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Toute connaissance commence par un sentiment ft. @Ragaenor VaekaronLa connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. ... (Bachelard)

Tour Vaekar, 1039 Douce enfant, tu penses encore pouvoir changer le monde de l’intérieur et ton regard est encore coloré de la vivacité des premières années et expériences.

L’esprit jeune à tendance à se voir au centre du monde et de l’attention ; rien ne semble pouvoir l’arrêter, car il est encore frais et immaculé d’échec. En effet, la jeune personne demeure encore pleine d’ambition et de fougue car elle n’est pas jamais encore violemment tombée : sans la chute, pas de peur. Energique et vaillante par naïveté, la jouvencelle pense pouvoir croquer le monde et que celui-ci se pliera à sa volonté. A vrai dire, elle ne possède encore aucune connaissance sur son amertume et sa complexité. Manichéenne jeunesse qui nous fait pousser des ailes, pourquoi ne nous offres-tu pas la voix de la prudence de façon innée, afin que nous n’ayons jamais à nous brûler les ailes ou à souffrir de ne plus savoir se relever ?

Jaenera Valineon n’avait que quinze ans. Adolescente orgueilleuse, elle avait si bien excellé durant ses années de formation au Collège, qu’elle pensait réussir de la même façon dans le monde. Forte d’avoir franchi le Troisième Cercle à un âge surprenant, la demoiselle faisait déjà son baluchon sans écouter aucune recommandation avisée d’un professeur. Certains ont cru que son empressement était dû au fait qu’elle n’embrasserait pas la carrière de mage et qu’elle devait rentrer promptement à Mhysa Faer pour accomplir un tout autre destin ; une vie plus domestique. Cependant, déjà aux portes du Collège, l’enfant à la féminité perçante connaissait sa direction, et ce n’était pas celle du foyer. Le doute et la réflexion ne polluaient pas son esprit encore neuf et novice. Elle annonça au cocher de la charrette sa destination avec une locution vaillante, empourprée de vanité. « Tour Vaekar. »

Valineon, un nom qui sonnait sombre aux oreilles de la noblesse valyrienne. Obscure comme les fonds marins, les origines de cette famille désargentée demeuraient un véritable mystère. On attribuait à cette tare leur caractère explorateur et errant. Cependant, voulant répondre par la négative à cette affiliation peu patricienne, Jaenera mettait un point d’honneur à se montrer décidée. L’excès n’était que l’effet d’une blessure déjà commise dans le cœur de sa candide présomption. Jaenera voulait que son nom soit aussi respecté que ceux qu’elle s’apprêtait à visiter. Les maîtres de la science et de l’heuristique allaient être détrônés par sa grandeur. En cela, la jeune Jaenera était persuadée… Ainsi, elle n’espérait non pas moins que le financement et l’appui de la grande dynastie Vaekaron pour sa réussite magique. Les gardiens de la bibliothèque et de la connaissance ne pouvaient que lui ouvrir des portes sur son passage : comme cela, interprétait-elle les compliments enhardis de ses professeurs au Collège.

Vêtue d’un pagne de laine, comme beaucoup d’apprenti mage, elle ne prit pas la peine de répondre au code vestimentaire de son rang et de son sang pour cette première entrevue dans la Tour des Vaekaron. Elle se présentait comme future mage prometteuse, et non comme descendante de possibles bâtards de l’Est et d’au-delà de l’Empire Ghiscari. Ses cheveux étaient relevés en deux tresses plaqués sur sa tête. Le teint pâle et valyrien de la presque-enfant trahissait le brin d’innocence qui la poussait à croire en ses convictions. Elle serrait ses rouleaux de papyrus contre elle, scellé entre sa poitrine naissante. Alors que l’attente se faisait interminable pour obtenir l’audience, ses lèvres remuaient nerveusement des mots qu’elle s’apprêtait à prononcer devant le chef de la famille Vaekaron.

