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Dans le brouillard de l'avenir, mieux vaut être bien accompagnée.Herya Valgaris et Saerelys Riahenor.

Collège des Mages & An 1066, mois 4.

Dans son sillage, le Triomphe avait emporté avec lui les rires, la joie, les retrouvailles et les réjouissances. A présent, ne restait plus de lui qu’un écho. Un écho qui se ferait de plus en plus lointain. Bien sûr, personne ne pourrait oublier pareils fastes. C’était en tout point impossible et tout un chacun ne manquerait pas de narrer, avec une émotion certaine, ce dont il avait pu être témoin en ce glorieux troisième mois de l’an 1066. Et pourtant, il fallait laisser derrière soi tout cela. Reprendre la vie où elle s’était arrêtée, en retrouver une nouvelle maintenant que la guerre était achevée.

Il était temps de pleurer les morts, de chérir les vivants, de laisser la vie reprendre ses droits si longtemps bafoués. Saerelys avait-elle pleuré ? Plusieurs fois même. De tristesse comme de joie. Car si elle avait retrouvé son Soleil, d’autres n’avaient pas eu cette chance. Alors, la jeune femme avait consolé ces âmes en peine, pleurant pour elle-même ses cousins qui ne reverraient jamais leur Palais, dont les esprits avaient été soufflés comme quelques chandelles par la folie de Ghis. Un deuil que certains représentants du Palais portaient toujours et porteraient encore des mois, si ce n’est l’année, durant. La jeune femme faisait volontiers de même, bien que cela se révélait souvent indiscernable de part la manière dont elle devait se vêtir pour aller au Collège. Qui plus est, Père aurait sans doute vu d’un mauvais œil tout cela. Grand-Mère également. La vie se devait de se poursuivre. Maintenant plus que jamais.

Ce jour-là, Saerelys s’en était donc retournée au Collège. Si son appartenance au Troisième Cercle lui conférait bien des avantages, il ne fallait pas en délaisser pour autant les enseignements qu’il prodiguait. Alors, la jeune femme suivait religieusement ces cours, écoutant attentivement les intervenants qui défilaient sur l’estrade qui leur permettait d’être vus de tous et de toutes. Ceci terminé, la jeune femme avait cependant du fausser compagnie à ses camarades de l’accoutumée, arguant qu’il lui fallait emprunter quelques grimoires et qu’elle était attendue ailleurs qui plus est. Sans doute se reverraient-ils plus tard dans la journée ? Si les novices originaires de Valyria même pouvaient se permettre de quitter le Collège sans risquer de se retrouver à passer la nuit à la belle étoile, il n’en allait pas de même pour ceux et celles qui avaient vu le jour dans des cités plus éloignées. Aussi, bien que tous furent au moins du Troisième Cercle, il n’était en rien incongru qu’ils finissent par s’apercevoir au détour d’un couloir.

La jeune femme n’était cependant pas restée bien longtemps entre les rayonnages. A force d’explorer cette partie de la bibliothèque, fort était de constater que la novice commençait à la connaître par cœur ! Aussi avait-elle rapidement trouvé son bonheur et s’était rapidement éclipsée. Ses projets étaient grandement dépendants du temps qui passait. Aussi ne pouvait-elle pas perdre de temps alors que les premiers résultats commençaient à pointer le bout de leurs tiges ! Dès lors, le cœur de Saerelys ne pouvait qu’être des plus joyeux. Bien sûr, il restait encore fort à faire pour que les résultats soient réellement exploitables.

Mais ce premier essai avait comme un goût de victoire, alors qu’elle soulevait l’abri pour découvrir quelques brins d’un muguet qui, de la plante originelle, n’avait gardé que la forme. Prudente, Saerelys n’avait pas osé cueillir l’un des brins, de peur de causer des dégâts irréparables. Aussi ne s’était-elle contentée que de récupérer une simple clochette, qui semblait composée de cristal rosâtre. A moins qu’il ne s’agisse de verre ? De part sa finesse, le doute était possible bien que la novice soit la mieux placée pour savoir qu’il s’agissait bel et bien d’un cristal pour le moins particulier. Une petite clochette de cristal que la jeune femme avait glissé dans une bourse, contenant déjà un tissu d’une grande douceur destiné à protéger sa frêle création, dissimulée dans son sac. Son espoir, et son idée, avaient alors été de croiser un Mage de sa connaissance qui avait fait de la métamorphose sa spécialité, afin d’avoir son avis sur la question.

Hélas, une telle occasion ne s’était jamais présentée. Saerelys avait donc conservée la clochette sur elle, se disant qu’elle aurait d’avantage de chance une autre jour. Cela permettrait à ses plantes de se fortifier d’avantage, qui plus est. Aussi ne pouvait-elle pas se sentir perdante à ce dernier sujet. Quittant le bâtiment en lui-même, la jeune femme s’avança dans la vaste cour. Comme cela était souvent le cas en de telles circonstances, le regard de la descendante de Riahenys se posa sur les statues de ces vénérables Mages qui l’avaient précédé. Hommes comme femmes étaient représentés, bien que leurs traits étaient parfois difficilement discernables. Il était bien plus simple de s’en référer aux attributs et objets qu’ils arboraient, ou encore de s’en référer à sa propre mémoire.

Après quelques instants d’observation, la jeune femme baissa le regard, s’avançant dans la cour. La chaleur était agréable, en ce jour. Saerelys ne pouvait cependant pas en profiter pleinement. Pour certaines expérimentations, mieux valait se vêtir de la tête aux pieds, des épaules jusqu’aux poignets, quand ce n’était pas jusqu’au bout des doigts ! Aussi, en ce jour, la jeune femme portait une tunique à manches longues de laine noire sous sa robe plus fine, bien que de la même couleur. Seul son tablier de cuir manquait à l’appel, la jeune femme ayant préféré le laisser dans son dortoir. Si sa tenue était tout juste convenable pour une femme de son rang, mieux valait éviter d’aller ainsi dans les rues.

Cependant, ce n’était pas chez elle que la jeune femme se rendait. Dans les faits, il n’était pas réellement question qu’elle quitte le Collège. Car c’était ici que son rendez-vous aurait lieu. Un rendez-vous prévu depuis un moment déjà. Un rendez-vous que la novice aurait bien préféré avancer, dans les faits. Mais Herya avait ses propres impératifs et malgré l’inquiétude que Saerelys ressentait parfois à son égard, un changement d’heure pour leur rendez-vous n’aurait pas été envisageable… Alors, la jeune femme attendit, patiemment, non loin de l’une des nombreuses statues. Elle était en avance, semblait-il. La position du soleil dans le ciel parlait pour elle.

« Herya ! s’exclama alors la jeune femme, discernant la silhouette familière de l’autre jeune femme non loin d’elle. Quelle joie de te voir enfin ! »

En quelques enjambées, Saerelys rejoignit l’autre Mage, tout sourire. Aujourd’hui était une belle journée, pour elle. Bien loin de ces troubles qu’elle ressentait parfois, de ces noires pensées qui plantaient leurs griffes et leurs crocs dans son esprit. Car en cet après-midi qui débutait, c’était en bonne compagnie qu’elle se trouvait. Herya avait fait partie de ces novices plus âgées que Saerelys avait eu l’occasion d’apercevoir lorsqu’elle-même n’était qu’au Premier ou au Deuxième Cercle. La Mage était de ces personnes qui sortaient de l’ordinaire, au Collège. Ses origines plus modestes y étaient pour beaucoup, de même que la couleur de sa chevelure. En autres du moins. Car si le sang avait une grande valeur au Collège, le travail y était tout aussi important.

« As-tu fait bonne route ? s’enquit Saerelys. Quelles sont les nouvelles ? »

Les rumeurs allaient vite, au Collège. L’accident d’Herya il y a déjà de cela quelques temps n’avait pu qu’arriver aux oreilles de Saerelys. Si les faits étaient passés depuis un moment, comment ne pas craindre que la Mage en ait gardé quelques séquelles ? Sans doute n’était-ce pas son rôle de veiller sur elle, après tout, elle n’était encore qu’une novice. Mais cela ne coûtait rien de prendre des nouvelles d’une personne pour qui la jeune femme portait une certaine affection et une sympathie tout aussi certaine.




