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Maera Bellarys
Maera Bellarys
Dame-Dragon

Ce n'est pas qu'un problème de centre de table.Ft. Daemor

Quadrant Ouest & An 1066, mois 8

Maera sentait son cœur battre dans ses tempes. Elle posa sa main sur son front et senti immédiatement sa froideur calmer la douleur. Les trois derniers mois semblaient n’avoir duré qu’un instant et pourtant, rétroactivement, la belle pouvait facilement se remémorer toutes les heures passées au chevet de son frère Aeganon. Il aurait été difficile de dire combien de temps. elle avait pu passer à pleurer et prier les dieux de le laisser auprès d’elle. Vu de l’extérieur, on aurait pu croire que sa mort aurait facilité les choses pour elle en fait. S’il était mort qu’est-ce qui aurait pu l’empêcher de sauter à pieds joints dans ce mariage de rêve avec Daemor ? Maera avait souvent été opportuniste dans sa courte vie. Elle avait souvent arrangé l’histoire à sa manière pour en tirer avantage et l’avait parfois amèrement regretté. Avoir un jour espéré la mort de sa sœur était une chose, mais envisager, ne serait-ce qu’un instant, qu’une vie sans Aeganon serait mieux pour elle en était une autre. Maera se demandait même parfois si une vie sans lui méritait même d’être vécue. Cette incertitude avait perduré trois mois durant et c’est seulement maintenant, alors qu’il était finalement tiré d’affaire, qu’elle pouvait recommencer à respirer.

Ils avaient tous décidé d’attendre un peu avant d’entamer la préparation du mariage et c’est seulement depuis quelques jours qu’elle s’était mise à la liste ardue de tâches à exécuté jusqu’au jour J. Maera avait déjà régler certains éléments et elle devait aujourd’hui se consacrer à l’élaboration du centre de table. Elle y était depuis le début de la matinée et sa tête réclamait merci. Une question comme celle-ci aurait pu être une broutille pour certain et Maera aurait été ravie de ne pas avoir à s’en soucier plus que ça, mais lorsque l’on est la futur Dame des Bellarys on ne peut pas tout simplement présenter un centre de table, on doit présenter LE centre de table. Cette pièce de conception unique qui trônera majestueusement sur toutes les tables devra refléter l’essence même de la famille Bellarys ainsi que sa place dans Valyria. Elle avait d’ailleurs eu l’idée de faire une certaine variation des éléments présents dans le centre de table en fonction des occupants de ladite table. Le plan de table en lui-même étant un autre casse-tête qu’elle devrait résoudre, mais chaque chose en son heure et l’heure du plan de table n’était certainement pas près d’arriver. La jeune femme avait déjà bien du mal à résoudre ce problème, seule, comme toujours, pour pouvoir passer au suivant sur la liste. Tien, c’était bien vrai elle était encore une fois seule. Mais par les Quatorze pourquoi était-elle toujours seule ? Où donc était passé Daemor dans les moments aussi importants que celui-ci ? Ne comprenait-il donc pas ?

« Va me le chercher, » cria-t-elle au domestique à l’entrée de la pièce.

