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Lorsque deux cœurs saignent à l’unisson. Rhaenys Haeron et Maesella Nohgaris.

Tolos & An 1066, mois 2.

Tout était paisible. Des flots aux vols des oiseaux. Des claquements de rames sur les vagues, semblables à des bruissements, en comparaison de ceux produits par les ailes du dragon qui volait là. Une grande créature, bien que fine, qui voguait dans les cieux avec grâce, fendant les airs de ses ailes de cuir, effrayant les quelques nuées de mouettes et de goélands qui ne semblaient guère habituées à voir pareille créature. Le dragon ne semblait pas prêter la moindre attention à ces minuscules boules de plumes, aussi nombreuses puissent-elles être.  Tout juste son regard se posait-il sur elles, l’espace de quelques instants, alors que leurs cris affolés brisaient ce calme, roi jusqu’alors en ces lieux.

Maesella se trouvait là, juchée sur la créature. Ses bras enserraient la taille de sa sœur aînée, tandis que sa joue reposait sur son dos. Les yeux clos, la Nohgaris se laissait bercer par le chant du vent, mêlé à celui des vagues et au rythme induit par les battements d’ailes du dragon de son aînée. Le temps était radieux, le soleil laissant ses reflets se fondre sur leurs chevelures argentées. Quelle belle journée que voilà. Les Dieux avaient offert là un bien beau présent à leurs créations. Eux aussi, célébraient la fin de cette guerre qui avait duré quatre longues années, festoyant à la santé de leurs enfants qui ne tarderaient pas à revenir au pays.

Hélas, la Grande Prêtresse n’arrivait pas à s’en réjouir. Lassée de cette berceuse, pourtant si douce à ses oreilles il y avait encore quelques instants, la Nohgaris laissa son regard mauve se poser sur les flots. Elles seraient bientôt arrivées. Bientôt. Au loin, Tolos s’étendait, masse sombre à l’horizon. Une telle vision n’aurait pas manqué de la faire sourire, il y a de cela quelques années. Combien de fois avait-elle profité de cette ombre salvatrice qui planait sur ces rues sinueuses ? Combien de fois avait-elle humé l’air marin, s’entretenant avec un capitaine inquiet du prochain voyage qui s’annonçait pour lui ? Combien de fois Aera l’avait invitée en sa demeure, lui permettant de rencontrer les siens ? De bénir leurs initiatives, leurs épousailles ? Combien de souvenirs heureux avait-elle ici ?

De doux souvenirs. De fort doux souvenirs que Maesella ne pouvait que chérir, malgré cette ombre menaçante qui semblait désormais planer sur Tolos. Aera n’était plus, morte, assassinée par la folie dont Ghis avait fait preuve. Deux de ses petit-enfants n’avaient pas tardé à la rejoindre dans la Mort. Gaerion avait péri sous les murs de cette ville, tentant avec bien d’autres d’en briser le siège. Comme Balerion pouvait se montrer cruel, laissant les vivants à leur peine. Instinctivement, la Grande Prêtresse serra les poings. Tolos était devenu un réel tombeau. Un charnier dont la puanteur ne disparaîtrait pas de sitôt, si toutefois elle devait disparaître un jour.

Naela et elle étaient attendues par une famille amie. L’une de ces familles de navigateurs à laquelle Maesella avait rendu service, par le passé. Une famille qui n’avait pu que lui rendre la pareille, durant la guerre, veillant sur les cendres de Gaerion. Une famille qui avait tant perdu, comme tant d’autres. Une famille que la Grande Prêtresse, l’envoyée de Vermax qu’elle était malgré tout, se devait d’apaiser, de rassurer. Comme le reste de la population de Tolos. Car Maesella resterait plusieurs jours en ces lieux, prenant possession du Temple de Vermax que cette ville abritait. Bien peu de temps pour apaiser toutes ces âmes, tous ces pleurs. Si seulement les journées comptaient davantage d’heures.

Le dragon de Naela les avait laissées dans les environs de la ville, ne pouvant se poser entre ses murs. L’espace de quelques instants, les deux femmes l’avaient suivi du regard, l’observant s’éloigner, les rayons du soleil dansant sur ses écailles. Maesella fut la première à détourner le regard, se mettant finalement en marche. Naela dut adapter son pas au sien. Au tout du moins, l’ancienne matriarche des Nohgaris essaya d’agir ainsi. Plusieurs fois, la Grande Prêtresse s’arrêta, attendant que son aînée se mette à sa hauteur. A chaque fois, Naela la rejoignait, pour mieux la perdre de vue par la suite, tant et si bien que Maesella jugea préférable de la tenir par le bras, ne la lâchant qu’une fois arrivée devant la demeure du navigateur à qui elles devaient tant.


« Dois-tu déjà t’absenter, ma sœur ? s’enquit Naela, alors que Maesella s’était assise sur le lit qu’elle occuperait, peignant sa longue chevelure d’argent.
- Je suis attendue au Temple de Vermax d’ici la fin de la journée. se contenta de répondre l’intéressée. Mais auparavant, je me dois de rendre visite à une famille de ma connaissance. Rassure notre hôte quant à mon absence. Je ne compte pas déroger aux règles de la bienséance en écourtant mon séjour en sa demeure. »

A la fin de sa tirade, la Grande Prêtresse s’était levée. Qu’importe que cela ne fasse que deux heures qu’elles étaient arrivées ici. Cette rencontre ne pouvait pas attendre. Sans doute avait-elle trop tardé. Aussi, après une toilette bien méritée et avoir ôté ses vêtements de voyageuse, revêtant la toge brunâtre du Clergé de Vermax, Maesella s’en était allée, n’emportant avec elle que sa besace et ce bâton de marche qui l’accompagnait dès qu’elle quittait son si cher Temple. La route ne serait pas longue, il est vrai. Mais Vermax voyageait ainsi. Son envoyée se devait de faire de même.

Pas une fois Maesella ne demanda son chemin. Tolos n’avait pas changé, bien que le siège n’avait pu que lui causer bien des maux. Les rues étaient toujours semblables, sinueuses, ombrageuses. Plusieurs fois, on l’arrêta cependant, demandant à échanger quelques mots, une prière, une bénédiction dans certains cas. Un jeu auquel Maesella se prêta volontiers, souriant pour la première fois de cette lugubre journée. La toge des envoyés de Vermax était connue de tous, dans des lieux comme celui-ci, où le commerce se devait d’être roi. Cependant, bien peu devaient se douter de son identité réelle, de part le dénuement dans lequel elle allait, en ce jour.

Un sourire qui ne put que s’étioler lorsque la Grande Prêtresse eut offert son attention à la dernière personne qui la demandait. Elle était arrivée. La Tour de l’Epée. Un lieu qui l’aurait faite rire aux éclats, à une autre période. Mais Aera n’était plus. Tant d’autres n’étaient plus. Et pourtant, il fallait qu’elle grimpe ces quelques marches. Qu’elle frappe à cette porte. Qu’elle entre. Elle n’était pas n’importe quelle âme. Elle était l’envoyée de Vermax. Ses sentiments, qu’importe leur nature, ne pourraient, et ne devaient pas, la détourner de sa tâche.

Alors, Maesella gravit les marches du parvis, frappant finalement contre l’huis du poing. Deux petits tapotements qui suffirent à un serviteur pour venir lui ouvrir. De simples mots furent alors prononcés. Maesella Nohgaris, Grande Prêtresse de Vermax, amie de la feue matriarche de ces lieux, demandait à entrer. Demandait à parler à la nouvelle maîtresse de ces lieux au plus vite. Nul contretemps ne la détournerait de cette idée. Alors, le serviteur s’effaça, se courbant respectueusement.

Laissant entrer la Nohgaris, l’homme prit le soin de la guider jusqu’au couloir menant à ce bureau dans lequel Maesella s’était déjà rendue bien des fois. Tout était si familier, ici. Si familier et si étranger à la fois. Le serviteur lui demanda de patienter. Soit. Elle attendrait. Debout, bien campée sur ses jambes, la Grande Prêtresse resta là, son bâton à la main. Rhaenys accepterait-elle de la recevoir, comme elle l’avait déjà fait auparavant ? Comme cela lui semblait lointain, à présent. La Grande Prêtresse retint un soupir, à cette pensée. Tout avait changé. Tout était si différent. Une réalité distordue qui était pourtant la leur. A laquelle il faudrait se faire.

