part son Cercle plus avancé que le leur. Aussi hocha-t-elle la tête lorsqu’Aeganon fit part des capacités de son plus jeune frère. S’il était complexe d’imaginer à l’heure actuelle où les pas de Taekar le porteraient, il avait son propre potentiel à découvrir et à faire s’épanouir.

« Taekar a sa place parmi nous, cela va sans dire. Il lui faudra encore quelques années avant  qu’il ne puisse quitter le Collège comme je le fais mais je suis certaine qu’il saura vous montrer l’ampleur de ses compétences le moment venu. Je suis par ailleurs flattée que mon nom t’ait été transmis de sa bouche. La jeune femme marqua une pause. Cependant, je ne puis te cacher que cette demeure qui est la vôtre ne m’est point inconnue. Et si les quelques récits de Taekar à ce sujet ont pu m’éclairer, ce n’est pas dans les meilleurs jours que j’ai pu me glisser entre ces murs pour la première fois. Les Mages que tu as rencontré au Collège ont du te faire de mes aptitudes pour ce qui est de la Magie de la Guérison, peut-être ? La jeune femme marqua une pause, observant la pêche qui se trouvait toujours dans sa main. J’ai malheureusement assisté aux derniers instants de ton neveu. Pauvre petit que voilà. Que Balerion lui offre une nouvelle vie pleine de fortune lorsque le moment sera venu. »

Le petit Taeganon. Comme il était frêle et pâle. Un enfant qui n’avait pas vécu, qui n’avait connu que la souffrance d’un mal qui le dévorait depuis qu’il eut pris son premier souffle. Si la mission des Mages n’étaient alors plus de tenter de le sauver, juste d’apaiser ses souffrances jusqu’à l’instant fatidique, Saerelys se souvenait de lui avec une précision sans faille. Le premier patient qu’elle avait perdu, d’une certaine façon. Car jamais son cœur ne s’était réellement préparé à voir ce si petit enfant retourner auprès des Dieux de cette manière. Chassant ces noires pensées de son esprit, ne craignant que trop de les voir prendre le contrôle de sa personne, Saerelys mordit à son tour dans le fruit qu’elle avait reçu, avec d’avantage de délicatesse cependant. Le fruit était mûr à souhait. Un régal. Un régal que son esprit ne pourrait pas effacer. Pas cette fois.

« Ainsi, mon frère s’est montré bavard à mon sujet ? s’étonna faussement Saerelys. Bien des personnes semblent t’avoir parlé de mon humble personne. Je ne puis qu’espérer que les descriptions qui te furent faites de moi sont proches de la réalité… Ou bien éloignées si elles t’ont semblé fantasques. La jeune femme se fendit d’un rire. Mais assez parlé de moi. Le Collège tient à ce que je t’assiste et j’aimerai entendre de ta voix ce que tu attends de ma personne et de ma Magie. »

Les paroles qu’elle avait échangé avec le Mage qui était venu à sa rencontre avaient été succinctes. Avant sa venue en ces lieux, Saerelys ne savait que peu de choses. Qu’elle était attendue auprès des Bellarys afin de faire usage de ses dons pour quelques nécessiteux. Une proposition que la jeune femme n’avait pu qu’accepter. Cette activité se rapprochait en effet de ces soins qu’elle offrait plusieurs fois par mois aux personnes dans le besoin, bien que la plupart du temps, il s’agissait d’avantage d’une application de cataplasmes, que de Magie. Pour des raisons évidentes, Saerelys ne faisait usage de cette dernière que dans les cas les plus graves.




