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Les âmes que les Dieux lient, nul Mortel ne peut les séparer.Adhara Nahram et Saerelys Riahenor.

Orphelinat tenu par les Riahenor & An 1066, mois 4.

Tout en fredonnant, Saerelys déposa une noisette d’onguent sur le bras lésé de son patient. Il s’agissait-là d’une blessure qu’elle voyait souvent. Une plaie due à un outil, peu profonde fort heureusement, mais qui restait douloureuse et quelque peu handicapante. Et qui ne pouvait qu’inquiéter le blessé. Relevant légèrement la tête, la jeune femme offrit un sourire compatissant à l’homme qui se trouvait assit devant elle. Ses prunelles mauves croisèrent les siennes, verdâtres. Aucun mot ne fut prononcé, dans un premier temps. Saerelys, quant à elle, continuait de fredonner. Elle fredonnait l’un de ces airs connus de tous, l’un de ces airs profanes qu’elle avait entendu au Collège à force d’y côtoyer toutes sortes de personnes, venues de tous horizons.

« … Tu es une brave âme. avoua finalement la jeune femme, conservant son sourire. Ne t’en fais pas, tu pourras reprendre le travail très bientôt. Cet onguent n’est là que pour éviter à ta plaie de s’infecter, le temps que ton corps se guérisse de lui-même. Travailler ne seras pas un souci, à la condition que tu te ménages quelques jours. La jeune femme se tut quelques instants. Et si, bien que je le doute, cela ne s’arrange pas, je t’invite à te rendre jusqu’au Collège et à me faire demander. Je pourrais t’ausculter à nouveau. »

Plongeant ses mains dans le petit récipient posé sur un meuble non loin d’elle, Saerelys les laissa tremper quelques instants, afin d’en ôter les restants d’onguent. Les séchant par la suite, la jeune femme essuya finalement ses mains à l’aide d’un morceau d’étoffe sombre. Attrapant une bande de lin, la novice pansa délicatement le bras blessé, après l’avoir recouvert d’un tissu propre, imbibé lui aussi d’onguent. Ceci fait, la jeune femme vérifia que tout était en ordre avant de se redresser, visiblement satisfaite du résultat. Invitant son patient à faire de même, Saerelys le vit fouiller dans la sacoche qu’il avait emmené avec lui. Posant délicatement sa main sur son épaule, la novice lui offrit un sourire, le raccompagnant jusqu’à l’entrée de la pièce.

« Garde tes Vermax pour ta famille. Je ne suis point à plaindre. Va la rejoindre, je suis sûre qu’elle t’attend avec impatience. »

L’homme acquiesça, se faufilant à l’extérieur. Ne pas poser de questions, à moins qu’elles ne soient nécessaires pour soigner un mal. Tel était sa devise en ces lieux. Les nécessiteux n’avaient point besoin de ses interrogations, de ces questions qui pourraient leur sembler embarrassantes. Si la jeune femme agissait ainsi, ses dons seraient pour le moins inutiles, personne n’osant venir jusqu’à elle. Alors, la jeune femme préférait se montrer attentive à leurs besoins directs, aux confidences que ses patients et ses patientes acceptaient de lui faire par moments. C’était là tout. Et deux fois par mois, hommes et femmes venaient jusqu’ici, dans cet orphelinat que sa famille gérait depuis plusieurs générations déjà. Pour des raisons de discrétion, Saerelys s’était installée dans une cour adjacente, installant l’équivalent de son cabinet dans une petite pièce. Il y avait là cependant tout ce don elle pouvait avoir besoin, des fioles aux onguents, en passant par des bandages et d’autres instruments en tout genre.

« Cousin, fais donc entrer mon prochain patient ! A moins qu’il ne s’agisse d’une patiente ? »

En prononçant ces quelques mots, Saerelys avait passé sa tête dans l’entrebâillement de la porte. Sa présence ici était régie par quelques conditions, cela allait de soi. Elle restait fille de Dynaste et sa protection était donc assurée par l’un des membres de sa parentèle. Aedar étant occupé auprès de Père la plupart du temps, ce rôle revenait à l’un de ses cousins, quand ils n’étaient pas plusieurs. C’était à lui que revenait la charge de filtrer les entrées, bien que Saerelys n’appréciait que peu ce dernier principe, bien qu’il soit compréhensible. Une tâche à laquelle il semblait vouloir se prêter à cet instant, au vu de la mine qu’il affichait.

Alors, Saerelys tourna la tête en direction de l’entrée de la cour. Une silhouette familière se trouvait là, légèrement courbée. Une odeur métallique l’accompagnait. Mais ce ne fut pas cela qui marqua le plus la novice. De tout cela, elle avait l’habitude. N’avait-elle pas ranimé un cœur inerte de ses propres mains lors de l’un de ses examens ? Non, ce n’était pas cela. Cette silhouette. Ce regard. Ces armes. Saerelys les connaissaient déjà. A la lueur du jour, tout était différent, bien sûr. Alors, la jeune femme cligna des yeux, comme pour s’assurer que ses prunelles ne lui mentaient pas. Mais les faits étaient là. Tout cela était bien réel. Ainsi, les Dieux avaient décidé qu’elles devraient se recroiser. Une fois de plus. Dans de toutes autres circonstances. Comme pour lui permettre de payer sa dette.

« Cousin, laisse-la donc venir jusqu’à moi. lui murmura la jeune femme, posant sa main sur son bras. Regarde l’état dans lequel elle est. Nous ne pouvons pas ne pas lui porter secours.
- Es-tu sûre ? s’enquit l’autre Riahenor, visiblement d’un tout autre avis.
- Fais-moi confiance. Nous nous sommes déjà rencontrées. Elle ne me fera pas de mal. Au contraire. »

Non, cette femme ne lui ferait pas le moindre mal. Au-delà de son état, qui ferait du mal à une personne dont elle avait sauvé la vie ? Car c’était de cela qu’il était question à cet instant. Tout cela remontait aux festivités du Triomphe. L’un de ces ivrognes avait essayé de s’en prendre à elle, alors que ses pensées les plus sombres l’empêchaient de se défendre comme il se devait. Un ivrogne, un monstre dans ses pensées. Un monstre qu’une ombre avait fait fuir, disparaissant à sa suite. Une ombre, une silhouette de femme. Elles n’avaient échangé qu’un regard. Un seul et unique regard.

Un regard que Saerelys n’avait pas pu oublier. Qu’elle n’oublierait jamais.

Bien que semblant peu convaincu, le jeune homme finit par hocher la tête. Alors, Saerelys s’avança vers la nouvelle venue. S’assurant de ne point la faire souffrir, la jeune femme lui saisit délicatement le bras, la soutenant jusqu’à son cabinet improvisé. Fermant la porte à l’aide d’un de ses pieds, avec comme un air d’habitude en cela, la novice escorta celle qui fut sa sauveuse jusqu’au siège le plus proche. En quelques instants, la novice l’aida à s’y installer, prenant le soin de ne pas raviver de blessures et des douleurs inutilement. Ceci fait, Saerelys se rapprocha du meuble le plus proche, y rassemblant quelques fioles. Alors qu’elle avait le dos tourné, la jeune femme demanda, doucement :

« De quels maux souhaites-tu que je te soulage ? Parle sans crainte. Tout ce que tu diras ici restera entre nous. Les Dieux m’en seront témoins. »

Peut-être lui apprendrait-elle son identité ? L’avait-elle reconnue ? Saerelys se plaisait à croire que si cette femme s’était rendue jusqu’ici, c’est parce qu’elle avait appris qu’elle officiait en ces lieux. Comme il lui était douloureux de ne point pouvoir la remercier. Et si… Et si elle s’était trompée ? La novice ne pouvait pas le croire. Comment pourrait-elle se tromper ? Tout coïncidait. Ce regard, cette aura, ces armes. Non, le doute n’était pas permit. Alors, la jeune femme se retourna, tenant un plateau entre ses mains. Déposant ce qu’elle portait sur un petit meuble, Saerelys s’installa finalement sur un tabouret. Alors, son regard croisa à nouveau celui de cette inconnue à qui elle devait tant de choses. Non, il n’y avait pas de doute possible. Aucun.

