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Ragaenor avançait de son train de non-sénateur. Le Vaekaron avait toujours eu un pas lent, tranquille, comme un fauve marchant tranquillement à travers la jungle. Cette journée s’annonçait remplie, Ragaenor avait du monde à voir. Le soleil était haut dans le ciel, aujourd’hui. Telle la victoire, il brillait sur la République et illuminait de sa chaleureuse lumière le bâtiment du Sénat. Ragaenor leva les yeux sur cet édifice. Il y était souvent venu, du temps de son père et de son frère, pour travailler avec eux dans les appartements mis à la disposition des Sénateurs séants. Le peuple qui tournait autour du forum reconnaissait Ragaenor, les Vaekaron avait un nom célèbre et les frasques des familles dynastes faisaient le plaisir du peuple qui trouvait ainsi de quoi tromper son quotidien de subsistance. L’aura mystique qui entourait cette famille avait son petit effet sur le populaire, avide de superstitions imbéciles.
Que de sornettes n’avait-il pas entendu sur sa famille de la part des pouilleux de la plèbe ? Certains affirmaient que les Vaekaron saignaient de la lumière à cause de leur relation avec les dieux, une absurdité évidente que quelques malheureux avaient pu infirmer en mourant aux cotés des illustres fondateurs de Valyria sur un champ de bataille. D’autres rumeurs étaient moins flatteuses aussi bien sur Ragaenor que sur sa nièce. On disait la beauté de celle-ci démoniaque et surnaturelle. On disait de Ragaenor que sa mémoire était dû à un pacte sanglant afin que cet obsédé de la connaissance n’oublie jamais ce qu’il apprenait. Les crétins, s’ils savaient à quel point cette mémoire lui faisait mal. Si ces pactes existaient, peut-être aurait-il vendu son âme pour qu’elle disparût intégralement.

Ragaenor marchait toujours la tête basse et le visage fermé, comme s’il ruminait quelque théorème ésotérique dans son esprit retors. Il avait quelques rouleaux de parchemins sous le bras et en guise d’escorte trois hommes taillés pour le métier. Grands, puissamment bâtis et la mine peu commode. Ils ne pouvaient battre leur employeur dans cette dernière matière.
En montant les marches du Sénat, il fit signe à ses clients de rester en arrière et de l’attendre. Tout le monde ne pouvait pas pénétrer ainsi dans cette enceinte sacrée sans avoir quelque chose de précis à y faire, ou bien être Sénateur. Un honneur que le testament de son neveu lui avait scandaleusement dénié, privant Ragaenor d’occuper le siège héréditaire des Vaekaron. Devant la garde qui surveillait l’entrée, il déclara être attendu pour une série d’entrevue avec quelques Sénateurs. On le laissa passer. Il marcha donc dans les somptueux couloir de cette assemblée qui rassemblait les hommes les plus éclairés du monde. L’entrevue de départ était sans doute l’une des plus importantes. Ragaenor avait demandé une audience avec le sénateur Lucerys Arlaeron. Une telle rencontre devait certainement paraitre saugrenue à ceux qui connaissaient un peu l’histoire. C’était la famille de Lucerys qui avait été le fer de lance de l’institution de la République et finalement de la fin de l’Ancien Régime dans laquelle la famille Vaekaron occupait une place de premier plan, étant une des dynasties ayant fondé Valyria. A dire vrai, Ragaenor, qui connaissait l’histoire par cœur, n’avait pas une grande estime pour le régime des Triarches. Très rapidement, tout cela avait tourné à la tyrannie et les principes de la fondation de Valyria, à savoir fonder la société des hommes la plus hautes qui soit, sous le patronage des dieux, rendaient la chute de ce régime inévitable tant il ne respectait plus cette exigence. Les Valyriens sont tels aux dragons, dès qu’on essaye d’en faire des esclaves, ils se battent jusqu’à la mort pour la liberté.

Ragaenor considérait Lucerys avec un profond respect. Les deux hommes avaient eu une vie relativement tragique. Pis, si Ragaenor n’avait jamais gouté au bonheur, et n’avait donc jamais rien perdu, Lucerys l’avait eu, lui, et on le lui avait arraché de la même façon qu’on avait récemment arraché son honneur au Vaekaron. Les deux hommes étaient intransigeants de nature et ne s’en laissaient pas compter. Qui plus est, Ragaenor avait suivi avec attention la carrière de ce politicien brillant et la présentation de l’édit de consolidation Valyrien, un fort joli coup aux conséquences qui ne manqueraient pas de faire de lui, dans le moment, l’homme fort de la République. Les deux hommes s’étaient vus parfois dans divers contextes. Cependant, aujourd’hui les choses étaient différentes. La rencontre était éminemment politique. La chose n’échappait pas au Vaekaron, elle devait encore moins échapper à Lucerys. Deux héritages pouvaient soit se retrouver face à face ou bien, face aux changements inouïs que la guerre avait amené à la République, cote à cote pour écrire une nouvelle page de l’histoire. Alors qu’il s’approchait de l’antichambre de Lucerys, il stoppa devant un garde.