Elle replaça ses index sur ses tempes et les massa un instant. Elle doutait qu’il allait lui ramener le bon Bellarys avec si peu d’indications, mais qu’importe. Crier lui avait fait du bien et avait relâché un peu de pression. Maera était tellement tendue. Ces trois mois de doute et de désespoir la rattrapaient d’un coup. Elle avait tellement eu peur de perdre Aeganon, mais avait aussi dû rester forte pour Daemor. Après toutes les épreuves qu’il avait dû subir en si peu de temps, la perte de son jumeau aurait pu lui être fatale. Maera s’était juré de rester forte pour lui, d’être l’ancre à laquelle il allait toujours pouvoir s’accrocher quoi qu’il arrive. Elle s’en voulait tellement d’avoir toujours de tels sentiments pour son frère. Daemor méritait une femme dont le cœur lui serait entièrement dévoué. Maera devait avouer que chaque sentiment tendre qu’elle avait pour Aeganon sonnait comme une trahison dans son cœur. Une larme coula sur sa joue. Était-ce de la rage, de la tristesse ou de la fatigue, elle n’en était pas certaine. Probablement, un bon mélange de tout cela. La jeune femme fit rouler un peu ces épaules et les massa tranquillement du bout des doigts. Oui, elle était vraiment tendue. Elle avait passé les derniers temps à veiller à ce qu’Aeganon ne manque de rien et avait oublier de prendre aussi soin d’elle. Peut-être devrait-elle se prévoir un moment de détente avec des amies ? Elle pourrait aller voir les Tergarion, Elaena ou Daenyra serait sûrement ravie de papoter avec elle. Maera se jura d’y songer sérieusement une fois toute cette histoire de centre de table réglée.

La belle libéra ses cheveux de la tresse qui les liaient les uns aux autres avant d’ébouriffer sa tignasse. Un nouveau soupir de soulagement, voilà qui était bien mieux. Sa tête était libérée d’une nouvelle pression et elle laissait maintenant librement aller ses doigts parmi ses mèches libres alors qu’elle continuait de réfléchir. Des bruits de pas se firent plus présent dans le couloir et elle n’eut même pas à lever la tête vers le nouvel arrivant pour savoir que le bon Bellarys se trouvait maintenant sur le bas de la porte. Ses frères avaient toujours fait partie de sa vie. Ils étaient déjà là à sa naissance et Maera ne pouvait penser à un jour serait passer sans qu’elle ne se préoccupe de sa fratrie. Ils étaient son tous, autant un que l’autre et passer sa vie sans l’un deux, invariablement lequel, auprès d’elle n’était tout simplement pas envisageable. Les Bellarys étaient un tout voilà. Ils formaient un ensemble hétéroclite, mais dont les pièces s'emboîtaient à merveille malgré leurs différentes aspérités.

« Bon, te voilà ! » Ne relevant toujours pas le regard vers le nouveau venu elle poursuivit. « Alors pour ces centres de table ! Je veux mettre de l’avant le commerce d'épices qui a fait la renommée des Bellarys, bien sûr, alors que penses-tu d’un assortiment garni d’épices et d’herbes séchées ? Puis j’ai aussi pensé que la composition de chaque centre de table pourrait être légèrement différente et rendre par la même occasion hommage non seulement au Bellarys, mais à tous les convives. Je voudrais quelque chose de représentatif pour chaque famille à leur table. Je crois qu’au vu des derniers événements, il est impératif de donner l’image d’une Valyria grande et unie… Mais ce n’est qu’une idée. » Maera s’arrêta enfin de parler pour regarder son fiancé.

Il était là, magnifique comme toujours.  Une nouvelle larme coula sur sa joue, suivie d’une autre, sans qu’elle ne le réalise vraiment. Il n’avait pas le droit d’être aussi beau, aussi parfait. Il n’avait tout simplement pas le droit d’être le reflet d’Aeganon. Il était là devant elle, l’homme qui allait bientôt partager sa vie, celui qu’elle allait épouser et à qui elle donnerait bientôt, l’espérait-elle, un héritier. Plus un jour ne passerait pas à présent sans qu’elle ne voie Aeganon derrière ce double. Et Daemor, que pouvait-il penser de tout cela ? Voyait-il leur sœur Aenerya en elle ? Maera lui renvoyait-elle continuellement l’image fantôme de la femme qu’il avait aimé et qui avait partagé sa vie durant toutes ces années ? Lui aussi avait été embarqué dans ce mariage sans réellement le désirer. Il avait autant de droit qu’elle d’en désirer un autre devant l’autel. Ses yeux s’embrumèrent et elle essuya rapidement ses larmes, ne réalisant que maintenant qu’elle pleurait. Maera se reprit et se leva. Devant elle se trouvait une petite table remplie de divers arrangements d’épices. « Je… J’ai besoin de ton aide, pour les centres de table. »  Maera replaça une mèche de ces cheveux, son regard fuyant tourné vers la table. « Je suis désolé, c’est la pression. »