( Gif de tinyriles. )
Herya Valgaris
Herya Valgaris
Mage


Dans le brouillard de l’avenir, mieux vaut être bien accompagnée.
Dehors, dans les rues occupées par les classes populaires, l'agitation y était constante. Il y avait des cris, des conversations, des marchandages, quelques plaintes aussi, et des rires. La guilde des tisserands s'affairaient à vendre leurs étoffes à des prix défiants toute concurrence tandis qu'ils s'assuraient de quoi manger pour la semaine à venir. Le soleil brillait, comme à son habitude et on pouvait vite suffoquer dans les échoppes entassées les unes sur les autres. Mais quelque part, à l'ombre et au frais, deux mains s'agitaient mécaniquement et rapidement. On pouvait voir le mouvement de ses doigts à travers les tentures masquant l'entrée de la maison. Herya était là, assise dans l'ombre face à son métier à tisser. Elle semblait se concentrer sur quelque chose d'invisible. Elle fermait les yeux et laissait ses mains bouger instinctivement. "Tu t'es trompée de sens.". La mage restait concentrée. "Tu es sûre..?". Son visage semblait se crisper de plus en plus tandis que sa concentration maintenait le cap. "Je suis certain que tu viens de manquer ce point.". Elle soupira longuement, comme pour évacuer un stress latent mais les mouvements saccadés de sa jambe droite laissait présager un agacement certain. "Herya, tu t'es trompée. Recommence. Même si ça ne servira à rien.". La sueur dégoulinait de son front et ses mains perdirent en dextérité. "Je me demande ce que penseraient tes frères s'ils savaient que tu n'étais pas leur soeur à part entière.". Cette fois, Herya explosa. Elle balança son ouvra au sol et se leva d'une traite, faisant chuter son siège en bois.

"Par pitié, tais-toi ! " - hurla-t-elle.

L'instant de quelques secondes, la petite portion de rue qui passait devant l'ancienne échoppe de ses parents devint silencieuse. Tout le monde se regarda puis reprit comme si de rien n'était. Depuis son accident, Herya tentait de reprendre ses travaux mais cela s'avérait plus que compliqué. Il lui parlait tout le temps, critiquait tout, et l'induisait en erreur constamment. Elle perdait patience. La mage se dirigea vers un bac d'eau limpide posé sur le sol de la petite cour intérieure de la modeste maison, elle y plongea ses mains et s'aspergea le visage pour essayer de reprendre ses esprits. Les mains crispées sur les bords du bac d'eau, elle resta un instant dans cette position. Dehors, la cacophonie ne semblait jamais s'arrêter, et cela n'avait fait qu'augmenter depuis la guerre et la victoire de Valyria. Le peuple, qui dépendait surtout de son commerce, avait saisi là une raison d'augmenter les prix. Désormais, tout ce qui venait de la cité semblait avoir pris de la valeur et n'importe qui s'en serait rincé, oubliant même les personnes qui avaient donné leur vie pour cela. Après tout, pouvait-on leur en vouloir ? Allaient-ils s'enfermer dans le deuil alors qu'ils devaient continuer de travailler pour vivre ? Ils allaient simplement savourer la victoire de Valyria en se réjouissant de ne pas être morts à la bataille. Ceux qui avaient pleuré leurs enfants avaient sans doute tourné la page, et quelques rares familles s'étaient, quant à elles, enfermées dans un mutisme passager. Herya attrapa un drap de lin écru posé sur le rebord de la lucarne du patio et se tamponna le visage. Un simple coup d'oeil dans le ciel lu fit comprendre qu'elle était en retard à son rendez-vous. Elle se changea rapidement et enfila un sarouel brun et une tunique légère écru. D'un simple geste, elle entoura son visage d'un châle pourpre ayant appartenu à sa mère. Dieu sait comment elle avait pu se procurer une telle couleur tant cela était cher. La mage attrapa ses affaires, sorti de chez elle et verrouilla sa porte. Elle se hâta dans les rues en direction du collège des mages. "Tu es en retard."

D'un geste nerveux, elle balaya dans le vide pour chasser la voix parasite et arriva quelques instants plus tard au lieu de rendez-vous. Saerelys était déjà là comme à son habitude. "Sincèrement, pourquoi daignes-tu fréquenter une mage comme elle ?". La mâchoire d'Herya se crispa. Elle appréciait beaucoup la jeune mage et entendre son colocataire dire de telles choses lui fit mal au coeur alors que la joie d'enfin la revoir avait fait remonter son moral en flèche.

"Saerelys ! Je suis heureuse de te voir aussi ! " - fit-elle de bon entrain.
"C'est faux."

La jeune femme garda la face. Elle revoyait son amie depuis tout ce temps et Il lui gâchait son plaisir. Néanmoins, elle évita soigneusement d'évoquer son accident les circonstances et tout ce qui en découlait même si elle aurait voulu se confier.

"Oui ne t'inquiète pas. Me voilà. Et les nouvelles... sont... enfin, elles vont bon train. J'essaye de travailler sur une nouvelle méthode de divination. C'est très subtil, ça pourrait être prometteur mais c'est encore loin d'être au point. " "Tu es nerveuse Herya ? Tu ne devrais pas. Dis lui à quel point ton travail est ridicule et dis lui aussi à quel point tu te fiches de ce rendez-vous."

C'était un mensonge, la mage aimait ces rencontres, elle les chérissait. Mais elle les fuyait de plus en plus, de peur que l'on ne découvre son problème. Elle se racla la gorge.

"Et toi, comment avance ton apprentissage ? "
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Dans le brouillard de l'avenir, mieux vaut être bien accompagnée.Herya Valgaris et Saerelys Riahenor.

Collège des Mages & An 1066, mois 4.

Une ombre sembla passer sur le visage d’Herya. Une ombre légère, presque imperceptible. L’une de ces ombres passagères, qui disparaissaient aussi vite qu’elles avaient pu apparaître. Si Saerelys la remarqua, elle ne put mettre de mots justes sur la raison de ce phénomène. Ces raisons pouvaient être diverses, dans les faits. Une pensée quelque peu attristée, un souci en rapport avec la Guilde des Tisserands, une expérience ou un travail qui ne portait pas ses fruits… Des raisons pour le moins nombreuses. Des hypothèses que Saerelys n’aurait sans doute pas le temps d’explorer. Ni la possibilité, dans les faits. Qui plus est, la Mage sembla rapidement faire preuve d’une certaine gaieté, qui ne manqua pas de faire s’évaporer les doutes de l’autre jeune femme.

« Une nouvelle méthode de divination ? répéta Saerelys, une étincelle d’étonnement dans le regard, avant de laisser échapper un léger rire. Herya, tu m’en as trop dit ou pas assez, je le crains. La jeune femme se tut quelques instants, s’étant faite plus songeuse en quelques secondes. Mais compte sur moi pour garder le secret à ce sujet. Je n’en soufflerai pas le moindre mot tant que tes essais ne te semblent pas dignes d’être partagés. »

Si la Magie se devait de se pratiquer au grand jour, et a fortiori sous le regard des Grandes Familles Valyriennes, nombreuses et nombreux étaient les Mages qui préféraient faire leurs premières expérimentations en huis clos, seuls. Cela permettait, entre autres, d’éviter les vols d’idées ou de découvertes. Qui plus est, certaines formes de Magie requerraient le plus grand des calmes, ce qui nécessitait d’avantage encore la solitude. Aussi, Saerelys ne s’étonnait pas du fait que ce projet que nourrissait Herya ne soit pas encore connu du plus grand nombre, plus encore s’il en était à ses débuts.

« Comment pourrais-je te cacher le fait que je profite de chaque instant que je passe au Troisième Cercle ? avoua la jeune femme, dont le sourire s’était fait plus rêveur. Nul ne saurait dire quand mes travaux seront assez concluants, bien que convaincants serait sans doute le terme le plus juste, pour que la question quant à ma réelle place au Collège finisse par se poser. Saerelys haussa délicatement les épaules, se fendant d’un nouveau sourire. Mais c’est là l’ordre des choses. Aussi n’ai-je point besoin de m’en inquiéter. Le Troisième Cercle est celui de toutes les rencontres, de toutes les découvertes ! La jeune femme se laissa aller au rire. Vois comme je parle sans m’arrêter. C’est à en perdre le fil de mes pensées ! »

Car ses premières découvertes, Saerelys les avaient faites. A moins qu’il ne soit plus juste de ne parler que d’une découverte unique ? Sans doute était-ce plus judicieux, en effet. Dans ses émois et le tumulte de son arrivée au Troisième Cercle il y a déjà de cela un certain temps, la jeune femme n’avait encore guère statué sur son avenir magique. D’un autre côté, la question ne se posait nullement. Pour le moment du moins. Car seules les grandes instances du Collège pouvaient faire d’un novice un Mage fait. Tout cela n’avait plus rien à avoir avec ces tests que tous et toutes devaient passer ici pour ce qui était des premiers Cercles. Il s’agissait de faire ses preuves à chaque instant qui passait et en toutes circonstances.

