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Elaena Tergaryon
Elaena Tergaryon
Sénatrice

Elaena Tergaryonft. Emilia Clarke
Pseudo/surnom : Lamaa
Âge : 27 ans
Pays/région : Ville lumière
Comment as tu connu le forum ? Bonne question... Elaena Tergaryon - What fire does not destroy, it hardens 690370254
Un parrain ou marraine ? /
Crédit avatar et gifs : droits réservés
Quelle est ta pâtisserie préférée ? /
Un dernier mot pour la route ?   Elaena Tergaryon - What fire does not destroy, it hardens 656223358  
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Titres : Demoiselle de la famille Tergaryon, fille du Sénateur Vaegon Tergaryon & petite fille de l'Archonte d'Oros
Âge : 23 ans
Lieu de naissance : Palais de l'Archonte, ville d'Oros
Situation maritale : Célibataire, officieusement promise à son frère ainé, Maekar
Statut du sang : Mêlé
Type de personnage : Inventé
Groupe : Nobles - Faction Militariste
Caractère : Passionnée - Indépendante - Manipulatrice - Sensuelle - Altruiste - Têtue - Pleine d'esprit - Charismatique - Sensible - Susceptible - Mondaine - Fière - Rigide - Fidèle - Séductrice

La famille Tergaryon est l’une des plus anciennes et des plus puissantes familles du sud de la péninsule valyrienne. Originaire du sud de la péninsule, les Tergaryon disposent d’une influence indéniable. Famille de conquérants, ils se sont illustrés dans les premiers siècles de la fondation de Valyria et la conquête des nouveaux territoires. Avant tout connectés au monde politique de Valyria, les membres de la famille n’en sont pas moins d’excellents négociateurs et n’ont eu de cesse de faire accroître la fortune familiale.

Vaegon Tergaryon fut promis à Saera Vaelarys, fille d’une riche et puissante famille originaire des régions du Nord et à présent maîtresse de la ville d’Oros. Baerion Vaelarys, archonte de la ville d’Oros, conclut un accord plus que profitable aux deux familles et le troisième fils de cette famille si prestigieux quitta les doux rivages du Sud pour la ville d’Oros.

Les Tergaryon étant de fervents adeptes du mariage incestueux pour les enfants ainés, ils ont cependant dérogé à cette règle pour le mariage de leur troisième fils, la perspective d’une alliance avec la famille maîtresse d’une cité richissime et prospère ayant eu raison de leur frilosité naturelle. Si les Vaelarys ont longtemps observé cette même tradition, influencés par leurs racines sudistes, ils se sont progressivement liés à d’autres familles, élargissant leur influence et leur permettant d’obtenir et conserver le pouvoir dans la ville d’Oros.

Alors que les Tergaryon tirent leur puissance du prestige de leur nom et de leur influence à Valyria, la puissance des Vaelarys est issue de la richesse de la ville d’Oros dont ils ont réussi à conserver la maîtrise depuis deux générations, fait rarissime pour une cité qui ne reconnait pas de maîtres héréditaires. Influencés par le mélange unique de cultures nordistes et sudistes qui règnent dans les plaines du centre, les Vaelarys tirent avantage de cette position unique pour se lier à des familles tant du Nord, que du Sud.


Arrière grands-parents :
Parents de Rhaenar & Aelya Tergaryon
Rhaenar Tergaryon (arrière grand-père paternel) - Sénateur
∞Eleana Tergaryon (arrière grand-mère paternelle) - née Eleana Tergaryon (épouse de son frère)

Parents de Baerion & Rhaelys Vaelarys
Jaeharion Vaelarys - Sénateur
∞Rhaenys Vaelarys - née Rhaenys Vaelarys (épouse de son frère)

Grands parents d'Elaena :
Rhaenar Tergaryon II
∞Aelya Tergaryon - née Aelya Tergaryon (épouse de son frère)

Baerion Vaelarys  - Archonte choisi de la ville d’Oros
∞ Rhaelys Vaelarys  - née Rhaelys Vaelarys (épouse de son frère)


Parents d'Elaena :
Vaegon Tergaryon - Sénateur, chef de la faction des Mercantiles
∞ Saera Tergaryon - née Saera Vaelarys

- Aenar Tergaryon (frère) - mort durant la 1ère guerre contre l’Empire Ghiscari
- Maekar Tergaryon  - Seigneur Dragon, militaire
- Eleana Tergaryon
- Daenyra Tergaryon
- Maerion Tergaryon - Novice au collège des Mages

Nom du Dragon : Meghar
Age :  23 ans
Couleurs :  Noir et rouge
Brève description :  Meghar est tout sauf à l'image de sa maîtresse. Il est aussi noir qu'Elaena est claire de peau et de cheveux. Il est aussi agressif qu'elle est charmante. S'il fallait, pour un inconnu, associer Meghar à un membre de la famille Tergaryon sans doute Elaena ne viendrait-elle qu'en dernier choix. Pourtant, c'est un lien puissant qui les lie. Les Tergaryon s'inquiétèrent très tôt de voir le dragon atteindre une taille et une agressivité semblant n'avoir aucune limite, comment pouvaient-ils laisser une si frèle jeune fille monter un dragon si imprévisible ? Pourtant, le lien entre un dragon et son maître était inexplicable, et longtemps Elaena fut la seule capable d'approcher la bête sans provoquer son ire. Dragon imposant, lourd et puissant, il est peu rapide, privilégiant une force de frappe conséquente.
Autres dragons de la famille : /
Que pensez-vous de l’esclavage à Valyria ? REPONSE ICI
Quel futur envisagez-vous pour votre personnage au sein de Valyria ? REPONSE ICI
Voyez-vous d’un bon œil l’influence de l’armée à Valyria ? REPONSE ICI







Anciennes questionsMémoire d'anciennes idées

Valyria vient de remporter sa première grande victoire militaire ! Si certains en sont galvanisés, et poussent à de nouvelles conquêtes, d'autres prônent le retour aux fondamentaux et l'entre soi. Qu'en pensez-vous ? Mon avis sera, je le crains, largement influencé par le fait que la guerre m'ait couté un frère et ait éloigné de moi un deuxième. Pourtant, je ne peux ignorer que la guerre contre les ghiscari est essentielle ! L'empire de Ghis est puissant et semble incapable de nous laisser en paix. Nous devons faire fructifier le commerce avec nos voisins et empêcher que d'incessantes guerres nous isolent de tous sur le continent, mais notre peuple est grand et glorieux, pourquoi ne pas étendre notre civilisation ?


La victoire est une bonne chose, mais de nombreuses rumeurs circulent quant à la façon dont cette paix a été signée. Certains disent que les Cellaeron ont un peu trop frayé avec les Ghiscaris, d'autres disent que le Conseil a été bien lâche de ne pas traiter directement avec la Harpie. Et vous ?Je ne connais Baelor Cellaeron que par les quelques fêtes où mes parents m'avaient permis de me rendre... Soit très peu de celles données par Cellaeron qui sont réputées bien trop scandaleuses pour une trop jeune fille. Il m'a fait l'effet d'être un homme au sens moral plus que branlant. Je n'ose cependant pas douter de sa loyauté envers les siens. Quant à la fin de la guerre, je ne peux m'empêcher de penser que nous avons été trop... frileux. Nous avons arraché une victoire mais sans doute n'avons-nous pas assez fait de cette guerre un exemple pouvant décourager d'autres potentiels belligérants.


Le grand butin de guerre de celle remportée contre les Ghis est incontournablement l'arrivée des esclaves à Valyria. Cette nouveauté a-t-elle réveillé votre intérêt ou au contraire, vous a-t-elle dégoûtée ? Je n'ai pas de sympathie pour le système esclavagiste. Dérober à un être humain sa liberté me semble contre nature. Pourtant, je ne me suis pas opposée à ce que notre famille fasse l'acquisition de plusieurs esclaves. Une voix, la mienne de surcroît, ne pourrait décemment changer la face du monde. Peut-être finalement est-ce un mal nécessaire pour la prospérité de Valyria ? Peut-être est-ce la rançon à payer pour une gloire future ? En tout état de cause je ferai en sorte que tout esclave sous ma responsabilité soit traité avec humanité et respect.


La vie reprend un semblant de cours dans la péninsule et avec elle, les inimités de tout temps. Et vous ? Vous semble-t-il juste que les grandes dynasties des Fondateurs soient relayées au second plan ? Les grandes familles issues du développement de la démocratie ne menacent-elles pas l'équilibre de cette dernière ? Devrait-on entendre d'avantage les voix plus timides, qui ne demandent qu'à être entendues plus franchement ? Le temps passe et le monde évolue. Les dynasties des créateurs ont contribué à la création de Valyria, mais si elles sont aujourd'hui reléguées au second plan c'est parce qu'elles n'ont pas évoluées. Cramponnées à leur hybris elles n'ont pas vu le monde changé et les gens changer avec lui. C'est une erreur qui leur a coûté. Une erreur qui nous coutera à tous si nous ne suivons pas le progrès de ce monde.

Elaena Tergaryon
Elaena Tergaryon
Sénatrice

Childhood is the sleep of reason
Palais de l'Archonte, Oros ◊ Sixième Mois de l'An 1047[justify]Le soleil était bien haut dans le ciel, mais l’on devinait déjà qu’il ne monterait plus et que sa course n’aurait autre cours que celui d’une chute inexorable. Sur les terres alentours, déjà les paysans entrevoyaient la fin d’une longue et harassante journée sous le soleil valyrien. Dans les rues d’Oros seules les étales encore debout témoignaient du fourmillant marché qui s’était tenu sur la place centrale le matin même. Les marchands, gardiens de ces étales fantômes, avaient regagné depuis longtemps leurs demeures, humbles car ceux qui haranguaient la foule les matins de marché n’étaient jamais de ces riches familles commerçant avec le continent. La ville était encore bien animée, les échoppes et boutiques n’avaient guère fermé leurs portes et une foule de personnes s’y pressaient encore. Le temps était doux, ainsi de nombreuses dames de la cour de l’archonte s’adonnaient à une promenade d’agrément dans les beaux quartiers de la ville. Ceux-ci n’étaient guère si fourmillants que la place centrale, et les personnes qui s’y croisaient étaient bien du même monde. Les rues propres et claires n’étaient troublées par aucun étalage, aucun détritus, et les façades des bâtiments chics laissaient entrevoir les ateliers de couturières et les magasins de tissus exposant les étoffes les plus raffinées du continent - et même du monde selon leurs propriétaires !

Dans ce quartier hors du tumulte, la vie était voluptueuse et sans autre souci que le prochain banquet et la nécessité d’y recevoir la haute société d’Oros. Mais il existait un lieu plus confidentiel encore, plus raffiné encore que les rues magnifiques de Jaehossi geron - chemin des Dieux…

Le palais de l’Archonte, disait-on était une des créations les plus magnifiques réalisées par les architectes valyriens. Du palais, l'on parlait beaucoup, mais ce n'était rien en comparaison avec la réputation des jardins de l’Archonte, ceux-ci suffisaient à attirer la bonne société Valyrienne de toute la péninsule. Parsemé de statues, plus ou moins chastes, il renfermait un verger aux arbres fruitiers dont l’odeur parfumait l’air jusque sur les terrasses les plus hautes du palais. Ce verger et la roseraie à sa lisière dont la taille était si conséquente que l’on pouvait s'y perdre aisément, servait, lors des fêtes données par l’archonte, à cacher les amoureux à la recherche d’intimité. Plus loin, une cascade se jetait dans un point d’eau douce entouré de roches, dans lequel il n'était guère rare que l’on trouve des baigneurs à la recherche de la fraîcheur de son eau au coeur des après-midi d’été. Plus loin encore le jardin se faisait sauvage, et la forêt maîtrisée avait donné naissance à de multiples bosquets renfermant des fontaines, des étendues d'herbes idéales pour un déjeuner sur l’herbe à l'ombre des arbres, ou encore des sièges en marbre afin de profiter de l’une des nombreuses représentations données par troupes de théâtres et autres chanteurs à l’invitation de la fille de l’archonte, Saera, véritable mécène des arts Valyrien.