C’est alors que la porte se rouvrit. Le serviteur s’inclina à nouveau, lui faisait signe d’entrer. Alors, Maesella entra. Droite, digne. Telle était l’envoyée de Vermax, la Voyageuse. Des traits qui ne purent que s’orner d’une certaine tristesse. Tout ce chemin qu’elle avait fait, ce voyage entreprit en direction de Tolos, telle était sa finalité. Cette rencontre que la guerre n’avait pu que repousser. Que le siège avait presque rendue impossible. Et pourtant, les faits étaient là. Vermax avait entendu ses prières.

« Bonjour Rhaenys. Je te prie d’excuser mon intrusion en ta demeure. Je ne pouvais me rendre à Tolos sans venir vous rendre visite, à toi et aux tiens. La Grande Prêtresse se tut quelques instants. Que Vermax te bénisse, ma fille. Qu’elle vous bénisse tous et toutes et qu’elle permette à vos navires de trouver leur chemin sur les flots et à vos marchands de voyager sans craindre les pillards. »

En prononçant ces quelques mots, Maesella avait légèrement levé sa main libre, droite, sa paume en direction de Rhaenys. Comme la jeune femme pouvait lui ressembler. Telle fut la pensée qui anima la Grande Prêtresse, à cet instant. Avec les années, comme ce fait pouvait lui sembler clair. Comme Aera serait fière. Hélas, Aera n’était plus de ce monde. Balerion l’avait ravi à sa famille, à ses proches. A elle. Comme il avait ravi Gaerion. Comme il avait ravi tant d’âmes innocentes.




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Lorsque deux cœurs saignent à l’unissonRhaenys Haeron et Maesella Nohgaris

Tolos, mois 2, an 1066
Enfin. Après une longue période de préparations suivie par des négociations sous tension, le traité de paix avait enfin été signé, mettant ainsi fin à quatre longues années de guerre et pouvant laisser place à la possibilité d’avoir le cœur libre, de pouvoir arborer des sourires mais surtout d’être à même de vivre à nouveau. La victoire était certes du côté des valyriens mais les pertes n’étaient pas sans conséquences. Des époux, des héritiers tués, des orphelins, de nombreux marchands ayant perdu ce qui les faisaient vivre, d’indélébiles souvenirs marqués dans la chair ou parfois uniquement dans l’esprit. Cette guerre avait profondément marqué Valyria, plus que certains ne pouvaient le croire, mais il fallait faire preuve de force et d’ambition afin de pouvoir surmonter ces terribles souvenirs.

Installée à présent à son bureau, Rhaenys Haeron lisait les différentes missives reçues de marchands de la ville concernant les difficultés éprouvées pour cette reprise si importante du commerces, d’éleveurs inquiets du charnier autours de la cité. Elle s’attelait à rassembler les informations pour les classer par ordre d’importances tout en réfléchissant à la meilleure solution. Son retour en ville en serait que de courte durée tant sa présence à Valyria serait des plus importantes mais depuis, les échanges avec les marchands ghiscaris avaient repris, les navires ne circulaient cependant plus comme avant la guerre et les deux quadrirèmes gardant la rade ne pouvaient laisser planer le doute sur la méfiance tant des tolosis que des valyriens. Si le silence régnait dans la pièce, au dehors il était possible d’entendre la rumeur des rues ombragées d’où provenaient les activités humaines qui reprenaient leur cours avec un certain sentiment de liberté retrouvée tandis que le chant des oiseaux marins, plus puissant, entérinait ce sentiment. Ils semblaient fêter eux aussi la fin de ces quatre terribles années.

Malgré son implication dans ses tâches du jour qui la rendait presque hermétique aux bruits extérieurs, Rhaenys éprouvait de l’impatience face à une nouvelle qui n’avait pu lui échapper. Une femme chère à sa défunte s’apprêtait à faire son retour dans la cité portuaire, une grande prêtresse dont le souvenir semblait lointain tant les récents événements avaient pu être éprouvants. Pourtant une certaine appréhension venait de naître dans son cœur. Nombreuses étaient les familles qui avaient perdu des proches, et ce peu importe l’endroit d’où ils venaient, les Haeron comme le simple tolosien vivant dans sa petite maison dans le quartier des pêcheurs avaient été frappés par la décision de Balérion. Des corps avaient pu être identifiés, certaines familles pourraient faire leur deuil, tandis que d’autres n’auraient guère cette possibilité.

On vint frapper à la lourde porte de bois et ce fut Daevor qui entra avec son habituel pas léger en refermant la porte derrière lui. Le serviteur annonça la présence de la Grande Prêtresse de Vermax et il suffisait d’un mot de la matriarche, d’adresser un geste de la main ou de la tête, afin de lui ordonner qu’il la fasse entrer dans cet espace qui fut quelques années auparavant l’antre d’Aera Haeron. La matriarche hocha la tête puis se laissant arborer un léger sourire elle attendit que son invitée entre. Lorsque la porte s’ouvrit à nouveau et que le visage de la Nohgaris apparut, elle sentit une puissante vague d’émotion venir la frapper d’une telle force tant et si bien que si elle ne faisait pas preuve de force, qu’elle ne s’était pas préparée à l’idée de la revoir, son visage aurait affiché la moindre pensée qui l’assaillait en cet instant si particulier. Droite et dégageant cette dignité et cette force que Rhaenys lui avait toujours reconnues, Maesella se présentait à elle dans sa toge brunâtre avec son bâton à la main et la Haeron pu se délecter silencieusement de ce visage rassurant par sa familiarité.

Alors que la Grande Prêtresse s’exprimait, Rhaenys se leva. Avec une lenteur maîtrisée elle contourna le lourd bureau ouvragé afin de venir à la rencontre de cette femme qui fut amie avec la regrettée Aera, cette prêtresse avec qui elle avait commencé à tisser son propre lien. Elle avait l’impression de redécouvrir ce visage qui ne lui était pourtant pas étranger, cela faisait des années qu’elle n’avait pu avoir le loisir d’apprécier ce visage de ses propres yeux et d’écouter cette voix. C’était si agréable comme sensation, un sentiment presque irréel. Elle sentit son sourire s’élargir, heureuse d’avoir cette présence bénie de Vermax, alors qu’elle gardait la tête haute en venant à elle.

- Allons nul besoin de t’excuser, tu es ici chez toi. Commença-t-elle à déclarer avant de laisser le grande prêtresse poursuivre. La Heron pris une inspiration puis expira lentement tandis qu’elle écoutait les paroles prononcées. Que Vermax le bénisse était ce dont elle avait besoin et en cela remerciait Maesella de les lui adresser : Tolos avait été profondément blessée et si elle se réveillait à peine de sa torpeur, la ville saurait se relever grâce à la force de Vermax et les moyens mis en place par Rhaenys et les siens. Elle la remercia tout d’abord d’un hochement de tête avant de prendre la parole après avoir saisis la main de la Nohgaris pour venir y déposer un baiser. Je te remercie pour tes mots Maesella, l’aide de notre déesse sera précieuse ici plus que jamais. Puisse Vermax ne jamais cesser de te couvrir de son aura et de ses enseignements… Je t’en pries prends place, cette journée a dû t’être éprouvante ! Elle relâcha la dextre de l’envoyée de Vermax avant de joindre le geste à la parole en lui présentant un confortable siège. Elle laissa son invitée prendre le temps de s’installer tandis qu’elle faisait signe à Daevor pour qu’il apporte un rafraîchissement avant qu’elle ne tire le second siège pour venir s’asseoir non loin de la prêtresse. C’est un réel plaisir de te voir mais j’aurais souhaité que cela se fasse en d’autres circonstances… Dis-moi, comment te porte-tu ? Et les tiens ?


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Lorsque deux cœurs saignent à l’unisson. Rhaenys Haeron et Maesella Nohgaris.

Tolos & An 1066, mois 2.

La Tour de l’Epée était l’un de ces foyers. Rhaenys marquait un point en cela. Un foyer, une demeure, qui avait bien changé. Au point qu’il semblait à la Grande Prêtresse que tout y avait changé, sans que son esprit n’arrive pour autant à déterminer la nature précise de ces modifications.  Les murs étaient restés pareils à eux-mêmes. Et pourtant, quelque chose clochait. Une ombre planait sur cette demeure, comme sur le reste de la ville. Une chappe de plomb, lourde et glaçante à la fois, s’étendait comme une tâche d’huile sur la mer toute proche. Et que dire des habitants de ces lieux ? Amaigris, émaciés, certains n’étaient plus que l’ombre d’eux-mêmes. Combien de ces personnes connues Maesella avait-elle perdu dans cette demeure, sans même le savoir ? Ces âmes discrètes, promptes à servir. Combien s’étaient évaporées ?

