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1066 - mois 4

L'odeur du sang s'infiltre dans ses narines. La poussières lui brûle la gorge. Les hurlements lui vrillent les tympans. Il est là, au milieu de ce champ de ruines, de cadavres, entourés de mort et de désolation, la jambe en miettes. Ses mains tentent de contenir l'hémorragie, en vain. Il va mourir là. Seul. Comme un chien. Il se laisse tomber en arrière, ses mains quittant finalement sa jambe pour aller s'accrocher à la terre. Et il tente de ramper là, parmi les morts, parmi ceux qui sont déjà dans l'après-vie. La peur lui tord les entrailles. Il ne veut pas mourir. Pas encore. Pas encore non. Une pression dans son dos soudain le force à rester face contre terre. Il tord le cou pour pouvoir observer ce qui se passe et il distingue une silhouette, ennemie sans doute mais il ne parvient pas à bien voir. Le pied de la silhouette appuie si fort contre son dos qu'il en a le souffle coupé. Et là, alors qu'un rugissement de dragon se fait entendre, alors que des flammes éclairent le visage de celui qui le maintient au sol, ce n'est pas un ennemi qu'il voit mais son supérieur. La peur s'infiltre dans tout le corps de Daegon alors que l'homme, celui en qui il avait pourtant toute confiance, lève son épée et l'abat sur lui.

C'est dans un hurlement que Daegon se réveille, sursautant sur sa couche, en sueurs, le cœur battant à tout rompre. Il lui faut quelques instants pour reprendre pieds avec la réalité, se souvenir qu'il n'est pas sur ce champ de bataille mais bien chez lui, ou, plus exactement, chez Ixion puisque c'est chez son maître qu'il réside. Le souffle court, Daegon vient poser sa main contre son torse pour se calmer. Encore et toujours ce même rêve, ce visage qui le hante encore et encore. Le visage de celui qui a prononcé la sentence, de celui qui l'a envoyé se battre et perdre l'usage de sa jambe. Un visage qui s'est figé depuis puisqu'il sait qu'il est mort mais il le hante malgré tout. Il se demande, Daegon, quand ses nuits redeviendront plus calmes. Il se demande quand les visages du passé cesseront de le hanter de la sorte. Sa main vient frôler les cicatrices qui parsèment sa jambe gauche et il grimace sous la douleur. Elle aussi le hante, la douleur de sa jambe qui malgré les mois persiste. On l'avait prévenu que c'était possible mais il espérait malgré tout que sa jambe allait finir par cesser de lui faire mal. Ce n'est malheureusement pas le cas. Si la douleur est moins vive, elle reste persistante. Il vit avec. Il n'a guère le choix. Il enfile l'attiral fait de cuir et de métal qui lui permet de marcher et se redresse avant de filer prendre un bain. Il sait qu'il doit aller en ville aujourd'hui, traîner ça et là où Ixion veut qu'il traîne. Il va être ses oreilles une fois de plus mais pour pouvoir être ses oreilles, il doit user de ses jambes.

La journée lui semble bien longue alors qu'il traîne dans les ruelles, prétextant faire des achats pour le compte de son maître, alors qu'il laisse ses oreilles traîner là où elles doivent traîner pour glaner des informations. La nuit ne va pas tarder à tomber lorsqu'il retourne jusqu'à la villa luxueuse où les servants se dépêchent de tout préparer pour le retour d'Ixion, encore absent de la villa pour le moment. Epuisé, Daegon n'a pas le courage d'aller jusqu'à sa chambre. Il s'assoit au bord de la splendide fontaine intérieure et, dans une grimace douloureuse, délie les lanières de cuir qui entourent sa jambe et desserre le métal. Il a beaucoup marché aujourd'hui. Beaucoup trop pour son propre bien. Penché vers l'avant, la grimace de douleur continuant de tordre ses traits, il se masse la jambe, appuie sur les cicatrices, essaye de faire passer la douleur au moins un petit peu. Il est concentré sur ce qu'il fait, il n'entend pas les pas. Il ne réalise pas qu'une silhouette approche lentement mais sûrement de la dite fontaine.
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Il entre dans le domaine comme le ferait un étranger. Ces murs, ces gens... Rien ici n'appartient à l'homme aux vêtements couverts de poussières. La chevauchée a été longue depuis Tolos, la chevauchée a été rude. Il n'a pas demandé à Lyonne de le porter, ne l'a pas fait venir à lui, n'a pas essayé. Son dragon existe, mais ne semble être rien d'autre que songes, rêves et murmures parfois. L'homme repense au simple message l'ayant fait venir jusqu'ici. Pas jusque chez Ixion, cela n'est qu'une étape, mais jusque la capitale quand bien même d'autres devoirs l'attendent ailleurs.
D'autres devoirs l'attendent toujours ailleurs, mais vivre c'est aussi obéir. Le message était un ordre.
Il se demande parfois, l'homme, ce qu'il en serait réellement de son existence avec des cheveux bien plus blonds et un dragon comme une autre partie de son âme. Il se demande parfois, oui, mais son sang est et reste celui de Valyria...
Il ne veut pas de sa propre demeure pour le soir à venir, ses servants la hantent comme des fantômes et lui-même ne s'y sent plus légitime depuis son départ à la guerre. Il n'y a que du silence entre les murs, quant à son propre reflet l'homme ne veut pas y penser.
Ixion l'accueille chez lui parfois. Couvert de la fatigue du voyage et de la poussière des chemins, l'homme compte lui demander l'hospitalité une nouvelle fois. Il repartira rapidement, il le sait.
Vivre, obéir.