Un homme sortit de la salle de l’audience, titubant presque d’impressions. Il vit le regard azur de la Valineon le fixer, inquiet.
« Ils sont au complet. Toute la famille. »
Jaenera déglutit, désormais anxieuse. Elle ne pourrait tromper les plus anciens des Vaekaron, gardien du savoir valyrien depuis si longtemps, qu’elle semblait ridicule du haut de ses pauvres quinze années. Elle souffla pour se donner du courage. Elle avait voyagé dans de basse condition et portaient encore les traces de cette excursion sur ses vêtements et sur ses joues. La pauvreté de sa famille, peu en accord avec ce genre de carrière, ainsi que sa précipitation, couplé à l’orgueil, l’avaient poussée à croire qu’elle pouvait impressionner uniquement avec sa magie. Comme elle le regrettait désormais.
« Jaenera Valineon. C’est à toi. » vint la chercher un homme qu’elle n’aurait su dire s’il était un savant esclave ou un intendant de la Tour.
D’un pas qui se voulait calme, elle entra dans la pièce circulaire où elle devrait exprimer sa requête aux chefs de la famille Vaekaron. La voix claire et encore pure de la Valyrienne s’éleva de la pièce, déjà agitée et lassée des entrevues.
« Je.. Je suis Jaenera Valineon, mage du Troisième Cercle du Collège. Je suis ici pour chercher la bienfaisance de la famille Vaekaron pour la suite de mes études. »
Un de ses rouleau tomba sur le sol. Jamais elle ne s’était sentie aussi petite et peu sure d’elle, peut-être avait-elle été trop loin ? Malgré son âge précoce pour une entrée au Troisième Cercle, et les éloges de ses enseignants, la famille qui se voulait gardienne de la connaissance en rivalité avec le Collège des mages allait-elle réellement accorder de l’attention à cette noble désargentée qui disait savoir faire des tours de passe-passe ?



HRP : J’ai voulu décrire le caractère et la présentation de Jaenera, pour la présenter dans sa prime jeunesse. Mais rien ne nous empêchera d’ellipser le rp pour décrire leurs rapports plus intimes et leur proximité arrachée ;)
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Ce jour-là, Ragaenor se trouvait, comme à son habitude, dans l’immense Bibliothèque de Tour Vaekar, la tête enterrée dans d’obscurs parchemins. Il avait à peine dix huit ans, et pourtant, il n’avait absolument rien d’un enfant. Sa jeunesse explosait dans une forme de hauteur terrible. Là où ses congénères faisaient les quatre cents coups, profitaient de ces années que l’on ne récupère jamais et qu’on sème bien vite, Ragaenor Vaekaron agissait en ours secret. On ne savait rien de lui, il n’appartenait pas aux cercles mondains de la jeunesse dorée Valyrienne où l’on apprenait à connaître aussi bien ses amis que ses ennemis. Ne se laissant jamais approcher totalement, il y avait une forme de voile pudique entre lui et le reste de Valyria. Les plus superstitieux lui prêtaient même quelques talents un peu occultes, à tort. A l’époque, le jeune homme ne s’était pas intéressé tant que cela aux parchemins et ouvrages relatifs à la magie, mais bien aux techniques ancestrales et secrètes de la maison Vaekaron pour développer leurs liens avec leur dragon. Le Vaekaron se passionnait pour cette discipline dans laquelle il voyait une expression parfaite de la supériorité Valyrienne par sa subtilité, sa beauté et la terreur qu’elle pouvait infliger aux adversaires de la République. Ces documents remontaient pour certains à l’époque à peine postérieure à la fondation de Valyria, et Ragaenor les découvraient pour la première fois, l’avidité de son regard à leur lecture n’étant en rien trahie par son visage impassible et sévère. Il voyait les gestes, les pratiques et les exercices qu’il allait travailler avec son fidèle Valkorion dès le lendemain. L’intelligence prodigieusement rapide du jeune homme décryptait et perçait à jour les mystères de ces austères parchemins. Très souvent, il passait le maigre repas du midi, plus souvent qu’à son tour, il se faisait porter un solide souper dans la Bibliothèque même ce qui détonnait fort avec les mœurs de la noblesse valyrienne, inquiétait son frère aîné Lorgor, désolait sa sœur et fiancée qu’il devait épouser dans quelques mois et faisait rire leur frère cadet qui prenait Ragaenor pour un timide ayant peur des gens. Peur ? Ragaenor ? Ce sentiment lui était inconnu. Il n’avait pas peur des gens, il les surplombait et les méprisait. Il gardait pour lui ses pensées sur leurs badinages ridicules d’adolescents. Il contenait en son cœur ses sentiments sur la frivolité des futurs chefs de la grande nation dans laquelle ils avaient eu l’honneur de naître sans en être dignes. Il acceptait, finalement, le fait qu’il serait toujours seul et qu’aucune âme ne lui était réellement destinée. Bien-sûr, le Vaekaron pouvait aimer, comme un frère, comme le cœur mu par l’attachement profond à la piété filiale commandée par la tête. Pouvait-il aimer une femme ? Il l’ignorait à l’instant dit. Il se méfiait de ce sexe changeant capable de toutes les fourberies. Devant cette distance vis-à-vis des plaisirs charnels, Lorgor l’avait un jour taquiné en essayant de savoir s’il était un peu pédéraste. Pédéraste ? Lui ? Cela n’avait pas le sens commun. Définitivement, ses inclinations le portaient aux femmes et il considérait la pédérastie comme une forme de déviance. Déjà en ces temps-là, Ragaenor était emprunt d’une philosophie de l’ascèse stoïcienne, et son extrême dévotion aux Dieux était bien la seule chose qui pouvait le porter à participer dans les mœurs débridées considérées comme normales en Valyria. Encore que, en réalité, plus qu’aux Dieux, c’était à Arrax que Ragaenor portait le plus de dévotion.