L’espace de quelques instants, Maesella détailla Rhaenys du regard. Elle aussi était amaigrie. Ses os roulaient encore sous sa chair, alors que la jeune femme se saisissait délicatement de sa main, l’embrassant doucement. Et dire que lors de leur première rencontre, Rhaenys était comme tous les enfants de son âge, aux joues poupines, rosies. Pauvre petite. Pauvre Tolos. Ce sinistre siège n’avait donc épargné aucune âme. Mais la ville était libre, à présent. Les navires afflueraient de nouveau. La Grande Prêtresse prierait pour cela. De toute son âme, si tel n’était pas déjà le cas en temps normal. Elle saurait débloquer quelques fonds également au Temple de Vermax de Tolos, afin qu’il puisse se procurer vivres et aliments de premières nécessités. Sa Déesse ne saurait laisser mourir une ville qui fut si commerçante par le passé.

«  Il est vrai que j’ai tant foulé le sol de cette demeure qu’il me semble la connaître par cœur. avoua la Grande Prêtresse, un sourire quelque peu peiné aux lèvres. Une demeure qu’il m’est agréable de retrouver. Le voyage fut long, je ne puis te mentir à ce sujet. Valyria est bien lointaine, et si le vol du dragon de ma sœur a toujours été des plus sûrs, retrouver la chaleur d’un foyer n’en reste pas moins agréable. »

A la proposition de Rhaenys, Maesella ne put qu’acquiescer. Ses jeunes années étaient derrière elle. La Grande Prêtresse ne se faisait que peu d’illusions à ce sujet. Le temps où elle pouvait voyager des heures durant, pour n’en ressentir qu’une fatigue minime, était révolu. Elle se devait de ménager son corps, bien que son envie de voyager ne lui manquait pas. Ses jambes la faisaient quelque peu souffrir, tout comme son dos. Un fait qu’elle avait volontairement occulté. Tolos ne pouvait attendre. Aussi, les haltes s’étaient faites rares. Naela partageait son opinion à ce sujet. Gaerion se devait de rejoindre Valyria, afin de pouvoir rejoindre Balerion comme il se devait, en tant que patriarche des Nohgaris.

« Hélas, je ne puis que partager ton point de vue. Mes os se font vieux, mon âge parle de lui-même. Mais Tessarion m’a fait don d’une solide santé, et je ne peux que la louer pour cela. Je me plais à penser que les Nohgaris se portent pour le mieux, bien que mes neveux et mon frère ne soient pas encore de retour à Valyria. Ils nous ont cependant assuré de leur retour prochain. Sans doute est-ce le cas pour certains membres de ta parentèle également ? »

Maesella avait pris place sur le siège qui lui était réservé, laissant son bâton reposer contre celui-ci. La Grande Prêtresse glissa sa main désormais libre au niveau de sa nuque quelque peu douloureuse, la massant quelques instants. Gaerion avait succombé sous les murs même de cette ville, alors que d’autres de leurs cousins avaient détourné leurs regards de ce monde en d’autres occasions. Maesella avait pleuré leur disparition, avec les larmes qui lui restaient. Que Vermax les accompagnent dans leur dernier voyage. Une profonde tristesse qui n’avait pu que resurgir dans son âme, alors que le dragon de Naela survolait Tolos.

« Hélas, tous ne reviendront pas. laissa échapper Maesella, dans un soupir. Si ma sœur m’a accompagnée, ce n’est pas uniquement afin de me permettre de rallier le Temple de Vermax de Tolos au plus vite. La Grande Prêtresse déglutit légèrement. Mon frère aîné, Gaerion, a fait partie des troupes valyriennes qui ont tenté de briser le siège de Tolos. Nos Dieux décidèrent de le rappeler à eux à cette occasion. Nous ne pouvions le laisser décemment sans funérailles, bien que Vhagar n’ait pu que se rendre compte de sa vaillance durant les combats. »

Elle l’avait senti. Tout comme elle avait senti le dernier souffle de Maegelle. Tout comme elle avait senti celui du Grand Prêtre qui l’avait précédé. Un frisson atroce, un murmure qu’elle ne connaissait que trop bien. Ce même murmure, ce même souffle qu’elle avait senti sur sa nuque alors que Balerion arrachait de ses entrailles les quatre enfants qu’elle aurait pu mettre au monde. Qu’elle aurait du mettre au monde. Un frisson, des nausées, des larmes. Elle l’avait senti. Elle l’avait senti et n’avait rien pu faire. Car Vermax ne pouvait pas ramener tous les Hommes de ce monde en leur foyer. Balerion prélevait son tribut sans qu’elle ne puisse l’en empêcher, le temps venu.

« Mais cessons de parler de moi. proposa Maesella, effaçant ses précédents propos d’un simple geste de la main.  Je ne peux que te retourner tes interrogations. Comment se portent les tiens ? Avez-vous tout ce dont vous pourriez avoir besoin ? Vermax peut faire bien des choses. Cependant, je ne peux que craindre que vos navires ne reviennent que trop rarement au port. »

Maesella savait. Elle savait pour la mort de ces deux petits. Deux petites âmes que Balerion avait arraché à ce monde bien trop tôt. Ghis n’avait été que l’instrument de sa volonté. Une douleur que la Grande Prêtresse ne pouvait que comprendre, qu’elle n’avait point besoin d’imaginer. Aux yeux de tous, elle n’avait jamais réellement été mère. Et pourtant, des années durant, son cœur n’avait pu que saigner à cause de ces pertes. Bien des larmes avaient coulé mais jamais Maesella ne s’était réellement confiée. Maegelle avait été l’une des seules à recueillir ses confidences. Des confidences dont Balerion était désormais le gardien. Une douleur qui devait être encore vive, dans le cas de Rhaenys. Une douleur qu’il fallait sans doute mieux taire, plus encore venant d’elle, qui ne comprenait que trop bien cette intense souffrance.




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Lorsque deux cœurs saignent à l’unissonRhaenys Haeron et Maesella Nohgaris

Tolos, mois 2, an 1066
Voir ce visage si familier était un tel bonheur pour la jeune femme qui retrouvait une figure de force et de sagesse mêlées mais son cœur se serrait à la pensée des raisons pour lesquelles elles ne se retrouvaient qu’en ce jour du deuxième mois de l’an 1066. Pour le moment la matriarche s’employa à conserver ce visage avenant qu’elle arborait, ce sourire chaleureux qui à cet instant n’était pas perverti par la tristesse. Elle était heureuse de voir la Grande Prêtresse de Vermax qui était aussi bien chez elle de part son statut que par la relation qui l’avait liée à Aera puis à présent à Rhaenys. Cette dernière l’invita à prendre place avant de s’enquérir du voyage effectué pour se rendre jusqu’en la cité portuaire. Elle écouta avec attention les mots prononcés, se plaisant à laisser cette voix s’insinuer dans son esprit. Les soldats ne tarderaient pas à rentrer et le doute quant à la célébration qui leur serait accordée ne pouvait décemment par avoir sa place dans les esprits. Ainsi la Haeron hocha la tête en guise de réponse à la question de la grande prêtresse : les Haerons partis et ayant survécu, rentreraient sous peu.

Lorsque Maesella évoqua la mort de ce frère qui n’était qu’un nom pour la jeune femme, une ombre passa sur le visage de Rhaenys alors qu’elle réalisait que cette guerre avait même touché durement cette amie. Il était certain que la grande prêtresse ne pouvait pas laisser partir Gaerion sans lui adresser des funérailles dignes de leur nom et de l’homme qu’il avait pu être, cet homme qui avait fait partie de ceux tentant de briser le siège de Tolos. Cette guerre qui venait de durer quatre années avait fait tant de mal tant du côté humain que du côté de l’économie et Rhaenys restait certaine que le poids de l’or supplanterait celui de l’acier valyrien, aussi tranchant soit-il. Alors que d’un geste de la main Maesella déclara qu’elles devaient cesser de parler d’elle, retournant ainsi à la Haeron les questions qu’elle avait posées, cette dernière serra le poing.

Cela n’avait pas été une tâche aisée mais elle s’était attelée à enfouir son chagrin profondément dans son cœur et son esprit. Une dureté nécessaire afin de continuer à avancer sur ce chemin tracé des dieux et pour donner de cette force si primordiale pour que sa famille puisse garder la tête haute. Rhaegar était parti le premier pour rejoindre l’antre de Balérion, Jaegon l’avait rejoint rapidement puis cela avait été successivement le tour du neveu Rhaevon et de l’oncle de la matriarche, Jacaenarr. Quatre noms pour quatre âmes qui auraient dû encore vivre des années, qui n’auraient pas dû être fauchées mais les Hommes et les dieux avaient parlé, déclaré leur sentence. Un jugement des plus pénibles lorsque l’on survivait avec le souvenir de leur visage, gravé profondément dans sa mémoire.