C’était bien elle.



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Les âmes que les Dieux lient, nul Mortel ne peut les séparer.Adhara Nahram & Saerelys Riahenor.

Orphelinat des Riahenor - Quatrième mois de l'An 1066

Debout, devant le trumeau, Adhara observait d’un œil inquiet l’état déplorable de son flanc gauche, dont une vilaine plaie, longue d’une bonne paume, zébrait sa chair de la plus douloureuse des manières. Violacée et profonde, la blessure longeait l’omoplate pour achever sa course tout près des côtes contusionnées de la jeune femme qui, quoique embarrassée par les tourments que lui infligeait la balafre, s’était attachée, bon gré mal gré, à soigner de son mieux cette dernière… En vain. « C’est pas bon… » Nahram soupira. Combien de temps, encore, avant que la plaie ne s’infecte ? À en juger par la couleur des humeurs qui perlaient de sa chair, et d’après le sursis qu’elle avait observé chez certains des mutilés des mines de Ghazdaq, l’affaire ne durerait qu’une poignée de jours, tout au plus. « J’ai besoin d’aide. » Lâchant sans grand regret la contemplation de sa plaie, Adhara s’affaira à arranger l’apodesme qui lui recouvrait la poitrine - non sans un lot de grognements. Il lui fallait un guérisseur, et vite.

Le soleil commençait son lent déclin au-dessus des hautes tours de Valyria lorsque, au terme d’une longue heure de laborieuses préparations, la fille de la Rhoyne se décida enfin à quitter la chambre de l’auberge qu’elle occupait depuis plusieurs semaines maintenant. Un contrat pour la guilde des orfèvres (et les recommandations de sa maîtresse) l’avait poussé à traîner sa carcasse jusqu’au cœur de la capitale Valyrienne, où la République se préparait alors à accueillir ses Héros. Et quel accueil cela avait été ! Des jours durant, la ville toute entière avait vibré au rythme des célébrations du Triomphe. Chansons, vinasses, banquets, orgies… Le peuple avait célébré la victoire de sa nation, et avec elle la fin d’une guerre aussi éprouvante que notoirement sanglante. Et quoique Adhara avait d’abord jugé cette débauche Valyrienne d’un œil perplexe (son sang n’était pas celui du Dragon), elle aussi s’était laissée aller à quelque réjouissance. Le vin Valyrien, après tout, était bon, et leurs femmes davantage encore...

Une heure s’écoula encore, avant que Nahram, sous les indications d’un pauvre bougre à qui elle avait demandé conseil au cours de ses déambulations, n’atteigne finalement l’adresse qu’on lui avait recommandée. « L’orphelinat du Quadrant Nord. » Aussi fripé que puant, le vieillard avait craché ses instructions avec une assurance déconcertante. « C’est les Riahenor qui l’tienne. Et pas trop mal, à ce qu’on en dit. Y’a toujours du monde, là-bas. » Ça, pour du monde… La cour fourmillait de citoyens - modestes, pour l’essentiel -, aux allures souffreteuses. Les ganaches creusées et les bandages improvisés lui confirmèrent qu’elle était au bon endroit. « Il y en a pour des heures… » Un instant, la jeune femme songea à renoncer, à rebrousser chemin et regagner le confort (relatif) de sa chambre, loin de l’agitation de l’orphelinat et de ses cohortes d’âmes en peine. Mais la douleur qui lui tiraillait le flanc - couplée à la perspective d’une infection - eut finalement raison de son impatience. Alors, Adhara se fraya un chemin à travers la foule et, l’humeur en berne, trouva un coin de mur contre lequel patienter.

Les minutes s’égrainèrent. Lentement. Très lentement. Sous sa tunique de lin, Nahram sentit sa plaie commencer à se rouvrir et souiller le tissu. « Peste ! » D’une main ferme, l’épée-louée s’arrangea pour appuyer sur la blessure, tandis qu’au loin, la porte de ce qu’elle supposait être le cabinet du guérisseur dévoila dans son entrebâillement la trogne (soulagée ?) d’un quidam. Celui-ci parcourut la cour à la hâte, cédant sa place à un autre homme, d’apparence plus soignée et digne que le précédent. Une femme l’accompagnait. Adhara ne leur porta guère attention, toute occupée qu’elle était à s’échiner pour ne pas se vider de son sang. « J’aurais dû savoir que c’était une mauvaise idée. Je peux me débrouiller toute se... » Mais déjà s’approchait d’elle la femme et son suivant qui, avec une douceur qu’elle ne soupçonna pas, l’invitèrent à les suivre. Adhara les regarda, interdite. Ce n’était pourtant pas son tour… La douleur qui lui vrillait l’abdomen la convainquit toutefois de n’en rien dire et c’est avec difficulté - mais soulagement ! - que Nahram se laissa conduire à l’intérieur de l’établissement.

Quoique plus étroit que ce que la façade de la dépendance laissait imaginer, le cabinet dans lequel on la conduisit avait pourtant les allures d’un véritable havre de la guérison. Fioles, onguents, cataplasmes, instruments divers… Elle avait frappé à la bonne porte. Un instant, la Rhoynare s’abîma dans la contemplation du petit atelier, analysant cette antre dans laquelle elle venait - non sans difficulté - de pénétrer. La voix douce de l’inconnue qui l’y avait escortée finit toutefois par la tirer de son examen.

« De quels maux souhaites-tu que je te soulage ? Parle sans crainte. Tout ce que tu diras ici restera entre nous. Les Dieux m’en seront témoins. »

C’est en portant son regard sur le visage de son interlocutrice qu’Adhara réalisa qu’elle avait jusqu’à présent complètement occulté la présence de cette dernière. La mine noble de la jeune femme invitait pourtant à l’exact inverse : des cheveux d’argent, un visage bien fait, des yeux lilas… L’inconnue incarnait à elle seule tout l’exotisme et la fierté du peuple Valyrien. Peut-être même était-elle l’une des Riahenor dont le vieux lui avait parlé ? (sa physionomie, tout du moins, allait dans ce sens) Sans piper mot, Nahram se redressa légèrement sur le siège où la femme l’avait aidée à s’installer et, avec précaution, retira sa main de son flanc gauche. Du sang maculait ses doigts.

« J’ai une plaie, ici. » Sa voix, grave, résonna dans le petit cabinet. Les accents de la Rhoyne transpiraient dans chacun de ses mots. « J’ai essayé de m’en occuper, mais ça n’a pas marché. Elle ne se referme pas. »

Comme pour s’assurer de son attention, Adhara releva son regard en direction de la guérisseuse. Ses yeux croisèrent les siens, et quelque chose, au fond d’elle, s’anima. Une sensation de déjà vu. Ces prunelles… Elles les avaient déjà observées. « La fille du Triomphe... » Oh, bien sûr, elle avait eu son lot de maîtresses lors des festivités, mais il était une femme, rencontrée au hasard d’une ruelle, dont elle se souvenait particulièrement. Elles n’avaient partagé qu’un instant. Un regard. Ce regard.

« Je te connais. »

Oui.
C'était bien elle.

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Les âmes que les Dieux lient, nul Mortel ne peut les séparer.Adhara Nahram et Saerelys Riahenor.

Orphelinat tenu par les Riahenor & An 1066, mois 4.

Que Tessarion prenne en pitié cette femme. Telles furent les premières pensées de Saerelys, alors que son regard se posait sur sa patiente. Sa chair y avait pris une teinte violacée, tuméfiée, suintante d’une glaire pour le moins inquiétante au niveau de la blessure en elle-même. Seule une lame pouvait être l’instigatrice d’un tel mal. L’espace de quelques instants, la jeune femme se fit la réflexion que cela ressemblait trait pour trait à une blessure qu’il aurait été possible d’observer à l’issue d’une bataille, alors que les soins avaient tardé à être prodigués. La novice remarqua cependant que le sang avait comme été épongé plusieurs fois, en témoigne de discrètes marques rougeâtres ici et là, des plus atténuées au milieu de d’autres filets de sang, plus récents. La plaie en elle-même avait sans doute été nettoyée également, bien que cela n’avait guère suffit. Il fallait si peu de choses pour que des chairs ne s’infectent et bien des malheureux finissaient par y succomber, hélas.

