Maera sentait son cœur battre dans ses tempes. Elle posa sa main sur son front et senti immédiatement sa froideur calmer la douleur. Les trois derniers mois semblaient n’avoir duré qu’un instant et pourtant, rétroactivement, la belle pouvait facilement se remémorer toutes les heures passées au chevet de son frère Aeganon. Il aurait été difficile de dire combien de temps. elle avait pu passer à pleurer et prier les dieux de le laisser auprès d’elle. Vu de l’extérieur, on aurait pu croire que sa mort aurait facilité les choses pour elle en fait. S’il était mort qu’est-ce qui aurait pu l’empêcher de sauter à pieds joints dans ce mariage de rêve avec Daemor ? Maera avait souvent été opportuniste dans sa courte vie. Elle avait souvent arrangé l’histoire à sa manière pour en tirer avantage et l’avait parfois amèrement regretté. Avoir un jour espéré la mort de sa sœur était une chose, mais envisager, ne serait-ce qu’un instant, qu’une vie sans Aeganon serait mieux pour elle en était une autre. Maera se demandait même parfois si une vie sans lui méritait même d’être vécue. Cette incertitude avait perduré trois mois durant et c’est seulement maintenant, alors qu’il était finalement tiré d’affaire, qu’elle pouvait recommencer à respirer.
Ils avaient tous décidé d’attendre un peu avant d’entamer la préparation du mariage et c’est seulement depuis quelques jours qu’elle s’était mise à la liste ardue de tâches à exécuté jusqu’au jour J. Maera avait déjà régler certains éléments et elle devait aujourd’hui se consacrer à l’élaboration du centre de table. Elle y était depuis le début de la matinée et sa tête réclamait merci. Une question comme celle-ci aurait pu être une broutille pour certain et Maera aurait été ravie de ne pas avoir à s’en soucier plus que ça, mais lorsque l’on est la futur Dame des Bellarys on ne peut pas tout simplement présenter un centre de table, on doit présenter LE centre de table. Cette pièce de conception unique qui trônera majestueusement sur toutes les tables devra refléter l’essence même de la famille Bellarys ainsi que sa place dans Valyria. Elle avait d’ailleurs eu l’idée de faire une certaine variation des éléments présents dans le centre de table en fonction des occupants de ladite table. Le plan de table en lui-même étant un autre casse-tête qu’elle devrait résoudre, mais chaque chose en son heure et l’heure du plan de table n’était certainement pas près d’arriver. La jeune femme avait déjà bien du mal à résoudre ce problème, seule, comme toujours, pour pouvoir passer au suivant sur la liste. Tien, c’était bien vrai elle était encore une fois seule. Mais par les Quatorze pourquoi était-elle toujours seule ? Où donc était passé Daemor dans les moments aussi importants que celui-ci ? Ne comprenait-il donc pas ?
« Va me le chercher, » cria-t-elle au domestique à l’entrée de la pièce.
Elle replaça ses index sur ses tempes et les massa un instant. Elle doutait qu’il allait lui ramener le bon Bellarys avec si peu d’indications, mais qu’importe. Crier lui avait fait du bien et avait relâché un peu de pression. Maera était tellement tendue. Ces trois mois de doute et de désespoir la rattrapaient d’un coup. Elle avait tellement eu peur de perdre Aeganon, mais avait aussi dû rester forte pour Daemor. Après toutes les épreuves qu’il avait dû subir en si peu de temps, la perte de son jumeau aurait pu lui être fatale. Maera s’était juré de rester forte pour lui, d’être l’ancre à laquelle il allait toujours pouvoir s’accrocher quoi qu’il arrive. Elle s’en voulait tellement d’avoir toujours de tels sentiments pour son frère. Daemor méritait une femme dont le cœur lui serait entièrement dévoué. Maera devait avouer que chaque sentiment tendre qu’elle avait pour Aeganon sonnait comme une trahison dans son cœur. Une larme coula sur sa joue. Était-ce de la rage, de la tristesse ou de la fatigue, elle n’en était pas certaine. Probablement, un bon mélange de tout cela. La jeune femme fit rouler un peu ces épaules et les massa tranquillement du bout des doigts. Oui, elle était vraiment tendue. Elle avait passé les derniers temps à veiller à ce qu’Aeganon ne manque de rien et avait oublier de prendre aussi soin d’elle. Peut-être devrait-elle se prévoir un moment de détente avec des amies ? Elle pourrait aller voir les Tergarion, Elaena ou Daenyra serait sûrement ravie de papoter avec elle. Maera se jura d’y songer sérieusement une fois toute cette histoire de centre de table réglée.