« Que dirais-tu de poursuivre notre discussion à l’intérieur ? proposa Saerelys, indiquant d’un geste le bâtiment tout proche. Si le cœur t’en dis, peut-être même pourras-tu me parler d’avantage de tes projets ? La jeune femme se tut quelques instants. J’ai l’impression que cela fait une éternité que nous ne sommes pas vues. » acheva-t-elle, sur un ton qui s’était comme adoucit.

Tout en prononçant ces quelques mots, la novice avait esquissé quelques pas, invitant Herya à faire de même. Dans la cour, il y avait bien des oreilles indiscrètes et si Saerelys avait appris à tenir sa langue en toutes circonstances, elle n’en appréciait pas moins un certain calme, même pour des discussions des plus banales. Tout était plus simple, en compagnie d’Aedar. Ils avaient leur propre grammaire, leurs propres mots. Et quand bien même cela pourrait les trahir d’une manière ou d’une autre, il suffisait d’un regard plus ou moins appuyé pour transmettre une idée, un sentiment, à son double. Tel était le lien qu’ils partageaient depuis maintenant vingt ans et que même la guerre n’était pas parvenue à distendre.

« Une éternité… reprit Saerelys, visiblement songeuse. Peut-être est-ce le cas, d’une certaine manière. reprit-elle, quelque peu amusée. Il ne me semble pas t’avoir aperçue, pendant le Triomphe. As-tu pu profiter des spectacles donnés par nos confrères et nos consœurs ? A moins que tu n’aies préféré danser, ou profiter des ces fêtes sans fin qui nous furent proposées ? »

Poursuivant sa marche, la novice offrit un nouveau sourire à sa camarade. Les festivités du Triomphe avaient été l’affaire de tous et de toutes, du plus pauvre au plus riche, des hommes comme des femmes, du plus jeune comme du plus âgé. Tout Valyria avait fêté sa vie retrouvée, le retour de ses enfants, qu’ils soient de chairs et de sang, ou de sang et de feu. Aussi, Saerelys ne pouvait qu’imaginer qu’Herya y avait pris part d’une manière ou d’une autre. Cela faisait si longtemps que leur Cité n’avait pas chanté. Et ce chant retrouvé n’avait pu être ignoré.




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Herya Valgaris
Herya Valgaris
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Dans le brouillard de l’avenir, mieux vaut être bien accompagnée.


Herya n'aimait pas discuter de ses expérimentations au milieu de personnes qu'elle ne connaissait que de vue. D'une part, son sang étant loin d'être pur, certains regards pouvaient être médisants, et d'une autre part, si elle souhaitait accéder au cinquième cercle un jour, elle préférait pratiquer en secret pour éviter de se voir voler ses idées. Elle suivit alors Saerelys.

Dès que nous serons dans un endroit calme et sans autres mages que toi et moi autour, je t'expliquerai mon projet. Je ne voudrais pas que l'on me vole mes idées, pour une fois qu'elles sont peut-être bonnes ! fit-elle avant de rigoler.

"Ne sois pas si prétentieuse, tes idées ne valent rien.". Le sourire de la mage s'était terni mais elle continuait de faire bonne figure face à son amie. Herya avait une confiance aveugle en elle au point de lui divulguer ses recherches et ses résultats, et au point même, parfois, de lui confier quelques éléments de sa vie privée. En revanche, malgré toute la confiance qu'elle lui accordait, la seule fille des Valgaris refusait catégoriquement de lui avouer que quelqu'un lui parlait depuis sa tête. C'était un coup à mal finir. D'ailleurs, elle ne savait pas ce qui adviendrait d'elle si on découvrait que la mage spécialisée en divination entendait des voix. Elle serait très certainement la risée de tous, peut-être même qu'on finirait par la renvoyer ! À cette simple idée, la jeune femme frissonna.  

Je suis heureuse que tu sois aussi à ton aise au sein du Troisième Cercle. Il y a tellement de mages qu'à tout instant on peut y faire une rencontre pouvant changer notre vie. J'espère que tu pourras tout autant trouver ta place dans les échelons plus élevés car je pense que ta place y es. J'aspire également à m'élever. Je ne pense pas un jour atteindre les plus hauts sommets, mais le Cinquième Cercle serait déjà un bel avenir. elle sembla se perdre dans ses pensées. Tu m'avais manquée. ajouta-t-elle en souriant.

Bien plus en tout cas que ce lui aurait réservé la vie si elle n'avait pas été prédisposée à entrer chez les mages. Il lui arrivait parfois de remercier sa mère pour ce "cadeau". À la place de cette vie, elle aurait serait sans doute devenue tisserande, et aurait passé son temps à vendre des étoffes, à s'occuper de ses parents avant leur mort et à servir de mère de famille pour ses frères pourtant plus âgés qu'elle. Finalement, les choses avaient évoluées autrement puisqu'elle était au Collège, les jumeaux, Galaedar et Visenyx, avaient repris le commerce de leurs parents après leur service militaire, et Vahaerion s'était engagé dans l'armée valyrienne de manière définitive. La mage, elle, occupait le magasin en l'absence de ses frères pour ses expériences. Finalement, cela leur convenait à tous.

La jeune femme souriait en entendant Saerelys dépeindre son émerveillement pour le Collège des Mages tandis qu'elle continuait de la suivre. Mais à nouveau, une ombre passa sur son visage lorsque sa cadette lui demanda ce qu'elle avait fait lors des fêtes données pour le Triomphe. Son rythme cardiaque accéléra soudainement et son regard se plongea dans le vide. Qu'est-ce qu'elle avait bien pu faire durant ces fêtes... Elle avait beau chercher, mais rien ne lui revenait. Et lorsqu'elle demanda à la voix qui habituellement la harcelait, celle-ci ne répondit rien. Elle ne savait pas ce qu'elle avait fait et cela la fit paniquer. Les trous de mémoire étaient-ils un effet secondaire de son accident ? Herya décida alors de se fabriquer un souvenir de toutes pièces :

Eh bien, nous avons festoyé à la maison avec le retour de Vahaerion, le plus âgé de mes frères. Nous avons beaucoup mangé, beaucoup discuté, puis nous sommes allés profiter des festivités dans tout Valyria. Je t'avoue avoir eu la main quelque peu lourde sur le vin et je ne me souviens plus très bien de la suite. Ce sont très certainement Visenyx et Galaedar qui ont dû me ramener à la maison. T'aies-je déjà parlé de mes frères jumeaux ? Je pense qu'ils devraient te plaire. Ils sont très bavards aussi. fit-elle en riant et en posant sa main sur l'épaule de la mage. Vahaerion est, disons... plus réservé. Et toi, as-tu bien profité ?

En réalité, Herya n'avait pas revu son frère ainé depuis le Triomphe. Elle avait su par les jumeaux qu'il était revenu en vie et en un seul morceau et cela lui avait provoqué un soulagement énorme. Peut-être était-il temps d'organiser une réunion de famille...

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Dans le brouillard de l'avenir, mieux vaut être bien accompagnée.

Collège des Mages & An 1066, mois 4.

Aux mots d’Herya, Saerelys se contenta de hocher la tête. Voilà une chose à laquelle elle ne pouvait que s’attendre. Elle-même aurait agi de même. Bien mal avisé serait le Mage qui parlerait de vive voix de ses recherches alors qu’au Collège plus qu’ailleurs, les murs avaient des oreilles. Hélas, certains de leurs confrères et certaines de leurs consœurs n’avaient que peu de scrupules à ce sujet. Si la novice n’avait encore jamais souffert de ce fait, de part son Cercle actuel, elle savait la chose possible. Possible et probable hélas.

Alors que les deux jeunes femmes avançaient, les couloirs se vidaient petit à petit. Au fil de ses années passées ici, Saerelys avait appris à reconnaître les lieux où il fallait se trouver pour obtenir un peu de calme. Si dans la plupart des cas, cela lui servait pour étudier loin du tumulte qui pouvait saisir le Collège de temps à autre, la jeune femme s’en servait également afin de gérer ses crises les plus graves à l’abri des regards. Un fait dont bien peu de monde avait conscience. Les choses étaient mieux ainsi. Comment pouvait-elle expliquer l’impact que ses noires pensées pouvaient avoir sur le reste de son esprit, sur son corps dans sa globalité ?