« Et tu as fait de ton mieux. commenta Saerelys, se saisissant d’un tissu propre, uniquement imbibé d’eau. Laisse-moi nettoyer cela, afin que je puisse avoir une vision plus claire du problème que tu me présentes. »

Délicatement, la jeune femme tapota la chair tuméfiée, prenant le soin de ne pas appuyer son geste plus que nécessaire. Ôtant ainsi le sang vif qui s’échappait de la blessure, Saerelys grimaça intérieurement. Ce cas était plus grave que ce qu’elle avait pu imaginer jusque-là. Si l’odeur de plantes passées lui indiquait que des soins avaient été prodigués avant ceux qu’elle comptait offrir à la femme, fort était de constater qu’ils n’avaient été en rien suffisants. Sans doute n’auraient-ils suffit qu’à retarder une bien funeste échéance, si cette inconnue, qui ne l’était pas tant à ses yeux, n’était pas venue jusqu’à elle. Elle se devait d’agir, et vite.

« Je suppose que tu as utilisé quelques plantes afin d’apaiser tes maux. reprit finalement Saerelys, tout en essorant le tissu qu’elle tenait au-dessus de la bassine d’eau toute proche, dont le liquide s’était déjà coloré de rouge. C’était une bonne idée, et en d’autres circonstances, cela aurait sans doute fonctionné. La jeune femme se tut, replongeant le tissu dans une autre bassine, d’eau claire, avant de l’appliquer à nouveau sur la plaie. C’est une bien vilaine plaie que tu as là. Une lame en est à l’origine, je suppose. Même avec mes soins, il te faudra prendre un peu de repos, afin d’écarter tous les risques. Mais tu ne souffriras plus. »

La plaie était longue, il est vrai. Longue mais sa profondeur ne l’était pas tant. Les saignements étaient d’avantage dus à la proximité de l’entaille avec des veines d’importance. Sans doute la plaie avait-elle été bandée, afin d’enrayer l’écoulement. Cela expliquait également cette couleur sombre que la peau avait prise au niveau des côtes. Si la dangerosité de ces saignements était des plus réelles, Saerelys ne doutait pas de pouvoir l’enrayer. Elle s’était entraînée, améliorée, depuis le Deuxième Cercle. Si elle avait pu soigner une coupure sans mal, faire de même à présent ne devrait pas être inenvisageable. Qui plus est, la jeune femme doutait que de simples points de suture suffisent sur la longueur à refermer la zébrure qui parcourait la chair de sa patiente.

Alors que Saerelys appliquait le contenu d’une fiole sur un autre morceau de tissu, au préalable plongé dans l’eau, son attention se reporta immédiatement sur sa patiente alors qu’elle prononçait d’autres mots à son égard. La jeune femme releva la tête, ses prunelles mauves croisant celles, sombres, de l’autre femme. L’espace de quelques instants, la novice ne sut pas quoi dire. Quelques secondes s’écoulèrent ainsi, nulle n’osant prononcer le moindre mot. Ainsi, elles s’étaient mutuellement reconnues. Il n’y avait donc plus de doute à avoir. Secouant légèrement la tête, Saerelys ne tarda pas à s’affairer à nouveau au niveau de la plaie la désinfectant à l’aide du tissu qu’elle tenait en main.

« Et je te connais également. avoua Saerelys, relevant la tête de son ouvrage, ses lèvres se fendant d’un fin sourire. Et je te dois bien des choses, sans aucun doute. La jeune femme se tut quelques instants. Je vais devoir appuyer sur ta plaie, pour en faire sortir ce qui te cause du mal. Cela sera douloureux mais tu te sentiras tout de suite mieux par la suite.  »

La Magie pouvait guérir bien des choses, il est vrai. Néanmoins, il fallait toujours prendre un certain nombre de précautions avant de prononcer ces mots avec tant de pouvoir. Dans le cas présent, cela signifiait vider la plaie de son pus, de cette glaire qui pourrait empoisonner les autres chairs et le sang de sa patiente. Cicatriser la plaie ne serait plus qu’une simple question de minutes par la suite. Se saisissant d’une lanière de cuir qu’elle enroula sur elle-même, Saerelys la tendit ensuite à Adhara, l’intimant de la serrer sur la douleur se faisait trop forte. Appuyant plus fortement sur la plaie, Saerelys reprit, sur un ton doux, tentant de faire oublier ce douloureux moment à l’autre femme :

« Tu me connais, en effet. J’étais cette jeune femme perdue dans la nuit que tu as sauvé des griffes de cet ivrogne qui pensait que tout lui était acquis, dans ses délires. En cela, je ne peux que te remercier. Une chose que je n’ai pas pu faire la dernière fois, et qui n’a pu que me navrer. Je ne pouvais même pas essayer de te retrouver, ne connaissant même pas ton nom. »

Saerelys se tut quelques instants, épongeant la glaire qui s’était échappée de la plaie. Nettoyant le tissu, la jeune reprit ensuite sa tâche. Elle était en pleine crise, ce soir-là. Une soirée qui aurait pourtant du être des plus joyeuses. Sa cousine l’avait entraînée dans l’une de ces fêtes privées, comme il y en avait eu tant d’autres durant le Triomphe. Sans doute la novice aurait-elle du refuser l’invitation, sentant sa crise débuter. Mais les faits étaient là. Elle avait par la suite quitté la demeure de leur hôte, se perdant dans la nuit, en oubliant même d’invoquer cet orbe lumineux qu’elle savait pourtant faire apparaître depuis ses plus jeunes années au sein du Collège. Et il y avait eu cet homme. Aviné, sans doute avait-il pris ses désirs pour des réalités. Une triste réalité à laquelle Saerelys n’avait échappé que de justesse.

« Tu ne savais même pas qui j’étais, et tu n’as pas hésité un instant à venir me porter assistance, là où bien d’autres se seraient contentés de détourner le regard. Sans doute ne voudras-tu pas me dire ton nom. Nombreux sont ceux qui font ce choix en venant ici. Un choix que je respecte, au demeurant. Mais sache que tu as toute ma reconnaissance et que je remercie les Dieux de m’avoir permise de te retrouver. Hélas, les circonstances ne sont pas des meilleures, je le crains. »

C’était peu dire, bien que la plaie avait déjà meilleure mine, débarrassée de son pus et d’une partie du sang qui en coulait jusqu’alors. Restait encore cette couleur inquiétante que la peau de sa patience avant prise. Achevant le nettoyage de la plaie, Saerelys put l’observer d’un œil neuf. La peau resterait sans doute tuméfiée encore un moment. Mais cela, la jeune femme en faisait déjà son affaire avec un cataplasme prévu à cet effet. La Magie n’entrerait pas en ligne de compte à ce sujet.

« Mais tu y survivras. Je t’en fais la promesse. J’userai de tous les baumes et de toute la Magie nécessaire pour cela. »

Les guérisseurs se refusaient de prononcer de tels mots, en temps normal. Saerelys aurait agi de même, en d’autres circonstances. Comme les choses pouvaient rapidement dégénérer, quand il s’agissait de la santé d’un Être. Mais les choses pouvaient-elles être différentes à cet instant ? Avait-elle droit à l’erreur avec la personne qui lui avait sauvé la vie ? La réponse était des plus simples.

C'était impossible.



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Les âmes que les Dieux lient, nul Mortel ne peut les séparer.Adhara Nahram & Saerelys Riahenor.

Orphelinat des Riahenor - Quatrième mois de l'An 1066

Un grognement lui échappa, tandis que, sous la douce houlette de la guérisseuse, Adhara se redressa pour délier de ses hanches le baudrier de cuir qui pendait mollement à son côté. L’épée qui y était adroitement harnachée rejoignit la surface entretenue d’un établi voisin, à l’instar de sa tunique, que Nahram quitta sans pudeur aucune - mais avec quelque difficulté. La fraîcheur de la pièce, au contact de sa peau nue, lui arracha un frisson. Son corps, Adhara n’avait nulle crainte à l’exposer (si tant est que la chose en fut à son instigation propre, et non sous le joug d’une quelconque autorité). Elle était muscles, poitrine et chair. Et si les années passées à trimer dans les mines de Ghazdaq avaient, un temps, émoussées l’image qu’elle avait d’elle, Nahram avait, depuis, appris à composer avec cette carcasse qui était la sienne. La tendresse désintéressée de ses maîtresses l’y avait grandement aidé, de même que le sentiment de puissance qu’une lame, dans sa main, pouvait lui procurer. Seules les cicatrices dans son dos, stigmates éternels de la fureur de ses anciens maîtres, demeuraient sujet à ombrage. Elle les haïssait et ne les exposait qu’à regret.