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Magical partnerft. Saerelys

Demeure Bellarys de Valyria & Mois 4 an 1066

« Tu as bien raison. Profiter des dons des dieux est, après tout, le devoir de tout valyrien, et il n’y a pas plus grand plaisir que d’en apprécier toutes les facettes. »

Les yeux rieurs d’Aeganon, par-dessus la coupe de vin qu’il avait saisie après avoir répondu à Saerelys contait une toute autre histoire que celle de ses paroles, dont les plates assurances trouvaient soudainement une tournure plus épicée, comme sa boisson qui avait été délicatement relevée à la mode valyrienne, pour en hausser le goût et mieux en apprécier les saveurs. Oh, encore que, il ne faisait que dire la plus stricte vérité : n’était-il pas un humble adorateur des dieux, prêt à aimer tout ce que ces derniers auraient la délicatesse de mettre sur sa route ? Laides et belles, il avait connu trop de morphologies pour y accorder une réelle importance. Ses goûts le menaient là où ses désirs immédiats le portaient, et il savait d’expérience que le visage le moins avenant pouvait disparaître sous la douceur des mains et la moiteur du souffle mêlé, ou s’en retrouver sublimé. Il n’y avait pas de corps laid, dans la pénombre d’une chambre à la lumière tamisée, et dans la célébration divine, dans l’expiration du désir, demeurait la beauté de l’envie partagée et du plaisir accompli. Les belles restaient belles, et les autres le devenaient. A moins qu’elles ne l’aient toujours été, et y trouvait matière à se révéler ? Cependant, le Bellarys était honnête avec lui-même, et ces envolées philosophiques étaient éloignées de sa préoccupation actuelle, à savoir la galéjade galante. Mais comme tout art, ce dernier supposait une part de vérité, et l’amour des mots ardemment placés, délicieusement troussés, pour l’exquise surprise de voir fleurir un sourire. Qui arrivait. Ainsi donc, Maegon Riahenor avait enfanté un être charmant, et qui avait en plus appris l’existence des zygomatiques. Merveilles de la génétique, il y avait forcément quelques erreurs d’aiguillage, ou plus exactement des réparations, en l’occurrence tout du moins.

Acquiesçant à sa description d’Haemera, Aeganon n’ajouta rien. A la place, il se contenta de l’écouter, constatant que la jeune femme était manifestement suffisamment à l’aise pour converser longuement, à moins qu’elle ne soit naturellement portée à la discussion. Bien entendu, il manifesta son approbation à ses compliments sur son frère, bien qu’en tout honnêteté, le sort de Taekar lui soit relativement égal. Son benjamin n’était qu’un enfant lorsqu’il s’était engagé dans l’armée, et il avait souvent senti une tension latente à son égard, probablement en raison de l’attention que sa jumelle lui portait – à son propre corps défendant, puisqu’il estimait n’avoir rien fait pour entretenir les feux de Maera. Dans cette famille, ils étaient destinés à se blesser sans le vouloir. Alors, bien sûr, ils restaient liés par le sang, et il avait un fond d’affection pour le jeune garçon. Une part de lui, néanmoins, éprouvait une forme d’amertume, même, à entendre que sa voie de facilité lui convenait. Il n’avait pas eu à subir les foudres paternelles, protégé par son exil au Collège des Mages et rapidement déconsidéré pour s’occuper de l’héritage à plein temps. Enfin, c’étaient là ses propres problématiques familiales, qui revinrent à la charge avec une acuité encore plus grande. Sa main enserra sa coupe avec plus de violence, tandis son sourire courtisan vint masquer son trouble. Entendre le prénom par trop semblable au sien était toujours un coup de poignard en plein cœur, comme de ne pas avoir été présent, retenu encore à Meereen. Alors posément, il répliqua, d’une voix égale :

« Je l’ignorais. Mais si tes arts ont été d’un quelconque secours à mon neveu pour apaiser sa souffrance, alors tu as ma gratitude, Saerelys du Troisième Cercle. »