Assise dans le petit jardin, strictement réservé à l’archonte et sa famille, Saera Tergaryon n’en percevait la beauté qu’au travers des yeux de la petite fille qui se tenait à ses pieds en train de jouer avec de simples pierres de couleur. Elaena, quatre ans, était sa première fille, et dans ses bras dormait sa seconde fille, née il y a à peine deux mois. Le bonheur de la femme n’aurait pu être plus complet. Un peu plus loin elle observait ses deux fils, visiblement trop occupés à se défier l’un l’autre pour apercevoir qui que ce soit d’autre. La petite Elaena avait bien essayé de distraire Aenar et Maekar de leurs jeux, mais ils n’avaient guère encore atteint l’âge où la présence d’une jeune fille parvient à les éloigner de leurs jeux masculins.

« Ils sont bêtes. »
« Qui donc, ma douce ? »
« Eux. »

Sa moue était boudeuse, et elle n’avait daigné lever les yeux vers ses frères, les montrant simplement du doigt.

« Oh. Et pourquoi penses-tu que tes frères sont bêtes ? »

La voix masculine eut pour effet de faire sursauter la petite fille, elle tournait la tête et apercevait le visage souriant de son grand-père, debout derrière sa mère. Spontanée à son habitude, et en admiration devant son grand-père, la petite Elaena laissa échapper un cri de joie et laissa tomber sans plus de cérémonie ses petites pierres pour s’élancer dans les bras de Baerion Vaelarys. A présent dans ses bras, elle daignait jeter un regard aux deux garçons qui s’étaient finalement arrêtés à l’arrivée de leur grand-père.

« Ils ne pensent qu’à se battre… Ils ne veulent jamais jouer. »
« Oh mais c’est parce qu’il se savent battus d’avance face à toi petite princesse. »

Le rire d’Eleana avait toujours eu le pouvoir de réchauffer le coeur de Baerion. Il lui rappelait celui Saera lorsqu’elle était encore si jeune qu’il pouvait encore espérer qu’elle reste à jamais sa petite fille. Un espoir vain, Saera avait grandi, et un jour Elaena serait grande, tout comme la minuscule Daenyra. Elles seraient grandes et dieu sait quelles épreuves elles auraient à traverser. Baerion était un homme tendre, il aurait aimé que celles qu’il appelait les Princesses d’Oros, restent à jamais dans la quiétude de ce jardin. Il aurait aimé que pour toujours le palais retentisse de leurs jeux et de leurs rires.

La petite fille sauta hors de ses bras aussi vite qu'elle y avait grimpé. Courant à toute vitesse pour dévaler la petite pente et rejoindre ses frères, elle trébucha et se mit à rouler dans l’herbe. Le réflexe de Baerion le poussa à s’avancer pour l’aider à se relever, mais la main de Saera le retint et le rire lointain d’Elaena finit de le convaincre qu’elle n’avait guère besoin de l’aide de son vieux grand-père. D’ailleurs, le jeune Maekar, 9 ans, s'était déjà élancé dans sa direction. Il lui tendit une main secourable, que la petite n’attrapa que pour mieux le faire chuter et rouler avec elle dans l’herbe chaude.

« Nous sommes bénis des Dieux, ne le sommes-nous pas père ? »

Le sourire attendri de Saera rappelait à Baerion celui de son épouse lorsque les enfants étaient petits. C’était le sourire d'une mère comblée par la vision de ses enfants heureux et en bonne santé. Et elle disait vrai, ils étaient bel et bien bénis. Baerion avait eu ses doutes quant à l’union de sa fille ainée avec Vaegon Tergaryon. Il n’avait guère apprécié qu’elle ne porte plus le nom de leur famille mais celui d'une famille du Sud. Il craignait que ce nom ne pèse trop lourd sur les épaules de cette famille en devenir. Pourtant, il avait constaté avec plaisir la détermination de son gendre de se l’approprier pleinement. Et que dire du résultat ? Leur famille avait créé ce que l’on appelait la branche d’Oros de la famille Tergaryon, et déjà leur prestige menaçait d’égaler celui de la branche ainée.

Vaegon avait fait excellent usage du siège de Sénateur que lui avait cédé Baerion, et non content d’aider à faire fructifier les affaires des Vaelarys, il avait consolidé leur influence sur la faction mercantiliste. La famille était à présent bénie de quatre beaux enfants, quatre héritiers à même de faire perdurer le nom des Tergaryon et l’héritage des Vaelarys.

« Nous serions bien ingrats de ne pas nous considérer comme tels. »

Un cri retentit, n’ayant rien d’humain il ne faisait aucun doute que l’un des dragons avait décidé de se joindre à eux, sans doute à court d’occupation lui-même. La bête noir aux piques et à la crête rouge se posa non loin des enfants. Il ne fit rien d’autre que se coucher, observant les jeunes jouer. Il était extraordinairement calme, ce qui n’était pas son état habituel. Meghar était un dragon agité, agressif, dont la taille déjà importante le rendait menaçant pour les autres jeunes dragons de la famille.

« Je ne parviens pas à comprendre les raisons du caractère terrible de cette bête. Je ne suis jamais rassurée de la savoir proche d’Elaena… Elle est si petite et fragile… Et lui est si… imprévisible. »

« Bien courageux serait celui tenté de séparer un dragon de son monteur. »

Saera lui adressa un regard agacé. Baerion déposa sa main sur le bras de sa fille, caressant par la même occasion la tête de la petite Daenyra.

« Ma fille je comprends ton inquiétude, bien-sûr, mais nous devons faire confiance à ce qui doit être. Comment expliquer qu’une si petite fille, qu’une si douce enfant ait pour bras-dragon une bête dangereuse ? Parce qu’il doit en être ainsi. Nous veillerons à ce qu’Elaena soit prudente, mais nous ne pouvons guère faire plus. »

Mais Elaena n’était pas une petite fille prudente, Saera le savait. Elle était polie, appliquée et obéissante, l’image de la parfaite petite princesse en public, mais elle était aussi têtue, inconsciente et déterminée dans ses idées les plus farfelues ou dangereuses. C’était bien elle qui s’aventurait le plus loin et grimpait aux arbres, pas ses frères ainés. C’était aussi elle qui passait un temps fou avec ce dragon et semblait ne pas voir le danger qu’il pouvait représenter s’il était mal dirigé.

« Peut-être bien que la raison de la différence de caractère entre Meghar et Elaena est que ma fille est plus douée dans l'art de la dissimulation que son dragon... »

L'idée était amusante, si amusante que Baerion ne put se retenir de rire. Ce n'était cependant pas une mauvaise chose pour une jeune fille d'avoir un caractère flamboyant. Un sourire amusé aux lèvres, Baerion tourna son visage vers sa fille.

« Un caractère de dragon sous un masque d'innocence... Tu en sais quelque chose, Saera… »  

Elaena Tergaryon
Elaena Tergaryon
Sénatrice

Among my stillness was a pounding heart.
Palais de l'Archonte, Oros ◊ Année 1058
L’homme est fait de chair et de sang. D’aucuns pourraient s’imaginer qu’il suffit de ces éléments physiologiques pour faire un homme. Après tout n’était-ce pas cela qui nous soumettaient à des besoins dits primaires, presque trop primaires pour être acceptés. J’avais longtemps pensé que nous étions esclaves de nos corps et de nos besoins d’êtres faibles de chair et de sang, et il fallut que je tombe dans le piège de mes propres désirs pour comprendre une chose. L’homme n’était pas l’esclave de ses besoins primaires. L’homme n'était pas un être de chair et de sang seulement. Nous étions les pantins de nos désirs, soumis à nos sentiments et nos tourments intérieurs. C’était bien cela qui nous rendaient si faibles et si spéciaux à la fois. Nous cessions d’être des animaux dès lors que nous parvenions à aimer, à haïr, à pleurer, à crier, à jouir. Qu’il aurait été plus facile, plus doux, de n’être qu'un être de chair et de sang, un animal ne cherchant qu’à survivre et combler ses besoins. A la place, nous étions portés par des ambitions qui n’étaient pas toujours les nôtres, des sentiments que nous ne comprenions pas, des désirs que nous ne maîtrisions jamais.

C’est là toute la beauté et l’imprévisibilité de l’homme. Il ne suit pas toujours le cours logique de sa vie, parce qu’une chose plus puissante encore et dissimulée aux yeux du plus grand nombre le poussait à déraisonner. Sortir du monde de la raison pour se rendre… nouer soi-même ses poings et ses pieds… S’immoler, un sourire aux lèvres sur l’autel du désir et de l’émotion. Les plus grands penseurs, les plus fins stratèges, les politiciens les plus raisonnables et raisonnés ne pouvaient s’y soustraire. Se soustraire à cette emprise était un sacrifice en lui-même. C’était renoncé à soi-même, à son élan créateur. La raison nous rendaient trop humains. L’instinct, le désir, trop animaux. Alors comment être vrai ? Comment n’être ni trop humain, ni trop animal ?  Peut-être finalement, tout le secret résidait en nous, déjà. Peut-être finalement fallait-il accepter de sauter dans le vide pour retoucher terre ? De se perdre pour trouver son chemin ? De perdre le contrôle pour gagner quelque chose de plus grand encore ?

« Concentrez-vous mademoiselle ! »

Aïe.

Le coup d’épée émoussée me fit sursauter tant je ne l’avais pas vue venir, et je tombais pitoyablement sur l’herbe heureusement suffisamment épaisse pour amortir ma chute. Levant les yeux au ciel, j’apercevais le regard du maître d’arme de la famille. Ce n’était pas notre premier entraînement, et il avait fallu toute l’influence de ma mère pour le pousser à s’occuper de moi au même titre que mes frères ainés. Il voyait en Aenar et Maekar deux futurs soldats, et il ne voyait en moi qu’une femme qui serait un jour l’épouse de quelqu’un, et sûrement pas un guerrière. Oserais-je seulement l'en blâmer ? Encore aujourd'hui je n'avais rien de l’apparence guerrière. Pourtant j'en avais toute la rage. Il le reconnaissait lui-même, je n’avais guère la force ou la puissance, mais une certaine précision et une détermination à toute épreuve.

« Allons, reprenons. »

Il me tendait une main chevaleresque que je repoussais du revers de la mienne pour me relever seule. Je croisais le regard de Maekar qui venait d’apparaître sur la terrasse un peu plus haut, et feignant de n'y porter aucune attention je repoussais les cheveux qui se coinçaient dans mes cils et ma bouche. Je soulevais l'épée, et reprenait ce qui ressemblait bien souvent à une danse. Les hommes aimaient jouer à la guerre et considéraient la danse comme une occupation des plus féminines et pourtant… Ne s’adonnaient-ils pas à une danse des plus macabres ? Il fallait maîtriser ses pas, ses déplacements, ne jamais relâcher son attention et le regard de l’autre, échanger des mouvements coordonnés… Peut-être la seule différence avec la danse était-elle que lors d'un combat à l'épée aucune des deux parties n’acceptent que l'autre ne dirige les mouvements. La danse exige que la jeune femme dépose les armes et danse au rythme imposé par son partenaire masculin.

Aïe.

Un coup vicieux. Je tombais à nouveau de tout mon poids au sol, tâchant un peu plus ma tenue et mon visage de terre. Le maître d’armes soufflait. Il soufflait bien souvent. Je savais qu’il ne le faisait que pour me provoquer. Tous le savaient d’ailleurs. Il était peu probablement qu’il puisse se permettre ce genre d’attitude sans qu’elle ne soit cautionnée par celui à qui il devait sa survivance.

« Vous n’êtes pas concentrée, Dame Elaena. Pensez-vous que votre ennemi vous laisserait, comme je le fais, le temps de vous recoiffer ? »
« Si vous étiez mon ennemi sans doute ne seriez-vous déjà plus de ce monde pour en débattre. »

Il riait. Moi-même je laissais échapper un sourire alors que je le laissais, cette fois, m’aider à me relever.

« Menacer est une bonne méthode de déstabilisation, mais si par la suite tu te contentes de sautiller autour de ton adversaire, tu perdras de ta surperbe. »

Maekar s’était approché, les bras croisés et un sourire aux lèvres il nous regardait avec amusement depuis le début de l’entraînement. Il avait enfin décidé de se joindre à nous. Je ne l’avais avoué à personne mais j’avais avant tout décidé de prendre ces leçons dans l’espoir qu’il se joigne à nous, dans l’espoir d’avoir à nouveau quelque chose à partager avec lui. Je n’avais que quinze ans, et voilà qu'il était déjà un jeune homme de vingt ans… Un homme, même. Nos jeux d’enfance n’avaient plus de sens, et son année loin de la maison pour le service militaire avait terminé de nous éloigner. Nous avions été si proches, et je vivais très mal ce nouvel ordre des choses. S’il ressentait la même souffrance, mon frère n’en avait rien montré.

