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Tu ne me connais pas encore, mais nous ferons de grandes choses ensemble.Saerelys Riahenor.

Palais Riahenor & An 1064, mois 10.

Cela faisait trois ans. Trois ans que Saerelys n’avait pas vu sa cadette. Qu’elle n’avait pas vu les autres membres sa fratrie également. Cette situation restait bien plus douloureuse, bien plus dommageable dans le cas de Rhaelys. A quatre ans, quels souvenirs conservait-on d’une inconnue aperçue une fois, au détour d’une fête ? Si elle avait été décrite à l’enfant comme sa sœur aînée, la novice ne pouvait que regretter le fait de ne pas avoir été là pour elle, comme elle l’avait pu l’être pour Aelys. Comme elle avait pu l’être pour Gaelor. Une étrangère qui lui ressemblait. Voilà ce qu’elle était pour cette petite fille de sept ans. Une étrangère. Rien qu’une étrangère. Une forme vague, celle d’un souvenir lointain. Peut-être même d’un souvenir déjà effacé.

« Rhaelys ma douce, vois qui est enfin chez nous pour te rencontrer. »

A la mention de son prénom par sa mère, l’intéressée releva la tête des figurines sur lesquelles toute son attention était tournée. Une minute passa. Un claquement d’ailes se fit entendre, à l’extérieur, la faute à un dragon un peu trop impétueux qui volait sans doute trop près de leur demeure. Une nouvelle minute passa. Toutes deux se dévisageaient. La mine de l’enfant semblait à la fois grave et intriguée. Une troisième minute s’écoula. Aucun mot ne fut échangé. Saerelys déposa ses prunelles mauves sur le jouet de bois que tenait toujours sa plus jeune sœur. Il s’agissait d’un petit dragon, peint en plusieurs nuances de bleu. Peut-être s’agissait-il du travail d’Aelys ? Croisant à nouveau le regard de sa cadette, la novice esquissa un sourire, lui demandant doucement :

« C’est un cadeau d’Aelys, je suppose ?
- Elle l’a peint rien que pour moi ! s’exclama la petite, dont les traits s’étaient adoucis en quelques instants à peine, esquissant un grand sourire.
- Cela ne m’étonne pas d’elle. commenta la novice, tout en s’approchant. Tu me laisserais le regarder de plus près ? Cela fait bien longtemps que je n’ai pas eu l’occasion de voir son travail, pour ce qui est de la peinture.
- Je l’ai appelée Meraxes ! J’aurai bien voulu l’appeler comme mon dragon mais c’est pas un mâle comme lui, j’en suis sûre. C’est Gaelor qui a eu l’idée. Tu sais, il connaît tous les prénoms des dragons de notre famille ! Même le nom de celui de Riahenys ! Même qu’il va tous me les apprendre ! »

Tout en s’asseyant à même le sol, se mettant ainsi à la hauteur de sa cadette, Saerelys esquissa un sourire. Elle ne doutait pas un seul instant de cela. Gaelor prendrait plaisir à parler, sans doute des heures durant, des dragons liés à leur lignée. Rhaelys ne tarda pas à lui confier son jouet de bois, prenant une petite figurine de terre cuite pour la remplacer. Une figurine qui avait appartenu à Aedar. Saerelys ne pouvait point s’y tromper. Comme il pouvait passer du temps, à les aligner, alors qu’elle l’observait, préparant les Seigneurs et les Dames Dragons de son côté, nouant des rubans colorés sur leurs montures. Ensuite, ils jouaient ensemble, avec leurs cousins de temps en temps. Il n’y avait guère qu’Aedar pour leur faire accepter sa présence, lorsqu’il était question de jouer à la guerre.

