Né en 1017 au Pinacle, Baelor Cellaeron a eu une enfance en somme assez classique. Il a quitté le fief – comment l’appeler autrement ? – familial pour Valyria à l’âge de 12 ans, afin d’y débuter sa formation politique et sociale. Comment décrire la fascination qu’il conçut pour la ville après plus de dix ans passés au Pinacle ? Oh, ne vous y trompez pas. Le Pinacle est un endroit profondément unique et dont l’identité architecturale est manifeste. Les Cellaeron possèdent sans doute l’un des plus beaux domaines privés de Valyria. Les hautes tours laissent penser que l’édifice est une forteresse. Et c’en est une, mais ce serait manquer le plus important que de ne se concentrer que sur les facultés défensives du Pinacle. Bâti sur des sources chaudes, il dispose de jardins d’hiver absolument splendides et de nombreuses salles très hautes de plafond où la technique de la clé de voûte est utilisée en permanence. Le grand donjon qui centralise la plupart des quartiers de vie de la famille est un brillant exemple d’optimisation de l’espace. Les lieux comportent des salles de banquet, des salons emplis de couches basses et de coussins pour mieux pouvoir profiter des orgies, des chambres immenses sont disponibles pour tous les membres de la famille et un ingénieux système de canalisation en plomb permet d’apporter un semblant d’eau chaude courante dans les bains privés.

Ne nous égarons pas, toutefois. Baelor arrive à Valyria en 1029 et se trouve frappé par la grandeur de la ville, son côté cosmopolite et ses milliers d’habitants. Son histoire commence véritablement lorsqu’à 15 ans, il est invité à une grande soirée dans une demeure dont l’historie a oublié le nom des propriétaires. Toujours est-il qu’il y fait de nombreuses rencontres et multiplie les séductions. Il s’y rend compte de son atout majeur : sa verve. Il se montre capable d’embobiner jeunes demoiselles en fleur et damoiseaux exaltés ; il cherche à pousser sa chance toujours plus loin. Bientôt, il trouve une utilité sociale à son don. Il sait rapidement lesquels de ses amis iraient avec quelle personne. Il se met alors en quête de jouer les entremetteurs et se fait une petite réputation dans les hautes sphères valyriennes. Il continue en parallèle de cela à tenter sa chance auprès de cibles plus audacieuses : femmes plus âgées, fonctionnaires mariés, personnages publics. Il lui arrive de se faire éconduire et parfois même humilier mais cela lui importe peu.

Il prend conscience peu à peu du pouvoir du corps des autres et de l’utilité qu’il peut en tirer pour s’élever. Et sans cesser d’en jouir, il commence à en tirer profit. Il rachète une puis deux, puis les deux dernières maisons-closes de prestige de Valyria où se retrouve la fine fleur de l’élite pour profiter de moments privilégiés avec ces courtisanes inaccessibles au commun des mortels. Il met en place un système de salaire fixe et de primes pour ses employés. Plus une personne lui rapporte de secrets vérifiés et intéressants, plus elle reçoit de primes. Bientôt, les profits et les renseignements affluent. Cela lui confère rapidement une capacité à louvoyer entre les ennemis et les puissants hors du commun.

A la mort de son père en 1045, Baelor a 28 ans. Il récupère alors la charge de sénateur de son père et ne tarde pas à se mettre en cheville avec le groupe mercantiliste. Comprenant l’universalité de l’attraction du sexe et des beaux corps, il commence rapidement à organiser des soirées démesurées au Pinacle où se pressent dignitaires étrangers, alliés politiques et curieux privilégiés. Bientôt, une réputation de festoyeur invétéré accompagne Baelor dont on se moque rapidement. Il chevauche si peu son dragon et tant les vierges que l’on se met à le surnommer le Seigneur-soie. Lorsque le sobriquet lui parvient, Baelor le trouve si juste et si drôle qu’il l’adopte pratiquement officiellement. Il n’est pas rare de voir des personnalités s’adresser à lui en ces termes, tout du moins en privé. Toutefois, Baelor doit également faire face à des difficultés.