Il n’en dirait pas plus. Il estimait que c’était suffisant. La réalité de sa peine, de son deuil, ne serait jamais entièrement comprise, parce que personne ne savait ce que cet enfant représentait. Et il n’affecterait pas une douleur factice car pas assez semblable aux ravages de son chagrin. En de rares occasions, Aeganon était capable de se montrer digne, rappelant que son sang, s’il n’avait pas le lustre d’une dynastie fondatrice, restait noble, et remontait aux origines de Valyria. Ses yeux se posèrent sur son interlocutrice, sur la pêche qu’elle goûtait, et comme souvent chez lui, le jeu chassa la tristesse, ou plus exactement, lui permettait de donner le change plus plaisamment, et de ne pas s’attarder sur les sujets fâcheux. L’art de la transition était salvateur, à bien des égards. Se levant légèrement de son siège, il se pencha vers Saerelys, son visage rapproché du sien, ses yeux améthystes dans les siens, avant d’apposer furtivement son doigt au coin de sa bouche. Puis il se rassit et le porte à ses lèvres, effaçant la goutte de jus du fruit par trop charnu d’un revers de la langue. Et son sourire revint, alors qu’il s’excusait :

« Pardonne-moi, je n’aurai point voulu que ta si belle parure soit entachée par la faute de nos vergers. C’eut été une faute terrible envers Tessarion et les belles œuvres de nos artistes. »

Restait à voir de quelles belles œuvres il parlait.

« Où en étions-nous ? Ah, oui. Evidemment qu’Aedar a été loquace, quel homme ne louerait pas les vertus de sa fiancée à ses frères d’armes ? Il est trop heureux d’attirer leur jalousie, à se voir ainsi comblé d’une âme vers laquelle se tourner dans les moments de doute, et de souvenirs à propos desquels rêver, le soir, dans le repli de sa tente. Et le rêve, après tout, est la seule richesse du soldat en campagne. »

Il y avait les mots crus, les mots doux, les non-dits aussi, peut-être les plus importants et cela, il ne le savait que trop bien. Pour autant, il était sincère, dans son explication : l’attachement était ce qui permettait de vouloir survivre. De retrouver son foyer. De tenir encore. Pour la promesse, au retour, d’un apaisement des tourments et des horreurs dans l’ivresse de la peau révérée, des mains oublieuses et caressantes, et de l’ivresse des corps qui faisait oublier la nausée des esprits. Parfois, c’était un amour moins charnel qui occupait, celui d’une mère, ou d’un père, d’un enfant, mais il y avait toujours, in fine, ce besoin vital de serrer l’être aimé dans ses bras, de sentir son odeur, et de s’y perdre pour colorer différemment le rouge maculant leurs doigts guerriers. Cela, il le savait. Et Saerelys, elle, le découvrirait bientôt.

« Ces rêves, tu risques de les découvrir en ma compagnie, Saerelys. Mais hélas, point d’une façon qui eut été plus plaisante.

Un certain nombre de blessés de mon armée sont rentrés en piètre état. Et leurs rêves fiévreux ont par trop hanté Valyria pour que rien ne soit fait à leur égard. Le Collège a accepté d’envoyer un des siens – toi, donc – pour m’accompagner afin de les voir et d’évaluer ce qui était possible. Ou d’alléger leurs souffrances, le cas échéant.

L’édit de consolation porté par ma faction pourvoira aux frais. Ils se sont sacrifiés pour Valyria, et il est temps que Valyria leur rende grâce. »


Ne pas mêler la politique à son discours eut été bien entendu une faute. Levant sa coupe, après s’être resservi tout en parlant, Aeganon demanda, presque innocemment :

« Trinquons-nous à ce programme ? »


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Magical Partner.Aeganon Bellarys et Saerelys Riahenor.

Pied à terre des Bellarys & An 1066, mois 4.