Que les choses restent tut et elle-même s’en porterait pour le mieux. Tout le monde s’en porterait pour le mieux. Qui plus est, il s’agissait-là d’un mal familial, semblait-il. Saerelys chassa cet état de fait de son esprit. Ne pas provoquer l’ennemi pour conserver son plus précieux allié. Que valait un esprit diminué au Collège des Mages ? Bien peu de choses, malgré la pureté de son sang. Le couloir était désormais presque vide, à présent. Esquissant un sourire, la novice fit signe à Herya de la suivre, ouvrant finalement une porte et se faufilant dans la petite pièce se trouvant juste derrière l’huis. Il s’agissait-là de l’une de ces pièces d’études, laissées à la disposition des novices et des Mages qui en ressentiraient le besoin. Vide, comme Saerelys s’y attendait en y entrant.

« Cet endroit est-il à ta convenance ? s’enquit la jeune femme, indiquant d’un geste les tables et les chaises qui étaient disposées ici et là, dans un désordre manifeste. Pardonne aux jeunes novices qui nous ont précédé. Il semblerait qu’ils aient oublié d’effacer les traces de leur passage. Mais nous ne serons pas dérangées et nous pourrons parler sans crainte d’être écoutées, je peux te l’assurer. Installons-nous. Comme tu peux le constater, nous avons de quoi faire. »

Saerelys laissa échapper un léger rire, avisant finalement la chaise la plus proche. L’attrapant par le dossier, la novice la souleva, la déposant finalement à côté d’une table. La jeune femme s’installa là, chassant négligemment les quelques fins copeaux de bois qui étaient restés sur le meuble. Oui, Herya avait raison. Elle était à son aise, au Troisième Cercle. Plus qu’à son aise, dans les faits. Le Troisième Cercle avait été une réelle libération. Une bouffée d’air frais après des années passées dans l’ombre du Collège. Mais la jeune femme devrait s’élever plus haut encore, Herya avait raison sur ce point. Le Quatrième Cercle n’était que le commencement pour elles-deux, semblait-il.

« Que les Dieux nous permettent de nous élever toujours plus haut ensemble, en ce cas. Voilà un avenir pour le moins satisfaisant. remarqua Saerelys, tout sourire. J’espère faire cette rencontre dont tu parles. A moins que je ne lai déjà faite sans même m’en rendre compte ? Le destin est parfois joueur, il est vrai. La jeune femme se tut quelques instants, laissant ses doigts parcourir le bois du bureau. Toi aussi, tu m’avais manquée. Pour ne rien te cacher, j’ai bien cru ne pas te revoir. »

Le sourire de la novice s’était fait plus peiné. Herya et elle étaient séparées par plusieurs années d’existence, il est vrai. Et pourtant, elles s’étaient entendues. Cela n’avait rendu le silence d’Herya que plus étonnant, incompréhensible dans un sens. Saerelys n’avait pu s’en formaliser, cependant. La guerre avait éloigné bien des personnes de leurs proches, à Valyria même dans certains cas. Il avait fallu remplacer leurs frères, leurs cousins et leurs pères partis au combat. Elle-même n’avait pu quitter le Collège qu’à la fin du conflit. Voilà qu’Herya semblait s’être fait plus songeuse, d’un coup. La Mage avait-elle fait une mauvaise rencontre, lors du Triomphe ?

« Syrax l’a donc emporté sur Tyraxes ? s’étonna Saerelys, bien que s’amusant de ce constat. N’y voit point de moqueries de ma part, Herya. Tu ne fut pas la seule dans ce cas et personne ne pourrait te reprocher d’avoir voulu fêter dignement le retour des tiens dans ton foyer. A présent que tes frères sont de retour parmi nous, peut-être aurais-je l’occasion de les rencontrer ? Je pense avoir eu la main moindre lourde que toi durant le Triomphe, cependant. Pour faire preuve de franchise avec toi, il s’agissait sans doute des premières réelles fêtes auxquelles il m’ait été donné de participer depuis que Meleys m’a fait femme. Mes souvenirs de ces fêtes resteront gravés dans ma mémoire. Comme toi, j’ai retrouvé mon frère, mais aussi mes cousins. Cela faisait bien trop longtemps que je n’avais pas vu la demeure de mes ancêtres aussi animée ! »

Du Triomphe, Saerelys gardait toujours un sentiment d’allégresse et de soulagement. Comme le Palais avait pu lui sembler vide, lorsqu’elle en avait finalement retrouvé le chemin. Où étaient ces jeunes hommes et ces jeunes femmes à qui elle avait juré de venir les retrouver dès que cela lui serait possible ? Volatilisés, en partie. Voilà ce que le Triomphe lui avait apporté. Un sentiment de renouveau, de normalité, teinté de tristesse pour ces âmes, qui jamais ne reviendrait à Valyria.

« A présent que seuls les Dieux seront à même de nous entendre, que dirais-tu de me parler d’avantage de ce projet qui semble être le tien ? La jeune femme se tut, affichant une mine quelque peu gênée. Pardonne ma curiosité pour la chose. La divination a toujours été un monde particulier, à mes yeux. Je dois t’avouer n’avoir jamais songé au fait qu’il soit possible de l’améliorer plus qu’il ne peut l’être déjà. »

La divination. Voilà un domaine de la Magie que Saerelys peinait à saisir dans sa globalité. La jeune femme avait toujours mis son appréhension pour la chose sur cette Lecture ratée qui lui avait causé tant de tort. Qui lui avait coûté un frère ou une sœur d’écailles et de feu, qui lui avait causé bien des douleurs physiques ou mentales. Dès lors, la novice n’avait porté qu’un intérêt superficiel à ce domaine de la Magie, suffisant pour son cursus, mais loin d’être l’un des mondes dans lesquels elle pouvait imaginer se pencher durant la suite de son cursus. Mais si les travaux d’Herya pouvaient éviter d’autres drames comme celui qui fut le sien, comment ne pas y prêter une oreille attentive ?




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Herya Valgaris
Herya Valgaris
Mage


Dans le brouillard de l’avenir, mieux vaut être bien accompagnée.


Herya souriait à chacune des paroles de Saerelys. Après son accident, la plus jeune des Valgaris pensait ne revoir personne également. Tout avait été si soudain et sa chute avait été d'une rare violence. Elle s'était parfois demandée si sa propre magie ne l'avait pas mise en garde à plusieurs reprise. Et son erreur avait sans doute été là : de ne pas s'être écoutée lorsque les choses étaient allées trop loin.

Elle voudrait lui faire rencontrer ses frères, lui partager un peu de sa vie privée, parce que finalement, la mage lui accordait toute sa confiance, et elle avait le droit d'en savoir plus. L'avantage de sa classe social était que l'on se fichait pas mal de savoir d'où venait les invités. On ne la questionnait pas sur sa famille et sur la pureté de son sang. C'était peut-être ça, finalement, qu'Herya appréciait le plus chez les Valgaris.

As-tu apprécié tes premières célébrations ? - Herya parut réfléchir -Les premières festivités auxquelles je fus autorisée à participer furent celles du Rêve de Syrax. J'en garde de très bons souvenirs. J'aurais également préféré célébrer le Triomphe sous l'égide de Syrax mais effectivement, Tyraxes l'a emporté.  À propos de mes frères, oui, peut-être pourras-tu les rencontrer. Après tout, ils ne sont jamais contre une nouvelle rencontre. Notre famille est réduite mais j'espère que désormais, nous pourrons gravir un peu les échelons de la société.  

La jeune femme se mordit la lèvre, se rendant compte que, peut-être, avait-elle trop parlé. Puis elle prit une grande inspiration et attrapa les mains de sa camarade.

Avant de te parler de mes recherches, je me dois de te faire part d'une chose. Je compte aussi sur ta discrétion, mais je ne doute pas de toi. Vois-tu, j'ai été mise au monde au sein même du peuple. J'aurais dû ne jamais respirer l'air du collège des mages. Mais les dieux ont décidé d'une autre vie pour l'enfant que j'étais. Alors, j'ose penser par moment, que ma destinée n'est pas encore accomplie. - étrangement, la voix ne pipa pas un mot - Imagine, si nous, gens du peuple, puissions accéder à des classes supérieures à la sueur de notre front mais aussi grâce à la volonté des dieux. Mes frères et moi croyons en cet idéal, nous pensons que nous pouvons changer le nom Valgaris. C'est pour cela aussi que nous faisons en sorte d'être reconnus dans nos milieux respectifs. Je sais, Saerelys, que tu garderas cela pour toi et que tu ne me jugeras pas pour cette utopie. Mais je crois que nous pouvons réaliser de grandes choses. Et je tiens également à accomplir cela à travers mes travaux de mage.