- Je crains aussi que le commerce ne reprenne pas comme avant mais je ferais tout pour que l’on retrouve une certaine normalité. Concernant les miens ils se portent aussi bien que les dieux puissent le permettre, Maelesys et Aevar reprennent peu à peu de cette énergie qui avait pu tant les animer. J’ai demandé à Daeragor de cartographier l’Ile aux cèdres et quant à Gaemor… ce qu’il s’est passé l’a profondément affecté.

Elle aussi mais elle détourna rapidement pour regard afin d’épargner à Maesella la vision des horreurs dont la jeune femme avait été témoin. L’arrivée de son serviteur permis à Rhaenys de gagner suffisamment de temps pour éloigner ces sentiments qui attaquaient cette muraille forgée pour les retenir. Elle lui accorda un sourire en guise de remerciement puis pris la coupe de vin qu’il lui tendit avant d’en boire quelques gorgées pour dénouer cette gorge qui s’était serrée sous l’assaut de la tristesse et de la colère froide. Elle regarda à nouveau le visage de cette femme qui avait pu la voir enfant, qui s’était liée d’amitié avec sa mère, cette femme épargnée par le moindre désir d’en user pour ses propres intérêts. Probablement la seule âme dans cette péninsule avec qui elle pouvait se confier sans craindre que ses mots ne retrouvent aux oreilles de ses concurrents.

- Ce siège… il y a eu tant d’infâmies, ce fut d’une telle violence morale que je ne pourrais décemment pas t’en faire part sans te choquer. Ces souvenirs sont gravés en moi, j’aimerai te dire que je saurais ne plus y penser mais ce serait mentir car j’ignore totalement si j'y parviendrai. Rhaenys posa sa coupe sur son bureau puis elle prit une des mains de Maesella entre les siennes puis se mit à genoux devant elle. Closant un instants ses paupières, la Haeron vint à nouveau embrasser cette main puis elle releva vers la grande prêtresse un regard empli de cette tristesse qu’elle avait tant conservé pour elle. Il s’agissait-là de la seule occasion où elle pourrait parler à cœur ouvert auprès d’une personne de confiance. Sa voix ne fut qu’un murmure douloureux. Maesella. J’ai vu des hommes, des femmes et des enfants n’ayant plus que la peau sur les os, tenir difficilement debout, se fatiguer au moindre effort. J’ai entendu des lamentations jour et nuit, des respirations rendues sifflantes. Certains n’étaient tellement plus que l’ombre d’eux-mêmes qu’il était presque impossible de déterminer si la vie les avait quittés. Ceux qui avaient encore une once d’énergie pouvaient se battre pour ce qui pouvait constituer un semblant de nourriture… quand d’autres animés par le désespoir et le besoin de survivre se repaissaient des morts qui jonchaient le sol. Ils ont voulu me prendre Rhaegar et Jaegon…


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Lorsque deux cœurs saignent à l’unisson. Rhaenys Haeron et Maesella Nohgaris.

Tolos & An 1066, mois 2.

Maesella ne put que hocher la tête, visiblement songeuse. La peur tenaillerait encore le ventre de bien des marchands, de bien des voyageurs venus des confins du monde. Tolos ne reverraient pas les voiles de Yi-Ti ou des Royaumes de Sarnor avant un certain temps. Un bon marchand était un marchand prudent. Et que dire de ceux qui avaient sans doute des liens avec l'Empire Ghiscari ? Sans doute y réfléchiraient-ils à deux fois avant de mettre à nouveau le cap jusqu'ici. Les flammes se montreraient peut-être plus optimistes qu'elle. Peut-être que la Nohgaris prendrait le temps de les interroger, une fois revenue en sa demeure.

« Tu me vois ravie d'apprendre de telles nouvelles. avoua Maesella, un fin sourire étirant ses lèvres. Quels âges ont-ils, à présent ? La Grande Prêtresse se plongea quelques instants dans ses pensées. Onze et neuf ans, c'est bien cela ? Maelesys et Aevar oublieront vite tout ce qu'ils ont pu voir. L'enfance est une période bénie des Dieux. »

Le sourire de la Grande Prêtresse se mua en une moue moins optimiste lorsqu'il fut question de Gaemor. Ce siège resterait dans bien des mémoires, bien que peu songeraient à en parler. Ne point en parler pour l'occulter, pour l'oublier petit à petit. Pour permettre à tous de se reconstruire en oubliant le pire. Les habitants de Tolos avaient été plus forts que le siège. Plus fort que les Ghiscaris. Mais le prix de leur résistance, le tribut de de leur force, avait été des plus lourds à payer.

« Parle Rhaenys. Ne pense pas que les ans ont épargné ma carcasse ou que les Dieux ont jeté sur mes yeux un voile qui m'empêcherait de saisir la réalité de ce monde. répliqua doucement la Grande Prêtresse. Parle, mon enfant et conte-moi ces horreurs qui se jouèrent sous tes yeux. Je ne puis t'assurer que ton âme oubliera tout cela. Ce n'est guère de mon ressort. Mais je prierai pour ton apaisement. »

Maternelle, Maesella pouvait l'être. A bien des égards, elle était la Mère du Temple de la Douzième Flamme, comme d'autres femmes pouvaient être les Mères des autres Temples de Vermax. Elle avait élevé des Novices depuis leur naissance, dans certains cas. Telle était la volonté des Dieux envers cette femme qu'elle était, cette mère qu'elle n'était pourtant jamais devenue par le sang. Son idylle avec Rhaedor aurait une autre finalité. C'est alors que Rhaenys lui saisit les mains, se mettant à genoux devant elle, comme pour faire pénitence. Alors, les mots coulèrent de sa bouche. Jamais la Grande Prêtresse ne cilla. Tout au plus leva-t-elle les yeux en direction du plafond, adressant une prière muette à leurs Divinités.

Gaerion avait été un bon patriarche. Au-delà de l'affection fraternelle que pouvait éprouver Maesella pour le défunt, les faits parlaient pour eux. Les Nohgaris s'étaient bien portés, sous sa direction, sous sa protection. Bien sûr, ils avaient du faire face aux caprices du destin. La mort de Maegelle était l'un d'entre eux. Mais Gaerion avait toujours été là, faisant même preuve de tendresse à son égard, là où leur frère ne voyait en elle qu'un oiseau de mauvais augure. Sa mort serait regrettée et il serait dûment pleuré. C'était pour toutes ces raisons que Naela avait tenu à l'accompagner, au-delà de cette alliance qui la liait à leur frère aîné. Il s'agissait-là de son devoir d'épouse. Le dernier acte de fidélité qu'elle devait à cet homme à qui aucun d'entre eux n'avait pu dire au revoir.

Gaerion avait évité un pareil sort. Sa dépouille, et celle de bien d'autres braves, avaient été brûlées à l'extérieur de la ville, par des frères, par des cousins qui avaient veillé sur eux, à ce que personne ne songe ne serait-ce qu'un instant, à se repaître de leurs chairs. C'était là une chance, qu'ils avaient eu. Les Dieux ne pouvaient point accepter pareil acte. Manger de la chair de Valyrien était l'égale chose que de repaître de celle d'un dragon. On ne nourrissait pas d'un frère, d'une sœur, de sa mère d'une autre vie. On ne se nourrissait pas d'un présent des Dieux. Tout cela n'était qu'une funeste conséquence de la folie de Ghis et de sa soif de conquêtes. Pauvres habitants de Tolos pour en être arrivés à une telle extrémité. Pour croire que leurs Dieux les avaient abandonné à leur sort.

« Pardonnez-les, mes Dieux. Ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. » murmura Maesella, fermant à son tour les yeux quelques instants, baissant la tête.

Un moment d'égarement, pour ce Peuple qu'ils avaient élu pour dompter les dragons et les volcans. Maesella rouvrit finalement les yeux, posant son regard sur Rhaenys. Comme elle aurait voulu l'enlacer. Lui promettre que tout irait pour le mieux, que tous oublieraient ces horribles images, ces massacres perpétrés par leurs voisins, par leurs frères, par leurs sœurs. Hélas, la Grande Prêtresse en doutait. Comme elle doutait que Rhaenys oublie tout à fait cette douleur si vive qui était celle, pour une mère, de perdre ses enfants.