« Et tu as fait de ton mieux. » D’un calme égal à la douceur de son tempérament, la guérisseuse invita Adhara à regagner sa place. Elle se saisit d’un linge, qu’elle imbiba d’eau. « Laisse-moi nettoyer cela, afin que je puisse avoir une vision plus claire du problème que tu me présentes. »

Adhara obtempéra sans broncher. Laissant son flanc à l’examen de la Valyrienne, la reître serra ses mâchoires lorsque le tissu rencontra la peau boursouflée de sa blessure. Sa ténacité l’invita pourtant à ne rien démontrer de son inconfort. Elle n’était pas venue ici pour se plaindre, mais pour être soignée. Et les soins, comme tant d’autres choses dans la vie, se dispensaient rarement sans souffrance.

« Je suppose que tu as utilisé quelques plantes afin d’apaiser tes maux. C’était une bonne idée, et en d’autres circonstances, cela aurait sans doute fonctionné. » La voix de la guérisseuse tira Nahram de ses pensées, que la douleur avait passablement assombries. Adhara acquiesça d’un vague hochement de tête. Oui, elle avait bien tenté de soigner cette balafre de son seul fait, allant jusqu’à concocter, sous les conseils d’une herboriste qu’elle avait mandé, des cataplasmes de plantes aux propriétés (disait-on) curatives. Sans succès... « C’est une bien vilaine plaie que tu as là. Une lame en est à l’origine, je suppose. Même avec mes soins, il te faudra prendre un peu de repos, afin d’écarter tous les risques. Mais tu ne souffriras plus. » Un rictus amer étira la ganache déjà crispée de la jeune femme. Du repos… Adhara tourna sa tête en direction de son interlocutrice, qu’elle trouva affairée au niveau de son omoplate. Un autre tissu avait rejoint ses mains fines, qu’elle dépêchait tout près, trop près, de ses indésirables cicatrices. Ses yeux croisèrent ceux de la guérisseuse.

« Et je te connais également. Et je te dois bien des choses, sans aucun doute. » Un sourire étira le visage de porcelaine de son interlocutrice. La finesse de ses traits heurta soudainement Adhara. « Elle est si jeune… » Pensa-t-elle, tandis que, déjà, la fillette lui dispensait de nouveaux conseils. « Je vais devoir appuyer sur ta plaie, pour en faire sortir ce qui te cause du mal. Cela sera douloureux mais tu te sentiras tout de suite mieux par la suite. » Nahram ne sourcilla pas. « Fais ce que tu as à faire. » Souffla la mercenaire de son air le plus digne. Elle saisit la lanière de cuir sans grande conviction. La douleur ne lui faisait pas peur. La douleur ne lui faisait pas…

Un cri lui échappa.

Adhara se mordit vivement la langue, alors que, de son flanc, s’échappait la glaire. La jeune femme planta ses ongles dans la bande de cuir, fort, si fort que les jointures de ses doigts virèrent bientôt au blanc. Un juron, prononcée dans la langue de la Rivière Mère, suivit de près le cri. Puis un deuxième. Et si la voix de la guérisseuse tira quelque peu Nahram du tourbillon de tourments dans lequel elle l’avait volontairement plongée, la Rhoynarde dût faire montre d’une grande concentration pour comprendre et assimiler le sens des mots qu’elle venait de prononcer. Oh, la petite la remerciait… Adhara grogna, incapable, pour l’heure, de formuler davantage. La douleur, qu’accroissait chacune des pressions exercée par sa tortionnaire, lui interdisait toute loquacité. Il lui fallut attendre plusieurs minutes, le temps que la guérisseuse ait achevé sa besogne, pour retrouver un semblant de contenance - et d’esprit.

« J’aime remettre... les hommes à leur... place. » Tenta-t-elle piteusement de plaisanter. Le souvenir de la nuit de leur rencontre lui revint lentement en mémoire. Il y avait eu les chants, la musique, les danses. L’odeur de l’encens, bien sûr, celle de l’alcool, de la sueur. Et puis, dans cette ruelle étroite, la silhouette avinée de l’homme et celle, minuscule, tressaillante, de la femme qui se tenait désormais près d’elle. Le sang de Nahram, à l’époque, n’avait fait qu’un tour : ses mains avaient empoignées les frusques de l’ivrogne et le tranchant de sa dague, contre sa gorge, avait finalement eu raison de ses accès lubriques. Et puis, sans un mot, elle était partie comme elle était arrivée : aussi discrètement qu’une ombre.  

« Adhara. » Ses yeux noirs s’accrochèrent une nouvelle fois à ceux, bien plus lumineux, de son interlocutrice. S’il ne lui était pas commun de révéler son identité à des inconnus, la chose lui parut pourtant naturelle avec elle. « C’est... mon nom. J’aimerais connaître le tien. » Articula-t-elle péniblement. Elle dût avoir l’air bien nigaude, avec sa voix éraillée et ses tempes humides, car déjà la jeune fille tentait de l’apaiser avec des formules pleines d’espoir. Nahram l’écouta discourir sans broncher, le flanc toujours à vif, jusqu’à ce qu’un mot, un unique mot parvint à ébranler l’ébauche de confiance qu’elle était en train de nourrir à l’égard de la Valyrienne.

Magie ?

Elle fronça ses sourcils. Le vieux, constata-t-elle amèrement, s’était bien gardé de lui préciser pareil détail. C’est qu’Adhara se méfiait de la magie autant que des lames et des sourires - si ce n’était davantage encore. La faute à ses arcanes sibyllines, insaisissables, auxquelles la brune n’entendait rien. Un homme armé d’une lame n’avait pas de secret : ses mouvements pouvaient être anticipés, et ses intentions aisément démasquées. Celles d’un mage, en revanche…

« Oh. Je ne savais que tu... » Commença-t-elle en se tournant légèrement en direction de la mage. Elle ne termina toutefois pas sa phrase : son flanc ne le lui permit pas. Alors, elle grogna, serrant les dents à s’en fissurer les mâchoires.

Magie ou non, il fallait que ce calvaire s’arrête.


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Les âmes que les Dieux lient, nul Mortel ne peut les séparer.Adhara Nahram et Saerelys Riahenor.

Orphelinat tenu par les Riahenor & An 1066, mois 4.

Cette femme n’avait pas eu une vie facile. Elle avait ce corps marqué, renforcé ici et là, comme la novice avait déjà pu le voir chez certains ouvriers harassés. Cette blessure n’était pas sa première et ne serait sans doute pas sa dernière. Sa patiente semblait être de ces personnes qui avaient trimé toute leur vie durant, poussant leur corps jusque dans ses retranchements les plus lointains. L’inconnue en avait vu d’autres, les faits étaient là. Bien qu’affaiblit, son corps ne semblait pas avoir dit son dernier mot, comme la novice aurait pu s’y attendre au vu de la blessure en elle-même. On ne forgerait pas un glaive avec une chandelle. Il en allait de même pour le corps et l’esprit d’un Être.

Sous ses doigts et le tissu, les muscles de sa patiente se tendait. De douleur, sans aucun doute. Saerelys y vit cependant là un bon signe. Les muscles réagissaient. Les dégâts n’étaient donc pas aussi étendus qu’il aurait été permis de le penser. Ses tympans vrillèrent au cri de sa patiente. Mais la novice resta stoïque. Si son jeune âge ne lui avait pas permis d’accompagner les quelques Mages dépêchés par le Conseil sur le champ de bataille, elle en avait entendu d’autres. Bien d’autres. Mais elle ne pouvait pas se permettre de se détourner de sa tâche. Alors, il fallait songer à autre chose, tout en restant attentive à sa tâche. Songer à quelques paroles de chanson, à une prière muette, prononcer des mots réconfortants. Car il n’y avait rien de plus difficile à contrôler qu’un Être blessé, un Être apeuré. Un Être qui ne comprenait pas ce qui pouvait bien lui arriver.  