Comme un étranger, il avance. La maisonnée résonne des rumeurs de la nuit à venir, une nuit que l'homme a devancé. Peut-être a-t-il été rapide finalement, même sans dragon? Oh Lyonne, pense-t-il alors. Car son dragon, il le porte en lui comme un feu brûlant qu'il ne peut toucher. Un incendie que l'homme ne peut toujours regarder que de loin et peut-être rêver...
L'homme sort de ses pensées, s'approche de la fontaine. Un serviteur y est. Triste monde que le leur,  car l'homme connaît ce jeune visage. Ce même visage a été celui d'un légat un jour, il ne l'est plus aujourd'hui. Une fontaine où chante l'eau, une jambe ne pouvant ne plus être rien d'autre qu'une blessure...
Oui, triste monde que le leur.
Aujourd'hui, c'est l'homme qui est légat (vivre, obéir.) et le légat est serviteur (obéir, vivre). Des coeurs se tordent et se brisent pour moins que cela...
On abat les chevaux aux jambes brisées, l'homme l'a déjà vu faire comme il a vu bien d'autres choses (parfois, il ne dort pas la nuit). On les abat et il y a de la tristesse et il y a des larmes. Les hommes, eux, se traînent et boitent. Se relèvent.  
L'homme ne parle pas, un long moment passe, celui qu'il faut au serviteur pour se remettre debout. Qu'importe les secondes et les minutes que cela demande, l'homme ne parle pas. Une dignité qu'il permet au serviteur, figer le temps puisque c'est à l'homme libre de décider de la manière dont celui-ci s'écoule.
Enfin, Daegon est debout, l'homme peut parler.
Et toute dignité est cruelle, n'est-ce pas?

”Ton Maître m'offre l'hospitalité ce soir, fais venir quelqu'un pour mon cheval là dehors.” Il aurait pu exiger que Daegon s'occupe de sa monture lui-même, il ne le fit pas. Il le regarde dans les yeux, peut-être est-ce inconvenant. Il y a beaucoup de choses inconvenantes à Valyria, malgré les apparences.
Beaucoup de solitude aussi.

”Aucune météo ne saurait être clémente pour qui a été blessé au corps”, et l'homme a ses propres cicatrices lui-même. Aucune blessure ne saurait se comparer à une autre, il y a trop d'orgueil et d'égoïsme à cela, mais souffrir ne rend pas humble pour autant. Par Arrax, que les hommes et les femmes seraient bons si cela était le cas, car dans la vie, il y aura toujours la souffrance...