« Vous ne méritiez pas cela. murmura Maesella, l'une de ses mains quittant celles de Rhaenys pour se poser sur sa joue, la caressant doucement. Tous autant que vous êtes, vous ne méritiez pas cela. Rhaegar et Jaegon les premiers. As-tu pu leur donner une sépulture décente ? »

Manger de la chair d'enfant. Des Etres sans défense. L'infamie n'en serait que plusgrande encore. Tolos avait souffert. Bien trop souffert. Maesella prierait pour le repos de toutes ces âmes, pour que Balerion accueille dignement les enfants de Rhaenys, qu'il veille sur eux jusqu'au moment de leur retour parmi les vivants. Mais cela ne suffirait pas. Maesella n'était plus une enfant, une jeune fille découvrant son premier béguin. Il fallait agir autrement. Offrir son aide à Tolos, telle était déjà son idée avant même son arrivée en ces lieux. Les rapports du clergé de Vermax vivant en ces lieux étaient bien trop alarmants. Il n'y avait pas que le commerce qui était menacé. La population même en était ressortie affaiblie, bien moins nombreuse qu'avant le conflit. Vermax était ici chez elle. Il était de son devoir de s'assurer que sa demeure resterait bien tenue, que ses enfants, ses habitants, restent en bonne santé.

« … Il y a tant à faire, à Tolos. laissa finalement échapper Maesella, dans un soupir. Le Temple de Vermax de Tolos a quelque peu édulcuré la vérité, semble-t-il. Je ne peux remettre en question tes propos, Rhaenys. Plus encore au vu de ce qu'il me fut donné de voir dans les rues de Tolos. Tant d'enfants et de jeunes gens aussi maigres que des clous... Une flammèche brillait dans le regard de la Nohgaris. Vermax ne peut tolérer de les voir ainsi, de savoir qu'ils lui offrent le peu de nourriture qu'ils ont dans son Temple. Ces enfants sont ses envoyés de demain, ceux qui parcourront le monde le moment venu. Vermax aidera Tolos. Je ne puis savoir encore dans quelles mesures, mais vous avez déjà tous bien trop connu la faim. Ce temps se doit d'être considéré comme révolu. »

Maesella s'en voulait presque, d'être mieux en chairs que ces pauvres jeunes gens, malgré sa fine constitution. De ces enfants qu'elle avait pris dans ses bras, sentant leurs os sous leurs vêtements. De doyens de ces quelques familles, à qui elle avait prêté le bras pour quelques pas. Son voyage à Tolos n'avait pas pour seul but de bénir cette ville meurtrie, de rassurer ses habitants. Le clergé de Vermax était riche, c'était là un fait que personne ne remettrait en question. Bien sûr, il lui faudrait les accords des autres Temples d'importance de la Déesse. Mais de cela, Maesella ne doutait pas. Et si réticences il y avait, elle se ferait un plaisir d'emmener elle-même les intéressés jusqu'à Tolos pour qu'ils voient de leurs propres yeux l'urgence de la situation.




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Lorsque deux cœurs saignent à l’unissonRhaenys Haeron et Maesella Nohgaris

Tolos, mois 2, an 1066
Que le cœur de Rhaenys pouvait saigner abondamment en cet instant tant cette peine ne la quittait pas. Elle s'était attelée à enfouir profondément ce sentiment dévorant et voilà que face à ce visage amical marqué par les années, elle découvrait qu'elle n'avait pu s'en fuster pleinement. Il s'agissait-là d'une certaine désillusion pour celle dont sa dévotion pour sa famille n'avait d'égale que sa détermination. Il avait pourtant suffit d'un regard accordé à la Grande Prêtresse de Vermax pour que cette armure forgée à cause du Siège de Tolos ne s'effrite considérablement pour laisser la jeune femme en proie à l'indécision. Devait-elle partager ses sentiments ou bien devait-elle se taire ? Son esprit la poussa tout d'abord à répondre posément aux questions posées avant que son cœur ne lui réclame de s'ouvrir.

Maesella Nogharis était une amie à n'en point douter, une personne proche que la jeune femme ne pourrait jamais se résoudre à placer parmi ceux pour qui elle pouvait faire preuve déloyauté. Non, jamais. Maesella entre ces murs, aussi proche de Rhaenys, était plus qu'une amie, elle était cette figure maternelle dont elle avait tant besoin pour quelques instants. Le peuple de Tolos avait su résister au siège mené par les Ghiscaris mais à quel prix ? Cette condition fut payée aux prix de nombreux morts et des horreurs que nul n'aurait dû connaître. La Haeron se confia alors sur ce qu'elle avait pu entendre, ce qu'elle avait vu sans toutefois aborder les odeurs qui avaient pu se diffuser dans les étroites rues de la ville.

A genoux devant la Grande Prêtresse de Vermax, il n'y avait aucune intention d'idolâtrie dans son geste, il s'agissait d'un mouvement nourri par l'instinct, le besoin d'être proche d'une âme amie. Elle n'était aucunement animée par une faiblesse calculée. De ce fait elle montrait à quel point la faille dans son cœur était grande et l'éprouvait. Tenir la main de Maesella lui permettait de rester ancrée dans cette rude réalité et si elle la remerciait silencieusement de ne pas la retirer, une infime part de l'esprit de Rhaenys espérait qu'elle reçoive une marque de tendresse comme celles que sa mère avait pu lui donner par le passé. Peut-être que cette part insensée n'était qu'un caprice d'une jeune femme propulsée si tôt à la tête de sa famille, pouvoir se confier sur sa peine constituait déjà un certain soulagement unique et devait être bien assez, mais cette petite pensée ne pouvait exister sans une réelle raison.

Ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient. Le soldat Valralys lui avait fait remarqué qu'elle s'était montrée dure envers tous ces gens qui avaient cédé à cette pulsion barbare de se nourrir de la chair de leur compatriotes. Il avait raison mais la jeune femme n'était pas certaine que les esprits n'avaient pu être au fait des actes commis, la faim les avaient guidés mais l'esprit devait forcément savoir ce qu'il se passait. Durant quelques instants Rhaenys leva les yeux vers Maesella, l'observant adresser cette prière aux Dieux afin qu'ils accordent leur mansuétude au tolosis, un pardon qu'elle n'était pas capable d'accorder et qui lui laisserait un goût de fiel dans la bouche à chaque fois que ses yeux se poseraient sur ces visages coupables. La jeune femme serra les mâchoires, se forçant à faire cesser ses réflexions afin de se concentrer sur les paroles de la Grande Prêtresse mais un geste lui fit aussi bien un pincement au cœur qu'il ne déclencha une vague de chaleur qui parcouru son corps.

Rhaenys écarquilla les yeux surprise, pourtant ce fut bien rapidement qu'elle se permit de profiter de cette main sur sa joue qui la caressait avec douceur, elle sentit que l'émotion s'apprêtait à la submerger avec force alors elle prit une grande inspiration avant d'expirer doucement pour tenter de repousser la tristesse. Lorsque la Nohgaris lui demanda si elle avait pu offrir à ses deux jeunes fils une sépulture décent, la jeune femme secoua légèrement la tête en signe de négation. Nous les avons offerts aux flammes, nous ne voulions surtout pas qu'ils... Elle ne termina pas sa phrase, préférant ne pas songer à nouveau à ce terrible moment où l'on avait tenté de les leur substituer, où Gaemor s'était ardemment battu pour que leurs fils restent intacts. Une lueur embrasa son regard à mesure que les mots quittaient la bouche de Maesella. Il était indéniable qu'elle était une femme bonne et Rhaenys remerciait les dieux de l'avoir près d'elle. Lorsqu'elle entendit la fin des paroles de la Nohgaris, la jeune femme senti une énergie nouvelle commencer à poindre en elle.

- Merci pour tes mots ma chère Maesella, ta venue m'est si bénéfique. A ces mots, elle prit délicatement la main de la Grande Prêtresse pour y déposer un nouveau baiser avant de l'envelopper dans les siennes. Tolos doit se relever au plus vite et si Vermax nous vient en aide, notre reconnaissance n'en sera que plus grande !


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Lorsque deux cœurs saignent à l’unisson. Rhaenys Haeron et Maesella Nohgaris.

Tolos & An 1066, mois 2.

Jamais Maesella ne pourrait ne serait-ce que frôler du bout du doigt le martyre dont Tolos avait été la victime. Elle ne pouvait que se rendre compte de l’étendue des dégâts, à présent que les troupes s’étaient retirées, que les Ghiscaris avaient été chassés des alentours de la cité. Tolos était belle, dans sa jeunesse. Tolos l’ombragée, Tolos et son air iodé. Tolos et son Temple de Vermax tout de pierres sombres bâtis. De simples et lointains souvenirs. Tolos et ses habitants avaient souffert. Souffert du fiel de la Harpie. Pourrait-on reconstruire ce qui avait été brisé ? Qu’il s’agisse de maisons, de boutiques ou bien d’esprits ? Pourraient-ils, ces pauvres hères, oublier toute cette souffrance ? Vivre à nouveau, malgré toutes ces horreurs ?