« … Aelys m’a déjà envoyé un portrait de toi, tu sais. reprit Saerelys, tout en observant le petit dragon de bois. C’était il y a un an. Tu as beaucoup changé, depuis.
- Bientôt, je serais assez grande pour monter sur mon dragon, oui ! Il est pas encore assez grand pour porter deux personnes. Aelys me l’a dit. Mais quand il aura grandi, comme moi, tu viendras le voir. Peut-être même qu’il te laissera venir avec moi !
- Je l’espère, Rhaelys, je l’espère. répondit doucement Saerelys, laissant son doigt tracer la courbe de l’aile du dragon factice.
- C’est vrai que tu fais de la Magie ? reprit l’enfant, qui avait entreprit de mettre son casque à la petite figurine. Mère m’a dit que c’était pour ça que tu n’étais pas ici, avec nous. Gaelor, il aime pas être tout seul quand il lit, qu’il m’a dit. Avant, t’étais toujours avec lui, quand il faisait ça. Parfois, je lui tiens compagnie. J’aime pas quand il est triste.
- Moi non plus, Rhaelys. Moi non plus. Le sourire de la jeune femme s’était quelque peu terni. Mais tout cela fait partie du passé. Que dirais-tu si je t’annonçai que je pouvais rester avec vous, désormais ?
- … Tu as le droit ? »

Rhaelys avait déposé le petit soldat devant elle, dévisageant son aînée. Sans doute cherchait-elle à savoir si elle disait la vérité. Combien de fois devait-on lui avoir dit, après leur première réelle rencontre, que cette jeune femme qu’elle avait vu ne reviendrait pas tout de suite ? Qu’eux-mêmes ne savait pas quand cela se produirait ? Que cela n’était point en leur pouvoir, alors que tous lui manquaient terriblement et inversement ? Le sourire de Saerelys s’agrandit sensiblement. Elle ne serait pas là tous les jours, certes. Mais elle reprendrait possession de ce Palais et y retrouverait sa place. Telle était la volonté des Dieux.

« Le Collège me pense prête à vous retrouver de temps en temps. Accepterais-tu que je joue avec toi, lorsque je serais là ?
- J’ai un autre dragon, si tu veux. Un rouge. Aelys a dit qu’il était comme celui d’Aedar. Je peux te le prêter ! »

En disant ces quelques mots, l’enfant s’était levée, trottinant jusqu’à son bureau pour en revenir avec un autre dragon de bois, peint d’écarlate. Déposant le dragon bleu devant elle, Saerelys se saisit de l’autre figurine. Alors que la pointe de ses doigts frôlait la paume de sa cadette, une curieuse chaleur lui envahi les phalanges, puis la main, avant de se diffuser dans son bras puis dans l’ensemble de ses muscles. Une douce chaleur, bien loin de ces brûlures intérieures que lui causait parfois sa Magie, lorsqu’elle en abusait. La novice fronça les sourcils. De quoi pouvait-il bien s’agir ? Rhaelys la détourna cependant bien rapidement de ses interrogations, se rasseyant à ses côtés, plaçant le soldat comme elle pouvait sur son dragon. Dragon qui ne tarda pas à s’envoler, la fillette imitant son vol comme elle le pouvait.

Alors, Saerelys esquissa un sourire. Cela attendrait. Trois années s’étaient écoulées depuis leur dernière rencontre, qui n’avait duré que quelques heures. Sept ans. Voilà ce qu’elles avaient à rattraper, toutes les deux. Des souvenirs qui ne se feraient jamais ou dont elle était la seule gardienne. Une absence de souvenirs qu’il fallait combler, qu’il fallait faire oublier. Qu’après toutes ces années, il lui soit possible de reprendre son rôle d’aînée. La dernière à se trouver au Palais.




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Tu ne me connais pas encore, mais nous ferons de grandes choses ensemble.Saerelys Riahenor.

Palais Riahenor & An 1064, mois 10.

Les sourcils froncés, la moue pensive, un poing glissé sous sa joue afin de la retenir, Saerelys se trouvait là, assise à son bureau, penchée sur un épais ouvrage. Son retour périodique au Palais ne signifiait pas qu'elle ne devait point travailler. De sa main droite, restée libre, la jeune femme prenait un certain nombre de notes, tandis qu’une plume s’agitait, seule, sur un autre feuillet. Autre feuillet qui se retrouvait couvert de symboles, la plume ne s’en levant que pour être à nouveau trempée dans l’encrier tout proche. Un simple tour de passe-passe que bien des novices ne mettaient que peu de temps à apprendre. La première étape avant de songer à déplacer des objets bien plus lourd, bien plus volumineux. Un tour de Magie qu’elle exécutait aussi rapidement qu’elle pouvait respirer.