Il me fallait le reconnaître, je lui en voulais d'être ainsi. Il semblait ne se préoccuper que de son avenir militaire et me donnait l’impression d’être une enfant stupide. Je n'étais plus son égale, comme j'avais pu l’être, j’étais l'idiote enfant qui attendait son retour. Alors j’avais décidé de prendre les choses en main. Je voulais qu’il me voit à nouveau. Je voulais qu’il voit que je n'étais plus une enfant. J’avais donc choisi le combat à l’épée. Maekar lui-même s'y entraînait régulièrement, entre autres, et j’espérais qu’il finirait par prendre part à mes cours... aussi pitoyables soient-ils. J’avais refusé de me battre avec une épée plus légère, j’avais refusé que le maître d’armes retienne ses coups et sa force, j'avais voulu montrer ma force et ma détermination. Finalement sans doute avais-je seulement prouvé ma bêtise puisque Maekar s’était contenté, depuis son retour, de parfois daigner nous observer de loin. Mais lointain il le restait.

« Notre grand soldat daignerait-il conseiller sa faible soeur ? Vous m’en voyez ravie, monseigneur tout puissant. Reprenons, Gaelios. »

Il ne départait jamais de son sourire. Cela pouvait être charmant, ça l’était souvent, mais à cet instant c’était insupportable. Adressant un signe de tête à Gaelios, il lui prenait l’épée des mains et le maître d’armes se fendit d'une révérence avant de s’éloigner pour rejoindre l’armurerie.

« Je ne me bats pas contre toi ! »
« Et pourquoi cela ? La princesse d’Oros aurait-elle peur de froisser sa robe et salir ses souliers avant le bal ? »

Je lançais une attaque, évidemment non maîtrisée, balançant tout le poids de mon corps vers l’avant. Il esquivait sans grande difficulté. Je retrouvais le sol, où finalement je commençais à prendre mes habitudes. Il tendait la main et j'en profitais pour le frapper au mollet du plat de l’épée.

« On la princesse d’Oros te dit d'... »

Il se mit à rire, et cette désinvolture me donnait l’impression violente qu’il se moquait de moi. Je repoussais sa main et me relevait seule.

«... J’ai une petite idée… Mais ça ne serait pas digne d’une demoiselle. »

Nous reprenions la danse, échangeant durant quelques minutes avant qu’il ne parvienne à parer un coup, attraper mon poignet de l’autre main avec assez de poigne pour me faire lâcher l’épée déjà trop lourde pour moi et m’attirer à lui. M’encerclant de ses bras, il empêchait tout mouvement. J’avais beau tempêter, je parvenais à peine à balayer le sol de mes pieds agités.

« Lâche-moi ! Lâche moi ! »

Si j’avais été honnête, j’aurais avoué que son étreinte avait quelque chose d’agréable, mais l’humiliation de sa supériorité physique était suffisante à la rendre insupportable. Balançant ma tête vers l’arrière d’un coup sec, je sentais que l’arrière avait fini par heurter son nez, et il me lâchait d’un coup, me laissant retomber comme une poupée de chiffon. Il se courbait en deux, enserrant son nez de ses doigts, visiblement blessé, comme il me tournait le dos je ne parvenais pas à déterminer s’il saignait ou non. Ma mission de rapprochement avait été un véritable succès décidément…

« Maekar… Oh je suis désolée… Je… »

Il se relevait d’un bond, attrapant ma taille fermement d’un bras et  portant une dague à ma gorge de l’autre main. J’hurlais bien malgré moi et bientôt les gardes chargés de notre protection s’avançaient. Après quelques secondes figé dans cette position, ses yeux solidement ancrés dans les miens, Maekar laissait tomber la dague dans l’herbe sans pour autant relâcher son emprise. Les gardes, sans doute hésitant à intervenir dans ce qui pouvait apparaître comme un jeu entre frère et soeur, finirent par s’éloigner à nouveau.

« Première leçon. La force est une chose. Mais à ce jeu là le plus fort ne gagne pas toujours. Le gagnant est celui qui voulait le plus gagner et s’en est donné les moyens. Ne baisse jamais ta garde. Je suis blessé ? Tant mieux, attrape ton épée et termine le travail. »

Je portais ma main sa lèvre qui saignait légèrement, et essuyait le liquide rouge qui avait à peine perlé. De sa main libre il attrapait la mienne, y déposant un baiser. Nous étions tous deux à bout de souffle, mais son regard était redevenu plus doux, plus familier.

« Et ne te bats pas avec une épée trop lourde pour toi pour donner l'impression d’être invincible. Tu seras véritablement invincible lorsque tu auras appris à reconnaître tes points forts et compenser tes points faibles. »

Comment faisait-il pour tant faire battre mon coeur et flageoler mes jambes ? La douceur de sa voix, la tendresse de sa main autour de ma taille, son coeur que je sentais battre contre le mien dans cette étreinte inattendue… Je l’avais tant attendu. Depuis notre premier baiser il y a un an. Un baiser furtif, un baiser d’au revoir… Depuis combien d’années aimais-je Maekar ? Sans doute ma vie entière. Et pourtant il m’avait fallut attendre son départ pour le service militaire pour oser espérer que cela soit réciproque. Ce baiser m’avait fait espérer que peut-être, lui aussi, avait ressenti cette union de nos âmes.

Je n'étais qu'une jeune fille sans doute trop romantique pour mon propre bien, et lui était déjà un homme. J’avais espéré mais ses lettres étaient restées communes, il nous avait écrit à tous pour nous donner des nouvelles, jamais une lettre n’était parvenue pour moi. J’en étais sûre il regrettait ce baiser. Il essayait de faire en sorte que son erreur soit oubliée et il ne comptait pas me donner de plus grand espoir. Comme j'avais été idiote… Une année sans lui, cela avait été si long que j'avais espéré qu'à son retour nous pourrions à nouveau retrouver cette proximité si précieuse. Mais il était resté loin et j’avais ainsi eu la confirmation qu’il regrettait. Pourtant, le regard qu'il me lançait, le contact de ses mains sur mes hanches, la proximité de son souffle… Je ne pouvais pas être assez idéaliste pour imaginer tout cela, si ?  

« Bien, rappelons Gaelios… »
« … Non ! »

Il avait déjà commencé à s’éloigner et mon exclamation eu pour effet de le stopper dans son élan. J’attrapais l’épée et la jetais à ses pieds. Reposant la lourde épée sur le côté, j’attrapais celle, plus légère, que m’avait proposé Gaelios au début de notre entraînement. Il eu un instant d’hésitation mais m’imita finalement et se mit en garde. Plusieurs échanges, et déjà je tentais de ne pas le battre à son propre jeu de la force mais de l’emmener sur mon terrain. J’étais plus faible mais aussi plus rapide et moins… honorable. A défaut de réussir à enchaîner de nombreux échanges je me déplaçais beaucoup, mettant entre nous tout ce qui pouvait se trouver à porter de main : un muret, une fontaine, un arbre. Je savais très bien ce que je voulais. Je ne voulais pas me battre, je voulais enfin savoir.

Il retenait ses coups, c’était évident et sans doute nécessaire. Je le voyais sourire d’amusement à me voir tenter de le toucher ou de le désarmer… Tentatives à chaque fois vaines et sans doute bien ridicules de son point de vue. Pourtant il ne quittait pas le jeu et continuait de me suivre à mesure que mes esquives nous éloignaient du palais et nous faisaient pénétrer dans une partie plus reculée du jardin. Il n’y a avait personne dans les jardins à cette heure, le soleil était si haut et brulant qu’il était impensable pour tout courtisan de s’y promener. Nous étions là pourtant, la peau rougie par la morsure du soleil, les membres engourdis par le combat - du moins les miens l’étaient depuis bien longtemps - et progressivement en sueurs tant par l’action du soleil que par le combat, enfin la course de mon côté, car j’esquivais et échappais plus que je ne combattais.

« As-tu décidé de relier Valyria a pieds ? A cette allure nous aurons quitté le palais sous peu… »

Il riait, il se moquait, mais il n'y avait aucun reproche et la moquerie était presque tendre. Il me suivait alors qu'il aurait pu déposer les armes et retourner à ses affaires. Il avait choisi au contraire de s’engager dans ce simulacre de combat avec une petite fille incapable de tenir debout ou de garder son épée en main lorsqu’elle ne s'enfuie pas.

« Et bien… pourquoi pas… Rien de.. tel qu'une bonne marche pour… AH ! »

D'un geste leste il venait de me désarmer. Cela avait eu pour double effet de me faire comprendre qu’il m’avait suivi parce qu'il l’avait bien voulu, et que j’étais décidément plus pitoyable avec une épée à la main que je ne l’avais imaginé.

« Gaelios avait raison, tu es trop facilement distraite. Elaena pourquoi au juste cherches-tu à te battre ? L’envie de terrasser toutes les autres héritières de Valyria osant porter la même robe que toi ? »

A nouveau il s’était esclaffé, et cela n'avait fait que me blesser davantage.

« Quelle idiote, il m'arrive parfois d’oublier ma condition inférieure de femme futile. Les dieux en soient remerciés, j’ai un frère toujours prêt à me le rappeler. »

J’avais jeté l’épée d'un air rageur, peinée par son attitude méprisante et la distance qu’il maintenait entre nous, soit par le simple fait de m'éviter ou en me parlant de la sorte. S’en était trop, j’avais essayé, j'avais espéré, et je comprenais sans peine que je m'étais fourvoyée. Alors que j'allais le dépasser il m’attrapait le bras, mon réflexe de me dégager de son étreinte n'eut pour effet que de le pousser à la resserrer.

« Tu n’es ni idiote, ni inférieure. Je plaisantais, Elaena. »
« Oh bien sûr, moquons nous de la petite fille qui tente de jouer au soldat… »
« J’essaie simplement de te comprendre, je… »
« … Mais tu ne comprends rien ! Rien du tout ! Laisses-moi maintenant, il semblerait qu’il soit temps pour moi de retourner à mes chiffons et breloques ! »

Il maintenait sa prise alors que je me débattais à présent en criant, je tirais une dernière fois et commençais à m’éloigner en lui tournant le dos.

« Elaena… Elaena, arrêtes-toi… »
« Un an ! J’ai attendu un an. Une lettre, un mot… Une visite peut-être. J’ai cherché les signes, imaginant que peut-être tu dissimulais des messages dans ces lettres dénuées d’intérêt que tu envoyais. Mais rien ! Je le vois aujourd’hui, il n’y avait rien à trouver et rien à comprendre. »
« El’, tu es jeune, tu… »
« Tais-toi. Je n’ai pas envie d’entendre tes excuses ! »
« Et moi je n’ai pas d’excuses à faire. Tu ne comprends pas, tu ne comprends pas ce que tu demandes. »
« Et toi oui ? Tu ne sais rien de ce que je ressens, je me demande même si tu es en capacité de comprendre ce que tu ressens toi-même ! »

Visiblement hors de lui, il jetais à son tour son épée, qui était restée bloquée dans son poing serré, et s’élançait sur moi, enserrant mes épaules dans chacune de ses mains.

« Elaena, tu as en toi cette capacité à idéaliser et rêver… C’est une chose que j’admire chez toi et qui me fait tant défaut. Mais la réalité est toute autre. Il y a des choix, et ils entraînent des conséquences. J’essaie de te protéger. De me protéger, peut-être aussi. J’aimerais te dire que la vie est telle que dans les histoires que nous racontait notre mère… Mais notre destin n’est pas et n'a jamais été nôtres, et penser qu'il pourrait en être autrement est non seulement utopique mais également dangereux. »
« Tu as raison. D’ailleurs je ne sais plus pourquoi je me suis tant entêtée. Je ne veux plus rien. Plus rien du tout. Plus rien de toi. »

Il avait fini par me laisser partir, et c’est à la hâte que je regagnais mes appartements. Quinze ans… le bon âge peut-être pour voir son coeur se briser.