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Le mariage. Il n'en parlait pas dans le privé, il exultait presque la nouvelle face au public. L'image, toujours l'image, c'était tout ce qui comptait après tout. Et plus on montait haut dans la société, et plus il était important, même vital de faire tenir cette image que l'on renvoyait aux autres. Et Daemor était pleinement conscient de ce qu'il faisait, et de l'importance que cela pouvait avoir pour la maison Bellarys, pour elle, mais aussi pour lui. Pour autant, il n'avait pas l'impression que tout cela le concernait, comme si ce n'était finalement pas lui le marié, mais juste un invité à la cérémonie, qui donnait un coup de main parce qu'il était obligé de le faire, parce qu'on l'avait en réalité forcé à le faire et c'était bien le problème qui régnait en maître dans cette union. Il avait, ou plutôt, ils avaient été forcé à se marier, forcer à accomplir cette tâche, forcer à s'unir physiquement et moralement, forcer à s'unir devant les hommes et devant les Dieux. Mais c'était clairement une trahison qu'il avait l'impression de faire à cet instant, pour plusieurs raisons, envers plusieurs personnes, vivantes ou disparues. La trahison, tout d'abord, envers sa sœur Maera, pour qui, il n'avait jamais eu de telles pensées, pour qui il n'avait jamais eu de tels regards. Dans cette société qui divergeait sur certains poins, vis-à-vis d'autres puissances existantes, ils entretenaient une relation véritablement fraternelle, qui n'appelait nullement à l'envie d'une union quelconque entre eux deux. Daemor devait épouser Aenerya, et ils avaient grandi dans cet esprit-là, s'aimant sincèrement comme un homme pouvait aimer une femme, bien que cela se basait sur l'idée première de le pureté du sang. C'était la trahison d'un frère, qui était bien plus qu'un frère, dont le cœur, le corps et l'âme n'aurait dû n'appartenir qu'à lui. Aeganon aurait dû être l'époux de Maera, c'était ainsi que les choses avaient été décidé il y a déjà de nombreuses années, il n'y avait pas à revenir dessus. C'était aussi une trahison envers sa défunte épouse, envers leur fils décédé également, et leur vie de couple comme de famille qui avait disparu en lambeaux. Aujourd'hui, il ne restait plus rien.

Il sentait encore la faiblesse de son cœur, la fragilité de son âme et bien sûr, la fatigue de son corps quelques mois après la terrible disparition de son petit garçon. Il masquait tant bien que mal ses blessures, enfermait bien souvent dans le secret de sa chambre ses pleurs, étouffant ses cris dans les coussins à sa portée pour ne pas inquiéter les personnes autour, surtout qu'il n'avait nullement les moyens de se laisser aller à sa langueur alors que son frère était lui-même blessé et encore très largement affaibli, il était à ce moment-là sa priorité, bien plus encore qu'à l'accoutumée, si cela était possible. Le reste n'était qu'une question de devoir envers les siens, et c'était sans doute ce qu'il réussissait le mieux depuis toujours. Donner à son père ce qu'il voulait, pour la famille, pour le commerce d'épices, pour le Sénat, sans jamais penser à lui, car après tout, il était né, il avait grandi, il avait été élevé pour jouer ce rôle, jusqu'au bout, jusqu'au jour où il ne resterait plus rien. Ce nouveau mariage n'était encore une fois que la réponse soumise à une demande, ou plutôt un ordre de la part du patriarche de la maison Bellarys, Jaegor, qui était définitivement inflexible sur ce qu'il attendait d'eux et surtout de la combinaison d'eux deux, de cet enfant qui devait venir au monde à l'issu de cet engagement. Mais tout cela n'était qu'une vaste fumisterie pour laquelle, Maera et lui faisaient office d'acteurs, dans une pièce de théâtre scénarisée qu'ils allaient devoir jouer jusqu'à la fin de leur vie, qu'elle soit longue ou qu'elle s'achève de façon précoce, ils n'avaient de toute manière plus le choix. Cependant, en y repensant bien, cela faisait des années déjà que cela devait trotter dans l'esprit de leur père, depuis la mort d'Aenerya. La sœur aînée n'avait donné qu'un seul fils à son frère-époux, un fils qui était encore bien jeune et qui n'aurait peut-être pas une vie très longue. Son esprit avait donc du immédiatement s'intéresser à la seconde des filles, pour pouvoir reprendre sa place. Daemor ne pouvait que s'interroger sur la raison pour laquelle Jaegor avait attendu si longtemps, pourquoi il avait attendu le décès de son petit-fils pour pouvoir imposer une nouvelle fois sa volonté, détruisant tout sur son passage comme il savait si bien le faire à l'accoutumée.