Si les Cellaeron sont effectivement moins orthodoxes que la plupart des vieilles familles du Sud, ils n’en restent pas moins une dynastie avec un héritage et une richesse importante. Or, si Baelor est un excellent entremetteur, il refuse obstinément de se marier arguant qu’il est bien plus sympathique de pouvoir changer de lit tous les soirs. Le reste de la famille s’inquiète : grands-parents, oncles, cousins et sœurs défilent devant lui pour l’implorer de prendre épouse et de lui faire un enfant ou, à défaut, de désigner un héritier. Considérant que le flou entretenu lui assurait une certaine sécurité, Baelor ne se pressa pas mais lorsque les suppliques familiales se transformèrent en menaces voilées, il se mit en quête d’une épouse. Dédaignant rapidement les beautés valyriennes et les familles trop arrogantes, il trouve son bonheur dans une alliance avec la cité-état rhoynarde de Sar Mel qui lui offre l’une des filles de la princesse locale : Myssaria Oyan rejoint donc le Pinacle et épouse Baelor dans une cérémonie grandiose où les plus éminents sont conviés sans forcément avoir daigné se rendre sur place. Le mariage scelle un accord plus vaste exemptant de taxe les marchandises provenant du Pinacle et les importations d’épices et d’outils rhoynars. Les deux familles se lient également par des traités plus stratégiques d’asile réciproque et d’assistance en cas de besoin. Baelor a 35 ans et obtient de son épouse un héritier deux ans plus tard.

En quelques années, la jeune princesse Myssaria se fait un propre nom mais reste profondément délaissée par Baelor qui se contente de la voir pour effectuer son devoir conjugal et parfois s’amuser à ses côtés en ramenant une nouvelle vierge ou un éphèbe exotique. Mais Baelor n’est pas du genre fidèle et encore moins monogame. Il exhibe donc en permanence ses maîtresses qui sont de véritables favorites et qui se comportent sur un pied d’égalité avec la Rhoynare. S’appuyant sur ses contacts existants et son sens de la diplomatie, Baelor se fait rapidement une place au soleil parmi les mercantilistes et seuls les Odennis et les Tergaryon le gênent encore.

S’il ambitionne de grandes choses pour sa maison et sa personne, sa plus grande réussite avant ses cinquante ans est sans conteste le rôle qu’il a joué dans le règlement de la première guerre ghiscarie. Si son impact est longtemps resté incertain, les archives de la famille qui ont pu être consultées et couplées aux archives du conseil des Cinq démontrent de façon équivoque qu’il s’est efforcé d’utiliser ses canaux normalement commerciaux et son réseau d’intermédiaires pour parvenir à garder un contact officieux entre l’empereur de Ghis et le conseil des Cinq. S’il est difficile de dire avec certitude quelles étaient ses ambitions et ses motivations, il apparaît aujourd’hui clairement qu’il a œuvré pour une résolution pacifique du conflit dès le début des affrontements. Si certains défendent une vision où il est avant tout un fervent partisan de la paix et de la grandeur de Valyria, l’opinion la plus communément admise est que la guerre était mauvaise pour les affaires mais qu’il parvenait à vendre des minerais de fer et de bronze aux deux camps tout en leur faisant croire à sa bonne volonté de stopper le conflit au plus vite. On est donc en droit de penser que la fortune des Cellaeron s’est passablement et secrètement agrandie durant cette période.

Lorsque la guerre arrive à son terme, c’est un Baelor aux dents longues qui retrouve avec plaisir Valyria pour y défendre ses intérêts et parvenir à ses objectifs : rafler la domination sur la faction mercantiliste aux Tergaryon, utiliser ces sénateurs comme tremplin pour accéder au conseil des Cinq et façonner Valyria au mieux de son intérêt.