****


Je n’avais pas retouché une épée depuis le fameux après-midi où nous avions mis les choses au clair avec Maekar. A vrai dire, je n'avais plus d’attrait pour grand chose. Les distractions ne manquaient jamais à la cour de l’archonte d’Oros, alors je tentais d’oublier mon humiliation en me jetant à corps perdu dans les activités mondaines dirigées par ma mère. Prévoir un bal, une fête dans les jardins, un banquet, une représentation théâtrale, accueillir les artistes en visite… Ce n'était guère aussi excitant que maîtriser l'art de la guerre mais cela suffisait amplement à m’empêcher de trop penser.

Voilà deux semaines que j’avais ouvert mon coeur à demi mots, deux semaines où je m’étais astreinte à passer le moins de temps possible avec Maekar. Il était parti à Valyria quelques jours, rendant ma résolution plus forte encore, mais avait fini par revenir, et sa présence était devenue plus insupportable que son absence ne l’avait été. Moi qui n’avais cessé de le regarder, de chercher à être avec lui, je tentais à présent tout ce qui était en mon pouvoir pour ne pas être dans la même pièce que lui. Souffrance nécessaire pour tout coeur éconduit à la recherche d’un remède.

Ce soir, se tenait le bal d’anniversaire de ma soeur Daenyra, des festivités grandioses qui n’étaient évidemment pas de son fait mais de celui de notre grand-père qui y voyait l’occasion de fédérer autour de lui la bonne société d’Oros.

« Plutôt celle-ci, Dae. Le rose a toujours été superbe sur toi. »

Je farfouillais dans les robes de ma soeur, bien plus enthousiaste qu’elle pour cette soirée. Elle même se tenait près de la fenêtre, le regard fixé vers l'horizon au delà des jardins qui s’illuminaient déjà de milliers de flambeaux.

« Oh ? Merci Elaena, choisi celle qui te paraît la plus adaptée… Je ne voudrais pas faire honte à notre grand-père. Penses-tu que je pourrais m’éclipser rapidement ? Tu sais que je ne suis jamais très à l’aise… »

Daenyra était d’un tempérament très différent de nous autres, cela avait toujours été ainsi. Sa nature avait toujours été des plus fragiles, et nous ne savions nous l’expliquer mais chaque événement public semblait la plonger tout d’abord dans une espèce d’angoisse silencieuse puis lui arrachait toute énergie. Durant de nombreuses années nous avions craint que cela soit le signe d'une fragilité intrinsèque faisant peser une menace sur sa survie même. Pourtant elle retrouvait des forces, puis se replongeait dans ses livres et études, toute ces connaissances qui seules semblaient la nourrir d'une énergie sans limite. Je reposais la robe sur le lit sur lequel elle avait été étendue et rejoignais ma soeur à la fenêtre, attrapant sa main et déposant mon menton dans le creux de son épaule.

« Je te couvrirai. Il suffira que tu fasses ton entrée, salue les invités, et ensuite je ferai en sorte que ta disparition ne soit pas remarquée… Même s'il sera difficile pour tous ces jeunes hommes d’ignorer l'absence d’une si belle demoiselle. »

Elle laissait échapper un petit rire amusé avant de serrer légèrement ma main, en signe d’affection.

« Il te suffira d’entrer pour qu'ils ne remarquent pas mon absence… Bien qu'ils n'aient aucune chance, pauvres diables… »
« Et comment le saurais-tu ? »

« Oh El’… vous êtes les deux personnes les plus entêtées qu’il m'ait été donné de rencontrer… Hormis peut-être Père. »

Je faisais mine de n'avoir rien entendu. Il était évident que Daenyra avait visé juste, et je n’avais guère besoin de feindre l’ignorance et la pousser à détailler sa pensée. Elle ne ferait que dire à haute voix ce que j’essayais d’oublier à tout prix.

« La rose. Elle sera parfaite. Et je prendrai la dorée… »
« Elaena… »

Je n’attendais pas qu’elle finisse sa phrase pour quitter la pièce et retourner dans mes appartements.

« … Ecoutes ton coeur… »

La fête devait commencer d’ici peu, et j’étais bien décidée à m’amuser comme il se doit. Il avait eu raison sur un point, j’étais une princesse, il était temps que je me comporte comme tel ! Finis les tourments et les hésitations, s’il ne saisissait pas ce coeur que je lui offrais alors je trouverai un autre capable de s’en saisir.

La fête était magnifique, et nous avions tout prévu pour qu’elle le soit. Les milliers de flambeaux avaient été dispersés dans le jardin, veillés par de nombreux serviteurs chargés d’orienter les visiteurs et de s’assurer qu’aucun flambeau ne vienne faire flamber autre chose que les esprits et les coeurs. Ces mêmes flambeaux se reflétaient sur les eaux du point d’eau, seulement troublées par le mouvement incessant et violent de la cascade. Ici et là les musiciens jouaient, dissimulés dans les bosquets, au-dessus de la cascade ou tout simplement près de l’espace aménagé pour danser. Aucun recoin du jardin ne manquerait de musique.

Une belle robe blanche brodée de fil d’or, les cheveux tressés, une coupe à la main, je déambulais parmi les invités, remplissant à merveille le rôle d’hôtesse que m’avait déléguée ma mère. J’étais bien jeune, mais il n’était jamais trop tôt pour apprendre à être une véritable dame valyrienne selon elle. Comme promis, Daenyra fit son apparition quelques minutes, saluant les invités et les remerciant de leurs voeux pour son anniversaire. Elle était si jeune, onze ans tout juste, et si timide, je trouvais très courageux de sa part de s’adonner à cet exercice social qu'elle goutait fort peu. Fidèle à ma promesse je faisais rapidement diversion pour lui permettre de s’échapper.

« Et si nous dansions ? »

Oh et nous dansâmes. Longuement. Je virevoltais de bras en bras, dansant avec chaque jeune homme de l’assistance désireux de m’accompagner. Depuis combien de temps ne m’étais pas sentie si légère, si insouciante ? Plus rien ne comptait que le bonheur de danser, de voir les regards admiratifs de l’assistance, de me laisser porter par la musique et le rythme imposé par elle. A tourner, les couleurs finissaient par se mélanger, la lumière devenait obscurité et vice versa. Prise d'un étourdissement je délaissais mon dernier partenaire pour un verre d’une liqueur citronnée. Etourdie, je décidais de m’éloigner du tumulte de la fête et rechercher un coin du jardin moins fréquenter, plus feutré.

Je m’asseyais sur un des rochers qui surplombait le point d’eau douce, profitant de la fraicheur de micro gouttelettes d’eau échappées de la cascade et portées jusqu’à moins par la brise nocturne. Finissant mon verre d’une traite, je profitais de cette fraicheur pour faire redescendre les vapeurs de l’alcool et l'étourdissement de la danse. Relevant le jupon de ma robe, je m’approchais d’avantage du rebord pour finalement plonger mes pieds dans l’eau cristalline. A trop vouloir oublier j’avais fini par abuser des distractions que m'avait offert cette fête, et j'aurais donné cher pour me débarrasser du malaise provoqué par l’alcool sur mon être visiblement trop fragile. Je fermais les yeux un instant, et les rouvrant je découvrais une coupe devant mes yeux, et il ne me fallut guère lever les yeux pour deviner à qui appartenait la main qui la tenait suspendue au dessus de moi.

«  De l’eau, Syrax. »

Je ne répondais pas à son sourire, me contentant de fixer des yeux l’eau torturée de la cascade et de plonger mes lèvres dans l’eau fraiche. Associée à la fraicheur du bassin et le calme relatif, elle parvint à apaiser le malaise qui menaçait de m'étreindre définitivement. Je restais cependant silencieuse, fixant à présente les ondes créées par le mouvement de mes pieds dans l’eau, et la roche que l'on apercevait à travers l'eau transparente.

« Te sens-tu mieux ? Tu ne devrais pas boire autant à ton âge, tu… »
« … JE suis parfaitement capable de décider de ce qui est bon pour moi. »
« Non, justement. »

Provoquée et piquée au vif je relevais les yeux pour tomber sur le visage serein de mon frère. Lui aussi avait plongé ses pieds dans le bassin et tenait une coupe entre mes mains, qui renfermait sans doute un liquide bien plus fort que de l’eau.

« Tu es blessée, et pour une raison que j’ignore tu as décidé de nier mon existence dans ce palais. »
« Oh tu en ignores la raison ? Tu semblais pourtant n’attendre que cela, que je cesse de t’importuner. »
« Pourquoi faut-il toujours que tu sois si excessive… »
«  … Je… »
«  … Elaena, s’il y a bien une chose que je ne souhaite pas, c’est de te voir m’ignorer. »

Je restais silencieuse. Le moment était historique, c’était la première fois depuis près d’un an que Maekar s’ouvrait à moi. A vrai dire, de nature plutôt réservée, il n’était pas coutume de le voir se confier sur ses sentiments. Je prenais donc sur moi et ravalais le sarcasme que je sentais poindre dans mon esprit.

« J’essaie… J’essaie de faire ce qui est juste, ce qui est bien. Je ne suis pas de ces garçons avec qui tu sembles prendre plaisir à danser… Je ne suis pas charmant, je ne suis pas un courtisan… Je suis un soldat, un militaire. Je ne maîtrise pas l’art de manier les mots mais l’épée. Je ne danse pas. Je n’aime pas les mondanités. Je suis un militaire, Elaena. »

« Et donc ? Tu ne me dis rien ici que je ne sache déjà. »

Il étai fatigué, je pouvais le voir sur son visage. Peut-être même était-il… perdu ?

« Tu as besoin de quelqu’un qui… comprenne ton monde. »

Je fronçais les sourcils. Sans trop réfléchir, je déposais la coupe à mes côtés et plongeais plus profondément mes jambes dans l’eau, jusqu’à en toucher le fond.

« Elaena ? Si c’est une tentative de distraction cela fonctionne. Que fais-tu ? »

Je souriais, sincèrement, pour la première fois depuis de longues minutes, puis entamait ma traversée du bassin pour m’approcher de l'endroit où se trouvait Maekar. Prenant appui sur ses jambes, je restais silencieuse, à le regarder simplement.

« Oseras-tu, après ça, me faire croire que tu n'es pas excessive ? »

Il souriait aussi, et cela me donnait le courage de m’imaginer que, peut-être, je ne ressentais pas seule. Pourtant, je restais toujours silencieuse, augmentant, je pouvais le percevoir, la tension chez lui.

« Elaena si quelqu’un arrivait là… »
« …Et bien ? »
« Et bien il pourrait s’imaginer que je prévois de te noyer. Ce qui ne serait pas une mauvaise idée pour dompter enfin ce caractère impossible… Malheureusement je crains m’y être trop habitué. »
« Tu es trop habitué à te moquer de moi surtout. »

Il approchait son visage du mien, avec cette expression amusée qu’il arborait si souvent lorsque nous étions tous les deux.

« Il est aussi aisé de se moquer de toi que de t’aimer. »
« Sans doute du fait de mon caractère impossible ? »
« … Sans doute. »

Je ne m’étais pas attendue à ce que cela vienne de lui. A vrai dire, depuis de longues et insupportables minutes je m’étais faite à l’idée qu’il me faudrait me jeter à l’eau, raison pour laquelle j’avais décidé de le faire au sens propre avant de le faire au figuré. Il ne ferait jamais le premier pas, il n’oserait jamais quitter sa réserve et sa prudence, alors il était évident pour moi que je devais me mettre à nu et risquer le rejet pour mettre fin à ces atermoiements devenus impossibles à supporter sans y perdre la tête. Mais le geste vint de lui. Entourant mon visage de ses mains il m’avait embrassé. Je n’avais jusqu’alors été embrassée que par ce même homme du bout des lèvres, il était sans doute facile de qualifier ce baiser de plus beau de mon existence… Mais il en avait tous les traits. Mon premier baiser, donné par cet homme que j’aimais désespérément avec toute la force et la dévotion que l’on a à quinze ans… Qu'il était beau. Ses lèvres s’étaient tout d’abord écrasées sur les miennes, comme pour conjurer l’hésitation et les réticences. Pourtant la douceur était vite revenue, et il avait effleuré, caressé, vénéré plus qu’il n’avait pris et possédé. Lorsque ce moment prenait fin, je priais pour qu'il puisse recommencer à l’infini. Il avait enfin osé se dévoiler.

