Vermax la Grande. Vermax la Voyageuse. Celle qui parcourait le monde. Celle qui parlait Mille Langues. Celle qui, malgré tout cela, n’avait guère qu’il seul foyer fixe. Un seul foyer dont elle était la maîtresse en son absence. Car Vermax était une Divinité prompte à disparaître, pour mieux reparaître. Maesella s’était faite au caractère de cette Déesse qu’elle servait depuis son enfance. Pour rappeler à tous sa présence même dans les moments où sa nature même l’appelait ailleurs en vaste monde, une statue de marbre blanc veiné d’or avait été installée dans l’atrium principal du Temple. Vermax n’était point casanière et, comme bien des voyageurs, aimait pouvoir s’en référer aux astres pour se diriger et retrouver son chemin, le cas échéant. Raison pour laquelle sa statue se trouvait ici, à l'extérieur.
Une statue qui ne s’était cependant jamais dégradée dans le temps. Seule l’étoffe qui lui faisait office de cape était passée d’un brun chaud à un brun passé, parfois grisonnant en certains endroits précis. Un tissu qui souffrait de la morsure du vent, des rayons ardents du soleil, ou de ceux, plus discrets, de la lune. Une étoffe qui ne tarderait pas à être remplacée, comme c’était le cas une fois par an, lorsque le Rêve de Vermax se produisait. Une cape qui était brodée par tous les Prêtres et les Prêtresses qui venaient d’achever le noviciat. Jamais Maesella ne se lassait d’observer cette œuvre. De grande taille, étant placée sur un socle qui plus est, il s’agissait-là de son repaire. D’un lieu rassurant, de cette cella dans laquelle il lui était déjà arrivé d’entendre la voix de cette Déesse qui l’avait réclamée, alors que des flammes léchaient encore sa chair, il y a de cela plus de quarante ans.
« Grande Vermax, accorde-nous ta protection pour ce jour et pour ceux à venir. Veille sur nos époux, nos frères, nos fils, nos oncles et nos cousins partis au devant de l’ennemi. Assure-toi de leur retour parmi nous quand le moment sera venu. Que les vents s’apaisent et ne les détournent pas du chemin que tu as tracé. Que ces hordes de sauvages craignent ta présence et ta voix. Car qui ose s’en prendre aux Valyriens partis au loin s’en prend à toi, à Maîtresse des Voies et de la Voix. »
Agenouillée aux pieds mêmes de la statue, tête baissée, les mains posées sur ses genoux, Maesella se trouvait là. Alors que le soleil n’était pas encore levé, alors qu’on laissait parfois un répit salutaire aux novices, la Grande Prêtresse quittait sa propre couche, délaissant les bras de son époux, pour rejoindre l’antre de cette Déesse qui avait veillé sur ses jours depuis le premier d’entre eux. Après avoir ranimé les brasiers qui réchauffaient la cella, puis les torches qui l’éclairaient en l’attente du lever du soleil, Maesella avait fait brûler de ces écorces exotiques, créant ainsi une douce torpeur prompte à ses prières. Combien de temps était-elle restée ainsi ? Plusieurs heures sans doute. Plusieurs heures qui lui avaient semblé être une poignée de secondes.
« Grande Prêtresse ? Je te prie de m’excuser de te déranger ainsi, ne vois en moi qu’une simple messagère. Le Temple est désormais éveillé. Je pensais que tu aurais souhaité en être informée.
- Je te remercie pour ta prévoyance, Visenya. répondit simplement Maesella, qui n’avait pu que reconnaître la voix de sa nièce. N’est-ce pas Novice Ryor qui devrait être à mes côtés en ce jour ? »
En prononçant ces quelques mots, la Grande Prêtresse s’était relevée, chassant d’un simple geste les plis qui s’étaient dessinés sur l’étoffe sombre de sa robe. Descendant les quelques marches qui la séparait du sol, Maesella se retrouva rapidement aux côtés de sa nièce. Cette dernière portait la robe grise des novices, un voile d’une pareille teinte recouvrant sa chevelure argentée. Une novice qui lui adressa un sourire, bien que gardant la tête légèrement baissée. Il n’y avait guère que dans la sphère privée que Visenya pouvait s’autoriser des gestes dignes d’une nièce à son égard.
« Novice Ryor est souffrant, Grande Prêtresse. Il lui a été conseillé de garder le lit pour le moment. J’ai été désignée pour le remplacer aujourd’hui.
- Je me rendrai à son chevet dans la journée, en ce cas. Suis-moi, Novice. Nous avons fort à faire aujourd’hui. »
Sans laisser à Visenya le temps de lui répondre, Maesella quitta la cella, faisant signe aux personnes gardant la porte de la refermer derrière elle. Il n’y avait guère que les membres du clergé et les novices qui pouvaient attendre cette pièce sainte entre toutes. Le commun des Mortels pouvait s’adresser à la Déesse par une autre statue, la principale n’étant accessible à tous et à toutes que durant le Rêve de Vermax et en d’autres occasions particulières qui se comptait sur les doigts des deux mains.
La mâtinée serait longue. Le premier repas de la journée fut frugal. Maesella avait fort à faire et bien des personnes à rencontrer. Mieux valait ne point abuser de la nourriture dès à présent, de part les quelques mets qu’elle offrirait aux personnes qu’elle se devait de recevoir et qu’elle partagerait du bout des lèvres avec elles. La Grande Prêtresse garda un temps sa nièce à ses côtés, cette dernière accueillant les premiers de ses obligés, prenant en notes la teneur de ces rencontres. La jeune fille ne fut renvoyée que plus tardivement, sa tante l’envoyant effectuer un certain nombre de tâches en accord avec sa fonction au Temple.
« Dame Riahenor est arrivée, Grande Prêtresse. l’informa une servante, après s’être poliment inclinée.
- Voilà une bonne nouvelle. Fais-la entrer, mon enfant. Tu pourras disposer ensuite.
- Bien, Grande Prêtresse. »
La servante s’inclina à nouveau, quittant la pièce avec un autre serviteur qui était venu remplir à nouveau les quelques plats laissés vides et disposés là, sur le bureau. La jeune femme ne revint que quelques instants plus tard en compagnie de la Dynaste, ne quittant définitivement la pièce qu’après une nouvelle révérence. Alors, Maesella se leva à son tour, adressant un fin sourire à la matriarche des Riahenor. D’un mouvement de la main, la Grande Prêtresse indiqua l’un des sièges qui se trouvait devant le bureau.
« Sois la bienvenue dans la demeure de notre grande Vermax, Vaelya. Prends place, je t’en prie. Le voyage a du être éprouvant et je m’en voudrai de te garder debout plus longtemps. Je nous ai fait servir quelques rafraîchissements. Puissent-ils être à ton goût. As-tu fait bon voyage ? »
A ces mots, Maesella regagna sa propre place. Il y a de cela quelques temps, une lettre de la main de la Dynaste lui était parvenue. Une lettre que la Grande Prêtresse n’avait pu que prendre au sérieux et qui menait à cette entrevue. Un sujet d’importance. D’une importance telle que de simples mots sur un parchemin ne pouvaient suffire pour prendre une décision ou pour en discuter de manière convenable. Un sujet qui serait abordé par la suite, cependant. Le moment venu.
( Gif de andromedagifs. )