Désormais, l'homme marche d'un pas calme, presque pesant comme si toute la fatigue du voyage le rattrapait. Un rythme que le serviteur peut suivre, se permettre de dépasser peut-être, pour mener l'autre aux quartiers des invités. ”je n'ai servit qu'un Légat pendant la guerre”, murmure-t-il, certain désormais que personne ne pouvait les entendre. ”Et le respect que je lui prêtais était profond. J'honore sa mémoire à chaque jour qui passe, mais je n'oublie pas que d'autres personnes avec le même titre que lui étaient tout autant dignes de respect.” le titre que lui-même portait aujourd'hui. Rien n'oblige l'homme à dire tout cela, lui qu'on pourrait accuser de faiblesse, de sentimentalisme.
D'idiotie.
Mais il y a des choses à dire parfois, dans tout le chaos du monde.
Dire, vivre, obéir.
Eux-tous.
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Le temps s'étire alors que Daegon masse ses cicatrices et entreprend de remettre ce système qui lui permet de marcher correctement. Plaques en métal, lannières de cuir, bientôt le tout a retrouvé sa place autour de son tibia et le voilà qui se tient debout, ses yeux s'écarquillant soudain à la vue de la silhouette qui se tient là, non loin de lui, debout. Iason. Il le reconnaît aussitôt et il le salue en courbant un peu le dos, habitude qu'il a prise depuis qu'il est au service d'Ixion. Car c'est bien cela qu'il est Daegon : un serviteur et il n'oublie pas où est sa place désormais. Iason est cependant un homme agréable, en tout cas, les quelques fois où il a eu l'occasion de le croise, il lui a fait une bonne impression. Il n'a pas pris Daegon de haut et encore, en cet instant, malgré les ordres prononcés, il y a une forme de respect dans la manière de le faire, ce que Daegon apprécie. « Tout de suite. » qu'il répond lorsque Iason demande à Daegon de faire venir quelqu'un pour s'occuper de son cheval. Il tape dans les mains, attire l'attention d'un serviteur et lui demande d'aller faire le nécessaire, ce qu'il fait. Les quelques mots que Iason prononce ensuite prennent Daegon au cœur et à l'âme. Touché il l'est. « Aucune non. » souffle-t-il en réponse avant d'inviter Iason à le suivre dans les méandres de la somptueuse villa, en direction d'une chambre qui conviendra sans nul doute au légat. C'est d'abord le silence qui entoure les deux hommes, tandis que Daegon guide Iason, ce dernier marchant à une allure que Daegon peut suivre sans aucun problème. Puis le silence se brise lorsque Iason reprend la parole pour parler du fait qu'il ait servi un légat pendant la guerre. Silencieusement, le cœur de Daegon s'emballe. Il était légat pendant la guerre. Jusqu'à ce jour tragique où on l'a jugé responsable de trop de morts pour lui laisser son titre. Jusqu'à ce jour où de tout il est devenu rien.

Rien.
Rien que de la chair à canon.

Sa jambe se rappelle à lui, sans doute parce qu'il repense à cette époque douloureuse, à la blessure infligée, à la mort qui lui a tendu les bras mais dont il s'est éloigné pour survivre. Les mots suivants touchent bien plus Daegon car, derrière cette phrase prononcée, il y a ce non-dit le concernant, concernant celui qu'il a été. Ainsi, Iason juge qu'il était à l'époque digne de respect et c'est sans doute idiot mais cela compte énormément pour Daegon. Alors il marche un peu plus lentement, se tourne en direction de Iason et sourit. Avec douceur et reconnaissance, il sourit oui. « On l'oublie facilement. » qu'il dit finalement avec sincérité. Oui, on oublie facilement que des hommes de bien ont fait de leur mieux. « Mais tant qu'il restera des hommes pour s'en souvenir, ceux qui oublient n'auront pas d'importance. » ajoute-t-il en hochant la tête. Un « merci » est au bord de ses lèvres mais il n'ose pas prononcer le mot, encore bien pudique. « J'ignore l'heure à laquelle Ixion va revenir. Tu restes uniquement cette nuit ? » demande-t-il alors qu'ils arrivent aux abords de la chambre que Daegon a estimé assez digne de Iason. Il y pénètre, s'empresse d'ouvrir les volets pour laisser entrer la lumière du crépuscule et allume quelques bougies. Les draps sont propres, la pièce est veste et on y trouve même une baignoire. De quoi, il l'espère, satisfaire Iason. « La chambre te convient-elle ? » s'empresse-t-il de demander, soucieux.
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Iason ne sait pas oublier. Il garde ses souvenirs pour lui comme l'on nourrit un feu sacré mais il n'est pas ici question d'honneur ou de devoir, juste de souffrance. La nuit, l'homme peine à dormir et les guerres ont cet effet sur le monde. Il sait son foyer en sécurité, il sait les siens morts également. Il sait sa solitude. Personne n'aime à porter un pareil fardeau, ce que porte le serviteur est lourd déjà aussi Iason n'y rajoute pas le poids d'autres mots. Inutile...
Parfois, il se sent vieux, non pas comme un seigneur vénérable mais comme quelqu'un dont le temps est passé. La paix règne à Valyria, la paix le brûle comme le feu d'un dragon. Il est soldat après tout...

Iason s'avance, la pièce est spacieuse. La chambre pour un ami que l'on respecte et que l'on aime recevoir en vérité. Il acquiesce, songe aux paillasses crasseuses et sans repos des longues années de campagne, au vide effroyable d'une tente avec son deuil profond pour la combler. Un endroit de confort pour un homme ne méritant pas le sommeil. Combien de soldats sont comme lui, combien ne connaissent-ils plus que la noirceur de la nuit et les cauchemars sans repos? Iason sait qu'il hurle dans son sommeil, son intendant l'a déjà surpris à marcher alors qu'endormi tout en marmonnant des ordres de commandement. Une fièvre peut faire cela, une vie tourmentée également.