Je craignais qu’à nouveau il ne tente de fuir, d’oublier ce moment d’égarement, mais son regard et son sourire, la caresse de ses mains dans mes cheveux, tout en lui me prouvait qu'il s’était enfin rendu à l’évidence qu’il était à présent impossible de nier ce qui s'imposait à nos yeux et nos coeurs depuis longtemps déjà.

« Accepteriez-vous à présent, Princesse, de quitter ce bassin ? »
« Je ne sais pas… Il est fort agréable, et il semble à même de provoquer des miracles. Meleys ne semble pas bien loin. Peut-être pourrais-je choisir d’y rester plus longtemps… »

Prenant appui sur ses genoux, je me hissais jusqu’à son visage pour déposer à nouveau mes lèvres contre les siennes. Il me rendait mon baiser, avec passion, une passion que je n’aurais imaginé qu’il puisse avoir à mon égard, et cela ne fit qu’attiser le feu que lui-même avait allumé en moi. Il entourait mon corps de ses bras, et un instant je crus qu’il se laisserait tenter à me rejoindre dans l’eau. Mais il n’était pas de ces hommes aisément convaincus. Profitant de cette étreinte il me tirait hors de l’eau et ne relâchait pas son emprise avant avoir faire plusieurs mètres. Jetée sur son épaule comme un vulgaire sac, je tentais de me débattre quelques minutes avant d’abandonner. Daenyra avait raison, nous étions deux têtes de mules.

« Diantre tu n'es pas légère, sans doute les litres d’eau absorbés par cette robe ridiculement épaisse… A moins qu’elle n'y soit pour rien. »

Je démarrais au quart de tour, lui lançant un grand coup dans le dos, mais je ne parvenais qu'à faire redoubler son hilarité.

«  Envisages-tu de me promener ainsi dans tout le palais ? Ou peut-être envisages-tu de veiller à ce j’aille au lit de bonne heure ? »
« Bien que cette proposition de se mettre au lit soit très tentante, belle Elaena, je me contenterai de te déposer ici et de laisser tes petits pieds faire le reste. »

Lorsqu’il me posait, je me joignais à lui pour rire de la situation. L’insupportable et pesante tension qui nous avait séparé ces derniers mois n’était plus, et nous retrouvions cette complicité qui m’avait tant charmée.

« Viens avec moi… »

Je ne parvenais pas à lâcher sa main, caressant sa joue de ma main libre pour prolonger encore un peu plus ce contact physique qui me ravissait tant. Attrapant mon menton pour lever mon visage vers le sien, il m’embrassait à nouveau, longuement, langoureusement, tendrement… Avec suffisamment d’intensité pour dérober toute force restante dans mes jambes.

« Je dois retourner voir Aenar et notre père. Quant à toi il me semble que tu as suffisamment profité des plaisirs de la fête pour une soirée… »

Je râlais évidemment, mais au fond je n’étais pas opposée au fait de retrouver l’intimité de ma chambre, la chaleur d’un bain parfumé aux plantes aromatiques et mon lit. Dans ce monde, nous devions encore nous cacher, mais dans ma chambre il n’y avait que moi et mes rêveries. Je voulais un moment d'intimité pour faire mien ce souvenir. Je voulais me souvenir de la sensation de ses lèvres sur les miennes, de son sourire satisfait, de l’étreinte de ses bras. Alors je rendais les armes, et après un dernier baiser j’acceptais finalement de prendre la direction de mes appartements, laissant derrière moi la fête et le tumulte, et emportant sur mes lèvres ce que j’avais poursuivi de mes voeux depuis si longtemps.


Elaena Tergaryon
Elaena Tergaryon
Sénatrice

Absence is to love what wind is to fire; it extinguishes the small, it inflames the great.
Palais de l'Archonte, Oros ◊ Septième Mois de l'An 1063
Le bonheur n’est souvent que de courte durée. Le temps de la fête était passé, et c’était la guerre qui s’était installée dans les palais et les esprits. Cette guerre qui déjà depuis de nombreux mois menaçait d’éclater avait fini par éloigner de leurs foyers les hommes, recrutés pour défendre la gloire du peuple Valyrien. Les flambeaux ne brulaient plus dans les jardins et les musiciens ne jouaient plus. L’empire ghiscari, adversaire de toujours, était à présent notre ennemi à la mort. Si nous nous étions attendus à une guerre rapide et à écraser sans équivoque la puissance Ghiscari, nous avions bien vite compris que tout ne serait pas aussi aisé. Les lettres décrivant les premières batailles avaient été meurtrières, et Valyria avait été attaqué en son coeur. Durant de long mois il ne pouvait y avoir de discussion sans évocation de Tolos et des pauvres erres affamés par le siège tenu par les ghiscaris.

Nous n’avions pas imaginé que la guerre puisse se propager ainsi, peut-être même avions nous été trop idéalistes, nous voyant déjà mener la guerre à notre avantage et sur le sol ghiscari. Pour la première fois nous commencions à imaginer des lendemains qui ne chantaient plus. Alors que l'on évoquait les prémices de la bataille de Mantarys, de nombreuses discussions eurent lieu à Oros afin de décider de l’attitude à adopter. N’était-il pas plus prudent d’envoyer la famille à Valyria ? Et si les ghiscari poursuivaient leur progression jusqu'à la ville ? Il était évident qu’ils ne feraient pas de quartier, et la ville ne disposait que de très peu d'hommes pour la défendre. Les conseillers de l'archonte avaient exhortés le maître de la ville d’évacuer au moins les femmes et les enfants.

C’était là bien mal connaître la détermination de ma mère. En l'absence de notre père, elle était devenue la chef de notre famille et même notre grand-père n'avait pu faire infléchir sa détermination. Nous n'étions pas de ces fuyards qui abandonnent ceux dont ils doivent assurer la sécurité. S'il fallait se battre alors il en serait ainsi. Qu'il ne soit pas dit qu'une femme ne pouvait défendre son foyer au même titre qu’un homme. Ainsi les entraînements furent plus nombreux, il ne se passait pas un jour sans que nous ne soyons exhortés à nous entraîner à voler dans des conditions difficiles, à tirer à l’arc, à monter à cheval. Rien ne nous était épargné. Et si je n'avais toujours visiblement aucun talent au combat à l’épée, je me trouvais galvanisée par l’idée d’être enfin considérée comme autre chose qu’une petite fille.

Très vite, la nouvelle de la victoire des galériens sur les ghiscari à Mantarys s’était répandue dans toute la péninsule. Quelle joie, quelle liesse ! Enfin la fête semblait revenir dans les rues et les coeurs ! Nous avions donné un grand banquet, en l’honneur des héros de la guerre, de ceux qui risquaient quotidiennement leurs vies pour assurer notre liberté et notre domination sur ce vieil empire prétentieux qu’était Ghis. Et ce ne fut pas la dernière fête, car quelques mois plus tard nos valeureux soldats parvenaient à libérer Tolos, repoussant encore un peu l’ennemi dans ses retranchements. Et l’enthousiasme revenait, petit à petit.

Aurions-nous pu envisager que tout cela n’était qu’un maigre rayon de soleil dans un ciel voilé de nuage ? Nous étions bien trop éloigné des batailles, bien trop inconscientes pour penser ainsi. Notre mère, Daenyra et moi-même étions seules au palais tant mon grand-père était occupé et indisponible. Alors nous entretenions nos illusions, encouragées par les rumeurs de victoires toujours plus éclatantes qui nous parvenaient. Sans doute aurions-nous du déchiffrer la prudence dissimulée entre les lignes que nous envoyaient régulièrement notre père et nos frères. Nous étions enthousiastes, idéalistes, peut-être même inconscientes, mais la vie et Balerion n’avaient que faire de nos espoirs aveugles…

Un cri retentissait dans le palais. Un cri déchirant. De ces cris qui vous percent le coeur et ne vous laissent jamais indemnes. Daenyra et moi étions dans le verger, occupées à cueillir quelques fruits lorsque ce cri déchirait l’air et nous glaçait le sang. Interdites, comme presque blessées avant d’avoir reçu le coup, nous restions quelques secondes à nous regarder, et déjà quelques larmes perlaient dans les yeux de ma soeur. Ce cri n’était pas celui d’un être blessé ou surpris… C’était le cri d’un être à qui l'on arrache une part de lui-même. Laissant tomber les fruits que nous avions entre les mains, nous repartions en courant en direction du cri.

« Non... non… Mon fils… Mon fils… mon enfant… non. »

Agenouillée au sol, notre mère serrait contre son coeur un morceau de papier. Il avait fallu presque un mois à cette lettre pour arriver entre ces mains. Elle ne le savait pas, mais notre mère avait perdu un fils il y avait déjà plusieurs semaines. Le visage livide, les mains se cramponnant elle même, comme pour s’étreindre seule, elle n'avait pu contenir ce cri, cette douleur indicible de celle qui voit sa chair et son sang lui être volés. Alors que nous arrivions à sa hauteur, je me trouvais soudainement figée, incapable de m'approcher d’elle. Je laissais Daenyra se précipiter et l’enlacer fortement, comme pour la maintenir en un seul morceau alors que tout son être menaçait de se briser en milliards de morceaux.

Moi, je restais là, comme une statue, les poings serré et la mâchoire verrouillée par la peur. Quelle honte je pouvais ressentir à cette instant, comme j'aurais voulu ne pas penser ce que je pensais. Pourtant je ne parvenais pas à me départir d'une seule pensée, la seule que j'étais capable de formuler, qui tournait encore et encore, en boucle dans mon esprit, à me rendre folle... Arrax par pitié, par pitié… Ne me prends pas Maekar. Je pleurais, je m’en rendis compte plus tard, car en réalité mon corps tout entier était devenu insensible, entièrement dévoué à l’unique pensée de la mort possible de Maekar. S’il est mort, si je l'ai perdu, alors que Balerion m'emporte avec lui.

« Aenar… Aenar est… Il est tombé au combat, à Bhorash. »

J’avais perdu toute maîtrise de mon corps, et je m'effondrais au sol. Tant d’émotions me brouillant l'esprit, la peine bien sûr, mais également le soulagement et la culpabilité. Quel monstre parvient à souhaiter la mort de l’un de ses frères pour en sauver un autre ? Je pleurais mon frère, cet ainé auquel je ressemblais à tant à plein d’égards et qui était tombé si jeune. Je pleurais d’avoir pu avoir des pensées si égoïstes, si répréhensibles. Et je pleurais, remerciant les dieux de protéger Maekar, les suppliant de le préserver encore.

Je relevais les yeux vers Daenyra qui me tendait la main, et je me trainais jusqu’à elle et ma mère. Il n’y avait que nous, nous étions en cet instant seules au monde, seule avec le chagrin et la douleur pour seuls compagnons. Il fallut plus d'une heure à notre mère pour parvenir à se relever et lâcher son emprise sur la lettre froissée et rendue illisible par les larmes. La nuit déjà avait recouvert Oros et le palais, preuve que la mort n'arrêtait jamais le cours du monde. Aenar était mort, et pourtant le soleil se lèverait encore demain. Etait-ce cela la malédiction des Dieux ? Que le soleil se lève sur les vivants, laissés derrière par les morts qui appartenaient à présent à la nuit ?

« Tu ne parviens pas non plus à dormir ? »

Je me retournais, dans l’encadrement de la porte se tenait Daenyra, en tenue de nuit et le visage fatigué. Il avait fallu une tisane puissante pour permettre à notre mère de dormir, car le chagrin lui provoquait de terribles cauchemars et son esprit refusait de lui offrir un quelconque répit.

« Je me demande s’il a souffert… La lettre mentionne une flèche… »
« Tu sais ce que l’on dit, la souffrance de la mort est celle des vivants. »

Elle venait s’asseoir à mes côtés, dans cette bibliothèque où elle passait tant de temps qu’elle en connaissait tous les recoins et n'avait guère besoin de lumière pour y naviguer de nuit.