Saerelys était une femme valyrienne faite, du haut de sa vingtaine d’étés. Une femme pieuse, qui plus est. Le Collège n’avait pas pu effacer ce fait. Tessarion et Tyraxes étaient leurs guides, celles qui leur soufflaient des idées nouvelles, leurs indiquaient, au détour d’un couloir, un chemin encore inexploré. Aussi, la jeune femme qu’elle était ne pouvait qu’éprouver comme une sorte d’épectase, à leur sujet. A chercher à se rapprocher de ces Divinités, à soustraire à sa manière, une petite partie de leur pouvoir. Aussi, le Collège ne pouvait s’opposer au fait que ses novices les plus âgés ne se prêtent à certains rites inhérents au monde dans lequel ils vivaient. C’était là l’ordre des choses. Qui étaient-ils pour refuser aux Dieux la plus belle preuve de leur dévotion à leur égard ?

Réflexion faite, la jeune femme devait avouer qu’elle avait davantage côtoyé les femmes que les hommes. Les novices d’un sexe semblable au sien étaient cependant moins fréquentes que leurs homologues masculins. Saerelys ne pouvait que trouver leur compagnie plus agréable, bien que conservant son caractère inébriant. Les secrets des femmes forgeaient l’imagination des hommes. Pour le reste, elle était née avec son frère. Ils avaient partagé les neuf premiers mois de leur existence ainsi qu’une grande partie de leurs années d’existence. Tout cela pour les préparer à prononcer leurs vœux, à préparer leur hyménée. Aussi lui était-il difficile de trouver de l’intérêt durablement à un autre homme que lui. Bien que de pareilles choses s’étaient déjà produites, ce n’était point la même chose, la même douceur, ou la même ardeur qu’elle ressen-tait dans de pareilles situations. Meleys lui avait offert une personne qui lui appartenait toute entière. Un amour qui mêlant dilection et passion. Bien peu d’êtres en ce monde pouvaient comprendre cela.

La jeune femme n’en oubliait cependant point la discussion qui se déroulait là. Seule, elle l’était. Si ce n’était pas la première fois, de telles expériences restaient rares. Telle était la manière dont s’était forgée Valyria, laissant ses femmes à l’ombre malgré les dragons de ces dernières. Le Collège lui avait offert une toute autre arme. Elle était ici en son nom propre, de part les compétences qui étaient les siennes. Son aménité y était sans doute pour quelque chose également. A moins que son visage et sa carrure accorte ne soient vus comme exempt de craintes pour n’importe quel locuteur mâle qui se respectait ? Souris, jeune fille, écoute mais ne prête point l’oreille à ces marivaudages. Alors, tous s’y tromperont. La Doyenne des Riahenor avait déjà vu bien des choses en ce bas-monde. Et c’était dans la solitude que Saerelys trouvait dans ses conseils, toute l’aide dont elle pouvait avoir besoin.

D’un mouvement plus brusque que les précédents, Aeganon avait resserré son emprise sur sa coupe. La jeune femme fit mine de ne point y prêter attention, détournant son regard quelques instants sur le jardin qui les entourait. Un lieu qui n’était point dédié à l’agapé, semblait-il. Comme Meleys semblait rêveuse, malicieuse, dans ce bassin. Aelys aurait sans doute joué de sa verve, à ce sujet, aussi bien pour amuser son auditoire, que pour y glisser une pointe de moquerie qui ne serait discernée que par un petit nombre d’initiés. Mais Saerelys n’était pas sa cadette. En ces instants, l’aînée des Riahenor préférait se draper de bénignité. Lorsque son nom fut prononcé, la novice reporta donc son attention sur son interlocuteur. Des propos auxquels la novice ne répondit pas. Car dans les faits, son aide n’avait pas été suffisante. Toute leur aide n’avait pas été suffisante, les Dieux ne pouvant que savoir qu’elle n’avait pas été la première à se rendre au chevet de ce pauvre petite. Pas la première, mais la dernière. L’une des seules à pouvoir sentir la puissance du souffle de Balerion sur sa nuque. La première fois qu’elle avait à se rendre compte que jamais sa Magie ne pourrait tout effacer, tout reconstruire…