”On a demandé ma présence pour une affaire urgente, cependant j'ai d'autres responsabilités qui m'attendent également. S'il en est ici, je ne resterais pas plus de deux nuit...”

Ce qu'il souhaitait, non pas pour fuir Ixion mais parce que aucun sable écoulé dans une clepsydre ne ferait disparaître tout ce qu'il avait à mener. Vivre, obéir, les titres n'étaient qu'un détail...
Cela est nécessaire cependant, jusqu'à ce que Iason puisse porter ses propres rêves. Il n'est qu'une ombre aux heures présentes, sait que cela changera un jour. Parfois, son envie de pouvoir se confond avec des rêves de flammes et de chaos. Il ne cherche pas à l'interpréter, sait que la guerre l'a marqué de son sceau, que seule une autre guerre l'apaisera. Il ne peut vivre que par cela désormais...
Depuis combien de temps Iason est-il ainsi, perdu dans ses pensées? Son regard redevient vif, se pose sur Daegon. ”Oui”, consent-il à dire enfin. ”Oui, elle me convient.”

Il désigne la baignoire ”Fait venir quelqu'un avec de l'eau chaude.” La poussière des routes de Tolos jusque Valyria lui colle au corps après tout. ”Quant à Ixion, il est maître en sa demeure et reviendra lorsqu'il se sentira prêt ou si aucun lit n'est prêt à l'accueillir ce soir.” La phrase est dite sans jugement. Un homme de pulsions et de passions, Ixion, un homme honnête également, brave. Iason pose sur lui le même regard que sur un frère cadet et bien aimé.
Avant, lui-même avait été regardé comme un cadet mais les choses changent, des gens meurent et d'autres vieillissent. Iason est donc l'aîné, l'ami le plus vieux, le frère le plus vieux pour ceux désirant le considérer ainsi. Là encore, il y a de la solitude à cela. Le poids de tous les hommes, de toutes les femmes...
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Est-ce simplement parce qu'il fait son devoir qu'il s'inquiète de savoir si la chambre convient à Iason ? Est-ce parce qu'il lui a parlé avec gentillesse et bienveillance qu'il tente de rendre la pareille ? Est-ce que parce que Iason lui inspire un profond respect. C'est sans aucun doute tout cela mélangé en réalité. Parce que Iason représente réellement tout ce que Daegon respecte encore aujourd'hui. Il est de ceux qui n'ont pas oublié, de ceux qui savent les blessures, les comprennent. Il le comprend, il le sait, et cela lui fait un bien fou à Daegon. Plus qu'il ne l'aurait cru. Il a suffi de ces quelques mots pour soulager un peu ce lourd poids qui pèse sur ses épaules, pour apporter un peu de lumière aux ténèbres qui hantent son quotidien. Il se sent tout à coup bien moins seul Daegon. Peut-être que s'il avait plus de personnes comme Iason dans son entourage, la flamme de la vengeance ne l'animerait pas autant. Peut-être serait-il plus en paix avec ce qui lui est arrivé, à lui et à d'autres. Malheureusement, jusqu'à présent, les visites de Iason ont été trop courtes pour permettre à Daegon de parler plus avant avec lui. Ou plutôt, Ixion a toujours été là et Daegon est toujours resté à sa place de serviteur, laissant les deux hommes seuls. Ixion n'est cependant pas là ce soir et Daegon ignore à quelle heure il compte rentrer à la villa. Serait-ce là un signe des dieux ? Est-ce qu'il va lui être possible de parler un peu plus avec Iason ? Ses plaies peuvent-elles être au moins un peu soignées ? Il l'ignore mais dans le fond l'espère. « Bien. » répond-t-il simplement lorsque Iason affirme que la chambre lui convient. « Je m'en occupe. » qu'il dit lorsque Iason demande à faire apporter de l'eau chaude. Cela n'a rien de surprenant, après le long voyage qu'il vient de faire. Mais alors qu'il esquisse un pas pour s'éloigner, Iason parle d'Ixion, du fait qu'il reviendra quand il le souhaitera. Un sourire étire doucement les lèvres de Daegon. « Oui, il fera comme bon lui semble, comme d'habitude. » répond-t-il sans jugement lui non plus. Il est habitué aux absences de son maître. « Je reviens avec de l'eau chaude. » ajoute-t-il bien rapidement avant de quitter la chambre pour aller chercher lui-même de l'eau chaude. Au passage, il fait préparer à manger au cas où Iason aurait faim. C'est une possibilité et il préfère prévoir. Il revient bien rapidement jusqu'à la chambre où Iason a commencé à se mettre à l'aise et il s'empresse d'aller verser l'eau chaude dans la baignoire. « J'ai fait préparer à manger si tu souhaites manger après. » dit-il avec un sourire en reportant toute son attention sur Iason. « Je peux faire autre chose ? » demande-t-il, sincèrement à l'écoute des demandes de l'autre homme. Il a cette envie de rester, ce besoin de parler mais il n'ose le faire, pas encore. Iason préfère sans doute prendre un peu de temps pour lui. Peut-être que le repas sera l'occasion pour les deux hommes de l'avoir cette fameuse conversation qui fait envie à Daegon.
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L'homme est laissé seul mais le poids du monde reste sur ses épaules. Il songe à la lumière, et cela est étrange de telles pensées, car la lumière n'a que faire de lui. Le soleil se lève et le soleil se couche, peu importe les douleurs du soldat, sa haine et ses amitiés. Quant aux ombres, elles vont et viennent elles aussi et parfois Iason s'y noie, parfois Iason survit.
Il n'est pas homme à croire aux prédictions mais quelque chose lui creuse le coeur pourtant aujourd'hui, à cette heure précise : tu mourras seul.
Sans doutes, qui est-il après tout? Personne.
La noblesse n'est pas aux rejetés comme lui, la noblesse est à ceux et celles capable de tendre la main. Ixion le fait. Même absent, sa présence radieuse hante les murs de la demeure et pour Iason la chambre prend alors des allures de foyer.
Là où les souvenirs ne blessent pas ou presque.