Un client vint le chercher et le déranger pendant ses travaux. Ragaenor leva le nez de son parchemin. C’était visiblement Lorgor, qui le demandait en salle d’audience pour recevoir ceux qui venaient demander le soutien des puissants Vaekaron dans certaines de leurs entreprises. Ragaenor se devant d’assister son frère lorsque celui-ci le demandait, il ne rechigna pas et d’un pas lent et tranquille, vint rejoindre son frère aîné qu’il salua selon les usages. On commença ainsi le défilé des mendiants. Untel demandait un prêt pour une vache, unetelle demandait qu’on plaidât pour elle une affaire au Sénat, un autre demandait qu’on résolvît une querelle de voisinage. Peu d’affaires d’importance semblaient à l’ordre du jour de ce petit tribunal. Lorsque l’on fit entrer une jeune fille. Ragaenor pencha légèrement la tête vers la droite. Lorgor, souriant, fit signe à la jeune mage d’approcher. Celui qu’on surnommerait plus tard l’Erudit se trouva intrigué par cette magicienne à peine nubile, comme ligotée dans son pagne blanc du Collège. Il se dégageait d’elle une forme de maladresse et d’assurance paradoxale. Les Vaekaron se méfiaient des gens du Collège, ils étaient engagés avec eux dans une querelle d’honneur si bien qu’il fallait en général quelque chose de plus pour être reçu. Ici, Ragaenor comprit qu’on recevait la jeune femme par égard pour le nom des Valinéon. Ragaenor ne sut dire si cette tenue de mage paysan traduisait une forme d’humilité ou de négligence. Lorgor semblait sceptique. Ragaenor ne semblait pas très convaincu non plus d’autant plus qu’un rouleau sembla échapper à l’attention de la jeune femme pour tomber sur le sol. La maladresse, chez un mage, était un défaut mortel. Pourtant, Ragaenor, qui connaissait bien mieux que son frère les subtilités du fonctionnement du Collège, ne pouvait s’empêcher de repenser à la présentation de la jeune femme. Troisième Cercle ? Pourtant c’était à peine une femme qui se tenait devant eux. Elle ne devait pas avoir plus de seize ans. Ragaenor échangea avec son frère un signe discret lui signifiant qu’il voulait discuter de cette affaire en privé avec lui. Lorgor hôcha la tête. Et s’adressa à la requérante.