Alors, Saerelys se contenta d’un hochement de tête. Elle avait été présente. Elle avait partagé une partie de ce feu qui parcourait ses veines à cet enfant. A son père également, qui ne parvenait plus à trouver le sommeil. Et qui, lorsqu’il arrivait à s’en saisir, n’y trouvait qu’horribles cauchemars dont le réveil était le seul moyen d’en fuster. Voilà ce qu’elle avait fait. Voilà tout ce qu’elle avait pu faire. Même Riahenys n’aurait pas pu faire davantage. Balerion emportait avec lui tous les objets de convoitise qui tombaient sous son regard, sans demander la moindre des permissions. Qu’importe que l’harmonie s’en retrouve brisée. Qu’importe que le fiel soit répandu par sa simple action.

Garder l’esprit clair, un sourire de façade afin d’en forger un nouveau par la suite, réel. Le Collège l’avait envoyée ici de part les compétences qui étaient les siennes. Du moins, c’était là ce que Saerelys avait décidé de croire. Une once de courage en plus, une douce chaleur dans ses veines, signe que la Magie y palpi-tait comme à chaque jour qui passait. Voilà tout ce dont elle avait besoin. De cela, et d’une distraction exté-rieure. Et quelle distraction que voilà. Aeganon lui en offrait une toute trouvée. Elle n’avait qu’à se pencher pour la saisir, s’en amuser. Car c’était bien là ce que la novice ressentait. De l’amusement. Meleys savait déci-dément choisir ses adeptes. Alors, d’un air faussement absent, la jeune femme passa son index sur ses lèvres, comme pour en chasser le fantôme d’un baiser d’un amant. Son regard, cependant, ne mentait pas. Une étin-celle amusée y brillait, amusement à peine déguisé, à peine masqué. Car à ce jeu, Saerelys savait également jouer. Du moins, si son cœur décidait de s’y prêter.

« Comme il aurait été dommage de gâcher une pareille étoffe, il est vrai. affirma Saerelys, feignant de s’en inquiéter. Aussi, je ne peux que te remercier de ta prévenance. La jeune femme esquissa un nouveau sourire, empreint d’un amusement certain, sous couvert d’une apparence cordiale, dé-posant sa main sur le genou de l’homme en face d’elle, délicatement. Tu as, semble-t-il, été plus vif que ma Magie. »

Les Mages ne s’inquiétaient que peu de leur manière d’aller et venir. Si leurs gestes étaient doux, me-surés, ils n’en restaient pas moins des travailleurs. Se laisser languir des heures durant n’était guère dans leurs habitudes. Laisser d’autres languir à leur place ? C’était là une autre histoire. La tentation de faire usage de la Magie était forte, dans de tels cas. Meleys avait ainsi forgé bien des Êtres, des Humains aux Dra-gons. Il fallait impressionner pour plonger autrui dans une certaine idolâtrie, pour le pousser à répondre à ses propres attentes. Une danse à la fois douce et ardente comme les flammes. Une danse que tout un cha-cun se devait de maîtriser, dans ce de monde qui était le leur. Une danse qui commençait toujours par quelques mots, quelques caresses. La suite, seule Meleys en décidait. Un jeu que Saerelys aimait parfois gui-der, il est vrai. Elle n’avait plus l’âge de se laisser embéguiner.

« Quel flatteur que voilà. laissa échapper la jeune femme, se redressant, ap-puyant nonchalamment son coude sur l’accoudoir tout proche, alors que ses doigts rejoignaient sa joue, se saisissant de l’une de ses mèches torsadées afin d’en jouer. Penses-tu, il me faudra le récompenser en consé-quence. Me voilà connu de bien des personnes alors que ces dernières ne m’ont jamais rencontrée. » acheva-t-elle, son sourire s’étant fait plus mutin.

