Il y avait ce jour particulier entre tous, aux yeux des Novices du Temple de Vermax. Ce jour où, alors que certains leurs aînés se rendaient à Valyria, les enfants qu’ils étaient encore pouvaient profiter d’un peu de réconfort, parfois d’une pause bien méritée de quelques heures pour ceux et celles qui avaient terminé leurs corvées comme il se devait. Profiter de ces quelques heures pour lire ce qui leur plaisait, pour jouer discrètement à ces jeux de dés que les plus chanceux étaient parvenus à se procurer d’une manière ou d’une autre, quand il ne s’agissait pas de jeux tracés à la craie, afin de n’en laisser aucune trace une fois qu’ils s’en seraient lassés. Pour d’autres, il s’agissait également du jour où les lettres reçues de leurs familles et de leurs proches leur étaient remises. Du moins, s’ils s’étaient montrés méritants.
Du haut de ses douze ans, Maesella faisait partie de cette catégorie. Assise en tailleur dans son lit, une petite planche posée sur ses genoux en guise d’écritoire, la jeune fille laissait glisser son écriture sur un fin feuillet, que la Prêtresse qui prenait soin de son enseignement lui avait octroyé. D’un haussement d’épaules, la Novice remit en place le voile grisâtre couvrait son crâne, coulait dans son dos jusqu’à ses hanches, gênant parfois certains de ses mouvements. Plusieurs fois, Maesella s’arrêtait, portant la pointe de plume au niveau de ses lèvres, les caressant de la sorte le temps d’une poignée de secondes. Puis, l’écriture reprenait, inlassablement, jusqu’à la pause suivante. Alors, il arrivait à la jeune fille de lever les yeux au plafond, cherchant parfois vainement ses mots, décidant d’en user d’un autre pour les remplacer.
« Tu me causes bien des difficultés, Rhaedor. » murmura la jeune fille, sa plume caressant désormais sa joue.
Maesella était pourtant coutumière d’un tel exercice. Du haut de ses douze années, la jeune fille pouvait se vanter de traduire déjà quelques paragraphes écrits dans des langues pourtant différentes de la sienne. Bien sûr, elle était aidée dans une telle tâche. Mais les faits étaient là. En cet instant, elle peinait à trouver ses mots dans cette langue qu’elle parlait pourtant depuis sa plus tendre enfance. Il fallait dire que la nouvelle qui lui avait été transmise était d’importance. Rhaedor Nohgaris, son cousin le plus précieux, était prêt à entrer au Collège. A devenir Novice tout comme elle pouvait l’être au Temple de Vermax.
Une bonne nouvelle, dans les faits. Les Dieux avaient ordonné les choses ainsi et devaient se satisfaire de voir leurs volontés exécutées. Et pourtant, Maesella peinait à faire part de son soutien, à faire part à son cousin de la joie qui était la sienne en apprenant une telle nouvelle. A croire que son âme y voyait là une quelconque raison de se troubler. La jeune fille poussa un léger soupir, déposant finalement sa plume dans une pièce de bois rainurée qui se trouvait sur sa table de chevet. Quant à la planche, elle trouva sa place sous son lit, à défaut de meilleure place, le feuillet se trouvant toujours sur celle-ci, tenu en place par de légers poids de fer. Elle reprendrait sa tâche plus tard. Fort était de constater que la jeune fille n’avait pas la tête à réfléchir à une tâche pourtant si simple.
Se levant finalement de son lit, Maesella s’étira avant de remettre en ordre sa chevelure et son voile. De quelques mouvements de mains, la jeune fille chassa également les plis qui couvraient sa robe tout aussi grisâtre que son voilage. Se jugeant présentable, bien que seule à cette heure de la journée dans le dortoir, la Novice s’approcha de la fenêtre qui perçait le mur. L’après-midi était encore jeune et ses tâches ne la rappellerait pas avant que la nuit ne soit tombée. D’ici-là, il lui faudrait avoir achevé cette lettre, si elle voulait que cette dernière puisse trouver Rhaedor avant son départ.
« A moins que tu sois déjà parti ? songea Maesella, son coude appuyé sur l’appui de fenêtre, alors que sa main retenait l’une de ses joues. Trouveras-tu le temps de me répondre, là où tu te trouves ? »
Du Collège, Maesella ne savait que ce que tout bon Valyrien se devait de savoir. Bien sûr, il lui était arrivé de se trouver en compagnie de ce Mage que les Nohgaris avaient hébergé par moments, afin qu’il puisse veiller aux premiers apprentissages de Rhaedor. Mais c’était là tout. Aurait-il le temps de lui écrire, avec tout ce qu’il aurait à apprendre ? Maesella laissa échapper un soupir. C’était donc ça. Voilà donc le problème qui était le sien... Qui retenait sa main et son esprit, alors que la Novice tentait de répondre à son cousin. Peut-être que cette réponse qu’elle écrivait serait la dernière qu’elle enverrait. Peut-être même que Rhaedor n’aurait pas le temps de s’y pencher comme elle pouvait le faire en cet instant… Peut-être qu’il trouverait plus d’intérêt dans la Magie que dans l’écriture qu’ils pouvaient partager…
Alors, la Novice laissa échapper un nouveau soupir, détournant son regard de la fenêtre. Ses prunelles se posèrent alors sur ce lit qu’elle venait de quitter. Sur ce lit qui dissimulait tout son nécessaire à écriture. Maesella se devait de répondre. Peut-être était-ce l’une des dernières fois qu’un tel fait se produirait. Alors, Maesella revint s’asseoir dans son lit, récupérant sa planchette et sa plume. Que sa main se hâte, dans ce cas. Rhaedor se laisserait d’autant plus rapidement, si son esprit n’y mettait point du sien.
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