« Saerelys ! Saerelys ! »

A l’appel de son nom, prit entre deux sanglots, la novice sortit de transe, laissant aussi bien tomber la plume qu’elle tenait dans sa main, que celle qui s’agitait par la simple emprise de son esprit. Se levant précipitamment de sa chaise, celle-ci chutant sur son passage, la jeune femme ouvrit sa porte, tombant sur Rhaelys. La petite pleurait à chaudes larmes, serrant quelque chose dans son poing, alors qu’un fin filet de sang partait de sa supérieure lèvre, tremblante, pour se perdre dans la courbe de son menton. Les traits déformés par l’inquiétude, Saerelys mit un genou à terre, essuyant du pouce une partie du sang qui semblait provenir de l’intérieur de la bouche de sa cadette.

« Calme-toi, petite dragonne, calme-toi. Je suis là. commença Saerelys, caressant la chevelure de sa cadette de son autre main. Que s’est-il passé ? Quelqu’un t’as bousculée ? Es-tu tombée ? »

L’enfant ne répondit pas immédiatement, se contentant finalement de secouer la tête négativement. Le regard de son aînée se posa alors sur ses mains. Délicatement, la jeune femme ouvrit le poing de sa cadette, ne tardant pas à y remarquer une petite forme blanche, opaque. Une dent. Une petite incisive, celle que l’on retrouvait sur la mâchoire du haut, au centre. Alors, les traits de la novice s’adoucirent, un sourire quelque peu amusé étirant finalement ses lèvres. Ainsi, c’était donc de cela qu’il était question. Une dent de lait, perdue au moment le moins opportun, au moment où Rhaelys s’y attendait le moins. Prenant la dent au creux de sa main, Saerelys l’observa quelques instants. Elle était entière. Rhaelys ne devrait donc pas faire appel à ses soins pour ôter la partie manquante. C’était là un bon point.

« Ne pleure pas, petite dragonne. Ne pleure pas. reprit doucement Saerelys, tout en essuyant les larmes de sa cadette. Ce n’est qu’une dent. Elle repoussera bientôt, tu verras. Elle sera même plus solide que celle que tu viens de perdre. Tu n’as pas eu mal, au moins ?
- No… Non… Mais Mère…
- Oh, Rhaelys, ne fais donc pas cette tête. répliqua doucement son aînée, tout sourire. Mère ne diras rien. Au contraire. Tu deviens une grande fille, c’est dans l’ordre des choses. Elle sera fière de toi. Tu n’as pas à avoir peur d’elle ou de continuer à perdre tes dents. Ce sont des choses naturelles. Tu verras, dans quelques années, tu auras même plus de dents qu’avant !
- C’est… C’est vrai ? C’est de la Magie ? demanda l’enfant, tout en reniflant.
- En quelque sorte ! »

Saerelys laissa échapper un léger rire, s’en retournant dans sa chambre quelques instants avant d’aller y quérir un mouchoir. De la Magie, oui. Tessarion avait décidément pensé leurs corps dans les moindres détails, allant jusqu’à leur offrir deux jeux de dents afin de s’assurer que toutes ne s’abîment pas dans les affres et les brusqueries de l’enfance.  Revenant avec le morceau de tissu, la jeune femme le donna à sa sœur, gardant sa dent en main le temps qu’elle s’essuie les yeux et le nez. Une dent que Rhaelys récupéra bien vite, la regardant à son tour, se faisant comme songeuse. Déposant le mouchoir de tissu sur le meuble le plus proche, Saerelys prit finalement la main libre de sa cadette, l’emmenant avec elle dans le couloir.