D’autres cris suivirent. Et Saerelys poursuivait inlassablement sa tâche. Il le fallait. Purger le mal du tréfonds des chairs de la femme qu’il avait pris pour victime. Le purger afin qu’il  n’en reste plus la moindre trace, la moindre goutte. Alors, il serait possible de parler de guérison et de rétablissement. Ces mots prononcés par sa patiente, la jeune femme ne les comprenaient cependant point. L’étude des langues étrangères avait bien sûr fait partie de son cursus, au demeurant. Il ne s’agissait cependant pas d’un lexique qu’elle maîtrisait, sans doute bien plus familier que celui dont elle avait l’habitude d’user. Des jurons que la novice aurait sans doute bien mieux compris dans sa langue natale.

« J’aurai aimé avoir ta force, ce soir-là. » avoua simplement Saerelys, un fin sourire aux lèvres.

Si seulement elle avait eu les idées claires, ce soir-là. Si seulement. Sa Magie aurait suffit à effrayer cet ivrogne. Il n’aurait suffit que d’une étincelle et le tour aurait été joué. Personne n’aurait été blessé. Hélas, les Dieux en avaient décidé autrement. Tout comme cette ancêtre dont elle avait hérité du nom, elle n’avait pas réussi à faire face à ses démons, cette nuit. Des démons qui s’étaient au final révélés plus réels qu’elle n’aurait pu l’imaginer jusque-là. Lorsque sa tête était prise, même les plus élémentaires des prudences ne semblaient plus lui venir à l’esprit…

« Enchantée de faire ta connaissance, Adhara. reprit la jeune femme, qui ne s’attendait pas à un tel aveu. Il va sans dire que tu mérites de connaître mon identité. La novice marqua une pause, prenant un autre tissu, le trempant dans l’eau, avant de relever la tête. Je suis Saerelys Riahenor, fille aînée du Sénateur Maegon Riahenor et de sa sœur-épouse Vaelya. Tu es ici chez moi, dans mon humble tanière. »

A l’aide du nouveau morceau de tissu, Saerelys épongea délicatement les tempes d’Adhara. Il lui semblait que son front était quelque peu fiévreux. La faute à cette vilaine blessure, sans doute. En certaines circonstances, les Valyriens n’étaient pas les seuls à avoir du feu dans les veines. Le corps se défendait ainsi, cherchant à réduire en cendres le mal qui le rongeait. La fièvre découlait de ce réchauffement des chairs. La novice ne doutait pas qu’une fois la plaie nettoyée et refermée, les choses iraient pour le mieux à ce sujet. Quelques plantes parachèveraient son œuvre.

« Que je suis novice parmi les Mages ? Saerelys se fendit d’un sourire sincère. Il est vrai que cela ne se lit pas sur mon visage. Mais n’aies crainte. Je ne veux qu’aider ton corps à se régénérer, ni plus, ni moins. Le visage de la jeune femme se fit plus grave. Cela fait plusieurs jours que tu vis ce calvaire, et si cette plaie persiste à te faire du mal et à laisser ton sang s’échapper de tes chairs, je ne peux que craindre pour tes jours. Ses traits s’adoucirent, compatissants. La Magie reste la meilleure solution. Tu ne sentiras rien, si ce n’est quelques picotements. »

Les choses auraient été différentes avec un os réduit en miettes. Mais ici, il n’était question que de réassembler des chairs, de les recoudre, de les tisser pour qu’elles reforment une toile convenable. Le sang aurait ainsi tout le loisir de se régénérer à son tour et les contusions, de disparaître. Néanmoins, l’appréhension d’Adhara semblait réelle. Peut-être n’avait-elle encore jamais croisé de Mage Valyrien, ou demander leur aide ? Il ne s’agissait pas là d’une chose impossible. Nombreux étaient les Mages à vivre à Valyria même, ou dans ses alentours. Dans le reste de la péninsule, ils se faisaient plus rares, dans les faits. La Magie était durement contrôlée. Aussi, les Mages étaient sous la surveillance constante du Collège, qui n’appréciait guère les voir s’éloigner, à moins que cela ne soit à leur demande.

« Je te sens tendue à cette nouvelle. remarqua Saerelys. Te recoudre reste une possibilité, mais une possibilité bien moins efficace. Qui plus est, la plaie pourrait se rouvrir si j’agissais de la sorte, là où une telle chose arriverait plus difficilement avec la Magie. La jeune femme se tut quelques instants. Le choix te revient, cependant. J’agirai selon ta volonté. »

Bien que cela lui déplaisait. Si la plupart de ses patients présentaient des maux bénins, ne nécessitant pas l’usage de la Magie pour les résoudre dignement, la situation était toute autre dans ce cas. Bien sûr, le fait de recoudre la chair était envisageable. Si Saerelys n’avait pas été novice, sans doute aurait-ce était là la seule solution. Mais les défauts de cette méthode étaient nombreux, dans le cas présent. Adhara était une combattante. Peut-être assurait-elle la garde d’une personne d’importance ? Sa blessure aurait vite fait de rouvrir, si elle exécutait un mouvement brusque. Et ce, même si la novice n’en était pas à sa première plaie à recoudre.



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Les doigts d’Adhara s’enfoncèrent encore davantage dans la bandelette de cuir, à mesure qu’autour d’elle s’échinait la petite guérisseuse. Son flanc lui brûlait, et il lui semblait que son être tout entier palpitait douloureusement sous les soins de la dénommée Saerelys. Riahenor… Ce nom, glissé entre deux grognements, avait réveillé chez la Rhoynare les échos d’un antique conciliabule, discrètement partagé avec la matriarche des Odenys, bien des années auparavant. Les Riahenors demeuraient des citoyens importants de la République. « Des dynastes. » Souffla sa mémoire, tandis que l’héritière de l’antique Triarchie tapotait avec application ses tempes humides. Adhara la laissa faire sans broncher, son esprit mobilisé ailleurs. Que lui avait dit Echya, déjà ? « Vieille famille de Valyria… Des conservateurs… Le père est au Sénat. » Des gens puissants, aux racines anciennes. Inaccessibles, redoutables. Et pourtant…

« Cela fait plusieurs jours que tu vis ce calvaire, et si cette plaie persiste à te faire du mal et à laisser ton sang s’échapper de tes chairs, je ne peux que craindre pour tes jours. » La voix de la guérisseuse claqua dans le silence de son cabinet. L’avait-elle offensée ? « La Magie reste la meilleure solution. Tu ne sentiras rien, si ce n’est quelques picotements. »

Adhara ne répondit rien. Si la mage lui semblait dénuée de toute noirceur, la reître ne parvenait toutefois à réfréner une certaine méfiance à son endroit. La faute à ce don, dont Nahram avait aperçu certaines des meurtrissures au cours de ses années d’égarement aux mains de l’Empire. Les Ghiscaris, à défaut de maîtriser une magie aussi puissante et subtile que les enfants de la Rhoyne ou d’Arrax, s’étaient néanmoins épris des arcanes alchimiques. La Harpie s’enorgueillissait de la création de formidables mixtures, capables de décupler l’endurance d’un homme, ou d’en briser le corps - et l’esprit. Si les premières étaient généralement réservées aux légions guerrières de l’Empire, les secondes échoyaient aux misérables qui tentaient, d’une manière ou d’une autre, d’en déstabiliser la vénérable pyramide. Ghis, après tout, ne tolérait aucun nuisible.

Elle se souvenait des corps violacés et des hurlements d’agonie. L’odeur de la bile, de l’urine. Et les yeux, révulsés, sanguinolents… Un sort que plusieurs de ses “amis” avaient connu. Un sort qui aurait été le sien, si elle avait échoué à s’enfuir de Ghazdaq.

Mais elle avait réussi. Et la femme qui se tenait devant elle, avec son visage d’enfant et ses yeux lilas, ne lui voulait pas de mal. Adhara inspira profondément.