« Tu as crains pour Maekar, il n’y a là rien de mal tu sais. »
« Je… Je ne sais pas ce que j'aurais fait si cela avait été son nom sur ce parchemin. »
« Aenar était promis à un si bel avenir… Il a toujours été impulsif et incapable de réfléchir avant d’agir. Cela peut avoir des avantages en combat, mais associés à la volonté de gloire cela peut conduire à la catastrophe. »
«  Ne cherchons-nous pas tous la gloire, Dae ? »
« Tous ne cherchent pas la même gloire. A trop essayer de plaire et d’attirer l’admiration, on finit par se perdre. Peut-être Aenar s’est-il perdu. »

Peut-être Aenar s’était perdu… Et la famille Tergaryon avait perdu un fils, l’héritier de la branche d’Oros. Aenar aurait du être le successeur de notre père, son remplaçant a Drivo.  Tout cela, tout cet avenir brillant avait été balayé d'un revers de la main par le destin, et il avait suffit d'une flèche pour arrêter sa course pour toujours.


Année 1063 - mois 12
Anaea Voheryon était l'épouse d’un soldat ayant perdu la vie au combat, et elle avait un soutien indéfectible dans la démarche que nous avions décidé d’entreprendre. Une fois par semaine nous organisions au centre de la ville d’Oros un moment de recueillement en l’honneur des hommes de la ville tombés pour Valyria. S’ensuivait un moment où nous pouvions tous prendre le temps de nous parler, et où ma mère prenait le temps de s’enquérir du confort de chacun. Elle avait perdu un fils, et son coeur saignait encore à la simple évocation d’Aenar, mais elle n’avait pas à subir en plus de cela la peur de ne pouvoir nourrir ses enfants. De nombreuses sucreries et gâteaux étaient distribués aux enfants qui pouvaient se divertir avec les nombreuses animations que nous avions mis en place pour eux. Nous avions voulu rendre hommage à nos hommes disparus, mais nous n'avions pas voulu faire de ce moment quelque chose de dramatique. La vie continuait, le soleil se levait encore, et les enfants qui déjà avaient affrontés la perte d'un père, d’un frère, d’un grand-père, avaient le droit de comprendre que pour eux aussi de meilleurs jours se profilaient.

Chaque veuve sans ressource recevait un soutien financier de la part des familles les plus aisées de la ville, la nôtre en tête. Pour tous, la guerre était à présent faite pour durer, et s'il était peu commun pour des familles de la noblesse valyrienne de se mêler aux familles plus modestes, le sacrifice était commun et la mort faisait fi des titres et de la pureté du sang. Les marques sociales ne disparaissaient pas pour autant, et s'il était commun entre seigneurs-dragons de se tutoyer sans retenue, les femmes de plus basse extraction que nous rencontrions à l'occasion de ces rassemblements ne pouvaient que nous vouvoyer, maintenant une distance certaine entre nous.

« Ces fruits sont délicieux, Elaena. »
«  Le verger en est plein ! Il nous faudrait ne manger que cela pour espérer les terminer avant qu’ils soient gâtés. »
« C’est la notre chance, Dame Elaena, comment vous remercier de votre bonté… »
« Oh c’est là le rôle d’une Princesse, n’est-il pas ? »

La voix qui intervenait dans notre conversation était reconnaissable entre toutes, et à peine avait-il commencé que déjà mes yeux s’étaient mis à brillé des larmes de l’absence que je retenais depuis bien trop longtemps. Les visages des deux femmes s’étaient figés en une expression de surprise et de surprise. Je me retournais avec quelques secondes de silence, osant à peine croire à ma chance. Les yeux que je rencontrais étaient les plus beaux de ceux qui m’avait été donné de voir jusqu’à aujourd’hui, et je ne me souvenais pas avoir été aussi heureuse qu’en cet instant.

« Tu… tu es vraiment là ? Où bien les fruits étaient-ils déjà gâtés et il me faut immédiatement consulter notre mage ? »

Son rire s’élevait, aussi entier et vrai qu’à l’ordinaire, pas le moins du monde altéré par la guerre. Très vite ses bras s’étaient ouverts, me laissant tout loisir de m’y blottir. En une simple seconde je retrouvais son odeur, la douceur de sa peau, la force de ses bras, toutes ces choses sans lesquelles j'étais comme sans sensation, sans émotions, car elles seules étaient capable de me faire ressentir avec tant d’intensité.

« Qu’est-ce que tu fais là ? »
« J’y viendrai, pour l’instant laisse moi profiter. »

Un sourire aux lèvres, il ne dit rien de plus, se contentant d’encadrer mon visage de ses mains et de plonger ses yeux dans les miens. Pas de baiser, pas de geste plus tendre que cela, nous étions en public, et il avait toujours été entendu dans la famille que ce qui était accepté entre nous ne devrait être montré qu’à l’annonce officielle du mariage promis par notre père. Après quelques secondes encore à simplement nous contempler, profiter d’être ensemble pour le temps que cela durerait, nous prenions finalement congé pour rejoindre notre mère et Daenyra au palais.

« Oh mère sera si heureuse de te voir. »
« Elle m'a vu. Tu imagines bien que mon premier réflexe en arrivant à Oros n'a pas été de venir sur la gran’place. »

Le ton moqueur, sarcastique, ce sourire insolent, je l'aurais frappé si je n'avais pas été si heureuse d’être à nouveau moquée ainsi. Il pouvait se moquer, il pouvait me faire tourner en bourrique, tant qu'il était là, voilà tout ce qui importait.

« Combien de temps ? Combien de temps avons-nous ? »
« Très peu de temps je le crains. Viens, rentrons, mère a fait préparer un véritable banquet, je vous expliquerai tout. »

Le retour au palais me confirmait ce que Maekar venait d’affirmer, l’activité y était étonnante et peu habituelle. Les serviteurs allaient et venaient avec empressement pour préparer le nécessaire en prévision d’un diner que ma mère avait voulu abondant. Bientôt les mets commençaient à s’accumuler autour de nous alors que nous prenions place à table. Une bien petite table, peuplée d’à peine cinq personnes, mais Maekar avait demandé à n’être entouré que de la famille. Il n’était là que pour une journée et devrait repartir dès le lendemain soir.

« Si vite ? »
« Je ne peux rester éloigner trop longtemps, Mère. »
« Bien-sûr, bien-sûr, ils ne peuvent laisser leur brillant nouveau général loin des combats trop longtemps. »
« Général ? », je manquais de m’étouffer
« Les capitaines-généraux m’ont fait l’honneur de me gratifier de cette responsabilité. Et je ne peux en effet rester trop longtemps éloigné de mes hommes. »
« Tu es général, tu peux faire ce que bon te semble donc ? »

Il se mit à rire.

« Non, ça c’est toi ma chère soeur. Ce titre signifie avant tout que j’ai une responsabilité envers mes hommes, mon commandement et Valyria… Cela ne pousse pas à faire comme bon me semble. »

Il m’adressait un clin d’oeil avant de reprendre sa conversation avec notre grand-père et notre mère. La guerre, les batailles… la mort d’Aenar. Il lui avait fallu plusieurs semaines pour s’en remettre, se débarrasser de la culpabilité de ne pas avoir pu le sauver.  Ces nouvelles responsabilités étaient pour lui l’occasion de se racheter, de faire honneur au nom de notre frère et de venger sa mort.

« Nous devrions parvenir à les repousser et retourner leurs méthodes contre eux. Dépasser Bhorash, c’est nous ouvrir le chemin de Meereen. Cette ville est la clé. Si nous parvenons à la prendre, alors… Alors peut-être pourrons-nous donner une leçon à ces ghiscaris. »

Je picorais dans mon assiette, sans grand appétit lorsqu'il s’agissait de parler de guerre et du départ prochain de Maekar. Il était tout juste revenu, à peine avais-je regouter au bonheur d'être avec lui, que la guerre me l’arrachait à nouveau.

« Je pourrais venir, moi aussi. »

J’avais eu beau parler tout bas, marmonner presque, la conversation s’arrêtait soudainement et les regards se tournaient vers moi.

« Et puis quoi encore. »

La voix de ma mère s’était faite plus tranchante qu’à l’ordinaire, et sans doute cela aurait-il du être suffisant pour me dissuader d’aller plus loin.

« J’ai 21 ans, Meghar est largement de taille à partir en guerre. Je n'ai pas besoin de votre permission, je pourrais partir avec lui. Un dragon de plus… »
« Ça suffit. Ça suffit, Elaena. Je ne veux plus t’entendre évoquer ce genre d’idées… »
« ... Mais, Mère… »
« ... J’ai perdu un fils ! Un autre risque sa vie à chaque bataille ! Faut-il encore que la vie d’une de mes filles soit mise en danger ? Est-ce ce que tu cherches, Elaena ? »

Elle jetait sa serviette sur la table avant de quitter la pièce, nous laissant tous interdits et mal à l’aise. Mon grand-père se levait à sa suite, suivi de Daenyra, tous deux partis afin de réconforter ma mère visiblement bouleversée. Les yeux baissés sur mon assiette, je restais silencieuse alors que Maekar semblait ignorer ma présence.

« Je ne voulais pas… je ne voulais pas lui faire de peine. »
« Tu voulais être l’héroïne guerrière venue arracher la victoire des griffes de la harpie ? »

Sa voix n’était ni amusée, ni moqueuse, comme à son habitude, elle était tranchante. Je me retournais vers lui et le regard sur lequel je tombais était aussi dur et froid que la voix.

« Maekar… »

Il rapprochait son visage du mien, visiblement furieux.

« C’est une guerre, Elaena. » 
« Merci, je n’avais pas saisi cela encore. »

Il se levait d'un bond, laissant tomber sa chaise au sol dans un fracas qui alerta les serviteurs postés à la porte. Je les congédiais d’un geste de main avant de me lever à mon tour. Maekar me tournait le dos, hésitant sans doute à quitter la pièce.

« Aenar a pris une flèche perdue. La flèche n’avait pas frappé à un endroit immédiatement mortel. Il a été évacué rapidement, et je n'ai pas pris le temps de le rejoindre, j’ai continué le combat. Si j’avais été là, j’aurais pu l’empêcher… Cet idiot à sous-estimer sa blessure. Trop fier, trop impulsif, il a laissé son égo blessé guider ses actions. Il a tenu à retourner au combat. Il y est mort, pas par le coup d'un ennemi, mais parce qu'il se vidait de son sang. »

Je restais silencieuse, en larme et une main sur la poitrine comme pour bercer mon coeur brisé par les détails de la mort de mon frère ainé.

« Il est mort seul. Entouré d’ennemis. Et je n'ai rien pu faire. »

Il se retournait, le visage fermé par la douleur et la culpabilité.

« Tu sais à quel point je t’aime ? Je ne le dis sans doute pas suffisamment, et nous avons été longuement séparés… Mais je t’aime. Et si tu étais sur ce champ de bataille, dragon ou pas, je ne ferais que chercher à te protéger. Je te sais capable de partir dans la nuit, persuadée que tu es dans ton droit… Mais si tu ne le fais pas pour la santé de notre Mère, reste ici pour moi. »

Je me précipitais dans ses bras, trop émue et bouleversée pour dire quoique ce soit. Cela avait été une idée idiote, un caprice de jeunesse venu d'une jeune femme avide de prouver sa valeur. Je ne pouvais partir, et je n'avais aucun doute de ma faible chance de survie sur un champ de guerre.

« Peut-être pourtant pourrions nous utiliser tes talents avec une épée pour déconcentrer l’ennemi… Cela à toujours eu quelque chose de comique. »

Il s'était apaisé, et déjà revenaient ses bonnes habitudes. Je riais au travers des larmes, désarmée par ce changement soudain d’humeur et rassurée par l’étreinte de ses bras.

« Il est tard et la soirée a été plus que mouvementée… Tu devrais aller te reposer. »
« Viens avec moi… »

Je tirais sa main alors que je me dirigeais vers la porte. S’il devait ne passer qu’une nuit avant de repartir en guerre, alors il était exclu qu’il la passe loin de moi. Il restait un instant immobile, me regardant avec un sourire et une lueur d’hésitation dans le regard. Nos mains unies frissonnaient du simple effet de ce contact que nous retrouvions. Ce n’était pas la première fois que je lui demandais de se joindre à moi la nuit, et il avait cédé à de maintes reprises, sans que j’eu à trop le convaincre. La lutte était constante, il était honorable et réservé, j’étais spontanée et sensuelle, pourtant nos désirions la même chose. Je me contentais bien souvent du simple fait de m’endormir dans ses bras, cela suffisait à rendre la nuit plus belle, plus douce, et le matin enchanteur.