« Viens, allons voir si Mère n’est pas occupée. Tu sais, quand Aedar et moi avons perdu notre première dent, elle nous a donné des bonbons au miel. Avec ça, tu oublieras tout le reste, tu verras ! Et ensuite, je t’emmènerai voir Aelys et Gaelor. Je suis sûre qu’il aura une histoire à te raconter, à ce sujet. »

Rhaelys hocha la tête, esquissant par la même occasion un sourire quelque peu édenté. Ils étaient tous passés par là. Aedar et elle en premier lieu. Ils avaient même soigneusement attendus que tous deux perdent leur première dent, avant de les montrer à leur mère. Qu’importe que tout le monde ait remarqué qu’elle ait perdu sa dent en première. Ce qui comptait à cet instant, c’était d’être ensemble. Une chose à laquelle Rhaelys n’avait jamais eu droit, malgré le fait qu’elle ne soit pas née seule. Les Dieux en avaient décidé autrement. Et pourtant, la petite fille trottinait à ses côtés, comme ignorant ce fait, lui relatant le fait qu’Aelys l’avait emmenée voir son dragon, la veille, sur l’une des tours de leur Palais. Comme tous les enfants, elle avait déjà oublié la peur qui avait été la sienne, il y a encore quelques minutes. Alors, Saerelys esquissa un nouveau sourire. Comme cette chaleur pouvait être apaisante.




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Tu ne me connais pas encore, mais nous ferons de grandes choses ensemble.Saerelys Riahenor.

Palais Riahenor & An 1064, mois 10.

Il fallait qu’elle soit partie avant la tombée de la nuit. C’était là l’unique pensée qui animait Saerelys alors qu’elle réunissait ses quelques effets personnels, assise sur son lit, les faisant disparaître dans sa sacoche. Grimoires, parchemins, quelques vêtements… La jeune femme redressa la tête de sa tâche, comme pour s’assurer qu’elle n’avait rien oublié dans sa chambre. Galreon avait tenté de la raisonner, assurant que l’une de ses filles pouvait tout à fait l’assister dans sa tâche. Si la jeune femme ne pouvait que louer la fidélité et la prévenance de l’homme envers sa lignée, elle s’était contentée de décliner son offre. Au Collège, la novice avait appris à faire bien des choses par ses propres moyens. Aussi comptait-elle bien poursuivre dans cette voie.

Qu’importe que ses mains ne soient plus aussi douces que de la soie. Qu’importe l’encombrement que pouvait lui apporter ce lourd tablier de cuir qu’elle portait presque au quotidien à l’ombre de ces murs qui avaient vu fleurir les premières années de sa vie de femme. Qu’importe sa peau plus pâle que la normale, la cause à tant d’heures passées à l’ombre alors que le soleil brillait au dehors. Qu’importe tout cela. Qu’importe. Saerelys n’y voyait là que des signes de ses propres conquêtes, de ses propres réussites. La première Mage du sang de Riahenys depuis des générations. Voilà ce qu’elle était. Envers et contre-tout. Envers et contre son destin de ses jeunes années.

Faisant disparaître un dernier parchemin dans sa sacoche, la jeune femme releva à nouveau la tête, surprise, en entendant sa porte claquant la porte. La novice n’eut même pas le temps de s’interroger sur l’identité de la personne qui la troublait ainsi, sans même songer à s’annoncer. Une petite ombre, furtive, rapide, s’approcha alors d’elle, finissant d’un bond sa course sur ses genoux. Alors, deux bras l’enserrèrent, comme pouvaient le faire ces petits singes au pelage d’argent sur le poitrail de leur mère.

« Rhaelys ? s’étonna son aînée.
- Je ne veux pas que tu partes. Pas encore… »

Saerelys caressa machinalement la chevelure argentée de sa cadette, posant finalement son menton sur le haut de son crâne. Elle non plus, ne voulait plus partir. La Magie, tel était le Destin que les Dieux avaient tissé pour elle. Aussi se devait-elle de respecter leur volonté, l’accepter et la faire sienne sans même s’en sentir obligée. Mais ses retours réguliers au sein de son foyer ne pouvaient que prendre un goût de cendres lorsque venait l’heure de partir. Il y avait tant à faire. Mère avait tant de choses à prendre en compte, tant de personnes à voir. Grand-Mère lui avait assuré qu’elle l’épaulait. En cela, Saerelys ne pouvait voir qu’une certitude. Mais n’était-ce pas également son rôle ? N’était-elle pas sa fille aînée ? En d’autres temps, peut-être même aurait-elle hérité du titre de matriarche sans même avoir besoin de nouer une alliance avec son jumeau…