« Vas-y. » S’entendit-elle articuler péniblement. Nahram plongea son regard dans celui de l’acolyte, ses yeux noirs brillants d’une appréhension nouvelle, alors que dans son crâne tournoyaient encore les souvenirs de l’agonie de ses frères. « Utilise ta magie. Mais je te préviens… » Son regard se fit plus dur, sa voix plus grave. « Si tu comptes me tuer, assure-toi de ne pas échouer. Parce que ma lame, elle, ne rate jamais. »

Ses muscles se raidirent - et avec eux sa ganache, déjà assombrie par les tourments infligés par son flanc. Adhara soupira. Il lui fallait mobiliser son attention ailleurs, ou les spectres de Ghazdaq auraient raison de son sang froid. Hélas, ses précédentes fulminations, proférées sous l’émotion, n’invitaient guère à la discussion. Aussi Nahram s’efforça-t-elle d’adoucir quelque peu sa voix, et reprit, plus calmement :

« Ça… La magie. Tu as appris ça toute seule ? »

Les Dieux lui en étaient témoins, elle n’était pas douée pour la causette.

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Une ombre sembla passer sur le visage d’Adhara. Une ombre que Saerelys ne distingua pas au premier regard, de la part la douleur que sa patiente affichait pour des raisons évidentes. Était-ce la simple mention de sa Magie qui lui faisait pareil effet ?  Il était vrai que les Arts qu’elle se devait d’étudier et de maîtriser n’étaient pas exempt de part d’ombre. Du moins, hommes et femmes pouvaient se plaire à lui donner une pareille teneur. Car la Magie n’était qu’un outil. Un outil qui pouvait aussi bien améliorer le réel, qu’en détruire et en modifier durablement certains parts de la pire des manières. La jeune femme n’eut cependant point le temps d’écarter les doutes et les craintes de sa patiente.

La voix d’Adhara cingla, claquant à ses oreilles comme un fouet. Durant quelques secondes, Saerelys dévisagea sa patience, gardant le silence. Mages comme Prêtres et Prêtresses de Tessarion savaient donner la mort, lorsque la situation le nécessitait. Si les techniques utilisées étaient bien différentes, les faits restaient identiques. Saerelys avait eu l’occasion de les voir à l’œuvre. Mais Balerion n’avait point sa place en lieu, en témoignait les discrètes effigies de Tessarion et Tyraxes que la jeune femme avait installé dans sa tanière, afin que ces deux Divinités veillent sur elle aussi bien que sur ses patients. Qu’avait donc pu voir Adhara pour réagir de la sorte ?

Les prunelles mauves de la jeune femme quittèrent finalement celles, plus sombres, d’Adhara. Saerelys se leva alors, emportant avec elle le récipient remplit d’eau souillée. Une eau qui rejoignit rapidement un autre baquet, de plus grande taille, que la novice ferait vider plus tard. Gardant le récipient avec elle, la jeune femme le déposa sur un meuble, non loin d’une cruche. Cruche dont elle se saisit quelques instants plus tard, laissant couler l’eau claire qu’elle contenait dans la petite vasque. Ceci fait, la jeune femme laissa tremper ses mains quelques instants dans le liquide, ôtant ainsi le sang qui pouvait être resté collé sur sa chair.

Frictionnant sa peau à l’aide d’une douce essence florale, contenue dans une petite fiole, Saerelys épongea finalement le surplus de liquide, s’en retournant par la suite auprès d’Adhara. Prenant une légère inspiration, la jeune femme laissa ses doigts pianoter dans le vide quelques instants, comme pour les sortir de leur torpeur. S’assurer que l’épanchement de sang ne s’aggraverait pas. Retisser les chairs. Ne laisser aucune cicatrice d’importance, qui pourrait se rouvrir par inadvertance. Panser la chair, pour la protéger quelques jours, pour s’assurer que la chair de bleuirait pas davantage, que les muscles ne souffriraient pas de trop de la situation, à l’aide d’un cataplasme.

« Cela ne durera pas longtemps. Quelques instants, tout au plus. » se contenta d’annoncer Saerelys, sur un ton doux.

A ces mots, la novice plaça sa main au-dessus de la plaie, sans pour autant frôler les chairs lésées.  Une douce chaleur envahit alors ses veines. Une chaleur agréable, familière. Alors, Saerelys ferma les yeux. Modifier le réel, le contraindre à prendre une nouvelle forme. Visualiser la tâche à accomplir. Visualiser la disparition de ce sang qu’elle avait essuyé. Imaginer cette douleur pour la réduire à peau de chagrin, la détruire. Reformer la partie lésée du muscle. Tisser à nouveau les chairs. La chaleur dans ses veines semblait s’intensifier. Le moment était venu.

« Kostagon aōha ānogar se aōha ñelly rȳbagon ñuha brōzagon.  Kostagon mirre ōdres mōris.  Kostagon ñuha kessa sagon gaomagon. Ivestragī zirȳla jikagon arlī naejot se zōbrie. Kostagon bisa ōdrio sagon dombo. » murmura-t-elle, dans un souffle.

Le feu qui courrait dans ses veines s’intensifia alors. Son esprit ne devait pas flancher et ne flancherait pas. Il lui restait encore fort à faire. La novice rouvrit finalement les yeux, observant sa Magie à l’œuvre. Les choses semblaient être en bonne voie. Déjà, le sang ne coulait plus, la plaie ayant perdu de sa longueur et de sa largeur. Les secondes s’égrainaient, encore et toujours. La chair se reformait, petit à petit, avec un certain empressement, suivant un canevas conçu par Tessarion elle-même, dont la réalisation avait été accélérée par son propre Art. Si la peau restée bleutée, violacée par endroits, l’épanchement de sang devait avoir été arrêté, à présent. Il lui faudrait encore quelques efforts, quelques secondes encore, pour parachever son œuvre.

Petit à petit, Saerelys sentit son sang se refroidir dans ses veines. Posant sa main sur sa cuisse, la novice observa son oeuvre. Une fine cicatrice ornait désormais la chair, encore violacée. Ses compétences actuelles ne lui permettraient pas d’obtenir un meilleur résultat que celui-ci. Un résultat dont elle n’avait pas à pâlir, cependant. Adhara se remettrait de ce mal qui lui avait été infligé. Quelques jours de repos, ajoutés au cataplasme, suffiraient à faire disparaître les dernières traces de cet affrontement dont elle avait été l’actrice.

« Nous en avons presque terminé. déclara Saerelys, en se levant à nouveau. Ne t’en fais pas pour la couleur que ta peau à prise. Il arrive que le sang se répande sous la peau, lorsque qu’une veine se rompt. Ton corps l’éliminera de lui-même, pour peu qu’on lui offre l’aide adéquate. »

Se rapprochant du meuble le plus proche, Saerelys en sortit deux longues bandes de lin, à même d’entourer le flanc de sa patiente. Si la première des bandes fut laissée vierge, la novice imprégna la seconde d’un cataplasme. Les bandes à la main, la jeune femme reprit place sur le tabouret. Alors qu’elle appliquait la bande imprégnée sur la peau de sa patiente, la serrant de manière à ce qu’elle ne puisse point glisser sur la chair et que cette dernière puisse se nourrir du cataplasme, la voix d’Adhara retentit de nouveau. La jeune femme redressa la tête, esquissant un fin sourire. Après avoir ajusté la première bande, jugeant que les jours de sa patiente n’étaient plus en danger, Saerelys se redressa. Tandis que ses mains enroulaient la seconde bande, mues par une sorte d’habitude, la novice brisa à nouveau le silence.