-Et bien, Jaenera, je vais examiner ta requête, tu es la dernière à passer aujourd’hui, on te fera porter une collation en attendant que j’ai pris ma décision.

Lorgor et Ragaenor se levèrent ensuite de là où ils se trouvaient, et se retirèrent tous deux dans les appartements privés du chef de la famille. Ragaenor semblait pensif, on le voyait rarement intrigué par les gens, encore plus par des femmes que la culture sudiste ne destinait pas exactement à la grandeur. Lorgor remarqua chez son frère ce fait singulier, l’intelligence de Ragaenor le poussait à songer vite, et donc à avoir assez vite des avis tranchés.

-Tu sembles pensif mon frère, cela t’arrive rarement.

-Je crois, mon frère, qu’il y a peut-être quelque chose à faire dans cette affaire, en dépit du fait que je n’ai aucune confiance dans le Collège, nous avons peut-être un coup à jouer ici. Elle n’a pas seize ans, et elle est déjà membre du Troisième Cercle. Avec ou sans nous…

-Elle aura un avenir. Autant donc que ce soit avec nous.

-Nous pourrions, en nous y prenant bien, poser une pierre dans le jardin du Magister, nouer une avantageuse alliance avec les Valinéon, et avoir une mage puissante de notre côté.

-Fort bien mon frère, charge à toi de surveiller notre investissement et ses progrès. Je te laisse lui annoncer la bonne nouvelle, j’ai à faire.

Lorgor se retira, et dans son for intérieur fut content. Après tout, pour une fois que son frère s’intéressait à autre chose qu’un parchemin, il comptait bien manœuvrer un peu. Peut-être même qu’elle arriverait à dérider un peu son austère puîné ? encore qu’il en doutait, quoi qu’elle ne fut pas vilaine du tout, des belles bien plus assurée de leurs charmes s’y étaient essayé avec Ragaenor. Toute s’y étaient cassé les dents. Ragaenor, lui, était retourné à la bibliothèque, il y avait fait convoquer la jeune Valinéon dans la pièce principale, là, se trouvait un colossal arbre généalogique de la famille Vaekaron, avec, en son sommet, le grand Vaekar en personne. Partout ensuite, se livraient aux yeux, des étagères à perte de vue, comprenant des parchemins, des reliures, des gravures, des ouvrages fruit de quasiment mille ans de recherche et d’achats. Lorsqu’on finit par la conduire à lui, Ragaenor, de sa voix grave et de son air austère, lui annonça la nouvelle.

-La famille Vaekaron a décidé de te faire confiance et de te soutenir intégralement dans la poursuite de tes études, Jaenera. Mon frère Lorgor m’a désigné pour être ton sponsor, et de veiller à l’avancée de tes études afin d’être sûr que l’investissement que la famille Vaekaron place en toi porte bien les fruits qu’on en attend. Tu auras accès au commun de la Bibliothèque c’est-à-dire tout, excepté les ouvrages rares ou dangereux que nous possédons. Si tu as des dettes, tu verras avec nos gens pour donner le nom de tes créanciers et nous nous occuperons de tout. Si tu as besoin de fonds demande à me voir et je verrai ce qu’il est possible de faire. Tu es désormais sous le patronage de la lignée Vaekaron et sous notre protection. As-tu des questions, Jaenera Valinéon ?
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Toute connaissance commence par un sentiment ft. @Ragaenor VaekaronLa connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. ... (Bachelard)