Aera avait quitté un bien triste monde. Avait-elle vu, depuis la demeure de Balerion, la convoitise des Ghiscaris au sujet de sa si chère Tolos ? Avait-elle vu leurs actions infâmes, la manière atroce avec laquelle ils avaient brisé l’harmonie en ces lieux ? Dont ils en s’étaient pris aux siens, bien que de manière indirecte. Esquissant un pauvre sourire, Maesella caressa une dernière fois la joue de Rhaenys, ôtant finalement sa main de son visage après cela. Aera pouvait cependant reposer en paix. Vermax s’était penchée sur le berceau de sa fille. Comme les autres Tolosiens, elle devrait panser ses blessures. Mais un dragon ne restait jamais au sol bien longtemps. Il finissait toujours par retrouver les cieux.

« Vous avez fait ce qu’il y avait à faire. assura la Grande Prêtresse, doucement. Ils reposent désormais en paix, auprès d’Aera. Elle veillera sur eux, comme elle veille déjà sur toi. »

Sans doute ne s’agissait-il là que d’une maigre consolation. Un deuil restait une épreuve. Que dire de plusieurs, alors ? Lorsque Maegelle l’avait quitté, combien de mois avait-elle passée ainsi, à ne point vouloir entendre de pareils mots ? Ta sœur est dans un monde meilleur. Balerion prendra soin d’elle, en sa demeure. Elle veille sur toi. Des phrases creuses, pensait-elle alors. Le signe d’une idolâtrie qui ne lui semblait guère avoir de sens. Car Maegelle n’était plus là. Car Maegelle, par la cruauté du Destin, avait laissé plusieurs enfants derrière elle. L’avait laissée elle, sa cadette, derrière elle. Et pourtant, il lui avait fallu se relever. Pour la septième fois. Se relever et avancer. Car à vivre avec des fantômes, la tentation de devenir l’un d’eux était forte…

Mais Rhaenys n’était pas âme à se laisser sombrer ainsi, à devenir une âme en peine parmi tant d’autres. Elle avait encore assez de passion dans son cœur pour lutter contre cela. Maesella ne pouvait que s’en rendre compte. Une petite flammèche semblait luire dans le regard de la Haeron. Dans leur grande mansuétude, les Dieux l’avaient doté d’une âme souple, résiliente, qui ne pouvait se briser comme du verre au premier coup porté. Il lui suffirait de faire le premier pas. Les autres suivraient. Rhaenys ne se laisserait pas languir, mourir à petit feu. La Grande Prêtresse en avait la certitude, à présent.

« Vermax m’a doté de certains de ses pouvoirs. éluda Maesella, comme s’il s’agissait-là d’une évidence. Mon cœur ne peut qu’être apaisé en te voyant enfin. L’envoyée de Vermax poussa un soupir. Les nouvelles de Tolos n’étaient que trop rares, à Valyria, durant le siège. Il me fallait m’assurer de ta santé et de celle des tiens. »

Par respect pour Aera. Par respect et déférence envers cette amitié qui avait duré plusieurs décennies. Un dragon n’oubliait rien. Bien qu’elle fut confiée au Temple de Vermax dès qu’elle en eut l’âge, Maesella restait l’un d’eux, de part le sang qui coulait dans ses veines. Jusqu’à il y a quatre ans, Ghis était un vénérable empire. La Grande Prêtresse en parlait même la langue. Elle avait accueilli certains de ses ressortissants dans la demeure même de sa Déesse. Leur avait offert l’eau, le feu et le pain. Son exécration n’avait pas pu être plus puissante que lorsqu’elle avait appris ce que ces hommes avaient fait à cette ville qui priait Vermax avec ferveur.

« Je ne peux qu’avoir conscience de la piété des Tolosiens à l’égard de Vermax. Je l’ai par ailleurs remarquée moi-même à bien des reprises. Un sourire étrangement ému, qui disparu en un battement de cœur, pour se faire plus anodin. Vermax est une Déesse miséricordieuse. Tolos a souffert, bien trop souffert. Toi qui vis ici, parle-moi et dis-moi ce qui vous manque le plus. Notre République a sans aucun doute déjà pourvu à certains de vos besoins. Nombreux sont les enfants de Vermax à vivre en ces lieux. Je ne pourrai souffrir du fait de les voir mendier leur pain du jour alors que d’autres solutions peuvent exister. Si le Temple peut leur tendre une main secourable, elle leur sera tendue. »

Le clergé de Vermax, comme ceux des autres Flammes, ne participaient que peu à la vie politique, il est vrai. Cependant, les bonnes œuvres restaient leur terrain privilégié d’action. Les Enfants de Tessarion prenaient soin des blessés dans des dispensaires, les Enfants de Balerion prenaient soin des défunts dont la parentèle avait disparu avant eux. Les Enfants de Vermax veillaient sur les voyageurs, leur offrant des lieux de repos à l’abri du danger, qu’il s’agisse d’auberges ou des Temples mêmes. Les choses étaient ainsi faites. Tolos se devait de retrouver son visage d’antan. Il fallait que les rires résonnent à nouveau. Que les navires reviennent au port, les cales emplies de victuailles et d’objets venus du lointain. Il fallait que la population retrouve le goût de vivre, que les marchands puissent rouvrir leurs échoppes, que les voyageurs puissent à nouveau faire étape en ces lieux sans crainte, que les jeunes gens s’embéguinent, que les enfants puissent à nouveau jouer dans les rues sans entendre leur ventre crier famine.

Il fallait que la guerre cesse une bonne fois pour toute. En effacer toutes les traces.




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Lorsque deux cœurs saignent à l’unissonRhaenys Haeron et Maesella Nohgaris

Tolos, mois 2, an 1066
Les mots qui étaient prononcés en cette salle n’en sortirait pas. Elle ne lui demandait pas une fidélité sans faille mais Rhaenys savait qu’elle pouvait se confier auprès de Maesella Nohgaris, que ses mots n’iraient pas se rependre dans toute la péninsule par le biais des Temple de Vermax. Les mots pouvaient autant blesser qu’ils pussent servir d’arme. Nul ne devait pouvoir se servir de ce qu’il s’était passé à Tolos ou si des éléments devaient être semés par le vent, un minimum devait être contrôlé. Enfin nul ne devait savoir qu’en temps de siège, la chair ne devenait que convoitise lorsque les stocks de nourriture n’étaient guère suffisants ou devenaient inexistants. Une tentation à laquelle cédaient les plus désespérés et les plus avides de survie. La Haeron savait et si elle se devait de surmonter ces souvenirs, de les enfouir profondément dans sa mémoire, elle ne pourrait empêcher son cœur de songer à nouveau au Siège de Tolos et à ce que les êtres étaient à même de faire lorsqu’ils se retrouvaient acculés.

Laisser les larmes couler le long de ses joues, se confier, permettait d’apaiser aussi bien son âme que son esprit alors qu’elle laissait son cœur pleurer la perte définitive de ceux deux jeunes enfants qu’elle ne pourrait jamais plus enlacer. Par ailleurs, la bénignité dont faisait preuve Maesella lui était d’une grande aide afin de puiser dans ses ressources pour retrouver cette flamme qui avait pu l’animer durant de nombreuses années. Elle ne doutait pas que ses fils bénéficieraient d’un repos de paix et que sa chère mère saurait veiller sur eux jusqu’à ce qu’elle finisse par tous les rejoindre. Offrir leur corps aux flammes s’était ainsi révélé être un choix nourrir par cet amour maternel qu’elle leur avait porté dès leur premier souffle. A présent il fallait se révéler pleinement, avancer tête haute et faire en sorte que le nom des Haeron ne soit pas qu’un nom parmi tant d’autres.

- Tu es si bonne Maesella… Merci.

Dit-elle avec conviction avant que sa voix se ne brise en un murmure. Oui Vermax devait avoir donné certains de ses pouvoirs à Maesella et ce ne serait pas Rhaenys qui nierait les dons que transmettaient les dieux à leurs représentants, leurs voies étaient impénétrables. Malgré tout, la jeune femme était au fait des qualités qui étaient celles de la Grande Prêtresse et elle ne pouvait que remercier les dieux et sa mère que cette femme puisse être aussi proche d’elle. Son expérience saurait recevoir une oreille attentive autant que de la fidélité de la part de la Haeron. Cette dernière, se sentant animée par une flamme qui réchauffait peu à peu son corps, écouta attentivement les paroles de la Nohgaris puis elle prit quelques instants afin de réfléchir posément à ce qu’elle devait répondre.