« Il arrive que les Dieux prédestinent certains Valyriens à l’exercice de la Magie. Je fais partie de cette catégorie, comme tu as pu le constater. Si l’usage de la Magie est pour ainsi dire inné, nous nous devons d’en apprendre toutes les nuances, toutes les possibilités au sein du Collège, afin de ne pas en faire un usage prohibé ou dangereux pour nous-mêmes. La jeune femme se tut quelques instants. La Magie de la guérison est l’un des nombreux domaines qui me fut enseigné. Tout comme le fonctionnement du corps humain, bien que cet enseignement soit plus proche de celui maîtrisé par un Prêtre de Tessarion, ou par une personne qui se dédierait à apaiser les maux d’autrui. »

Adhara ne devait pas vivre à Valyria depuis fort longtemps, pour ignorer que tous les Mages de la péninsule étaient liés au Collège. Les réfractaires à son autorité, et à celle des Cinq par ce biais, ne pouvaient qu’être recherchés et emprisonnés. Il ne s’agissait-là que d’une précaution. La Magie était en cela bien trop dangereuse pour se retrouver entre de mauvaises mains. Des mains qui pourraient la rendre plus incontrôlables qu’elle ne pouvait l’être en temps normal. Reprenant finalement sa tâche là où elle l’avait laissée quelques instants auparavant, Saerelys ajusta la seconde bande, la serrant légèrement à son tour. Ainsi pres-sé, le cataplasme n’aurait pas d’autre choix que de s’infiltrer dans la peau.

« Nous en avons fini. assura Saerelys, après avoir vérifié que le bandage restait bien en place. Je ne peux que te conseiller de faire preuve de prudence dans les jours qui viennent. Il faudra sans doute encore un peu de temps avant que ton corps ne soit à nouveau au milieu de sa force. Si cela t’est possible, prend un peu de repos. Même si cela ne se résume qu’à une journée, ton flanc t’en sera reconnaissant. »

Adhara n’était pas de ces femmes qui restaient en leur foyer afin de se consacrer à des activités jugées plus domestiques. En cela, son corps parlait pour elle. Sa carrure avait été forgée par le combat, ou par une toute autre activité des plus intenses. Si telle était son existence, s’allonger ne serait-ce que quelques heures en dehors de la nuit lui serait sans doute impossible, inenvisageable. Quand bien même cela serait la meilleure solution pour s’assurer que sa chair ne se rouvre pas et pour que le cataplasme fasse effet.

« Si cela t’est impossible, je peux également te faire don de certaines de mes simples. Elles ne remplaceront pas le repos, bien sûr.  Mais elles sauront apaiser les douleurs que tu pourrais ressentir le temps que ton corps se remettent entièrement de ce qu’on t’a fait subir. Vois-en cela une partie du remerciement que j’aimerai t’offrir pour l’aide que tu m’as apporté, fut un autre temps. »

Une partie, seulement. Car ces quelques plantes, bien que couplées à l’usage de sa Magie, ne valaient en rien l’aide qu’Adhara avait pu lui offrir. Elle qui n’avait pas hésité à s’interposer et à faire fuir ce rustre, alors qu’elle-même n’en aurait jamais eu la force.  La novice ne pouvait qu’avoir conscience du fait qu’elle pouvait faire davantage encore. Les Dieux lui avaient permis de rencontrer à nouveau cette femme, qu’elle pouvait qualifier de sauveuse. Dans des conditions pour le moins inattendues, mais les faits étaient là. Il s’agissait-là de sa chance de se racheter. Peut-être même s’agirait-il du seul moment où un tel acte lui serait possible.



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Adhara se ramassa sur son siège, l’âme en peine. Si sa raison lui intimait, à force de prières rassurantes, qu’elle était en sécurité, son corps, pourtant, refusait obstinément de se détendre. Déjà inconfortable, son malaise s’accentua encore davantage lorsque la petite guérisseuse, au terme d’une toilette brève mais nécessaire, s’en retourna auprès d’elle avec une détermination nouvelle. « Cela ne durera pas longtemps. » entendit-elle la jeune femme annoncer doucement. Ses mains, remarqua sa patiente, avaient retrouvé leur blancheur immaculée. « Quelques instants, tout au plus. » Nahram ne répondit rien, mais se crispa plutôt, fermant les yeux dans l’attente d’un choc qu’elle devinait imminent… En vain.

Jusqu’alors obstinément tourné vers le point le plus éloigné du petit cabinet (mieux valait ne pas assister au spectacle - certainement affreux ! - que Saerelys se proposait de lui offrir), le regard de la reître se tourna finalement, et non sans appréhension, vers l’héritière des Riahenors, qu’elle trouva debout, devant elle, ses doigts positionnés à quelques centimètres de son flanc. La mine froncée dans une intense expression de concentration, la mage toisait sa blessure de ses élégantes  prunelles lilas, avec une profondeur telle qu’Adhara se surprit à réprimer un frisson. Elle tressaillit encore davantage lorsque la voix de la guérisseuse claqua une nouvelle fois entre les murs du petit cabinet, cette fois-ci dans un idiome que Nahram se trouva bien en peine de comprendre. S’agissait-il d’une forme noble de Valyrien ? À moins que les mages locaux n’empruntent leurs formules à quelque civilisation ancienne ? Adhara l’ignorait, mais se concentra plutôt sur la mine appliquée de la jeune fille perchée à ses côtés, dont elle fixa les mains avec une attention teintée de méfiance. Où était la douleur ? Pourquoi ne se passait-il rien ?

Et puis, elle les sentit. Les picotements. La chaleur, discrète, des muscles rompus par l’effort. La reître porta son regard sur son propre flanc, surprise - s’il en était ! - par cette sensation familière et pourtant étrange. Sous ses yeux, ses chairs s’apaisaient : le sang avait cessé de s’échapper, et la plaie, autrefois impressionnante, se résorbait progressivement. Adhara sentit son coeur s’emballer dans sa poitrine. « Ça marche… » balbutia-t-elle intérieurement. « La magie, elle… » Nahram observa les mains de Saerelys, toujours mobilisées près de son flanc, et n’y trouva aucune aura mystérieuse, aucune flammèche, aucun éclat étrange. Rien, si ce n’était ces doigts fins et entretenus, et dont elle devinait la tendresse du toucher.

« Nous en avons presque terminé. » Saerelys retira finalement ses mains, brisant, par la même, l’étude de la jeune femme. « Ne t’en fais pas pour la couleur que ta peau à prise. Il arrive que le sang se répande sous la peau, lorsque qu’une veine se rompt. Ton corps l’éliminera de lui-même, pour peu qu’on lui offre l’aide adéquate. »

Adhara ne répondit rien, mais laissa plutôt à la guérisseuse le soin de préparer la suite de son examen, tandis que son esprit, lui, ne cessait de mâcher et remâcher le spectacle de ses chairs tenues en respect par l’aménité de son hôte. Ainsi, à la magie se succédèrent bientôt cataplasmes et bandages, que la petite mage s’affaira d’enrouler patiemment autour du buste de la mercenaire qui s’arrangea, comme elle le put, pour se tenir la plus droite possible en dépit de la douleur qui lui vrillait encore les côtes. En silence, Nahram écouta Saerelys répondre à ses interrogations, avec la douceur caractéristique qu’elle avait déjà pu lui observer, et acquiesça ses paroles d’une œillade alerte. Une mou embarrassée accueillit cependant ses appels - pourtant raisonnés et raisonnables - au repos et à la prudence. Le calme ne faisait pas partie de sa profession. Saerelys dût s’apercevoir de sa réticence, car bientôt vinrent les compromis, d’une nature suffisamment généreuse pour plonger quelques instants Adhara dans l’embarras. Elle n’était pas venue ici pour dépouiller la jeune femme !

« Tu ne me dois rien. » Éraillée par la douleur et son mutisme, sa voix paraissait étrangement fatiguée. « Tu m’as sauvé la vie. Laisse-moi payer ces plantes, et ton service. S’il te plaît. »

Identifiant leur échange comme la conclusion logique de ses soins, Adhara se releva doucement du siège sur lequel elle s’était installée et, avec précaution, saisit la tunique précédemment abandonnée sur l’établi pour la revêtir non sans effort. L’exercice lui arracha quelques grimaces, qu’elle déroba de son mieux à la vue de la petite mage. Elle avait déjà tant fait…

Son baudrier de nouveau noué autour de ses hanches, Nahram en décrocha la petite bourse de cuir qui pendait tout près de son épée. Les pièces tintèrent discrètement à travers le cuir. Des pièces gagnées à la sueur de son front et à la force de ses bras, mais dont elle était prête à se séparer pour remercier la jeune femme. Un geste symbolique, plus que nécessaire. Saerelys, de par son sang, n'avait certainement que faire de ces quelques piécettes d'argent. Et pourtant, Adhara y tenait. Question de dette. Question d'honneur.