Tour Vaekar, 1039 Cela ne lui ressemblait pas. Elle haïssait ces faiblesses puériles qui rappelaient son âge et son inexpérience. Elle les combattait sans arrêt, cherchant le contrôle parfait qui l‘amènerait à sa réussite, négligeant ainsi ce corps juvénil et ces chemins cognitifs qui la ramenaient incessamment à ses pulsions adolescentes. L’instinct, le sentiment, l’empathie, ou même la chair, voilà bien des concepts et des poids qu’elle cherchait à annihiler afin de devenir cette mage puissante qu’elle souhaitait par-dessus tout atteindre. Jaenera visualisait parfaitement son but et elle s’y vouait corps et âme. Ainsi, pour elle, sa famille, certes pure, n’était qu’une sombre tâche de son existence qui ne lui avait permis qu’à accéder au sang adéquat. Pour le reste, elle ne se voyait pas retourner à Mhysa Faer pour accomplir les tâches pondeuses et domestiques assignées à son sexe. Dans cette vocation qui l’habitait, de ses rêves jusqu’à ses entrailles, aucune place à la maladresse n’était permise, sous peine d’en perdre l’esprit et de se briser à tout jamais. Sa voix encore, lavée de toutes tâches que l’âge amène avec son lot d’amertume, révélait la jouvencelle qui se dissimulait sous le pagne sobre du mage. Ce rouleau qui se vit attirer par le sol la ramenait à l’état de novice et décrédibilisait le reste de son discours car… L’intérêt de Jaenera n’était pas moins sombre que l’ambition qui la rongeait.

Un silence de plomb envahit la pièce de cette erreur fatale pour celle qui souhaitait parler de sang-magie. La mage du Troisième Cercle ramassa ce bout de papyrus fomenté. Son regard ne semblait pas pouvoir quitter ce sol si attractif. Cette pause fut celle qui lui permit de rependre ses esprits. Se libérant des lois de la physique, elle leva son regard azur vers la légendaire famille fondatrice :
« Vous n’êtes pas sans connaître mon nom. Valineon. Je suis issue de la branche principale. De cette même branche dont le sang est assez pur pour permettre la communion avec un Dragon et la maîtrise de ces célestes bêtes. Rien n’a été aperçu dans le feu sacré à mon égard. Cependant… un vide abyssal a été interprété comme une possible quête à mener. Désormais, je pense connaître ma voie. Je cherche la maîtrise parfaite de l’esprit et découvrir ce que mon sang m’ouvrira comme chemin dans le difficile et obscure domaine de la sang-magie. »
Ce discours n’avait pas besoin de passion pour obtenir de la profondeur. La Valineon possédait un air marmoréen et impassiblement sérieux, si bien que malgré la faute qui rappelait cette carrure fragile, ficelée dans un pagne, on ne pouvait que sentir la gravité de cette vocation.

Jaenera se trouvait debout, dans la poussière, au pied de la tour Vaekar. Elle n’était pas accoutumée à l’agitation désordonnée d’une ville comme Valyria : sortant peu du Collège et étant originaire d’une ville connue par sa beauté aérienne et portuaire. Ce bruit éteignait ses pensées. Elle ignorait si son faux-pas avait annihilé ses chances d’obtenir le financement et le soutien d’une famille aussi prestigieuse que celle des Vaekaron. Piteusement, elle voulut rentrer au Collège mais on la rattrapa. On lui tendit une convocation de la part d’un Vaekaron à la bibliothèque. La jeune fille ne savait pas qui la recevrait, mais son visage s’illumina. Demain, elle s’y rendrait.