Ce qu'Herya n'expliqua pas, en revanche, c'était l'amertume qu'avait la jeune femme pour les grandes familles. Ils avaient tout, simplement parce qu'ils portaient tel ou tel nom. Ils ne se blessaient que rarement lors des épreuves du feu tandis que les gens du peuple qui aspiraient à un meilleur destin étaient gravement brûlés. La mage avait eu de la chance "grâce" à l'adultère et l'inceste de sa mère, en échange de quoi, elle avait pu rentrer chez les mages, mais sans cela, sa vie aurait été la même que toutes les jeunes vendeuses de la ville : misérable. Et cela, Herya ne l'acceptait pas. On se devait d'être maîtres en grande partie de sa vie. Elle priait chaque jour Shrykos de lui ouvrir de nouvelles passerelles et de l'aider à transiter vers quelque chose de nouveau. Jusqu'à présent, la déesse semblait répondre à ses requêtes. En espérant que cela dure.

La trentenaire s'installa face à Saerelys, posant ses mains sur la table en bois, sentant la rugosité de la matière sous sa peau. Cela lui rappelait parfois l'ancienneté de son métier à tisser qu'elle ne se résignait pas à vouloir changer. Son dos s'appuya sur le dossier et elle croisa les jambes et les mains sur ses genoux. "Aller, dis-lui à quel point tes projets ne sont qu'une farce". Sa mâchoire se crispa. La voix était revenue, toujours aussi acerbe.

Tu as raison sur un point, je ne pense pas non plus que la divination soit améliorable. L'améliorer reviendrait à demander toujours plus à nos corps déjà meurtris par nos pratiques. - elle s'accouda sur la table et regarda sa camarade dans les yeux - Mais imagine si nous trouvions d'autres méthodes pour faire appel à elle. Des méthodes moins dangereuses mais tout aussi efficace, voire plus. Comme tu le sais, je vis au sein de la Guilde des Tisserands et je tire mon savoir d'une longue tradition familiale. Je me suis alors demandée si nous ne pouvions pas tisser l'avenir ? Cette méthode serait bien sûr plus longue qu'une consultation, mais nous pourrions avoir de bien plus grosses révélations avec un danger réduit. La magie utilisée chaque jour à tisser serait de plus petite quantité. Tu connais les périls causés par un usage trop intensif.

Herya ne le savait que trop bien, elle l'avait vécu et le vivait quotidiennement. Elle n'était pas certaine que ce fut le déclencheur de son accident mais son intuition le lui hurlait à l'oreille depuis longtemps.

Mon sang n'est pas pur et l'usage de la divination me demande plus de sacrifices que pour quelqu'un qui est fait de sang pur. Si je veux pouvoir l'utiliser comme il me sied, je dois l'adapter à ma puissance. Mes premiers essais ont été concluants sur de petites choses. J'espère simplement que de plus grosses pièces le seront à leur tour.

Elle était songeuse, ne sachant pas vraiment dans quelle aventure elle s'embarquait à nouveau. Allait-on l'autoriser à continuer ses recherches de manière plus officielle ? Mieux encore, allait-on l'encourager ? Il lui arrivait parfois de douter.
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Dans le brouillard de l'avenir, mieux vaut être bien accompagnée.

Collège des Mages & An 1066, mois 4.

Saerelys avait manqué bien des choses, de part l’apprentissage qui était le sien. De sa tendre enfance, elle ne se souvenait que de quelques réjouissances, la première étant l’Epreuve du Feu de son frère Gaelor. Si elle avait assisté à l’Epreuve du Feu d’Aelys, la jeune femme n’en avait gardé que bien peu de souvenirs, de part l’âge qu’elle avait à l’époque. Tout juste se souvenait-elle qu’elle tenait la main de Grand-Mère, alors que sa première sœur était présentée aux flammes.  C’était là tout ce dont elle se souvenait en son nom propre. Le reste n’était sans doute que des souvenirs fabriqués, issus des conversations qu’elle avait pu avoir avec sa mère et d’autres membres de sa famille par la suite. Avant son entrée au Collège, Mère l’avait également emmenée à certaines fêtes, où elle avait pu rencontrer d’autres jeunes filles de son âge. Du moins était-ce là le but de ces réjouissances en petit comité. Le fait de se retrouver entre amis et d’espérer que sa propre descendance ferait de même.

« Je garde de doux souvenirs des premières fêtes auxquelles mes parents ont jugé bon de me laisser assister. Hélas, tu sais aussi bien que moi que les Rêves, quels qu’ils soient, ne sont que difficilement accessibles pour les Novices du Premier et du Deuxième Cercle. De ma vie de jeune fille, le seul qu’il me fut donné de célébrer en bonne et due forme fut mon Rêve de Meleys. »

Devant l’importance de la situation, Père n’avait pu que la sortir du Collège. Elle était sa fille aînée et ne pouvait point rester sans alliance éternellement. Du moins, théoriquement. Car les faits étaient là. Saerelys avait fini par se faire au Collège, par apprécier les enseignements qu’on y dispensait. Aussi ne se voyait-elle point épouse avant d’avoir atteint le Quatrième Cercle. Il y avait bien trop à faire pour arriver à un tel niveau pour songer, ne serait-ce qu’une seconde, à cumuler deux rôles aussi distincts et éloignés. Aedar n’avait jamais remis en cause ce choix qui était le sien, de se consacrer encore un peu à l’apprentissage de cet Art auquel elle avait été destinée par sa naissance même. Tout serait plus simple, lorsqu’elle ne serait plus vue comme une Novice. Quand elle serait devenue Mage, lier vie mondaine et vie magique serait bien plus aisé.

« Alors le plaisir de la rencontre n’en sera que plus grand. Tes frères et toi avez raison de rêver d’une autre vie et de concrétiser ce vœu. Shrykos ne s’intéresserait pas aux Mortels que nous sommes s’il était impossible de modeler ne serait-ce qu’une part minuscule de notre Destin. La jeune femme se tut quelques instants, devenue plus songeuse. Vois-tu, depuis le jour où il fut annoncé à mes parents que je me devais de rejoindre le Collège, je ne peux que nourrir l’idée que nos Dieux nous tracent un certain nombre de routes. Des routes qu’il ne tient qu’à nous d’emprunter et qui donnent toutes lieu à un destin différent. A nous de choisir celle que nous emprunterons et de nous en servir pour nous élever autant que possible. »

Comment Saerelys pourrait-elle croire à l’hypothèse d’un Destin unique à chaque Être ? Si ses précepteurs ne s’étaient pas rendus compte de ses capacités d’apprentissage élevées, si elles avaient été mises sur le compte d’un potentiel différent, comme ce fut le cas pour Gaelor par la suite, sans doute aurait-elle conservé le dragon qui avait déjà partagé douze années de son existence. Mais les choses avaient été quelque peu différentes. A un moment, quelque chose avait cependant modifié cette voie qu’elle empruntait jusqu’alors. Avait-elle poussé trop loin ses capacités devant ses précepteurs ? Était-ce le fait qu’elle suive certains de ses cours en compagnie de son jumeau, leur différence de niveau se faisant plus manifeste dans certains domaines ? Plusieurs fois, la novice s’était posée de telles questions. Aujourd’hui, si elle préférait ne plus y songer, l’idée d’un Destin légèrement modifiable s’était immiscée dans son esprit pour ne plus quitter, cependant.

« Je saurais me montrer muette en toutes circonstances à ce sujet, Herya. assura Saerelys, dont les traits s’étaient durcis. Je ne peux qu’être consciente de tous ces efforts que tu as dû faire pour atteindre le Quatrième Cercle, et de tous ceux que tu seras capable d’accomplir pour atteindre le Cinquième. La jeune femme serra délicatement les mains d’Herya dans les siennes. Cette Magie dont les Dieux t’ont fait cadeau, tu te dois de l’utiliser. De la faire fructifier, de la rendre plus belle encore que celle que tu as reçu le jour de ta venue au monde. L’attention des Dieux ne s’acquiert pas aisément. Il faut leur prouver que nous méritons leur regard, que nous méritons les autres présents qu’ils peuvent songer à nous offrir. Poursuis ainsi ta route et je ne pourrai que prier pour que Shrykos accède à tes vœux les plus profonds. »

Saerelys s’était évertuée à mériter sa place au Collège. A la mériter au-delà de son sang puissant, du nom qu’elle portait. De cette Dynastie au sein de laquelle elle avait vu le jour.  De prouver à tous et à toutes qu’elle n’était pas là que grâce à des dons qu’elle avait reçu de part sa naissance. Car, pour parvenir jusqu’ici, l’enfant qu’elle était à l’époque s’était vue retirer, ôter d’une bien cruelle manière dont elle ne gardait que peu de souvenirs, son frère ou sa sœur d’écailles. A perdre ce lien qu’elle considérait pourtant vital à son propre équilibre. A renoncer à cette place dans la société qui lui revenait pourtant de droit. Dès lors, il ne lui restait plus que le Collège pour espérer briller à sa manière dans le ciel valyrien, toute femme qu’elle était pourtant.