La belle libéra ses cheveux de la tresse qui les liaient les uns aux autres avant d’ébouriffer sa tignasse. Un nouveau soupir de soulagement, voilà qui était bien mieux. Sa tête était libérée d’une nouvelle pression et elle laissait maintenant librement aller ses doigts parmi ses mèches libres alors qu’elle continuait de réfléchir. Des bruits de pas se firent plus présent dans le couloir et elle n’eut même pas à lever la tête vers le nouvel arrivant pour savoir que le bon Bellarys se trouvait maintenant sur le bas de la porte. Ses frères avaient toujours fait partie de sa vie. Ils étaient déjà là à sa naissance et Maera ne pouvait penser à un jour serait passer sans qu’elle ne se préoccupe de sa fratrie. Ils étaient son tous, autant un que l’autre et passer sa vie sans l’un deux, invariablement lequel, auprès d’elle n’était tout simplement pas envisageable. Les Bellarys étaient un tout voilà. Ils formaient un ensemble hétéroclite, mais dont les pièces s'emboîtaient à merveille malgré leurs différentes aspérités.
« Bon, te voilà ! » Ne relevant toujours pas le regard vers le nouveau venu elle poursuivit. « Alors pour ces centres de table ! Je veux mettre de l’avant le commerce d'épices qui a fait la renommée des Bellarys, bien sûr, alors que penses-tu d’un assortiment garni d’épices et d’herbes séchées ? Puis j’ai aussi pensé que la composition de chaque centre de table pourrait être légèrement différente et rendre par la même occasion hommage non seulement au Bellarys, mais à tous les convives. Je voudrais quelque chose de représentatif pour chaque famille à leur table. Je crois qu’au vu des derniers événements, il est impératif de donner l’image d’une Valyria grande et unie… Mais ce n’est qu’une idée. » Maera s’arrêta enfin de parler pour regarder son fiancé.
Il était là, magnifique comme toujours. Une nouvelle larme coula sur sa joue, suivie d’une autre, sans qu’elle ne le réalise vraiment. Il n’avait pas le droit d’être aussi beau, aussi parfait. Il n’avait tout simplement pas le droit d’être le reflet d’Aeganon. Il était là devant elle, l’homme qui allait bientôt partager sa vie, celui qu’elle allait épouser et à qui elle donnerait bientôt, l’espérait-elle, un héritier. Plus un jour ne passerait pas à présent sans qu’elle ne voie Aeganon derrière ce double. Et Daemor, que pouvait-il penser de tout cela ? Voyait-il leur sœur Aenerya en elle ? Maera lui renvoyait-elle continuellement l’image fantôme de la femme qu’il avait aimé et qui avait partagé sa vie durant toutes ces années ? Lui aussi avait été embarqué dans ce mariage sans réellement le désirer. Il avait autant de droit qu’elle d’en désirer un autre devant l’autel. Ses yeux s’embrumèrent et elle essuya rapidement ses larmes, ne réalisant que maintenant qu’elle pleurait. Maera se reprit et se leva. Devant elle se trouvait une petite table remplie de divers arrangements d’épices. « Je… J’ai besoin de ton aide, pour les centres de table. » Maera replaça une mèche de ces cheveux, son regard fuyant tourné vers la table. « Je suis désolé, c’est la pression. »