Elle débarqua bien plus assurée que la veille. L’ombre d’un sourire pouvait presque se discerner derrière ses traits sévères. Elle portait les mêmes rouleaux avec elle, prête à tout pour démontrer la cohérence de ses théories et la teneur de sa recherche. Ses cheveux étaient plaqués sur son crâne en deux tresses qui tombaient dans son dos. Portant ce même pagne de mage novice, qu’elle ne quittait plus depuis son passage au Troisième Cercle au Collège, elle avançait plus assurée que jamais vers sa destination. Son ambition trouverait fin et rien ne se mettrait au travers de son chemin. Si les Vaekaron lui accordaient leur soutien, elle se voyait déjà l’annoncer au Magister qu’elle admirait tant : Talaegar. Il était celui de ses maîtres qui démontraient le moins d’enthousiasme face à ses rapides progrès. Il était le plus réticent d’entre ses professeurs, mais que dirait-il lorsqu’elle annoncerait que la famille qui la soutiendrait n’était rien d’autre l’une des familles Fondatrices de l’empire. Jaenera était consumée par le contentement et ce dangereux fantasme qu’était l’ambition.

L’adolescente pénétra doucement dans cette bibliothèque qu’elle admirait tant. Sachant qu’elle serait en présence d’un des maîtres de ce savoir endormi, elle se sentit impressionnée par le nombre de ces codex et autres rouleaux. La jeune mage perdit à nouveau légèrement de confiance en elle : le retour de ce serpent de l’inexpérience. Elle arriva devant un immense arbre généalogique et Vaekar la surplomba : un nouveau moyen de faire perdre pied à la mage, pourtant pleine de convictions. Un homme se tourna vers elle, dévoilant un visage aux traits encore plus fermés et sévères que les siens. Jaenera possédait une assez bonne mémoire pour savoir qu’il ne s’agissait pas là du chef de la famille, mais bien de son cadet. Il n’en restait pas moins impressionnant. Dans sa préparation pour cet entretien, elle s’était renseignée sur les membres de la famille Vaekaron. Le puîné avait la réputation d’être intransigeant. Il possédait un savoir hors-norme et connaissait cette bibliothèque comme un second foyer. La Valineon devina tout de suite qu’elle n’aurait pas à persuader son interlocuteur, mais bien à le convaincre. Etonnement, la jeune fille ne ressentit pas de peur. Son cœur se ferma et sa concentration s’aiguisa. Etrangement, ce jeune homme, à l’expression pourtant amère, pouvait la déstabiliser, mais pas dans le sens qu’elle imaginait. Il était un maître en matière de sciences, il décèlerait les failles… Et… il… il n’était pas un homme à embobiner pour obtenir le compliment ou le sésame qu’elle désirait tant. Ce ne serait pas comme avec un politicien et encore moins comme avec ses professeurs.

Lorsqu’il prit la parole, Jaenera n’arrivait pas à savoir si elle devait être soulagée ou inquiète. Elle n’arrivait pas à se l’expliquer, mais elle ne réussissait pas à ressentir l’entière joie que devrait lui procurer une telle nouvelle. L’accès à la bibliothèque de ses rêves, le sponsor d’une famille si prestigieuse… Cet homme absorbait jusqu’à son ravissement personnel. Ainsi, la mage demeura un temps en silence face à cette annonce ; le visage fermé et le regard dur. Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’elle ne réagisse :
« Je… » Elle hésitait car quelque chose ne se passait pas comme prévu. Pourtant, elle avait été jusqu’à imaginer son discours de remerciements. Tout comme elle avait repassé plusieurs fois dans sa tête le moment où elle annoncerait au Magister, Talaegar, quel genre de sponsor elle avait réussi à décrocher. « Je te remercie infiniment. » Elle pouvait paraître abasourdie car elle ne démontrait pas sa joie. En réalité, ce contrôle cachait son instabilité face à cet homme qui possédait une aura qui intriguait la passionnée jeune fille.
« J’ai toujours rêvé d’avoir accès à cette bibliothèque. Toi et ta famille ne le regretterait pas. Je vous le promets. » finit-elle par réagir. Elle sortit hâtivement un rouleau de papyrus de sa besace. Sans faire attention à ce qu’il y avait sur le bureau central, elle s’attela à dérouler le papyrus et à bloquer ses extrémités avec des objets pris au hasard, sans prêter attention à leur nature. Entre temps, deux rouleaux tombèrent de sa besace, mais elle en avait cure. Lorsqu’elle était dans un état comme celui-là, motivée par la curiosité et la passion, rien ne pouvait l’arrêter. Elle arrêta son opération que pour remettre une mèche de cheveux, qui s’était échappé d’une de ses tresses, derrière son oreille.
« C’est une carte de l’esprit. Beaucoup pense que les souvenirs de l’expérience peuvent permettre de reproduire une émotion plus profonde chez celui dont on veut contrôler l’esprit. C’est une théorie encore en cours, mais tout ce que nous vivons se place dans nos souvenirs. Si on accède aux souvenirs de la personne, on peut reproduire sa plus grande joie, sa plus grande plénitude comme… sa plus grande souffrance. »
Son ardeur se calma et son visage juvénile se tourna vers le frère dont elle ne connaissait même pas le nom, tant elle ne s’intéressait pas aux mondanités.
« Ne serait-ce incroyable, n’est-ce pas ? Beaucoup plus puissant que de créer une fausse émotion… » conclut-elle, convaincue.
Elle laissa un temps de pause et demanda poliment.
« Je ne voulais pas t’embêter avec cela. Tu ne devais surement que m’annoncer cette nouvelle. Je te prie de m’excuser… D’ailleurs, tu es le frère de Lorgor Vaekaron, quel est ton nom ? »