« Ton prix sera le mien. »

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Orphelinat tenu par les Riahenor & An 1066, mois 4.

Alors que sa Magie œuvrait, Saerelys avait senti la torsion des muscles d’Adhara sous ses mains. Son sang pulsait dans chacune de ses veines, dans chacun de ses muscles. La Vie même était à l’œuvre, tentant déjà d’apaiser par elle-même, de contrecarrer ce caprice du Destin qui avait amené la guerrière jusqu’ici. Sa Magie, sa propre énergie, n’était en cela qu’un accélérateur. Une aide extérieure qui poussait le corps à se soigner de lui-même, usant de sa propre énergie au lieu de celle de sa patiente. Au commencement, de pareils exercices s’étaient toujours révélé douloureux. Il fallait partir à la conquête de cet arcane pour le moins particulier de la Magie. Il fallait apprendre à occulter cette douleur. Car elle n’était pas réelle. Elle enlaçait le corps d’autrui, l’enserrait dans ses anneaux tel un serpent dont il fallait se défaire au plus vite. Ce qu’elle ressentait n’était qu’un écho déformé. Rien qu’un écho.

Un nœud qu’elle avait défait. Un serpent qu’elle avait étoffé de ses propres mains, sans le moindre remord. Le sang ne s’écoulait plus que dans les veines de sa patiente. Ses muscles lésés garderaient encore une certaine raideur. Mais rien qui ne serait insurmontable. Était-elle fatiguée ? Une nuit de sommeil et un bon repas suffiraient à effacer cela. La Magie était ainsi. L’alliance même du savoir et de l’énergie vitale. Aussi fallait-il entretenir ces deux univers avec la plus grande des attentions. Une parfaite maîtrise, un parfait équilibre entre ces deux éléments, afin de ne pas s’en faire surprendre. Telle était la voie à suivre, afin de con-server son esprit. La chose la plus précieuse qu’elle possédait en ce bas monde.

La surprise vint d’ailleurs, cependant. Payer ? La jeune femme cligna des yeux, l’étonnement défor-mant légèrement ses traits. Aux yeux de ses patients, elle était tantôt une figure maternelle, pour les plus jeunes qui avaient besoin d’être rassurés, pour faire cesser leurs pleurs, tantôt une figure davantage fraternelle, rassurant les jeunes gens de sa génération, leur assurant que si la Fortune ne leur avait pas sourit pour qu’ils se retrouvent devant elle, elle ne tarderait pas à faire son retour. Parfois devenait-elle-même une figure filiale, prompte à rappeler aux plus anciens ces conseils que leurs propres enfants se de-vaient de leur donner, lorsqu’ils veillaient sur eux, leur âge avançant. Pour toutes ces raisons, jamais Saerelys n’avait accepté le moindre paiement. Les Dieux avaient pourvu à son bien-être avant même sa naissance. Riahenys avait veillé sur la population de Valyria comme une Mère. Quelle Mère ferait-elle à son tour, si elle demandait leurs deniers à ses propres enfants ?

« Je n’ai nul besoin de cet argent, Adhara. Garde donc ces pièces pour te procurer un repas digne de ce nom. Pour trouver une auberge plus confortable. Ainsi, mes soins seront bien rembour-sés ainsi. Car tu n’auras point besoin d’utiliser ton pécule pour trouver l’aide d’un autre guérisseur en agissant de la sorte. »

Sans doute Saerelys semblait naïve, en parlant de la sorte, une certaine tendresse dans la voix. Une jeune femme qui en serait encore à ses premiers béguins, à ses premières idylles. Alors qu’Adhara entreprenait de passer à nouveau sa tunique, la jeune femme s’était levée à son tour, réunissant avec une agilité mue par l’habitude, par la fidélité d’une mémoire formée à un tel exercice, quelques pots de verre. Tous contenaient des plantes tantôt séchées, tantôt encore fraîches. Les plantes fraîches à mâcher, contre la douleur. Les plantes séchées à faire tremper avec des bandages propres, afin que la peau retrouve sa teinte naturelle, bien loin de ce bleuissement, dernière trace de la raison de la venue de sa pa-tiente en ces lieux. Confectionnant de petits ballots de plantes, enroulés de toile, retenus fermés par deux petites bandes de tissu coloré, la jeune femme revint finalement en direction d’Adhara.

« Le paquet au ruban bleu contient des plantes fraîches. La jeune femme leva sa main droite, qui tenait le ballot en question. Si la douleur se fait trop forte, mâches-en une ou deux, pas plus. Ton corps s’y habituerait et le remède perdrait en efficacité. Si tu le peux, espace leur usage d’au moins trois heures. Saerelys se tut quelques instants, baissant sa main droite pour lever l’autre. Dans le paquet au ruban rouge, tu pourras trouver des plantes séchées. Laisse-les tremper dans un peu d’eau et plonge des bandelettes propres dans l’eau. Si tu n’as pas assez de bandages, une étoffe suffira. Tu pourras la maintenir en place au-trement. Il faut que le tissu humide soit bien placé sur la partie où ta peau est toujours contusionnée. Cela permettra de réduire l’épanchement et de le rendre moins douloureux. »

Dans cette médecine qu’elle pratiquait pour les nécessiteux, tout était histoire de compromis. Une noble dame ou un grand seigneur pouvait se permettre de tenir le lit plusieurs jours, d’avoir des bandages propres aussi souvent que nécessaire. Nombreuses étaient les personnes qui n’avaient pas cette chance. Aussi fallait-il s’y adapter, malgré l’infamie de la chose. Tout en savant que ce n’était pas là la meilleure des solu-tions. Qu’il serait possible de faire mieux encore. Bien mieux. Alors que Saerelys tendait toujours les petites bourses de tissu à Adhara afin que cette dernière les accroche à sa ceinture, la novice fut surprise de sentir un nouveau poids dans sa main. Une bourse de cuir, au contenu cliquetant. Ainsi, sa patiente n’avait pas changé d’avis.

« Ne m’en laisses-tu donc pas le choix ? répliqua doucement Saerelys, un fin sourire aux lèvres. Ne puis-je donc pas négocier avec toi davantage ? »

La mine qu’affichait Adhara lui fit comprendre qu’une telle solution n’était point envisageable. La jeune femme ne pouvait cependant point se permettre une telle chose. Une mère n’ôtait point le pain de la bouche de ses enfants. La guerrière ne semblait point vouloir quitter la pièce. Laissant échapper un léger sou-pir, la novice ouvrit finalement la bourse de cuir. Glissant ses doigts dans le petit sac, la jeune femme fit en sorte de faire autant de bruit que possible, ne gardant que deux pièces de petite taille dans le creux de sa paume. Un geste des plus symboliques. Ni plus, ni moins. Sans doute irait-elle-même consacrer ce maigre dû à Tessarion, lui prouvant ainsi le bien fondé de ses actions ?

« Voilà pour moi. déclara Saerelys, glissant son poing serré dans son dos. Que Tessarion veille sur toi, Adhara, et permette à ton corps de trouver le rétablissement dont il a besoin. Et que Vhagar tienne tes enne-mis en respect et ta main sûre sur la garde de ton arme. Je n’oublierai pas ma dette envers toi, que les Dieux m’en soient témoins. Si un jour tu as nouveau besoin d’aide, ma porte te sera ouverte. »

Les Riahenor avaient la mémoire longue. Pour les pires, comme pour les meilleures raisons. Ces quelques plantes, ces deux piécettes et cette énergie que Saerelys avait partagé avec Adhara n’étaient que de maigres récompenses, aux yeux de la jeune femme. La guerrière lui avait évité le pire. La perte de son hon-neur, la destruction d’une partie de son âme. Des choses que ses soins ne pouvaient point acheter, ne pou-vaient point rembourser. Il lui faudrait faire plus. Mais quand ? Et comment ? Les Dieux seuls pouvaient savoir si leurs chemins se croiseraient de nouveaux.  

Telles étaient les pensées de la novice, alors qu’Adhara quittait son humble tanière.




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