Le serviteur revient, la baignoire se remplit. Iason se déshabille, s'y glisse. Il peut enlever ses vêtements peut-être, pas ses marques, pas les cicatrices.
On connaît assez bien le peu d'attirance qu'il éprouve pour les hommes et Daegon sait que le Légat n'attend donc rien de lui. Il reste pourtant.
L'eau chaude ravive la douleur de certaines cicatrices, Iason a appris à accepter que ses actions ne seront jamais sans souffrance à présent. Le prix du soldat, le prix de la guerre et des batailles... L'homme tourne la tête vers le serviteur. ”C'est bien aimable et prévenant de ta part, ton maître est riche de t'avoir à son service.” Une petite pique pour un ami absent : Ixion sait-il seulement la chance de ne pas avoir un vieil intendant bougon sur le dos chaque fois qu'il rentre chez lui?

”Hé bien? Si tu restes planté là c'est que tu veux parler je suppose. Parle, Daegon.”

La voix est grave mais Iason la porte sans colère. Il reconnait dans l'attitude du plus jeune celle que l'on peut adopter lorsque l'on a l'espoir de discuter de choses sérieuses, importantes. Cela pourrait être de simples problèmes de serviteurs et de gens loués : “rachete-moi à mon maître et je te servirais bien”, mais Daegon est un ancien soldat. Iason sait qu'il a appris à parler autrement et que ses préoccupations sont tout aussi autre. Il sait également que certaines idées sont difficiles à exprimer, tout autant que des souvenirs le sont à porter.

”Exprime-toi sans détours, il paraît que j'ai la vertu d'écouter.”