Alors pour le moment, il fuyait au maximum tout ce qui concernait son mariage, les préparatifs de celui-ci et malheureusement la future mariée qui allait avec, et qui était clairement d'une humeur massacrante depuis quelques jours. Il faisait en sorte de se cacher dans la demeure Bellarys, en espérant qu'on ne le retrouve pas et que sa sœur ou sa mère ne prennent pas la décision de le séquestrer pour une longue discussion autour des invités, ou des fleurs, ou des mets qui allaient être présentés à cette occasion. Il était certain que cet événement serait une bonne chose pour la réputation de la famille, pour son prestige, pour son pouvoir politique, plus tout cela serait grandiose et plus les bénéfices en seraient conséquents. Néanmoins, il fallait pour cela que le futur marié soit un peu plus enthousiasme de la chose, plutôt que l'air qu'il peinait à dissimuler auprès des siens, quand il n'était pas plus simple pour lui de rester directement au Sénat. Il était prêt à se faufiler discrètement, quand il entendit les paroles de sa sœur, lui décochant une grimace, qu'il masqua bien rapidement en voyant le domestique débarquer juste devant lui au pas de course. « J'ai entendu, ne t'en fais pas … Fuis, pendant qu'il est encore temps. » Il lui fit un clin d'oeil avec un petit rire avant de parcourir le chemin qui le séparait de Maera et de ses préparatifs interminables. Il aurait sans doute pu traîner un peu plus le pas, mais il ne voulait pas que l'agacement de cette dernière soit encore exacerbé. Il la laissa parler, s'approchant doucement de la table, et quand son regard croisa le sien, il comprit que bien en-dessous de la colère, c'était la tristesse et une certaine forme de désespoir qui semblait l'habiter à cet instant. Il comprenait parfaitement son état d'esprit, et il n'avait jamais aimé la voir pleurer, elle restait sa petite sœur, avant d'être sa fiancée, et il avait toujours eu besoin de la réconforter. Mais elle se reprit presque trop vivement, alors qu'il allait tenter de faire un geste tendre dans sa direction, le fuyant physiquement, mais le fuyant également par le regard. Il soupira doucement, et il la força délicatement pour qu'elle lève les yeux sur lui. Il se rapprocha, prenant son visage en coupe entre ses mains et il vint déposer sur son front un tendre baiser, qu'il fit s'éterniser un peu. Puis il embrassa chacune de ses joues, tout en faisant glisser ses mains dans son dos, pour prolonger un peu l'étreinte fraternelle. « Je le vois bien, et j'en suis parfaitement conscient. Tu n'as pas à t'excuser de cela avec moi, tu le sais bien Maera. » Il lui fit un pauvre sourire. « Si tu as besoin de pleurer, alors pleure, un bon coup. Cris, hurle-moi dessus, frappe-moi si tu as besoin d'évacuer toute la pression qui te submerge et qui t'étouffe, je serai toujours là pour encaisser. Ce n'est pas parce que l'on va se marier, que tu dois agir aujourd'hui différemment avec toi. Sinon ça ne pourra pas marcher … Alors on va regarder ensemble tes centres de table. Mais je pense que tu as sûrement plus besoin de parler, que de savoir quelle épice se retrouvera sur quelle table … »
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Ce n'est pas qu'un problème de centre de table.Ft. Daemor