Il faut que tu étudies, jeune fille. Voilà les mots que la doyenne des Riahenor lui avait asséné. Calmement, mais fermement. Sans la moindre pointe de tendresse dans la voix. Alors, Saerelys avait baissé la tête, saluant sa grand-mère, quittant la pièce. Les hommes étaient partis au loin, combattre une chimère. N’était-ce pas une raison valable pour le Collège accepte de la voir quitter ses murs plus qu’à l’accoutumée ? Il faut que tu étudies, jeune fille. Etudier. La Novice ne faisait que cela, encore et encore. Avec patience et résilience. Sa grand-mère percevait-elle sa demande comme un caprice ? Saerelys fronça les sourcils à cette pensée. Daela Riahenor était, avec son père, l’une des personnes dont l’âme était des plus difficiles à sonder. Même leurs auras ne connaissaient que peu de revirements.

« Je reviendrai vite. Dans une semaine, tout au plus. assura la jeune femme, redressant son dos, relevant le menton de sa cadette pour la regarder dans les yeux.
- On veut pas que tu partes. Personne veut que tu partes… C’est pas pareil quand t’es pas là. Maman est triste, moi aussi, Aelys s’ennuie et Gaelor, il parle plus quand t’es là. Je suis sûre qu’Aedar, il dirait pareil. Il était triste de pas te voir quand il est parti. Aelys me l’a dit…
- Garde patience, petite dragonne. Garde patience. Son aînée se tut quelques instants, remettant convenablement l’une de ses mèches d’argent en place. Je ne pars que pour mieux revenir. Vois-moi comme nos dragons. S’ils s’éloignent pour chasser, pour voler, pour aller à la rencontre de leurs comparses, ils reparaissent toujours par la suite. Le Palais est ma tanière. Notre tanière. Je ne saurais m’en éloigner de trop.
- C’est injuste… » marmonna l’enfant.

Injuste. Le terme était sans doute un peu fort, bien que, dans les yeux d’un enfant, toute chose ne pouvait que paraître démesurée. Saerelys esquissa un sourire, caressant à nouveau les cheveux de sa cadette. Une caresse fraternelle, presque maternelle, bien que la jeune femme doutait de disposer des dons de sa propre mère à ce sujet. Leur matriarche aurait sans doute eu moins de difficultés à apaiser Rhaelys, à lui changer les idées. La novice n’avait pas de tels pouvoirs, malgré toutes les arcanes de la Magie qu’elle se devait de maîtriser. Tout au plus pouvait-elle enlacer sa plus jeune sœur, lui assurer à nouveau que cette séparation ne serait que de courte durée. Qu’elle ne se rendrait même pas compte de son absence.

« … Je peux te demander quelque chose, Rhaelys ? s’enquit finalement son aînée, son ton se faisait plus sérieux.
- Tout ce que tu veux ! s’exclama l’enfant, dont le regard luisait d’une petite flamme.
- Tu sais que je suis l’aînée, en l’absence d’Aedar ? N’est-ce pas ? J’ai quelques responsabilités, de ce fait. Mais tu te doutes bien que je ne peux pas toutes les assurer, en étant au Collège. Aelys m’aide énormément à ce sujet, de même que Gaelor. Mais…
- Mais ?
- Mais je pense que tu es assez grande pour nous aider, petite dragonne. Tu l’as dit toi-même, bientôt, tu pourras voler avec ton dragon. Une grande fille se doit d’avoir de grandes responsabilités. acheva la jeune femme, appuyant délicatement sur le nez de sa cadette de la pointe de son index.
- Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?!
- Veille sur les Riahenor, Rhaelys. Nous avons des cousins et des cousines très jeunes. Il est de notre devoir de veiller sur eux. Et qui de mieux placée que toi pour les comprendre ? Tu penses pouvoir le faire à ma place et tout me raconter quand je reviendrai ?
- Je te le promets ! Sur le dragon de Riahenys ! »

Une phrase qui ne put qu’arracher un rire à la jeune femme. Voilà bien un dicton que seule Aelys avait pu apprendre à leur cadette. Déposant un baiser sur le haut du crâne de sa cadette, Saerelys se défait délicatement de son étreinte, reposant la petite fille sur le sol. Elle avait encore bien des choses à faire, à mettre en ordre avant de devoir quitter les lieux. Aussi envoya-t-elle Rhaelys en mission, la regardant s’éloigner, un sourire flottant sur ses lèvres.