Le Siège et sa levée n’avaient pas été sans conséquences et la fin de la guerre permettait enfin de reprendre pleinement le commerce sans craindre de voir disparaître des cargaisons ou des émissaires. Mais dans l’immédiat le problème restait la nourriture. La terre des collines entourant Tolos avait été retournée et dans les champs se trouvaient-là de nombreuses armes abandonnées ainsi que des corps pourrissants, dont les vers se repaissaient. Il fallait rendre viable les terres et cela n’avançait que trop lentement et son départ pour Valyria ne pouvait être repoussé plus longuement, gagner du soutien tel était le chemin qu’elle devait prendre à présent pour les siens et pour les habitants de Tolos. Elle finit par soupirer légèrement avant de se redresser et de revenir s’asseoir sur son siège puis de boire une gorgée de sa coupe. Une fois prête, elle répondit alors à Maesella.

- Les bras nous manquent pour décemment nettoyer les collines et les champs de tout ce qui a été laissé, afin de pouvoir les exploiter à leur plein potentiel. J’en fais mon affaire tout comme la reprise du commerce maritime, il me faut me rendre à Valyria. Mais concernant les enfants, les orphelins… il faudrait pouvoir leur venir en aide. Les nourrir, les éduquer, les divertir. Le Temple de Vermax pourrait proposer cette aide ?


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Lorsque deux cœurs saignent à l’unisson. Rhaenys Haeron et Maesella Nohgaris.

Tolos & An 1066, mois 2.

Tolos avait été éprouvée, outragée, brisée, martyrisée. Il en allait de même pour ses habitants. Comme il était douloureux de les voir sous un tel jour. De voir Rhaenys ainsi, de savoir qu’elle aussi avait été la victime de la folie de la Harpie. Et dire que Ghis était toujours si proche, blessée certes, mais toujours aussi proche. Tolos et l’Ile aux Cèdres ne seraient jamais à l’abri de leurs convoitises, seraient toujours l’objet de tentation. Et pourtant, malgré cela, il fallait reconstruire. Pierre après pierre. Mur après mur. Refonder des familles, réunir celles qui avaient été séparées par la force des choses. Avec l’espoir, la certitude peut-être, que les Dieux sauraient faire preuve de mansuétude à l’égard de leurs enfants qui avaient déjà bien trop souffert.

« Je ne fais là que mon devoir. répondit la Grande Prêtresse, un ton emprunt d’empathie. Les Dieux ont conçu un monde qui pourrait sembler injuste, en faisant de nous ses dirigeants. Il nous revient de respecter leur volonté et de nous hisser à nouveau sur ce trône qu’ils nous ont offert sur cette péninsule. De faire à nouveau fleurir ce royaume qui est le nôtre, désormais. »

Valyria était leur demeure, leur foyer. Un lieu où tous et toutes revenaient à un moment, qu’importe où les passions de Vermax pouvaient les envoyer. Un foyer qu’ils devaient reconstruire, rebâtir, améliorer même. Voir au-delà des frontières ? Maesella n’avait pu qu’y songer. Nombre de fois, les flammes lui avaient montré des terres lointaines, des mers sombres comme l’encre, des plaines verdoyantes et bien d’autres choses encore. Mais il ne fallait point presser son pas. Un pas après l’autre. Valyria se devait de retrouver toute sa force, avant de porter son regard plus loin à l’horizon. Avant de songer à voler au-delà des Montagnes Peintes pour d’autres choses que pour assurer sa propre défense.

Toujours plongée dans ses pensées, ne laissant point son esprit languir, Maesella écoutait les propos de Rhaenys. Ces paysages que la jeune femme décrivait, la Grande Prêtresse avait eu l’occasion de se rendre compte de leur réalité, depuis le dos du dragon de son aînée. Il lui avait alors semblé que le fiel et la rage même des Ghiscaris s’étaient répandus dans le sol, l’appauvrissant petit à petit. Et que dire de ce port, qui lui avait semblé bien vide, alors qu’elles s’approchaient à tire-d’aile de Tolos. Durant ses jeunes années, pareille chose ne se serait sans doute jamais produite. L’harmonie avait été brisée, en ces lieux. Sans doute faudrait-il du temps avant que les balances de Vermax ne se rééquilibrent, toute idolâtrie mise de côté.

« Mes yeux n’ont pu que se rendre compte de ce que tu me décris-là, Rhaenys. Les traits de Maesella se firent plus graves. Je ne peux que prier pour revoir à nouveau cette Tolos que j’ai toujours connu, avec ses collines verdoyantes, son port bruyant et ses navires aux pavillons aux couleurs du bout du monde. Les soldats qui ont participé au siège ont sans doute gardé de tels souvenirs en mémoire également. Porter cette affaire au Sénat pourrait apporter une aide supplémentaire, et nécessaire, à Tolos. Le Foyer te sera ouvert, si tu en ressens le besoin. La Grande Prêtresse se tut quelques instants. Nous avons tous payé le tribut de cette guerre. Nous attendons tous réparation pour le mal qui fut fait durant ces quatre années. »

Du Sénat, Maesella n’avait toujours eu qu’une vision lointaine, bien qu’il lui soit arrivé d’assister en tant que spectatrice à certaines séances. Aussi n’avait-elle pas d’exécration pour la chose publique, pour ces débats hargneux, grandiloquents. Attentive, elle en écoutait toutes les rumeurs, toutes les nouvelles. Rhaedor lui en rapportait d’autres. Les clergés ne se mêlaient que rarement de telles affaires. Pour autant, il ne fallait pas y rester sourd ou aveugle. Aussi suivrait-elle cette affaire avec un intérêt dissimulé, depuis le Temple qui était le sien.

« Vermax t’a doté d’un sens aiguisé des affaires, mon enfant. Qu’elle guide tes pas pour les mois qui viennent, car le chemin ne sera pas aisé pour parvenir à ton but. Maesella laissa ses doigts tapoter le bois du bureau qui se trouvait devant elle. Quant à ces pauvres petits, leur maigreur est pour le moins alarmante. Le Temple de Vermax de Tolos leur sera ouvert, s’ils ressentent le besoin de trouver un abri. Je m’entretiendrai en ce sens avec le Père qui veille sur cet endroit. Tous ne pourront pas s’y rendre, les murs sont ce qu’ils sont. Il ne s’agira que d’une solution temporaire, malheureusement. Il me faut m’entretenir avec les miens, avant de pouvoir me prononcer à ce sujet. »

Le clergé de Vermax avait été plusieurs fois sollicité, n’avait point eu le temps de se laisser embéguiner, durant la guerre. Une guerre ne pouvait point se poursuivre sans un soutien logistique et financier conséquent. Maesella n’avait pas pris de telles décisions seule. Ses pouvoirs étaient grands, de même que ses responsabilités. Elle se devait cependant de ménager les hommes et les femmes qui se trouvaient sous sa direction. Il en irait de même pour ce qui était de Tolos, bien que le Père supérieur du Temple de cette ville serait sans aucun doute un allié de poids.

« Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous apporter cette aide, à tous et à toutes. Ces enfants ne sont pas uniquement ceux de Tolos. Ils sont aussi ceux des Dieux et ils représentent l’avenir de cette cité, au même titre que les terres qui l’entourent et qui, je l’espère, vous permettront rapidement de tous vous nourrir comme il se doit. Il ne vous faut pas uniquement des bras, mais aussi des têtes bien formées si nous voulons que Tolos puisse renaître de ses cendres, les faits sont là. »

Une tâche que le clergé de Vermax ne pourrait sans doute pas assumer seul. Tolos n’était pas la ville la plus peuplée de la péninsule, il est vrai. Le Sénat apporterait sans doute une aide, selon la teneur des propos de Rhaenys. Au-delà de ce fait, Maesella ne pouvait qu’imaginer le fait que d’autres clergés pourraient souhaiter apporter leur aide, d’une manière ou d’une autre. Sa cousine lui porterait peut-être une oreille attentive. De même que le clergé de Tessarion. Ensemble, leurs capacités ne seraient que plus grandes pour apporter à Tolos la bouffée d’air dont elle avait besoin.