Quadrant Ouest & An 1066, mois 8

Maera se souvenait du mariage de Daemor et Aenerya. Elle avait aidé sa sœur dans toutes les étapes. Elle avait vécu avec elle la pression mise par leur père pour que le mariage de son héritier soit parfait. Sa mémoire était encore gravée des larmes versées par future mariée sous les attentes paternelles. Maintenant qu’elle se trouvait à sa place, elle admirait d’autant plus sa grande sœur. Aenerya avait toute sa vie durant supporté les exigences constantes du chef de famille.

Elle en était morte.

Était-ce qui attendait Maera à présent ?

La jeune femme pourrait-elle autant en supporter ? Elle en doutait. Aenerya avait eu la chance de traverser toutes ces épreuves avec l’homme qu’elle aimait. Leur mariage, l’union autant de leurs êtres que de leurs corps était tout autant le résultat de leur amour que de l’exigence du grand Jaegor Bellarys. Maera, elle, ne pouvait pas en dire autant. Il fallait être dans la nescience pour croire qu’elle pourrait, en quelques mois à peine, développer pour Daemor les mêmes sentiments que sa sœur avait passé tant d’années à développer pour lui. Ces mêmes sentiments qui l’unissaient à Aeganon. Il avait fait d’elle une femme et elle s’était enivrée de la chaleur de ses bras.

Était-ce les dieux qui s’amusaient ainsi à jouer de leur vie aux rythmes de leurs envies ? Est-ce ceux-là même qu’elle priait si ardemment qui était responsable de son malheur ou était-ce la faute des hommes tout simplement. Elle chérissait autant qu’elle maudissait les maudites coutumes de son peuple. Les Valyriens, ces êtres qui pour certains n’étaient que des fous chevauchant de grandes créatures caudées munies d’écailles et crachant du feu. Sans eux et leur amour pour cette pureté de sang, elle ne serait pas là à préparer ce mariage facétieux.

Tout ce stress, toute cette pression mettait ses nerfs à rude épreuve. Il lui arrivait de plus en plus souvent de ne pas fermer l’œil de la nuit. Parfois, elle s’égarait dans la maison, boisson chaude à la main, tentant de trouver le sommeil et son repos tant espéré. Parfois, ses pas la conduisaient devant la chambre d’Aeganon ou de Daemor. L’envie de se glisser dans l’une d’entre elles était tentante, mais pour des raisons différentes. Le premier aurait, volontiers, égayer ses nuits jusqu’à ce que le sommeil du juste l’emporte enfin, mais elle n’aurait espéré du deuxième qu’il la prenne simplement dans ses bras et la berce en lui racontant une histoire comme lorsqu’enfant une tempête à l’extérieur l’empêchait de fermer l’œil. Maintenant qu’ils avaient grandi, qu’ils étaient fiancés, tout cela lui semblait bien loin.

Pourtant, alors qu’il l’embrassait sur le front, elle se voyait transporter des années plus tôt, alors que tout était plus simple. La colère, céda à la peine puis c’est elle qui finalement céda à la mélopée de son cœur. Daemor avait raison, il n’y avait pas de raison pour qu’ils changent l’un envers l’autre. Il n’y avait pas non plus de raison pour eux de se fuir ainsi. Elle profita de l’étreinte et inspira profondément. Elle sécha ses larmes, tout lui semblait plus clair à présent.