Ce soir était différent. Les années avaient passé, et nous avions grandi. Le désir qui déjà faisait rage en nous à l’époque ne s’était pas éteint avec la guerre, et je ne pouvais ignorer la force qui m’attirait à lui, me donnait envie de l’embrasser et le toucher pour toujours. Je ne voulais faire que cela, lui offrir mon coeur, mon âme et mon corps. Si je me fiais à ma mémoire, il avait toujours eu les deux premiers, et je lui avais le troisième de plein gré. Il est un jour où une jeune fille devient une femme, et sous la protection de Meleys elle offre d'elle ce que nul ne peut convoiter avant ce rêve. Je n'avais pu offrir cela à qui que ce soit d'autre que lui.

« Elaena, je ne sais pas s’il serait très raisonnable de… »
« Je serais sage. »
« Mais je ne sais pas si je parviendrai à l’être… »

Je souriais, flattée et amusée de le voir, chose Ô combien rare, assumer une certaine faiblesse.

« Qui sait quand nous nous reverrons ? »

Je m’étais hissée sur la pointe des pieds, jouant avec ses cheveux, caressant sa peau, embrassant ses joues, la ligne de sa mâchoire, son nez, et finalement sa bouche avec une voracité que je ne me connaissais pas. M’étreignant de ses bras, il me soulevait de terre sans sourciller, et j'entourais son cou de mes bras pour nous rapprocher encore un peu si c’était possible. J’embrassais son cou, son oreille, emmêlant mes mains dans ses cheveux et chuchotant :

« Dis oui… viens… »
« Je ne me souvenais pas que tu étais si diabolique… »
« Alors vois-tu, déjà tu commences à oublier mes plus grandes qualités… »

A bout de souffle, nous trouvions encore le moyen de rire, étourdis par ce rapprochement impromptu et les pulsions contradictoires de nos corps et de nos raisons. Déjà mon nez s'ancrait dans son cou, tentant d'imprimer à jamais le souvenir de son odeur. Lui-même, qui avait tenté de rester stoïque, promenait ses mains sur mon dos, jouant avec quelques mèches de mes cheveux, fermant les yeux comme pour repousser encore un peu la tentation qui nous appelait tous deux. Combien d'années s'étaient écoulées depuis cette première communion de nos êtres et de nos corps ? Je me souvenais de chacun des détails. Comme j'avais tremblé. Conduite jusqu'à la grotte, j'avais dû me dévêtir, couronnée des ossements rituels, j'avais tenté de dissimuler ma nudité, gestion témoignant des restes encore prégnants d'une pudeur toute adolescente. Le corps n'était pas un objet honteux à dissimuler, il était un cadeau des Dieux et devait être vénéré comme tel. Alors je m'étais avancée, je m'étais étendue comme l'exigeait la cérémonie. J'avais fermé les yeux, comme pour mieux ressentir... Le contact froid et dur de la roche contre la peau fragile de mon dos et de mes fesses, la sensation d'être à la merci du vent et du monde, la sensation d'abandon total... tout ce qui brouillait mes sens et mon esprit. Je savais qu'il arriverait. Je n'ignorais rien du déroulement de cette cérémonie, j'avais été prévenue et préparée, et pourtant l'attente me rendait fébrile. Qu'il était idiot de trembler à ce point face à la volonté des Dieux... Une volonté qui trouvait échos en moi depuis si longtemps. Ne l'avais-je pas désiré ? N'avais-je pas, si souvent, laissé ce moment envahir mes nuits ? Et pourtant, je tremblais.

Je n'avais pu l'expliquer, mais lorsqu'il était entré dans la grotte l'air avait subitement changé. Je maintenais les yeux fermés, comme si les ouvrir n'aurait eu pour effet que de me rendre plus fébrile encore. J'avais été préparée mais il était impossible de se préparer à la réaction de l'homme certes masqué mais dont je n'ignorais pas l'identité. Serait-il empressé ? Réticent ? Doux ou violent ? Patient ? Comment deviner si un homme restait le même lors de ces moments ? Il s'était approché de moi et n'avait pas dit un mot. Durant de longues secondes il sembla rester à me regarder, sensation étrange qui me donnait envie de disparaître. Pourtant, rapidement il initiait un premier contact... Ses doigts commençaient à effleurer mon pied droit, remontant lentement le long de ma jambe et de ma cuisse à mesure que lui-même se déplaçait. Il parcourait mon ventre, et après une certaine hésitation effleurait ma poitrine. Le manège reprenait de l'autre côté, de mon cou à mon pied gauche. Je frissonnais, tremblait, et le froid ne pouvait plus décemment être considéré responsable. J'avais ouvert les yeux lorsqu'il s'était rapproché encore, attirant mon visage au sien pour plonger son regard dans le mien. Il resta ainsi un instant, cherchant peut-être la confirmation que j'étais consentante. Il m'avait embrassée comme jamais je n'avais été embrassée. Il m'avait aimée comme jamais je n'avais été aimée. Il avait gravé ce moment en mon coeur, mon âme et mon corps.

Revenant à moi et à l'instant présent, je pouvais ressentir le feu qui s'était allumé en moi ce jour-là. J'avais imaginé qu'il s'était arrêté de brûler, de me consumer, et pourtant l'absence n'avait fait que l'attiser. Ses mains sur moi, son visage dans mon cou, ses lèvres sur ma mâchoire, rien n'aurait pu nous séparer à cet instant. Ses gestes présents faisaient échos au souvenir qu'avait gardé mon corps de cette première union charnelle. Nous étions devenu uns dans cette grotte, des années auparavant, c'était une chose que nul homme, nul dragon, ne pouvait défaire. La cérémonie du rêve de Meleys n'avait été que la première fois, il semblait impossible pour nous de ne pas rechercher le contact de la peau de l'autre. Pourtant, Maekar s'en inquiétait. Il craignait que notre... passion ne nous mène à des conséquences dramatiques. Nous devions être prudents jusqu'à ce notre père sécurise nos fiançailles, car s'il avait autorisé à ce que Maekar soit mon homme masqué, il continuait à souhaiter conserver le secret de notre union à venir.

« D’accord. Mais tu sais que… »
« … Oui je sais. Pas de tentation, de la retenue et uniquement de la retenue ! Du moins si tu en es capable... »

Après un énième baiser, une énième caresse, comme pour le pousser hors de ses retranchements alors que j'étais déjà hors des miens, j'avais sauté de ses bras avec un air satisfait sur le visage, attrapant sa main pour le conduire jusqu’à mes appartements. La guerre pouvait faire rage, le monde pouvait s’écrouler, il était à moi et j'étais à lui. Il repartirait le lendemain, et je ne le savais pas encore mais il me faudrait attendre plus de deux années supplémentaires avant de retrouver ses bras.


Année 1066 - mois 1

Vaegon Tergaryon avait quitté le front à la minute où la victoire semblait assurée. Il avait eu pour ordre de porter la nouvelle au Sénat et il en profiterait par la suite pour retrouver sa famille. Qu'il était tout de retrouver son foyer, il avait savouré ses retrouvailles avec sa douce Saera et ses deux filles ayant été privé d’elles si longuement. Les premiers jours ressemblaient aux premiers jours d'un mariage, beaux, idéalisés, sans nuages. Il aurait sans doute du se douter que le ciel ne tarderait pas à s’assombrir. La guerre avait laissé derrière elle son lot de complications, et il s’agissait à présent de préparer l’avenir.

« Comment ça, il refuse ? Que veux-tu dire ? »
« Je veux dire qu’ils lui ont offert un siège au Sénat… pour récompenser ses faits de guerre. »
« Quel honneur ! Et pourquoi donc le refuse-t-il ? »
« Saera il ne refuse pas le siège que le Sénat lui offre, il refuse d’être mon successeur ! T’imagines-tu ? Nous avons déjà perdu Aenar, et voilà que son frère se met en tête de réussir par lui-même comme il le dit ! »
« Je vois… »
« Il va jusqu’à me conseiller de faire d’Elaena mon héritière ! L’impertinence de ce garçon ! »
« … Serait-ce si improbable ? »
« Mais enfin Saera, absolument inenvisageable ! »
« Et pourquoi ? »
« Pourquoi ? Aenar a été préparé toute sa vie à assurer l'avenir de notre famille, Maekar est un homme, un militaire, un meneur d’hommes, alors qu’Elaena… Et bien… »
« … Est une femme. »
« Une très jeune femme, inexpérimentée, élevée en princesse éloignée des intrigues politiques et de la stratégie. Que voudrais-tu qu'elle fasse ! »
« Elle pourrait apprendre. Tu te montres injuste envers ta fille, elle a peut-être été élevée en princesse elle n’en est pas moins ta fille… et la mienne. Elle est intelligente. Elle apprendra. »
« C’est hors de question. Le sujet est clos ! »
« Et tu t’imagines être en capacité de clore un sujet que je n’aurais pas décidé d’abandonner ? Non Vaegon Tergaryon tu ne me congédieras pas ainsi. Le seul argument que tu puisses opposer est le fait qu’Elaena ait eu la mauvaise idée de naître fille. Que comptes-tu faire au juste ? Rappeler Maerion du Collège ? Insulter les magistères et la société toute entière pour désigner comme un héritier un très jeune homme sans dragon ? Ou peut-être choisiras-tu l’un des enfants de tes frères et soeurs ? Tout vaux mieux qu'une fille de ton sang, n’est-ce pas ? »
« Ne sois pas ridicule. Tu as grandi dans un univers différent du mien, tu ne comprends pas. Comment veux-tu que les vieilles familles de Valyria acceptent qu’une femme, aussi jeune, soit désignée héritière ? C’est impensable. Je ne risquerai pas de gâcher tout ce que nous avons construit avec un tel pari. »
« Je vois que tu es déterminé. »
« Oui, je le suis. »

Saera s’était levée d'un bond, n'adressant plus un regard à son époux et se dirigeant vers la porte d'un pas empressé.

«  Saera, où vas-tu ? »
« A Valyria. Puisque tu fais si peu de cas des femmes de ta famille, tu ne verras sans doute pas d’inconvénient à ce que je ne sois pas à tes côtés. »
« Qu’est-ce qui te prend enfin… »
« … J’ai honte pour toi, Vaegon. »

Elle claquait la porte. Pendant quelques heures Vaegon considéra cette menace comme prononcée en l’air, sous l’impulsion de la colère. Pourtant, lorsque pris d'une certaine inquiétude il fit demander son épouse, on lui indiqua qu’elle était partie. Il se serait attendu à ce qu’elle revienne sous peu si elle n’avait pas fait envoyer plusieurs de ses malles en direction de Valyria. Elle était partie.

***

Depuis combien de temps dansions-nous ? Avions-nous seulement cessé de danser une seule fois cette dernière semaine ? La guerre était finie, et nous avions vaincus l’empire Ghis ! Maekar était vivant, notre père était vivant, nous avions démontré au continent tout entier ce qu’il en coûtait de défier le sang du dragon. Lorsque la nouvelle s’était répandue, les rues s’étaient instantanément emplies d’une foule en liesse, trop heureuse de laisser derrière elle les angoisses de la guerre et les incertitudes de sa conclusion. Le palais avait été exceptionnellement ouvert à tous, nourriture, boisson et festivités unissant nobles et humbles comme la guerre l’avait fait. Je n’avais cessé de danser, de bras en bras, et de rire… Comme j’avais ri ! Il n’y avait plus lieu de craindre les ressorts du destin. Je retrouverai Maekar et nos vies pourraient enfin être liées.

Ce matin là, le palais avait retrouvé son calme habituel. Notre père nous avait rejoint pour le plus grand bonheur de Mère. Leurs retrouvailles étaient un avant gout de cette nouvelle vie qui nous attendait tous et pourtant elles avaient été largement troublée. Père avait fait plusieurs aller retours entre Valyria, les derniers campements militaires où se trouvait encore Maekar et le palais d’Oros. Si j’avais imaginé qu’il souhaitait simplement mettre en ordre ses affaires, son visage concerné me disait que quelque chose de plus sérieux se tramait. Un après-midi une dispute avait éclatée entre les deux et Mère était partie dans la précipitation pour Valyria sans plus d’explications. Nous avions eu beau questionner notre père, il éludait toutes les questions, évitant finalement même de prendre ses repas avec nous. Il finit par ne plus quitter son bureau, devenant progressivement une silhouette morne se trainant de ses appartements soudainement vides à son bureau où les parchemins d’empilaient. Il semblait en prise avec une hésitation, un questionnement, et je crains soudain que nous soyons témoins de la fin du mariage de nos parents qui avait été pourtant si heureux.