La poussière se mêle à l'eau, y tourbillonne un instant avant de s'y perdre. Une fois propre, Iason se relève, prend un linge pour se sécher. Il fait cela seul, en temps de guerre un soldat même de haut rang ne peut avoir le luxe de serviteurs. Les vêtements propres apportés dans son barda, il les revêt. Des gestes simples, efficaces, demain matin le simple plaisir de se rendre chez un barbier sera là. En compagnie d'Ixion peut-être? Pas seul.
La solitude te tuera.
Peut-être, peut-être pas. Bien des choses ont menacé sa vie déjà, bien des choses la menaceront encore. Il sait la mélancolie propre aux traits de sa famille, il n'y a plus que lui à présent.
Parce que la mélancolie peut tuer, tout aussi sûrement que la nuit à l'extérieure et chacun des autres jours qui s'en viendra ensuite.
La vie est ainsi...
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Iason se déshabille, se glisse dans l'eau et Daegon devrait repartir. Il devrait le laisser seul mais il ne bouge pas, il reste planté là, à l'observer du coin de l'oeil afin de ne pas se faire trop insistant. Qu'attend-t-il au juste ? Il a les mots sur le bout de la langue mais ne les prononce pas. Parce qu'ils ne sont plus « liés », qu'il n'est désormais qu'un serviteur. Oh il parvient à sourire doucement Daegon, au compliment de Iason, ce dernier affirmant qu'Ixion est riche de l'avoir à son service. « Gratitude. » qu'il répond en hochant la tête, les mains croisées derrière son dos. Il se tient droit, malgré sa jambe, malgré ce handicap. Droit. Fier dans un sens. Parce que le compliment est bienvenu, que cela fait toujours du bien de savoir qu'on est bien vu, surtout venant de Iason, pour tout un tas de raisons. Daegon bat des cils, surpris, lorsque Iason s'adresse soudain à lui, lui intimant de lui parler car s'il reste là, c'est qu'il y a sans doute une bonne raison. Il baisse le visage Daegon, habitué qu'il est à plier, à s'écraser même si Ixion n'est pas un homme à abuser de son pouvoir auprès de Daegon. Iason insiste, demande à Daegon de s'exprimer sans détours. Il dit avoir la vertu d'écouter et Daegon a envie de le croire. Il a envie de croire qu'il est possible de discuter des choses graves avec lui, de parler de ce passé qu'ils ont en commun. Ce passé bien douloureux qui se voit sur leurs peaux respectives, les cicatrices étant légions chez les deux hommes. Celles du cœur le sont également. Daegon détourne le regard lorsque Iason sort du bain pour se rhabiller, ne voulant pas porter sur lui un regard qu'il pourrait estimer gênant. Parce qu'il sait son attirance pour les hommes, et Iason est bel homme. Il l'observe simplement du coin de l'oeil et ose pleinement reporter son attention sur lui lorsque Iason est enfin habillé. Mais comment aborder le sujet ? Quels mots prononcer ? Il doit franc, direct, c'est que Iason attend de lui. Les mains toujours croisées derrière le dos, il finit par soupirer avant de se lancer. « Tes mots m'ont touché. » dit-il donc, sincère. « Et quand j'ai dit que ceux qui oublient n'ont pas d'importance, pour être tout à fait honnête, je ne le pensais pas vraiment. » confesse-t-il un ton plus bas.

Puis il hésite à nouveau. Un bref instant.
Il finit par joindre ses mains devant lui, son regard azur venant s'accrocher à celui plus sombre de Iason.

« Je n'ai jamais accepté mon sort. Jamais. » avoue-t-il, sa voix se mettant légèrement à trembler, laissant apparaître cette colère sourde qui l'anime au quotidien. Ses sourcils se froncent. Sa mâchoire se crispe. « Ma jambe, je l'ai accepté. Mais perdre tout ce que j'avais, devenir un moins que rien... » Y penser lui fait mal. Si mal. Parce qu'il a été injustement traité, de cela il est persuadé. « Je n'en parle jamais parce que personne ne comprend mais toi... Tu me comprends, n'est-ce pas ? » finit-il par demander. C'est presque une supplique en réalité. Parce qu'il a besoin que quelqu'un le comprenne. Que quelqu'un pense comme lui. Que quelqu'un estime qu'il aurait mérité mieux. Mieux que cette vie qu'il a aujourd'hui ou, plus exactement, ce semblant de vie.
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”C'est le propre d'un coeur que de se briser et de ne jamais accepter”, répond Iason. ”Le tient bat encore malgré ce que te disent tes cauchemars et ta douleur.”
Il parle mais n'élève pas la voix puisque cela est inutile. Un instant, il n'y a que le silence. Iason regarde Daegon, le poids des choses flotte entre eux. ”Non”, intervient le plus âgé de la même manière que l'on tue un homme. ”Non je ne te comprends pas. Parce que cela n'appartient qu'à toi” Ses yeux sombres restent fixés sur le serviteur, Iason cille à peine.
Il est immobile, on remarque souvent cela chez lui, cette impassibilité, cette économie de gestes. L'une des raisons pour laquelle parfois on le juge sans importance. Jusqu'à ce que l'on se rappelle sa carrure...

”Ce monde n'a aucune perfection, personne n'y occupe une place véritablement sensée lui appartenir de droit. Des regards, des jugements toujours. Nous sommes tous le moins que rien d'un autre.” un instant, un amusement cynique teinte ses mots. ”Tu es cependant chez un homme généreux, quel regard porte-t-il sur toi? Ne confond pas tes propres yeux avec ceux d'autrui, ainsi pourras-tu te relever. Jambe ou non.” Bien entendu tout cela ne libèrerait pas Daegon de sa fonction.
Serviteur.
Que l'âme s'apaise au moins un instant lorsque le corps ne le peut. ”Tu es vivant, aucune de tes blessures ne guérira mais tu es vivant. Tu ne sers pas chez une famille où seul le sang compte mais chez un homme capable de comprendre la souffrance. Pleure lorsque cela est trop dur : nous connaissons tous deux le secret des soldats.” Et la voix rauque et profonde se brise un peu. ”Qu'ils pleurent aussi, qu'ils pleureront toujours.”