« Mon frère, est-ce que je peux te parler franchement? Tu as raison, rien ne devrait changer entre nous. Promets-moi de rester mon ami, mon frère, malgré tout. »
Elle fit une pause et continua plus bas, plus près de Daemor. En les voyant ainsi, un œil peu avisé pourrait y voir les gestes tendres de deux amants, l’illusion était parfaite et pourtant.
« Daemor, pourquoi devons-nous nous pliez à tout ceci ? Je t’aime, je t’adore ne vas jamais croire le contraire, mais peut-être que tout ceci, toute cette mise en scène, ce n’est pas pour nous. Pouvons-nous au moins nous admettre l’un à l’autre que cela ne nous réjouis pas ? Donnons-leur, donnons-lui, ce qu’il veut voir, mais je t’en supplie mon frère, ne me ment pas et ne te force pas à prétendre que c’est ce que tu souhaites, pas devant moi. Je crois vraiment que nous pouvons être heureux, mais pas si pour cela nous devons prétendre être heureux. Si je peux pleurer librement, alors sache que toi aussi tu peux laisser libre cour à ton cœur. Si tu veux pleurer la mort d’Aenerya ou de Taeganon alors fait le. Ne crois pas que tu n’es qu’un héritier, tu as le droit d’être un homme. » Maera esquissa un sourire. « Aussi je ne crois pas que de nous deux ce soit toi qui as les pires pensés. »


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Daemor devait se détacher du passé s'il voulait avancer dans sa vie. Il n'était pas question d'oublier ceux qui étaient partis, et qui ne reviendraient jamais, ce n'était de toute façon impossible pour lui. Il s'était rendu compte, il y a peu, qu'il n'avait pas réussi à faire le deuil de sa sœur, de son épouse. Il avait sincèrement aimé Aenerya, et même plusieurs années après sa disparition, il continuait à l'aimer. C'était un amour différent de celui qu'il partageait avec son jumeau ; là où sa relation avec Aeganon avait quelque chose de destructeur, par la force et la passion de leur union, il y avait quelque chose de doux et tendre avec son épouse disparue, elle venait l'apaiser et elle avait été un profond soutien pendant toutes les années qu'ils avaient passé l'un avec l'autre en tant que mari et femme. Il avait beaucoup souffert de la mort de cette dernière, leur père ne pouvant se contenter d'avoir un seul petit-fils, lui qui avait eu tant d'enfants avec sa propre soeur-épouse, il ne pouvait un seul instant envisagé que le mariage de son héritier soit à ce point un échec dans le perpétuation de la lignée des Bellarys. Daemor ne rechignait nullement à l'acte, mais il était conscient que les différentes fausses-couches qu'Aenerya avait pu connaître, avait fragilisé son corps et qu'il avait peur qu'elle ne survive pas à une nouvelle grossesse. Peur qui s'était révélée véridique, puisqu'elle était morte suite à la perte de l'enfant qu'elle portait. Un déchirement profond que l'homme avait vécu à cet instant, une peine que personne ne pouvait cicatriser, personne à part son petit garçon qui grandissait auprès de lui et qui lui rappelait chaque jour un peu plus sa mère. Taeganon était son soleil dans le cœur des ténèbres. Quand il l'avait perdu à son tour, la violence du choc avait été insupportable et il s'était mis à revoir son épouse disparue, pendant des moments de délire, alors que l'alcool qu'il avait ingurgité, faisait des ravages sur son esprit. Rien ne pourrait les remplacer, ni l'un, ni l'autre. Il était tous les deux attachés à son âme jusqu'à sa mort, il devait continuer à les faire vivre par le biais de souvenir, des souvenirs heureux et non malheureux comme c'était bien trop souvent le cas.