« Aedar, si tu la voyais… murmura finalement Saerelys. Elle vit pour deux à chaque instant que les Dieux forgent et ne semble point s’en fatiguer. Comme j’aimerai que tu puisses la voir comme je la vois. Tu la trouveras sans doute plus changée que moi, lorsque tu reviendras. »

Jamais Saerelys n’avait eu de béguin pour Aedar. Jamais. Il avait toujours été son tout, le seul et unique amour de son existence. Depuis avant son existence, même. Aedar n’était pas qu’un homme. Il était son double. C’était là une chose que peu de Valyriennes pouvaient comprendre, vivre dans les faits. Jamais autre partenaire n’avait su la faire vibrer comme lui. Jamais leurs mots ne l’atteignaient comme les siens pouvaient l’atteindre. Telle était leur idylle. Quand ils se perdaient dans d’autres bras, ce n’était que pour mieux apprécier leurs retrouvailles. Au-delà de ce fait, ils étaient partenaires envers et contre tout. La Lune ne pouvait pas vivre sans le Soleil, et inversement.

Ensemble, ils feraient de grandes choses. Tous ensemble.




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Tu ne me connais pas encore, mais nous ferons de grandes choses ensemble.Saerelys Riahenor.

Collège des Mages & An 1064, mois 10.

C’est les bras lourdement chargés de livres que Saerelys pénétra dans le dortoir qu’elle partageait avec d’autres de ses acolytes. Filles et garçons, bien qu’ils soient devenus avec les années des femmes et des hommes, ne se côtoyaient guère dans de tels lieux. Il est vrai que les occupants des dortoirs ne variaient que peu, à moins qu’une personne n’atteigne le Quatrième Cercle. Alors, son lit était destiné à une autre personne, souvent bien plus jeune, qui découvrait à peine les arcanes de la Magie. A charge aux autres personnes, plus âgées, de veiller sur elles. De créer une nouvelle harmonie, de montrer le droit chemin à la nouvelle venue, dans le cas présent.

Pareille chose ne s’était pas produite, cependant. Dans ce dortoir, toutes étaient arrivées sensiblement en même temps. Il n’y avait guère de grandes différences d’âge entre elles quatre. Si Saerelys restait la plus jeune, sans doute n’avait-elle que deux ou trois années de différence avec sa camarade la plus âgée. Une poignée de mois, en somme. Avachie en travers de son lit, Kaerys lisait, sa main retenant son menton. Elles n’étaient que deux, à cette heure de la journée. Bien des novices n’étaient pas encore rentrés de leurs pérégrinations de la journée. A moins que certains ne se soient laissés aller à quelques béguins et autres idylles ? En ces sombres temps, comment ne pas rechercher une pointe de tendresse ?

La novice chassa ces pensées de son esprit. Elle n’était pas ici pour s’embéguiner. Son chargement parlait pour elle, à ce sujet. La conquête du savoir ne s’achevait jamais réellement. Il fallait la mener avec diligence, ne point s’offusquer des caprices de sa propre mémoire, de l’exécration due à ses échecs. Une tâche souvent malaisée, de ce fait. Une tâche qui durerait encore des années. Qui, dans les faits, ne s’arrêterait jamais, qui ne la laisserait jamais languir. Qui attirerait les convoitises également, déchaînerait peut-être les passions. Qui pouvait pousser certains à l’idolâtrie la plus impie.

« Tu en fais une drôle de tête. lança Kaerys, qui avait cessé sa lecture en l’entendant arriver. Quelque chose ne va pas ?
- Je… J’étais juste perdue dans mes pensées. Excuse-moi si je t’ai ignorée, ce n’était pas dans mes intentions. assura la jeune femme, secouant légèrement la tête.
- Je te proposai juste mon aide. Tu es chargée comme une mule ! »

Se redressant dans son lit, Kaerys le quitta vite. Se retrouvant en quelques instants à ses côtés, l’autre novice déchargea Saerelys de certains des ouvrages qu’elle portait jusqu’alors, s’intéressant à leur titre au passage. La Riahenor ne releva pas ce point, n’ayant rien à cacher à ce sujet, se contentant de poser le reste de ses trouvailles sur sa propre couche. S’y laissant tomber quelques instants, la jeune femme ramena sa sacoche contre elle, laissant échapper un soupir. Kaerys ne tarda pas à la rejoindre, s’installant dans son lit, s’asseyant en tailleur.