Sa main se pose sur l'épaule du cadet sans y peser pour autant. Les choses sont ainsi : injustes, empoisonnées. Des gens meurent, d'autres vivent, et le chagrin mouille la terre tout autant que le sang. Iason sait être dur dans les mots qu'il utilise. Daegon a perdu beaucoup de choses en effet, et la perte de son rang lui a également fait jeter au feu une autre chose qu'il lui faudrait retrouver : son humanité.
”Ne porte pas la honte qu'on veut te voir revêtir, il y a assez de serpents venimeux en ce monde pour ne pas faire l'erreur de goûter à son propre poison, entends-tu? Je tombe assez dans ce piège moi-même pour ne pas le reconnaître chez un autre.”

Est-ce une erreur, parler à ce garçon ainsi? Iason songe à tout ce qui pourrait être espionné d'eux, être détourné. Les routes qu'on lui demande d'emprunter sont pavés de gouffres ne demanant que sa chute après tout. Cela lui arrache un autre sourire.

”Toi qui est déjà tombé, contrairement à beaucoup tu sais avoir la force d'y survivre.”

Sa main se retire de l'épaule, le contact a été bref en vérité. Avec Iason, il le sont toujours. A sa manière, le Légat n'a rien d'un homme tactile. Quelques maîtresses se plaignent de cela mais, rompues au jeu de l'amour, le comprennent bien plus que ce que Iason n'imagine.
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Le cœur qui se serre et s'émeut face aux mots de Iason. Daegon qui est pourtant habitué à porter un masque, à tenir, est ébranlé. Ses yeux s'en trouvent plus humides sous l'émotion née des mots de Iason tant ils sont justes, tant ils font sens. Il dit qu'il ne le comprend pas car ce qu'il traverse n'appartient qu'à lui mais pourtant, il sait trouver les mots. Il sait, tout simplement. La douleur d'être un soldat, physique ou mentale. Celle avec laquelle ils doivent composer au quotidien parce qu'ils n'ont guère d'autre choix finalement. Oui, il trouve les mots alors qu'il lui dit qu'on est toujours le moins que rien d'un autre. Même lorsqu'il était légat il l'était dans un sens, sinon, on n'aurait pas pu lui retirer ses titres si facilement. Sinon, on n'aurait pas pu lui faire mordre la poussière de cette façon là. « Je sais. » souffle-t-il lorsque Iason lui fait remarquer qu'il est au service d'un homme généreux. Il en a parfaitement conscience. Il doit tellement à Ixion... Tellement. Et quant au regard qu'il porte sur lui, il sait qu'il est bienveillant même s'il n'est pas que cela. Il a confiance en lui, lui confierait sa vie, de cela il est certain et il réalise soudain, Daegon, que c'est beaucoup. D'avoir cette confiance. D'avoir cette place dans la vie d'Ixion. Pour ce qui est des regards plus appuyés, plus sensuels, il a beau essayer de ne pas y succomber, il n'y est pas insensible. Dans son malheur, il ne peut nier avoir eu de la chance de tomber sur Ixion et il ne prétendra jamais que son maître n'agit pas dans son intérêt. Daegon parvient à esquisser l'ombre d'un sourire lorsque Iason lui dit qu'il pourra se relever, jambe ou non. Il a envie d'y croire. Qu'il s'en relèvera vraiment de tout ceci. Les larmes se font plus insistantes dans le regard de Daegon lorsque Iason évoque justement les larmes silencieuses et secrètes des soldats. La main que Iason pose sur son épaule a cette douceur dont il ne savait pas qu'il avait besoin. Et puis, ce brin de fierté qui revient dans le regard de Daegon aux mots suivants. Il entend. Il saisit. Il s'imprègne. Parce qu'il a raison. Il ne doit pas leur faire ce plaisir, d'avoir honte, de se laisser abattre par ce qu'ils lui ont fait subir. C'est injuste mais c'est ainsi.

Et sa vie pourrait actuellement être bien pire.
Il serait même mort en réalité, à n'en pas douter.