Pour autant, il devait également les laisser partir, pour pouvoir continuer à avancer, pour pouvoir se décider à avancer. Car son destin allait bientôt être uni avec Maera, et pour le bien de leur couple, même s'il avait encore du mal à se faire à cette idée et cette notion, il ne pouvait pas rester accrocher à des fantômes. C'était une chose importante à ses yeux, pour pouvoir se laisser une chance l'un avec l'autre, alors qu'il était certain qu'ils n'étaient pas heureux avec l'annonce de ce mariage. Lui, continuant à fuir sa future épouse et les préparatifs insupportables pour célébrer ce moment comme il le fallait, et elle venant à pleurer d'exaspération et peut-être de désespoir face à tout cela, face à un mari qu'elle n'avait pas rêvé d'avoir. Daemor était plus que conscient de ce que Maera avait pu partager avec Aeganon, il était prévu pendant de nombreuses années qu'elle vienne à épouser ce dernier et il était certain qu'elle avait aimé cette idée. Tout autant qu'elle devait sans doute aimer l'homme. Il ne voulait en aucun cas en savoir plus sur ce qui les liait tous les deux, il n'était pas sûr de pouvoir l'accepter et de ne pas faire ressortir son sentiment de jalousie pure, qui venait quand on parlait des conquêtes de son double. La frustration était grande de ne pas pouvoir crier son amour pour son frère, et de ne pas pouvoir le garder pour lui, seulement pour lui. Alors il se taisait, face à toutes les femmes qui se pavanaient devant ce dernier et qui venaient à attiser la colère de l'aîné des Bellarys. C'était bien trop dur à supporter, alors il ne voulait même pas se mettre à y songer sérieusement. Pour autant, il faudrait sans doute qu'un jour les deux époux viennent à parler de tout cela, de savoir quel comportement pensait-elle adopter face à son ancien fiancé, pour leur vie future. Sans doute, que Daemor pourrait accepter de la partager avec son jumeau, après tout lui-même le faisait bien depuis toujours, même pendant son mariage avec Maera, sans que personne ne sache la véritable nature de leur lien, de leur amour et parfois de leur haine aussi. Mais pour autant, ce côté possessif remontait à la surface et il n'était pas prêt de le mettre de côté aussi facilement qu'il aurait pu le faire.

Pour le moment, il fallait surtout qu'il se concentre sur Maera et sur la crise de panique qu'elle était en train de lui faire. C'était parti à la base des centres de table, et de son absence total depuis plusieurs jours autant physiquement que moralement. Il fuyait autant les préparatifs du mariage qui l'assommaient littéralement que la future épouse qu'il ne savait pas réellement comment il devait l'aborder. Elle attendait sans aucun doute de lui qu'il fasse des efforts et qu'il s'implique, mais ce n'était clairement pas une chose aisée quand on savait qu'il avait du mal à envisager cette union en question. Pour autant, Daemor avait toujours veillé sur la jeune femme, depuis sa naissance, il était présent à ses côtés, et il avait eu le rôle de protecteur pour elle. Il devait rester accessible pour lui montrer qu'elle pouvait aujourd'hui encore compté sur lui. « Bien sûr que tu peux me parler franchement … C'est même là-dessus que nous aurions dû commencer à faire, quand tout ça a été décidé, et qu'on se retrouve devant le fait accompli une fois que père avait pris la décision. Je sais que depuis plusieurs mois, je ne suis pas, ou plutôt, je ne suis plus tout à fait l'homme que j'étais avant. C'est une question de temps, mais cela ne change nullement le fait que je reste ton frère et ton ami, ne doute jamais de cela. » Il caressa tendrement ses cheveux, puis doucement sa joue également, la regardant droit dans les yeux. « Je te remercie pour tes mots, ils me vont droit au cœur, mais je crois pouvoir dire que j'ai bien assez pleuré comme ça … Et je suis physiquement et moralement épuisé de pleurer … Non je ne suis pas heureux, et je ne l'ai jamais caché. J'ai essayé de négocier avec père … Pour que tu ais la vie que tu voulais, et je sais que cette dernière n'était pas à mes côtés, en tout cas, pas comme ça. Mais il a été intransigeant, comme toujours, on ne peut pas gâcher le sang de l'héritier. Il faut continuer la pureté de notre sang, de notre lignage. On n'est peut-être pas heureux pour le moment, mais je pense, je crois, et j'espère surtout qu'on peut le devenir et qu'on le deviendra. »
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