« Tes cheveux… On dirait une pieuvre, comme ça. pouffa Kaerys, se saisissant de l’une de ses mèches au passage afin de s’amuser avec quelques instants.
- Une pieuvre ? répéta Saerelys, fronçant ses sourcils.
- Ah voilà que tu réagis ! Encore un peu et j’aurai pu croire que tu t’étais changée en statue de pierre ! Vas-tu me dire ce qui te tracasse ? L’autre jeune femme se tut quelques instants. Je ne suis pas aveugle, tu sais. »

De moqueur, le ton de Kaerys s’était fait plus fraternel. L’espace de quelques instants, le regard améthyste de Saerelys quitta le visage familier de son amie, se posant sur le plafond. Vide. Voilà comment elle se sentait à cet instant. Ni haine, ni fiel ne couraient en elle. Pas plus que l’envie de rire ou de danser. Une semaine. Il lui faudrait attendre une semaine avant de retrouver cette étreinte maternelle qui lui manquait déjà. Pour enlacer à nouveau Aelys, Gaelor et Rhaelys. Une semaine. Cela n’était rien, en comparaison de cette tentation de les rejoindre qui avait été la sienne des années durant. Les Dieux, dans leur grande mansuétude, lui avaient pardonné ces écarts de pensées, fort heureusement.

« Ma famille… Elle me manque déjà. laissa finalement échapper Saerelys, son regard améthyste croisant celui de son amie. Pardonne-moi… Ce ne sont pas des choses à dire ici.
- Avec moi, tes secrets sont bien gardés. rappela doucement Kaerys, jouant toujours avec l’une de ses mèches. A moi aussi, ils me manquent, tu sais. L’autre novice laissa échapper un rire quelque peu attristé. Mais que veux-tu ! Toute Magie réclame sacrifice ! »

L’air quelque peu absent, la Riahenor se contenta de hocher la tête. Magie et sacrifice. De temps, d’énergie. De sang. Une alliance que personne ne pouvait briser. Bientôt, la douleur s’effacerait. Petit à petit. Sans doute lui faudrait-il du temps. Mais le résultat serait celui escompté. Il faut que tu étudies, jeune fille. Elle étudierait. Elle le devait. Aussi bien par amour, que par fidélité envers les siens. Alors, Saerelys se redressa, gardant sa sacoche sur ses genoux. Kaerys lâcha prise, se rapprochant d’elle, posant quelques instants sa tête contre son épaule, fermant les yeux. Esquissant un sourire, la novice laissa sa camarade faire. Elles en avaient besoin. Toutes les deux. Instinctivement, ses mains trouvèrent refuge dans sa besace, comme pour y trouver une occupation. Une manière d’oublier ce vide, ce froid qui les avaient envahi.

« Hum ? »

Au contact d’une surface rugueuse, les traits de la jeune femme s’étaient déformés par une légère surprise. De quoi pouvait-il bien s’agir ? L’espace de quelques instants, Saerelys laissa ses doigts courir sur l’objet, en détailler les moindres formes, les moindres aspérités. Ne parvenant à l’identifier de la sorte, la novice finit par le sortir de sa besace. Une petite forme rouge, écarlate. Une petite forme que la Riahenor reconnu immédiatement, qui ne put que lui arracher un sourire. Rhaelys lui avait laissé l’un de ses dragons, semblait-il. Sentant des larmes poindre aux coins de ses yeux, Saerelys ne pu que clore les paupières, gardant le jouet entre ses mains, sa tête reposant contre celle de Kaerys. Rhaelys s’était montrée bien discrète, pour réussir à glisser la figurine parmi ses affaires sans même qu’elle ne puisse s’en apercevoir.

« Les dragons s’en reviennent toujours à leur tanière. songea la jeune femme, les yeux toujours clos, un fin sourire ornant ses lèvres. Toujours. »




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