Des rêves. Elle aussi en avait fait de nombreux car cette séparation, ce trouble, Saerelys l’avait vécu pendant des années. Neuf, bientôt dix, au total. Le Collège était sa conquête personnelle. Une conquête à faire sans aucune armée à ses côtés. Comme elle pouvait comprendre le besoin de se rattacher à une image fugace. Pour se rappeler qu’au-dehors, un autre monde, un autre idéal existait. D’Aedar, elle n’avait reçu que des caresses littéraires, à leur grand désarroi. A cela s’était ajoutée la crainte de ne point le voir revenir. La jeune femme avait toujours senti son frère en vie. Hélas, par moment, cette impression s’estompait dans son âme. Alors, panique l’envahissait, profonde, sombre, sans issue lui semblait-il dans de pareils instants. Un vide qui avait toujours fini par disparaître. Alors, sa propre âme s’apaisait. Une âme d’autant plus apaisée qu’à présent, dans leur grande mansuétude, les Dieux avaient permis le retour de son double.

« Ne m’épargne pas ces visions, Aeganon. Le ton de la jeune femme s’était fait plus sérieux. Ne penses pas que les Dieux aient préservé mon regard de la douleur qui parcourt notre monde. La vie s’est poursuivie, tant bien que mal. Si tu penses qu’une nausée me prendra en voyant des membres dis-tordus ou sectionnés, tu te trompes lourdement. Bien des personnes sont venues me voir pour de tels maux. Ces hommes ont évité à Valyria que le pire ne se produise. C’est bien là la moindre des choses que de leur tendre une main secourable. »

Saerelys avait perdu sa propre chair, son propre sang, sur le champ de bataille. Des cousins qu’elle avait quitté pour rejoindre le Collège et qu’elle n’avait jamais revu. Elle avait entendu ses cousines pleurer leur perte, pleurer ces hommes qui ne reviendraient jamais. Elle-même avait du expliquer à Rhaelys pourquoi cer-taines personnes ne reviendraient pas. Et que dire des personnes revenues ? Certaines n’étaient plus que l’ombre d’elle-même ou luttaient contre les ombres pour rester dans la lumière. Des combats dans lesquels Saerelys ne pouvait que les accompagner, les soutenir. Son exécration pour leur souffrance n’avait de semblable sœur que la force et la Magie et les soins qu’elle pouvait leur offrir pour les apaiser quelques heures.

Alors, la jeune femme termina avec un certain empressement le fruit qu’elle dégustait jusqu’alors, n’en laissant que le noyau. Ceci fait, la jeune femme porta ses doigts à ses lèvres, en ôtant ainsi le jus qui pou-vait s’y trouver. Se saisissant de l’autre coupe laissée à son attention, la jeune femme se leva de toute sa hau-teur, certes moindre par rapport à celle d’Aeganon. Levant sa coupe en direction du ciel, comme pour rendre hommage aux divinités, la jeune femme lança alors, sur un ton quelque peu enjoué, laissant y poindre une touche de détermination.

« Qu’Arrax soit le témoin de cet accord et de notre réussite commune ! » com-mença la jeune femme, avant de poser à nouveau son regard améthyste sur Aeganon.

D’un mouvement vif, les deux récipients s’entrechoquèrent, mêlant par la même occasion leurs con-tenus. L’aura de Saerelys s’était faite comme plus joyeuse, plus vive. Bien des Valyriens ne percevaient pas ces auréoles colorées qui dansaient autour de chaque Être vivant qui foulait le sol de ce bas monde. Tout juste les ressentaient-ils, sans pour réellement mettre des mots sur ce qu’ils ressentaient. La novice les discernait aussi bien que le reste du monde qui l’entourait. Aussi veillait-elle sur sa propre aura, afin que ceux et celles ca-pables de la voir ne puissent point lire en elle. Mais à cet instant, cela importait peu. Au-delà des propres con-victions que la Riahenor pouvait nourrir, cela serait un autre moyen pour elle de briller. De prouver que, mal-gré le sang qui coulait dans ses veines, tout restait à construire et qu’elle s’attelait à la tâche avec vigueur.





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