« Oh, Herya… commença Saerelys, un sourire contrit aux lèvres. Si tu savais comme tes mots peuvent trouver écho dans mon esprit. Tisser l’avenir… Voilà une mélodie qui tinte doucement à mes oreilles. Il est vrai que le coût en sang et en Magie serait sans doute moins bien élevé… La novice se tut quelques instants. Ou, tout du moins, étalé dans le temps, pour que les effets sur nos esprits et nos corps soient amoindris. La jeune femme posa sa main droite sur le bois du meuble, le tapotant du bout des doigts alors que son autre main venait soutenir son menton. Peut-être même serait-il possible de permettre à plusieurs Mages de travailler sur une même pièce, à l’avenir ? Cela réduirait d’avantage encore les risques… »

Saerelys s’était à nouveau perdue dans ses pensées. Les pratiques liées à la Sang Magie étaient le plus souvent l’apanage des Mages au Sang Pur, au sein du Collège. Ou, tout du moins, de Mages ayant conservé des caractéristiques sanguines au-dessus de la moyenne malgré quelques métissages dans leur généalogie. Fort était de constater que ce Sang Pur, bien que plus puissant, n’épargnait pas ses porteurs. Si seulement il était possible de partager cette charge dans certains cas. Oui, cela changerait bien des choses…

« Comme il peut être fâcheux que les esprits laissant naître des idées d’intérêt ne puissent pas les mettre en pratique par eux-mêmes. lâcha Saerelys, dans un soupir. Mais tu fais là preuve de prudence, ce qui est tout à ton honneur. La Magie est un Art magnifique. Un Art Divin, à bien des égards. Mais coûteux. Terriblement coûteux, je ne t’apprends rien à ce sujet, tant nos professeurs ont pu nous le rappeler. Aussi, si telle est la volonté que tu affiches, je ne peux que t’encourager dans cette voie. La jeune femme laissa échapper un rire, quelque peu gêné. Pour ce que mon soutien peut valoir. Je crains qu’il n’ait qu’une faible valeur, malgré le nom que je porte, de part la place qui est la mienne au Collège. »

Une novice. Voilà tout ce qu’elle était à cet instant, en plus d’être une oreille attentive. Et pourtant, comme Saerelys aurait voulu faire plus encore. Bien sûr, il s’agissait-là d’une création d’Herya et jamais la jeune femme ne s’abaisserait à une rapacité telle de prendre dans ses serres une idée qui n’était point la sienne. Tout comme elle ne pouvait pas offrir son propre sang. Cela aurait sans doute paru déplacé, qui plus est. Pourtant, il devait bien exister un moyen…

« J’aimerai t’apporter mon aide d’une manière ou d’une autre, Herya. Si tu juges cela nécessaire un jour, bien sûr. Certains novices me reprochent déjà les ressources qui sont les miennes. Partager certaines d’entre elles n’a cependant jamais été exclu me concernant. Saerelys esquissa un sourire. Vermax m’a offert bien des choses mais Shrykos se plairait à me voir partager certaines d’entre elles. Plus encore pour pareil projet. Si je ne suis que novice, certaines oreilles pourraient se montrer attentives aux propos que je pourrai avoir. La novice se tut. Si un jour tu te retrouves en difficulté, que cela pour trouver des matériaux propres à ton art, pour d’autres choses du même acabit ou même juste pour échanger quelques mots, peut-être pourrais-je te sortir de l’embarras ? »

Si cela pouvait éviter à d’autres enfants de se rendre compte bien trop tardivement de leurs destinées, Saerelys ne pouvait que trouver l’idée plaisante. Les applications pouvaient être tellement nombreuses. Cela pourrait peut-être éviter des Épreuves du Feu à certaines personnes dont la survie serait des plus précaires dans de telles situations ? Le tissage était une tâche longue, après tout. Percevoir certains traits d’une personne serait peut-être envisageable, lorsque la technique serait plus avancée ? L’échec était une possibilité également, il est vrai. Seul le temps pourrait les éclairer à ce sujet, cependant.



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Herya Valgaris
Herya Valgaris
Mage


Dans le brouillard de l’avenir, mieux vaut être bien accompagnée.


Saerelys était d'une douceur rare et précieuse, si bien qu'Herya sentait son cœur s’apaiser à chaque instant passé avec elle. Elle l'écoutait l'encourager tandis que ses mains réchauffaient les siennes. La jeune femme avait-elle déjà eu des amis comme elle ? Avait-elle déjà eu des amis tout court ? Aussi loin qu'elle puisse se le remémorer, son arrivée au collège des mages n'avait pas toujours été vue d'un très bon oeil par l'ensemble des autres étudiants. Après tout, elle était une fille du peuple brûlée sévèrement par endroits qui entrait d'un un monde auquel, en temps normal, elle n'aurait jamais eu accès. Puis sa présentation à l'épreuve des flammes avait aussi suscité quelques médisances. Mais son fort caractère l'avait protégée de toutes les remarques et critiques. Puis avec le temps, elle enfonça encore plus les rumeurs dans la tombe : elle était parvenue à maîtriser une magie qui était pourtant l’apanage des mages au sang-pur. La jeune mage avait été longtemps très attirée par la nécromancie mais son intuition l'avait mise en garde : à trop vouloir jouer avec le feu, on fini par se brûler les ailes et la jeune femme avait déjà eu de la chance de pouvoir pratiquer la divination.

Herya observa sa benjamine et acquiesça à ses propos.

"Ton idée est très intéressante mais je ne suis pas certaine que mélanger plusieurs sangs soit réellement réalisable. C'est quelque chose que je n'ai jamais tenté et je n'ai pas à ma connaissance de quelconques essais similaires...  "

Une idée saugrenue et dangereuse lui vint en tête.

"Mais... peut-être que nous pourrions essayer. Une unique fois. Je pourrais t'enseigner l'art du tissage afin que tu sois capable de réaliser un tout petit ouvrage, et nous pourrions y travailler à deux. Un sang mêlé et un sang pur : quel résultat pourrions-nous obtenir selon toi ?"

"Une catastrophe. Ton inconscience te tueras." fit la voix qui soudainement sembla reprendre du service.

Sans doute avait-il raison. Mais sans doute avait-il tort ? L'excitation passagère qui avait émanée du potentiel projet de divination à 4 mains retomba. La jeune femme pouvait mettre son amie en danger à cause de ses désirs d'expérimentation.

"Oublie ce que je viens de dire. Je ne voudrais pas provoquer d'accident encore une fois. " - elle ria avant de se rendre compte de son erreur.

Sa peau pâle se mit à blêmir encore plus qu'à l'accoutumée et elle sentit quelque chose dégringoler au fond d'elle. "Ah enfin l'erreur tant attendue..." Même en essayant de corriger son erreur, la mage ne ferait que s'enfoncer. Elle espérait désormais que Saerelys ne retienne que le ton de la rigolade, sans s'interroger sur la nature de l'accident évoqué par Herya. Elle aurait voulu se jeter dans un torrent de lave afin d'abréger les souffrances liées à son erreur, ou bien être rôtie vivante par un dragon de l'un de ces hauts dirigeants. La sensation serait encore plus agréable que celle de devoir se justifier et de devoir expliquer qu'une voix lui faisait vivre un supplice. "Je savais qu'un jour tu finirais par avouer ton vice, et je suis encore plus enthousiasmé par le fait que ce soit par erreur. Que va-t-il se passer pour toi maintenant ? Ta chère amie finira elle aussi par laisser filer ton histoire, et puis tout Valyria saura que la seule fille des Valgaris à laquelle les dieux ont offert un destin bien plus reluisant que les autres jeunes filles de sa guilde est en réalité... aliénée ? Que diront les mages aussi à l'idée de savoir que l'une des leurs entend une voix ? Et tes clients si fidèles... Croiront-ils encore les prédictions d'une déséquilibrée ? Allons Herya, il me semblait t'avoir mis en garde.". La jeune femme se mordit la lèvre presque à sang pour réprimer les mots qui lui venaient en bouche. Elle tenta de garder la face et de continuer de sourire pour cacher son malaise. La voix avait raison. Et depuis le début, elle avait eu raison sur beaucoup de choses tandis que la mage accumulait les erreurs. Elle était prise au piège et évoluait sur le fil du rasoir et seule Saerelys pouvait faire flancher la balance de son avenir à cet instant.