-Informe le sénateur Lucerys Arlaeron que Ragaenor Vaekaron est là pour s’entretenir avec lui.

Le garde hocha la tête et l’on fit entrer le dynaste dans l’antichambre.Il attendit quelques minutes avant qu’on vienne le quérir.

-Le sénateur va te recevoir.

Ragaenor hocha la tête, se leva lentement, et entra dans le bureau de Lucerys. Il resta debout face à lui. Après tout, on lui avait toujours appris que lorsqu’on était reçu par un sénateur sans en être un soi-même, il n’était pas convenable de s’asseoir sans y avoir été invité. Ragaenor avait beau penser sa famille d’ascendance divine, la République était elle aussi une institution éminemment religieuse et ses rites politiques comportaient leur part de sacré que Ragaenor respectait à la lettre. Il baissa légèrement la tête en signe de respect.

-Sénateur, je te remercie de me recevoir. J’espère que ta famille se porte le mieux possible et que tes affaires sont florissantes.
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Per Aspera Ad AstraRagaenor Vaekaron & Lucerys Arlaeron

Loge Arlaeron, Sénat - An 1066, mois 8

Il avait quitté la couche conjugale aux premières lueurs de l’aube, dans la tiédeur d’une journée qu’il devinait chaude et laborieuse. Les ruelles de la capitale palpitaient déjà des tribulations du commun lorsque le patriarche en atteignit finalement le cœur diplomatique, sans hâte ni appréhension, sans joie ni colère. Avec flegme, toujours, il avait pénétré entre les épais murs du bâtiment, foulé de ses sandales son sol de marbre brillant et monté ses marches immaculées et - n’en déplaisent à ses concepteurs - décidément trop nombreuses. Les mêmes couloirs. Les mêmes conciliabules. Les mêmes visages. Enfoncé dans sa curule, Lucerys avait écouté, et écouté encore les doléances de ces hommes et ces femmes venus quémander, pour quelques instants, l’attention du sérénissime Oeil d’Argent. On s’inquiétait des élections, on souhaitait placer ses pions, on entretenait ses alliances. Des heures durant, amis et vieux ennemis s’étaient succédés dans sa loge, sous le regard impassible de leur hôte, qui, méthodiquement, préparait ses prochains coups. La procession s’acheva peu avant l’heure médiane, au cours de laquelle Lucerys regagna la fraîcheur de son domaine, le temps d’une collation, avant de reprendre le chemin du Sénat.

Le Sénateur clôturait un entretien avec un représentant de la guilde des contremaîtres (les mines d’argent d’Aquos Dhaen, après tout, méritaient bien de la main d’oeuvre supplémentaire) lorsqu’un garde de sa maisonnée - l’un de ses précieux Jurés d’Argent - se porta à son côté pour lui annoncer la présence d’un certain curateur. Vaekaron. « Je vais le recevoir. » glissa-t-il à l’attention de l’estafette. Et, reportant son attention sur le dignitaire, le congédia poliment.

« Sénateur, je te remercie de me recevoir. » Debout, posté à quelques pas de sa position, Ragaenor inclina son chef en guise de salut. Lucerys lui retourna la politesse. «  J’espère que ta famille se porte le mieux possible et que tes affaires sont florissantes. »

L’Arlaeron haussa un sourcil, et, d’un geste souple de la main, invita son visiteur à s’installer sur un divan, non loin de lui. « Ta sollicitude t’honore, Ragaenor. Le Grand Effondrement a durement marqué ma famille, mais notre sang est vif et les Dieux cléments. » Il se leva de sa curule et quitta son bureau de travail pour s’avancer calmement en direction d’une desserte sur laquelle reposait une carafe et plusieurs verres.

« Voilà longtemps que nous ne nous étions vu, et nos précédentes rencontres n’ont jamais revêtu d’atours si solennels. Que me vaut donc l’honneur de ta présence ? »

Il se tourna vers Ragaenor, désigna la carafe d'un signe de la main.