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Lorsque deux cœurs saignent à l’unissonRhaenys Haeron et Maesella Nohgaris

Tolos, mois 2, an 1066

Tolos venait de traverser une épreuve des plus terribles. Inimaginable. Eprouvante. Marquante. Si bon nombre d’habitants de ces étroites rues ombragées avaient ainsi pu survivre, allant parfois jusqu’à commettre des actes amoraux, aucun n’allait reprendre leur vie qui leur avait été tracé par les dieux que la moindre séquelle ne se manifeste. Rhaenys avait survécu et le fait qu’elle ait se tienne devant cette amie sans que le moindre morceau de chair humaine ait pu toucher sa langue était le seul point sur lequel il aurait été possible de flatter son orgueil. Mais jamais cela ne prendrait vie dans son esprit industrieux.

Qu’elle ait pu avoir la chance d’obtenir un tel moment avec cet être cher qu’était Maesella Nohgaris avait grandement apaisé tant le corps et l’esprit de la jeune femme qui avaient été mis à rude épreuve. Cela avait été une occasion uniquement de se confier sur ce qu’elle avait vécu sans crainte que cela soit retourné contre elle ou qu’un quelconque jugement ne lui soit porté. Depuis longtemps elle tenait en haute estime cette Grande Prêtresse de Vermax, autrefois proche amie de sa défunte mère, et en ce jour ce sentiment restait inchangé si toutefois il ne se renforçait pas.

Obtenir une telle aide n’avait pas d’autre prix à cet instant que de se confier et la Haeron prenait cette aide sans la moindre attente, en tout confiance. Il ne s’agissait peut-être que d’un devoir qui lui était incombé par la toute puissance des dieux mais Rhaenys était certaine que la bonté dont la Nohgaris faisait preuve aurait pu varier en intensité si le passé n’avait pas été celui qu’il était. Les mots prononcés lui étaient parfaitement inspirants et nourrissait ce brasier que conquête qui ne s’était jamais éteint durant la guerre.

Il était plus que temps de tout mettre en œuvre pour que Tolos guérisse de ses blessures et puisse se relever avant plus fière et prospère qu’auparavant. Trouver les matériaux pour les pêcheurs, rendre viables les alentours de la cité en les débarrassant des vestiges des combats, traverser la péninsule pour rejoindre la Capitale. Alors que le cœur de Rhaenys battait toujours sous le joug de l’émotion, son esprit se focalisait peu à peu sur ce qu’elle devait faire alors qu’elle annonçait à la Grande Prêtresse ce dont la cité portuaire du nord de Valyria avait besoin.

- Toute aide, aussi louable soit-elle, est temporaire, je le sais. Cela m’accordera cependant suffisamment de temps pour agir.

Tous les enfants ne pourraient obtenir cette aide mais cela représenterait une distraction suffisante si ses jours à Valyria se révélaient infructueux dans les premiers temps. Rhaenys prit une grande inspiration puis elle expira doucement avant de se lever et de commencer à faire les cent pas derrière son bureau, saisissant son menton entre ses doigts fins. Elle ne pouvait s’attarder plus longtemps et elle devrait être minutieuse dans ses choix. Elle se stoppa un instant et alors qu’elle se pinçait les lèvres, ses yeux se posèrent sur Maesella.

L’envie de sincérité était un sentiment qui se dégageait toujours lorsqu’elle se retrouvait face à la Grande Prêtresse mais pour une information telle que celle qu’elle voulait révéler, était-ce bien nécessaire ? Elle fronça légèrement les sourcils avant soupirer. Elle ne dirait rien, elle n’avait pas été seule dans l’affaire et elle n’en avait pas été l’instigatrice. Elle fit disparaître cette ombre soucieuse de son visage pour lui adresser un sourire chaleureux.

- Quoi qu’il se passe, tu es toujours la bienvenue à la Tour de l’Epée, Gaemor ne serait pas mécontent de te voir. Je tiens à te remercier pour ta visite qui m’a été plus bénéfique, Mère aurait approuvé qu’une telle entrevue ait pu se tenir…



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Lorsque deux cœurs saignent à l’unisson. Rhaenys Haeron et Maesella Nohgaris.

Tolos & An 1066, mois 2.

Maesella ne pouvait qu’être touchée par la détresse des habitants de Tolos. Le Père en charge de Temple de Vermax de cette ville lui ferait sans doute un récit plus précis encore. Un homme bien jeune pour la tâche qui s’annonçait, lui qui n’était entré en fonction après que son prédécesseur ait trouvé la mort durant le siège de la ville. Il lui fallait prendre toutes ces données en compte, faire connaître la situation aux autres Pères et Mère, aux autres Grands Prêtres et Grandes Prêtresses de sa connaissance. Pour cela, le récit de Rhaenys était déjà d’une grande aide. Il faudrait cependant à la Nohgaris prendre en compte bien d’autres données. Maesella n’était pas uniquement devenue Grande Prêtresse de part sa piété. La gestion de son propre Temple lui était revenue, alors que le Grand Prêtre s’affaiblissait de plus en plus. Une fois cet aspect monétaire prit en compte, une aide adéquate pourrait être apportée.

« Ces fonds ne seront pas dédiés au simple fait de nourrir ces pauvres petits et de leur offrir un toit durant quelques temps. Ils représentent l’avenir de Tolos. Ils sont les artisans, les artistes, les esprits aiguisés de demain. Leurs parents reconstruiront leur ville, la rendront vivable à nouveau. Eux en feront un endroit qui brillera de tous ses feux. »

Tolos l’Ancienne n’était plus. Cette même Tolos que Maesella avait connu durant toute sa jeunesse n’était plus qu’un reliquat du passé. Il fallait rebâtir, pousser d’autres personnes à venir y fonder leur foyer pour que cette cité retrouve cette vie qui l’avait toujours habitée. Bien des choses qui ne se feraient pas en un jour. Cette aide temporaire ne suffirait pas. Du moins ne permettrait-elle que de réduire l’ampleur de difficultés qui se reposeraient irrémédiablement par la suite. Rhaenys devrait faire entendre sa voix au Sénat pour obtenir de l’aide sur le long terme. Si le Clergé de Vermax pouvait se porter garant de certaines choses, il ne pouvait point trop s’impliquer. Telle était la tradition. Tel était l’ordre des choses.

Durant quelques instants, Maesella observa Rhaenys faire les cent pas, sans prononcer le moindre mot. La Haeron semblait soucieuse. Était-ce son audience prochaine au Sénat qui la plongeait dans le trouble. Il s’agirait d’une prise de parole importante à n’en pas douter. Rhaegel ne manquerait pas d’y assister. L’idée de glisser un mot de cette affaire à son neveu effleura l’esprit de la Grande Prêtresse. Le jeune patriarche ne pouvait qu’avoir conscience du sacrifice de son propre père devant les portes de Tolos. Peut-être se montrerait-il sensible aux propos de la Haeron ? Peut-être pourrait-il lui offrir une oreille attentive ? Pour que le sacrifice de son père, de son frère aîné n’ait pas été vain ?

« Ton hospitalité ne peut que réjouir mon cœur. Un fin sourire étira les lèvres de la Grande Prêtresse. Je ne pouvais me rendre à Tolos sans venir à votre rencontre à tous, en souvenir d’Aera et de ces moments passés qui furent les nôtres par le passé. Que Gaemor ait l’esprit tranquille, mon séjour en vos murs ne s’achèvera pas avant quelques jours. Nous aurons l’occasion de nous revoir. Le Temple de Vermax de Tolos a besoin de ma présence et de ma voix. Je ne puis qu’espérer que mes prêches sauront apaiser les âmes qui peuplent cette Cité. Si vous en ressentez le besoin, toi et les tiens êtes également les bienvenus. »

La Grande Prêtresse ne prendrait pas la parole avant quelques jours. Sa venue était, dans les faits, inconnue des familles d’importance de la cité. Une nouvelle qui se répandrait dès qu’elle aurait pris ses fonctions dans le Temple de Vermax, afin que ceux et celles qui en ressentaient le besoin puissent venir à sa rencontre durant son séjour. Maesella ne douterait pas que ces personnes seraient nombreuses, issues de tous horizons également. Une bien maigre compensation au vu de ces horreurs qui s’étaient déroulées sous leurs yeux.

« J’espère cependant te revoir rapidement à Valyria, mon enfant. Je ne doute pas qu’il en sera de même pour Rhaegel, bien que tu le croiseras plus aisément dans les couloirs du Sénat, qu’en sa demeure. »

Son neveu avait fort à faire, depuis le décès de son père. Fort heureusement, son défunt frère n’avait pas manqué de le former aux choses de la politique, bien que cette passation de pouvoir s’était faite de manière pour le moins abrupte. Fort heureusement, le jeune homme pouvait compter sur sa mère et sur Rhaedor pour le soutenir le temps qu’il prenne réellement son envol. La relève était d’ores et déjà assurée, aux yeux de la Grande Prêtresse.




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