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Collège des Mages & An 1066, mois 4.

Dans leur grande mansuétude, les Dieux avaient permis à la novice de naître dans une famille, une Dynastie au sang puissant. Les descendants de Riahenys avaient du sang de dragon dans leurs veines, disait-on. Un sang qui les rendait volontiers flamboyants dans leur caractère, dans leurs manières, dans leur manière de s’exprimer. Toute idolâtrie envers son ancêtre mise de côté, Saerelys avait toujours eu le sang plus doux, là où Aelys n’avait pas quelques gouttes de sang de dragon, mais sans doute bien davantage. Peut-être était-ce cette douceur de caractère qui l’avait menée à s’entourer d’une manière que certains auraient jugée étrange, si ce n’est risible ? Dans les faits, cela n’importait que peu. Riahenys n’était pas une pièce à l’effigie unique. Elle n’était pas uniquement l’une des fondatrices de leur Cité, mais aussi une femme, avec des enfants, une descendance. Une descendance sans doute métaphorique. Aussi n’aurait-elle point voulu voir ses petits s’entre-déchirer pour de un simple statut de sang.

« Ma mémoire ne me fait que rarement défaut. commença Saerelys, songeuse. Pour de petits ouvrages, c’est là un fait possible, me semble-t-il. La bibliothèque pourrait peut-être nous renseigner davantage sur des travaux plus importants ? Je me renseignerai, si le cœur t’en dis. Mieux vaut mettre toutes les chances de notre côté, et éviter les risques inhérents à de telles pratiques. Tu sais mieux que moi le temps qu’une novice se doit de passer le nez dans des grimoires ! »

Trouver une trace de telles pratiques ne serait sans doute pas une chose aisée. Saerelys ne pouvait qu’avoir conscience de ce fait. La novice se souvenait cependant de quelques menus travaux allant en ce sens, alors qu’elle était amenée à travailler avec l’un de ses amis issu d’une famille valyrienne du Nord. Les Mages de différents statuts de sang ne se mêlaient guère, à moins que cela ne soit pas la force des choses. Certains Mages de Sangs Purs ressentaient par ailleurs la plus profonde des exécrations lorsqu’une situation les forçaient à officier en compagnie d’un comparse qui n’aurait pas une lignée des plus claires. Tant de fiel dans un monde qui devrait pourtant être régi par l’intelligence, le savoir et la sagesse. Un fait pour le moins regrettable. L’harmonie au sein du Collège dépendait de l’entente entre ses membres, ses différentes composantes. N’étaient-ils pas suffisamment isolés ? Pourquoi fallait-il qu’ils s’opposent alors que l’extérieur même les considéraient avec parfois davantage de crainte que de respect ?

« Cela serait avec plaisir ! Saerelys laissa échapper un rire, joignant ses mains par la même occasion. Cela fait des années que je n’ai point brodé la moindre chose, je ne puis te le cacher. Je n’ai point la souvenance de mon niveau à cette époque, par ailleurs. Si mon esprit peut-être vif, il m’arrivait également de le laisser languir et je crains que cette activité ait pu être l’une des ces situations. »

Durant son enfance, sa passion pour les savoirs et l’apprentissage avaient aisément été remarquée par ses précepteurs. L’un des signes avant-coureurs de son réel destin, comme la jeune femme l’avait appris par la suite. Saerelys avait cependant montré davantage d’aplomb dans les savoirs théoriques, que dans d’autres activités. Les bases de l’art du tissage lui avaient été enseignées, de même que ceux du dessin. Aelys s’était montrée bien plus douée qu’elle, à ce sujet. Ses doigts étaient agiles, courant dans l’argile aussi bien que dans les pigments. Sa curiosité était cependant restée intacte, qu’importe l’imprécision que portaient certains de ses gestes. L’idée de travailler de concert avec une autre personne, plus encore, avec une amie, ne pouvait qu’éveiller son intérêt !

« Oh… Tu… Tu en es sûre ? Nous pourrions juste essayer, sans pousser trop loin le procédé. Un mouchoir ou un ruban. Cela ne représenterait pas grand-chose. Quelques gouttes de sang, tout au plus. »

Un coût sanguin qui serait d’autant plus moindre qu’elles seraient deux dans le processus. Il leur faudrait juste résister à la tentation d’avancer davantage en cas d’échec. Ou de réussite. Saerelys serait capable de laisser les choses là. De les protéger de la convoitise d’autrui si elles se révélaient plus intéressantes que ce que les présages pouvaient laisser imaginer. Une expérience parmi tant d’autres, en somme. Une activité pour ne point laisser leurs esprits s’embéguiner. Une activité d’autant plus étonnante pour la descendante de Riahenys, qui avait toujours éprouvé une certaine méfiance, bien que s’étant faite de plus en plus discrète au fil des années, au sujet de la Lecture des Flammes. La faute à ce Dragon qui lui avait été ôté à cause d’une erreur évitable à ce sujet, sans doute.

« … Un accident ? » répéta alors Saerelys, sortant de ses pensées.

Herya lui semblait avoir blêmi en quelques instants à peine. Un accident ? De quoi pouvait-il bien s’agir ? L’autre jeune femme semblait pourtant en rire, auparavant. Était-ce l’une de ses bourdes, comme tous les Mages pouvaient en faire au cours de leur existence ? Une simple erreur de dosage dans une potion qui aurait eu une finalité risible ? Une étoffe qui n’aurait pas eu le résultat escompté ? Une erreur qu’Herya ne voulait pas voir s’ébruiter, également. Son entrée au Collège avait été jugée comme une erreur, un trouble par bien des Mages. De cela, Saerelys ne pouvait qu’avoir conscience. Bien des Mages ne devaient que rêver d’une chose, savoir leur comparse si atypique loin de leurs propres terrains d’études…

« … Une erreur, plus tôt ? N’est-ce pas cela que tu voulais dire ? reprit finalement la jeune femme, esquissant un sourire. Qu’as-tu pu faire pour m’afficher une aussi morne mine, Herya ? Crains-tu que d’autres Mages pourraient profiter de tes déboires ? Si tel est le cas, je tairai ce que tu viens de dire. Saerelys porta l’une de ses mains au niveau de sa bouche, mimant le fait de la fermer à clef. Au moins, tu ne t’aies point transformée en souris sans le désirer. »

Une dernière phrase prononcée sur le ton de la banalité, de l’amusement. Une autre vérité devait exister, pourtant. Sans doute Saerelys préféra l’occulter, ne point y songer. Herya lui semblait être en pleine forme, qui plus est. Cette erreur ne devait pas être si impressionnante. Plus dérangeante pour sa propre estime de soi qu’au niveau physique. La Mage s’en remettrait aisément, si ce n’était pas déjà le cas. La novice nourrissait comme une certitude, à ce sujet.




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Herya Valgaris
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L'ombre d'un instant, elle cru tourner de l'oeil. Elle venait de faire une terrible erreur. La pire de toutes. "Herya, tu es une imprudente doublée d'une ignare.". Il avait raison. La mage devait reprendre ses esprits avant d'aggraver son cas. Elle parut chercher ses mots pendant quelques secondes, essayant tant bien que mal de ne pas montrer sa panique. Herya attrapa les mains de Saerelys et déglutit.

"Ce que je veux dire, c'est qu'il arrive que l'on fasse des erreurs, certaines plus importantes que d'autres. Ce que je souhaite t'apprendre, c'est que la faute n'est pas une fin en soi. Elle te fera grandir, évoluer, elle t'instruira également. Pour ma part, il m'est arrivé de faire une erreur, c'est tout à fait normal. Peu importe ce que diront nos confrères et consoeurs, continue d'avancer et d'expérimenter. Je t'en conjure, ne te fais pas de soucis pour moi, il n'y a rien de grave. Il s'agissait d'une erreur d'interprétation. Cela arrive. La divination est complexe car elle repose sur des signes qui peuvent parfois être très vagues. Les dieux ne nous aide pas toujours et c'est bien normal. " - elle se força à sourire.