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Duel de sourires au sommet du monde. Qui ferait le plus beau ? Les pronostics donnaient un match nul. Si l’un comme l’autre étaient en bonne santé, les muscles zygomatiques ne faisaient pas ou plus partie de leurs plus flamboyants atouts. La période ne prêtait pas davantage aux sourires. Le mandat d’Arraxios Maerion comme Lumière de Sagesse touchant à sa fin, chacun devait concevoir la plus grande inquiétude quant aux cartes qui pourraient être rebattues à cette occasion. Et ce d’autant plus que le Seigneur-Soie, l’amateur de métèques, se portait candidat à entrer au Conseil. Chacun se tenait en embuscade pour tenter de tirer un avantage de la situation. De la façon d’agir de Lucerys, il devinait qu’il était loin d’être le premier entretien en tête à tête du jour. Il imaginait déjà la cohorte d’obligés, de mendiants et d’affidés, venir monnayer leur soutien ou demander une faveur. Tous, conscients plus ou moins des désirs du descendant d’Arlan, qu’ils soient d’avantager Maerion, Baelor ou même de se présenter lui-même. Tout cela était en réalité fort éloigné des préoccupations de Ragaenor Vaekaron qui se moquait bien, en définitive, de celui qui remplacerait Arrexios, ou de si Arrexios serait ré-élu, du moins, pour le moment.

Lorsque Lucerys l’invita à s’asseoir dans le petit divan non loin d’eux, il hocha la tête sans mot dire. Il prit doucement place. Lorsque le Sénateur lui proposa à boire, il déclina d’un petit geste de la main.


-Je te remercie, mais je ne bois jamais en dehors des collations, boire me donne vite le tournis.

C’était à moitié vrai. Le Curateur de la Bibliothèque de Tour-Vaekar tenait assez mal l’alcool en dépit d’une constitution solide. Cependant, contrairement à de nombreux autres valyriens, Ragaenor était un adepte d’une certaine ascèse et d’une certaine modération aussi bien dans les plaisirs de la bouche que du lit, ce en quoi il passait d’ailleurs pour quelqu’un d’excessivement rigide, sans humour et finalement d’assez mauvaise compagnie. Ce n’était pas faux, Ragaenor était une forme d’ermite à moitié misanthrope qui ne sortait de sa tanière qu’en de rares occasions.

-Une guerre sanglante, suivie peu après par un tel désastre… Je ne suis pas superstitieux, mais cela ressemble fort à un message que les Dieux nous envoient. Pour nous éprouver ? Nous avertir ? Ou…Nous punir ? Une question pour les devins, les mages et les théologiens je suppose.

Lucerys, avec les formes, voulait sans doute aller droit au but. Pourquoi Ragaenor était-il là ? Lucerys devait bien avoir son idée. Après tout, il n’était un secret pour personne qu’une querelle de succession avait lieu au sein de la famille Vaekaron. Il devait sans doute aussi ignorer le désintérêt, dans le moment, de Ragaenor, pour les élections. Alors, était-ce la famille ou les élections ? Ou les deux ? En réalité, ni l’un ni l’autre. Il fallait espérer que ce petit effet de surprise soit de nature à attirer l’attention du grand général qu’il avait en face de lui.

-J’ai demandé à te voir pour discuter avec toi d’une affaire particulière. Mes neveux, quoique je les ai inégalement appréciés, ont consenti au suprême sacrifice au service des armées de la République. Je souhaite continuer ce service et j’ambitionne pour cela l’obtention d’une légation à la tête d’une des armées de la République, à nos frontières. Je crois en effet avoir les qualités nécessaires pour exercer cette magistrature militaire.

La chose était lâchée et Ragaenor l’avait dit le plus naturellement du monde. Après tout, si l’on avait bien confié un commandement à Daelor dans une guerre décisive alors que c’était un idiot, il n’y avait pas de raisons qu’un homme expérimenté et compétent ne puisse pas l’ambitionner lui-même. Au reste, chacun le savait et le sentait, la guerre contre les Ghis avait changé la face du monde et la remarque anodine sur le message des Dieux quant au Grand Effondrement ne l’était pas tant que cela.

-La victoire de la République sur les Ghiscari, je pense que tu en seras d’accord, n’était que le début d’une ère nouvelle. Ma famille est l’exemple même que cette victoire a été obtenue par des litres de sang valyrien versés. L’Empire ne s’attendait ni à une telle résistance, ni à perdre, l’inertie au sommet de leur Etat nous a servi, il ne faudra pas compter dessus lors d’un prochain conflit qui est, inévitable. De même que nous ne pourrons pas nous permettre à chaque conflit de perdre autant d’hommes que lors de cette effroyable boucherie. Il faut repenser notre façon de voir les choses. Je pense que ton pragmatisme et ta lucidité te placent comme le plus légitime pour être l’aiguillon de cette idée. Tout vainqueur insolent à sa perte travaille, et je vois trop ça et là l’euphorisme de la victoire nourrir cette insolence qui mène à la négligence. Je souhaite faire en sorte que nous n’empruntions pas cette voie, et je crois que là où je serai le plus utile à la République comme à la préservation de Valyria en faisant valoir ce point de vue est bien plus comme Légat qu’à Tour-Vaekar.

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