« Merci. » qu'il souffle simplement, reconnaissant, un sourire sincère étirant ses lèvres. Il est tombé, il s'est relevé et peut continuer de le faire. Iason a raison. « Tu dis que tu ne me comprends pas mais tu comprends. » La nuance est subtile, il est vrai. « Et dans mon malheur, j'ai eu la chance de rencontrer Ixion. » finit-il par dire. « Et de te rencontrer, toi aussi. » Parce qu'il s'estime chanceux de cela Daegon, d'avoir cette oreille attentive que Iason lui offre, d'avoir ces mots qui sont un baume pour son cœur meurtri. « J'aimerais pouvoir te rendre cette sagesse et cette bienveillance. » ajoute-t-il, son regard s'habillant d'une sincère et profonde détermination. « Mais je crains de n'avoir rien à t'apporter si ce n'est... » Et il marque un silence. « Sois prudent. » finit-il par dire en plantant son regard dans celui de Iason. « Les serpents dont tu parles frappent vite sans qu'on s'y attende. » Il le sait pour l'avoir vécu. « Et je ne voudrais pas qu'il t'arrives la même chose qu'à moi. » C'est dit comme il le pense. Tout en sincérité Daegon en cet instant. Bienveillance à l'égard de Iason, lui qui apporte tant en cet instant à Daegon.
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Le garçon semble soudain différent, non pas autre mais bien au contraire : lui-même. On reconnait en lui cet officier Valyrien qui jamais n'a disparu et non point mort malgré les injustices. Le monde est ce qu'il est, un endroit sale, corrompu où le feu d'un dragon ne suffit parfois pas pour faire venir la moindre lumière. Iason lui-même trébuche encore à bien trop de ténèbres.
Parfois, un poison lui brûle les veines sans qu'il ne sache à qui s'en ouvrir. Personne ne l'écoute. C'est là la chance d'Ixion d'avoir un serviteur de la trempe de Daegon. Le Légat est-il jaloux de l'Aurige pour autant? Non, l'amitié qu'il porte à son cadet est puissante, trop pour cela. Il ne dit pas à Daegon qu'il sait ce que cela fait, de devoir éconduire les avances du maître de maison car si lui-même l'a fait, sa position est différente de celle du serviteur.
Ne comparer que ce qui est comparable.

L'autre le regarde, non pas maladroit, non pas malhabile mais hésitant, simplement hésitant. Ses yeux ont la couleur d'une jeunesse déjà passée, de ces teintes étranges qu'il faut avoir vécu pour pouvoir en reconnaître les reflets. ”Je suis un soldat et pense comme tel “, le rassure Iason. “La stratégie qu'ils ont utilisé pour te faire tomber a donc déjà été utilisée une fois, ils ne sauraient la reprendre sans conséquences car nous avons appris de celle-ci.” Qui plus est, priver l'armée Valyrienne de ses légats ne saurait être souffert bien longtemps, ils étaient les figures de la guerre contre l'Empire Ghis après tout. Cela un poids, quoi qu'on en dise, pureté du sang ou non.
Cela a un poids...
Parfois, Iason pense qu'il tente de s'en convaincre plus qu'autre chose. Parce qu'il a envie d'y croire pour survivre encore un peu, mais en ce cas jusqu'où s'égare-t-il sur le chemin de la vérité? Il ne sait pas, il a peur. Sa peur est un fardeau, il cherche à la ressentir autrement, en faire un sentiment différent. Toujours des illusions, rien de plus. Devant lui un serviteur qui fut un légat. Il peut l'appeler autrement cependant, il peut l'appeler “ami”. Les ténèbres au dehors sont vastes, autant de chagrins creusent le coeur qu'il y a d'étoiles dans le ciel. La douleur est là, proche, celle de tous ceux déjà tombés, des ceux qui ne reviendront jamais. Comme chaque soir, Iason se sent comme au sortir d'une bataille lorsque les cohortes d'hommes reviennent et qu'au coucher bien des tentes et des lits resteront vides pour tous les morts de la journée. Ceux qui n'en sont pas retournés. Ce sont ses démons, le Légat l'accepte. Autant de souffrances et de murmures, autant de deuils passés et à venir.

”Va à présent, repose-toi. A moins qu'il n'y ait encore d'autres choses que tu veuilles demander quand bien même je ne peux posséder toutes les réponses de l'univers. Si par mes mots je t'ai cependant aidé aujourd'hui alors ma venue en ce lieu n'a pas été vaine, autre que de m'accaparer le vin et le dîner de notre ami commun.”Amer est le vin pour les lèvres du soldats, de cendre est la nourriture pour le coeur du guerrier. Sans repos ils sont, sans repos ils seront pour toujours et à jamais.
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