Rien de grave ? C'était pourtant tout l'inverse qui s'était produit. La mage ne se souvenait ni des circonstances de son incident, ni face à qui, pourquoi, et encore moins quand. Intérieurement, son esprit avait grillé. Le trop plein de magie lui avait fait perdre la tête. Heureusement pour elle, elle était encore en vie. Mais au final, quelle finalité aurait été la meilleure entre les deux ? La folie ou la mort ? Herya ne pouvait s'empêcher d'y penser, remuant sans cesse sa raison.

"Par ailleurs, ne parlons pas de cette erreur en dehors de notre petit cercle. Je ne voudrais pas que le reste des mages ne se délectent de mon incompétence." - ajouta-t-elle sur le ton de la rigolade. "Je te remercie de la bienveillance que tu portes à mon égard, je t'en suis redevable."

Saerelys était une véritable alliée, et du jour où elle entrerait au 4eme cercle, elle pourrait faire preuve de ses capacités aux yeux de tous. Herya, quant à elle, avait pris la décision de ne jamais la quitter du regard. La jeune femme pris néanmoins conscience du temps qui filait. Elle s'était arrêtée dans ses travaux afin de retrouver Saerelys et pour continuer son enseignement au Collège et il était temps de continuer son chemin.

"Je suis navrée, mais le temps ne s'arrête pas et j'ai bien peur de devoir te quitter pour retourner à mes travaux et espérer pouvoir rejoindre le Cinquième cercle. "

Herya se leva de sa chaise et récupéra l'ensemble de ses affaires. Elle aurait voulu rester plus longtemps, profiter d'une présence bienveillante des plus rafraîchissantes également, mais son ascension, elle, ne se ferait pas dans cette petite pièce en compagnie de son amie.

"Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais où me trouver, n'est-ce pas ? "

Alors qu'elle s'apprêtait à quitter la pièce, elle se pencha vers sa camarade et discrètement souffla à son oreille :

"Nous essayerons d'expérimenter le tissage avec ton sang. Mais nous ferons ça à mon atelier, loin du regard de nos confrères. Je ne souhaite pas te placer dans une position délicate."

Et surtout, si un accident devait avoir lieu, la jeune femme préférait encore être à l'abri des regards. "Ne retiens-tu donc jamais les leçons que t'enseignent tes bêtises ?". Elle eu envie de rire. Désormais, elle n'avait plus rien à perdre. Du jour où la voix était apparue, la mage avait entamé une longue descente dans les bas-fonds des enfers.

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Collège des Mages & An 1066, mois 4.

Si Saerelys avait volontiers laissé entrevoir son amusement quelques instants auparavant, la réaction d’Herya la laissa veule, saisie. Cependant, la jeune femme ne dégagea pas ses mains de l’emprise de sa consœur, à la fois à cause de la surprise qui l’avait animée quelques instants auparavant, qu’à cause l’oreille attentive qu’elle lui prêtait. Si, jusqu’à présent, la novice ne se faisait que peu de souci pour sa camarade, bien que son comportement précédent n’avait pu que l’intriguer, les choses étaient désormais bien différentes. Il lui semblait voir une toute autre Herya, rendue pressante par des faits que la Riahenor ne parvenait pas à saisir, à percevoir. La jeune femme percevait comme un léger orage dans l’air. Et pourtant, la novice resta silencieuse, laissant son amie achever sa tirade, ne sachant tout d’abord quelle réponse y apporter.


Aussi, la novice garda le silence, dans un premier temps. Il lui semblait être désormais affidée à un quelconque complot, à un quelconque secret. Un fait qui la poussait à une certaine appréhension. Quelle pouvait être cette erreur, qu’Herya semblait vouloir à tous prix dissimuler ? Une erreur d’interprétation dans les flammes ? Ne pouvait-il s’agir que de cela ? Saerelys était bien placée pour savoir que de telles erreurs pouvaient se produire, ayant été la malheureuse victime de l’une d’entre elles. Une quelconque famille pourrait-elle avoir des griefs contre la Mage qui se trouvait devant elle ? Bien trop de questions tournaient dans son esprit, le rendant bourdonnant. Bien trop de questions et si peu de réponses, en comparaison. Et pourtant, la jeune femme finit par acquiescer, se promettant déjà en son for intérieur que si la parole d’Herya était d’argent, son propre silence serait d’or.


« Je tâcherai de ne point agir de la sorte, en ce cas. murmura finalement Saerelys, bien que son propre instinct luttait pour lui faire prononcer des paroles bien différentes. N’oublie pas de prendre du repos, ma chère Herya. Quant à tes erreurs, qu’importe leur nature, je prie pour qu’elles ne soient pas devenues un trop lourd fardeau pour toi. Un fin sourire étira les lèvres de la jeune femme. La prochaine fois, cela sera à mon tour de te confier de pareils déboires, je le pense. Alors, tu verras que tes conseils auront été appliqués plus que tu ne pouvais l’imaginer jusqu’alors. »


Lorsque son amie mentionna le fait que d’autres Mages auraient pu ressentir une certaine joie en la sachant en difficultés, Saerelys hocha à nouveau la tête. Elle ne connaissait que trop bien cet écueil et se devait elle-même de manœuvrer avec une grande prudence pour l’éviter. Ces duègnes ne cesseraient donc jamais leur surveillance et leurs médisances... Aussi, la novice fit mine de chasser les paroles d’Herya d’un simple geste de la main, preuve qu’elle n’y prêtait pas la moindre attention, qu’il s’agissait-là d’un secret qu’elle garderait bien volontiers. N’agissait-elle pas de pareille sorte avec Kaerys et d’autres personnes encore ?


« Que les Dieux nous en soient témoins, aucune des paroles qui furent prononcés en ces lieux ne s’ébruiteront. Ces serpents cesseront bien un jour de siffler sur ton passage, Herya. Ils ne jugent que ce qu’ils voient, point la réalité des choses dans son essence. »


Une vision des choses que la Riahenor ne partageait point. Leur Magister était la preuve même que, si la qualité du sang importait pour bien des choses, elle n’était rien sans de la chance, du talent et un dur labeur. Des qualités qu’Herya semblait avoir, bien que seuls les Dieux pouvaient disposer de la bonne Fortune comme ils le désiraient. Aussi, la novice esquissa un sourire, alors que la Mage manifestait à nouveau son envie de passer au Cercle suivant. Un désir qu’elle nourrissait également, qu’elle ne comprenait que davantage encore.

« Je n’en prendrai nul ombrage ! argua la jeune femme, laissant échapper un léger rire. Il  n’y a guère de quête plus noble que celle-ci, pour ce qui nous concerne. File donc, les Dieux nous permettront de nous recroiser bien assez tôt ! »


Il n’avait fallu que quelques instants à Herya pour rassembler affaires et effets. Il lui avait semblé que cette rencontre n’avait duré que bien peu de temps. Et pourtant, la journée était déjà bien avancée, plus proche de son terme, que de son commencement à l’aiguail. La novice elle-même se devait de retourner à ses occupations, bien qu’elle eut déjà assisté à tous les enseignements qui requerraient sa présence pour ma journée. Il lui fallait également rejoindre le Mage qu’elle accompagnait si souvent, afin de se rendre au chevet de quelques malades. Rencontrer cette personne qui devait lui donner un avis sur ses propres découvertes. Et que dire de ses autres occupations ? Ses libations ne se feraient pas seules, de même que les autres recherches inhérentes au rang qu’elle occupait !


« Ton inquiétude t’honore, Herya. répondit la jeune femme, sur un ton égal à celui que sa comparse employait. Il en sera fait selon tes volontés. Personne ne saura que je serais venue à ta rencontre pour une telle tâche. »


Suivant Herya du regard alors qu’elle quittait la pièce, Saerelys ne tarda pas à rassembler ses propres effets également. Mieux valait que le moins de personnes soient au courant de cette rencontre. Aussi préférait-elle quitter la salle plus tardivement, prenant même la précaution de rabattre sa cucule sur sa chevelure alors qu’elle se glissait dans les couloirs. Un capuchon qu’elle n’ôta qu’en entendant les premiers bruits de pas et de conversation qui parvinrent jusqu’à ses oreilles. Jetant un regard dans par la fenêtre la plus proche, quelque peu éblouie par la couleur cérulée que la toison céleste arborait alors, la novice crut apercevoir la silhouette d’Herya, qui quittait désormais la cour. Alors, la Riahenor emprunta son propre chemin. Elle avait encore fort à faire.




( Gif de tinyriles. )
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