Alors que Mère avait quitté le palais depuis déjà cinq jours, je trouvais mon père assis dans le jardin à même le sol, jouant distraitement avec les brins d’herbe. J’avais depuis le début de la semaine pris le parti de le laisser en paix, comprenant qu’il n’était guère disposé à répondre à mes questions, mais à le voir ainsi je ne parvenais plus à contenir mon inquiétude.

« Je ne crois pas t'avoir déjà vu assis sur autre chose que le plus confortable des fauteuils de ce palais, Père. »

Il levait la tête et m'adressait un sourire triste, le premier sourire depuis le départ de ma mère. N’attendant pas qu’il me le propose, je m'asseyais à ses côtés sur une herbe légèrement humide car le matin était encore récent et le soleil n'avait pu l’en débarrasser.

« Ta mère a toujours eu une passion pour ce jardin. C’est en partie pour cela que nous avons tenu à ce que vous soyez élevés ici… Elle disait qu’une âme habituée à la beauté ne pouvait être pervertie. »

Je restais silencieuse, me plongeant à sa suite dans la contemplation de l'immense jardin qui s’étendait sous nos yeux.

« La Beauté est une des rares choses nous permettant de toucher du bout des doigts ce qu’il y a au-delà des choses. Certains appellent ça l’âme. Elle est un dépassement de la réalité… une touche du divin au coeur du réel même. »

Je voyais au regard que me lançait mon père qu’il ne s’était pas attendu à une réponse de ce genre. Sans doute s’était-il imaginé que l’idiote petite fille que j’étais parlerai de la couleur des fleurs et de l’odeur des fruits mûrs… Il n’avait jamais réellement vu au-delà de ce qu’il avait bien voulu présenter au monde comme image de ses enfants. Il n’avait pas vu le besoin d’émancipation de Maekar, les raisons de la fragilité de Daenyra ou les conflits intérieurs de Maerion.

« Je peux te demander un avis ? »
« Bien-sûr. »
« Je suis face à un dilemme. Une partie de moi est encline à suivre le chemin qui lui a été indiqué depuis ma plus tendre enfance, le chemin que la majorité emprunte. Une autre partie de moi aimerait penser qu’un autre chemin est possible… Le premier chemin est une impasse, le deuxième est tortueux. »

Je souris, amusée de le voir user d'une image pour éviter de s’ouvrir à moi pour de bon. Les hommes étaient-ils tous ainsi ou s’agissait-il seulement de ceux de ma famille ?

« Et bien… Nous sommes tous le fruit d’une éducation, mais nous réduire à celle-ci uniquement serait nier notre être. Nous ne sommes pas uniquement le produit de cette éducation, nos expériences, nos proches, notre personnalité… Tout cela nous porte parfois à emprunter un chemin certes tortueux mais nôtre. Cela nous pousse à être vrais, à être plus grand que le moule de notre éducation. Il est toujours plus facile d’accepter que les autres pensent pour nous… Plus aisé sans doute que d’affirmer et assumer un chemin - ou une pensée - à contre-courant. Mais n’est-ce pas là l’essence même de notre liberté ? N’est-ce pas cela qui nous distingue de ces esclaves soumis à la parole de leur maître ? Appelés à suivre le chemin que celui aura choisi pour lui ? »

Il resta interdit un long instant, si long que je crus qu’il ne reprendrait jamais la parole.

« Quand es-tu devenue si sage, ma fille ? »

Ne me laissant pas le temps de réponse, il déposait sa main à l’arrière de ma tête pour attirer mon front à ses lèvres. Il se levait finalement d’un bon, sans un mot supplémentaire et retournait à l'intérieur du palais. Je ne sus jamais ce que j'avais pu bien dire qui lui fit faire ses malles mais une heure plus tard il s’envolait vers Valyria. Il resta absent trois jours, puis lorsqu’il revint il n'était plus seul, notre mère avait accepté de rentrer. Alors nous avions dansé à nouveau, abusé de la boisson et de la bonne chair, nous avions sauté dans le bassin et dansé dans ses eaux. L’orage était passé, comme la guerre, et la paix était revenue dans notre foyer. Je m'étais imaginé que cela marquait la fin des bouleversements qui guettaient ma vie… En réalité je n'aurais pu être davantage dans l'erreur.

****

« Je ne comprends pas. »

Mes parents étaient tous deux assis face à moi, le visage sérieux mais bienveillant. Je ne feignais pas l’incrédulité, je n'avais en réalité pas pris la mesure de ce qu'ils venaient de m’annoncer.

« Maekar a refusé d’être le successeur de ton père. Il siègera au sénat grâce au bon vouloir de celui-ci. Tu l’y rejoindras en prenant place sur le siège de ton père. »

Moi ? Siéger au sénat ? Succéder à mon père en tant que chef de famille ? Je regardais autour de moi l’air incrédule, cherchant les signes d’une plaisanterie mal ficelée. Pourtant nous étions seuls et leurs mines n’étaient en rien communes à celles de deux plaisantins.

« Mais enfin… Père, voilà deux jours vous pensiez encore que l’air lui-seul emplissait mon crâne ! »

Ma mère laissa échapper un ricanement, mon père quant à lui se renfrogna.

« Je n’ai jamais pensé une telle chose. Tu partiras pour Valyria à la fin du mois, nous nous préparerons de toute manière pour le triomphe et le retour de ton frère. Après cela il siègera et tu entameras ton éducation. Nous avons encore le temps de te former, après tout je ne suis pas encore mort ou sénile. »

Je ne disais plus rien, absorbant le plus d’informations possibles pour tenter de mettre du sens dans les mots qu’il prononçait et qui me semblaient ne même pas être dans ma langue.

« Il nous faudra te trouver un tuteur, plusieurs tuteurs même. Je me chargerai d’une partie des enseignements, mais je n’aurais pas le temps de tout faire. Tu assisteras également aux banquets et fêtes données à Valyria comme ailleurs, cela te permettra de commencer à te familiariser avec les interactions politiques et à appréhender les jeux de pouvoir. »

Il était si bien lancé que je n’osais l’interrompre.

« Oui, voilà, nous ferons ainsi. Maekar sera là bien évidemment pour te guider. »
« Et nous pourrons annoncer les fiançailles ? »
« … Et bien… Oui, sans doute. Nous patienterons encore. Ne donnons pas l’impression de nous précipiter. »
« Nous précipiter mais… Père cela fait déjà plus de quatre années que nous attendons et… »
« … La guerre à changé notre monde. Prenons le temps d’en appréhender les nouveaux contours. Toujours est-il : as-tu compris ce que nous attendons de toi ? »
« Oui père, il y a cependant un menu problème. »
« Lequel ma douce ? »
« Je ne suis pas capable de faire tout cela… Enfin me voyez-vous ? Moi ? A Drivo ? C'est impossible ! Demande à Maekar de refuser le siège qui lui est offert et de te succéder, Père ! »

Je m'étais levée, faisant les cent pas devant mes parents qui s’adressait un regard inquiet. Ma mère se levait en premier, mais mon père la retint pour se diriger vers moi. Déposant ses mains sur mes épaules il m’immobiliser et me forçais à lui faire face.

« Ton frère a pris sa décision, et j'ai pris la mienne. Je t'ai choisie. Je ne pourrais nier avoir eu les mêmes réticences que toi au départ, et je devrais même avouer avoir été injuste avec toi. Je ne te connaissais pas suffisamment, sans doute ai-je passé trop d’année loin de vous… Mais tu avais raison. J’ai décidé d’exercer ma liberté toute entière et de dépasser le carcan de mon éducation conservatrice. Tu es une jeune femme intelligente et volontaire, nous avons de plus tous fait les frais de ta détermination impitoyable. Ce sont autant de qualités qui te porteront. J’ai confiance en toi. Ta mère a confiance en toi. Et Maekar également. »

Il déposait un baiser sur le haut de mon front, puis sur mes mains qu'il élevait à ses lèvres.

« Valar Dohaeris, ñuhus talus »

Je sortais de la pièce, l’air hagard. Je m’étais attendue à beaucoup d’annonces, mais jamais je n’avais cru entendre celle-ci un jour. Je marchais sans but, cherchant seulement à ressentir le sol sous mes pieds pour me prouver que tout avait encore corps. Il y avait eu tant d’informations. J’étais à présent promise à un destin tout à fait différent de celui pour lequel j’avais été élevée, et de princesse futile j’étais passée au rang d’héritière, d’avenir de la famille et de notre nom. Notre père repoussait encore un peu plus le mariage qu’il nous avait promis, me faisant craindre de revenir sur une parole qui n’avait de témoin que nous. Et finalement Maekar avait refusé ce qui aurait du lui revenir de dire pour assumer une bonne fois pour toute auprès de notre père ses désirs d’indépendance. Cet avenir que je pensais certain se dérobait sous mes pieds.

« Je te cherchais. »
« Que se passe-t-il, Elaena ? »

Le regard paisible de Daenyra se déposait sur moi avec la douceur d’une flamme à peine allumée. Tendant la main, elle m’invitait à m’assoir à ses côtés alors qu’il ne lui avait pas échappait que je vacillais.

« Tant de choses, si tu savais… Il semblerait que je sois appelée à élire domicile à Valyria. Cela me semble absurde de même le prononcer mais… Père m’a choisi pour être son successeur. Bien sûr il ne l’a fait qu’après que Maekar ait refusé de s’y soumettre. C’est absurde ! »
« Et pourquoi donc serait-ce si absurde ? »
« Je n’ai rien d’une sénatrice… Je suis trop… pas assez… Je ne suis pas prête. »
« Je n’ai aucun doute sur le fait que Père saura faire en sorte que tu le sois lorsque l’heure viendra. Et tu n’es ni trop, ni pas assez, Elaena. Tu devrais faire confiance à ton instinct. Car il te dit d’y croire, n’est-ce pas ? »
« Je… oui… enfin je le crois. Il me semble. »
« Ta raison te pousse à douter de toi, ton coeur tremble et ton instinct se réjouit. Il est normal qu’il soit difficile de formuler une pensée cohérente au milieu de cette cacophonie. Pourtant, tu sais au fond de toi que tu es capable du meilleur. »
« … Comme du pire ! »
« Et bien il nous suffira d’éviter le pire. »

Sa voix avait été douce, elle s’était replongée dans son livre comme si la conversation était déjà terminée, comme s’il n'y avait rien ajouter à cela et que toute difficulté s'était évanouie.

« Nous ? »

Elle quittait son livre des yeux pour m'adresser un sourire tendre et elle déposait sa main sur la mienne.

« Tu n’imagines toute de même pas que je vais laisser une tête de mule impulsive comme toi aller seule à Valyria ? Et puis, la bibliothèque du palais Hoskagon est remplie de livres que je n’ai pas encore pu parcourir, ici j’aurais bientôt fait le tour. »

Je riais, émue du soutien indéfectible dont elle m’offrait la preuve. Nos mains se liaient et je déposais ma tête contre son épaule. Il nous faudrait sans doute plus que des mots pour parvenir à survivre à Valyria. Mais rejoindre la capitale signifiait retrouver Maekar… Et embrasser un destin pour lequel je me faisais la promesse d'être à la hauteur.

Arrax
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Simonagon hen Valyria


Bienvenue Elaena !


Validation, douce validation




C'est bon, c'est fait. Vous voici validé(e). Bravo ! Ce petit picotement que vous ressentez est celui du début d'une aventure où vous rencontrerez des personnages et des créatures incroyables. Vous sentez vous prêt(e) à nous rejoindre ? On espère que oui car le grand moment est arrivé Elaena Tergaryon - What fire does not destroy, it hardens 3686388144

Votre personnage, Elaena Tergaryon, va désormais rejoindre le groupe Nobles pour devenir l'un de ses membres les plus illustres, espérons-le !

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Et on attend de se croiser en RP au plus vite, encore bravo et à très vite sur Rise of Valyria  Elaena Tergaryon - What fire does not destroy, it hardens 1491939867

Le mot du staff :

Bienvenue chez toi  What a Face


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