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Le jeune Vaekaron haussa un sourcil. Cette adolescente l’intéressait autant qu’elle l’irritait. Il supportait mal sa gaucherie et le mélange mal dosée de cette assurance de son talent avec ses maladresses parcheminesques. S’était-il trompé en croyant voir en la jeune fille un diamant brut ? Non, Ragaenor était un être rationnel, ne se reposant jamais sur son intuition, il passait son temps à calculer et à analyser. Il voyait, derrière les parchemins qui tombaient le manque d’assurance de toutes les filles de quinze ans, ignorantes de leur beauté naissante aussi bien que du caractère dont elles pouvaient, une fois passé ce stade où la peur de décevoir et de mal paraître disparaissait, se doter et ainsi changer un monde qui leur était si inhospitalier à bien des endroits. C’était là, à l’aune de la mort de la petite fille, mais avant la naissance de la femme, que se situait pour Ragaenor celle qu’il avait en face de lui. Dans ce clair-obscur de la formation de l’esprit et du corps, celui qu’on nommait l’Erudit et dont tout le monde pensait qu’il ne bougeait pas le nez de ses livres, voyait, lui, ce qu’il y avait à tirer d’une femme dont il sentait qu’il pouvait la fasciner. Pourtant, il sentait, dans son épine dorsale, qu’il y avait plus que du calcul dans son inclination. Il s’agissait d’un peu plus que de faire fructifier un bon placement.

Il le comprit lorsqu’il capta le regard de Jaenera. Asurrément, il y avait plus que lui-même n’avait vu au premier regard. Il ne se trompait pas en v oyant une adolescente impressionnable et cherchant l’approbation de ses pairs, mais, sans pouvoir le conceptualiser à cet instant précis, il n’avait pas vu le reste. Il avait sous-estimé la portée du talent qui sommeillait dans cette âme et qui ne demandait qu’à s’éveiller et tout emporter sur son passage. Elle était en réalité tout l’inverse de Ragaenor, dont les talents, la mémoire et la puissance de son cerveau suintaient par tous les ports de sa peau et qu’il s’évertuait à dissimuler et contenir dans cette enveloppe charnelle que les dieux lui avaient confiée. Il tenait peut-être là une forme d’exutoire, il pouvait peut-être participer à sculpter la splendide Galatée inconnue sous le marbre brut réhaussé de ses deux petites tresses dorsales.

Après tout, Ragaenor méprisait le Collège et estimait la formation qui y était dispensée pathétique. Il voyait dans cette organisation un ferment de la décadence potentielle qui pouvait frapper Valyria. La Providence n’avait pas fait de lui un mage, souvent, il le regrettait. Tant de malheurs lui aurait été évité si son destin avait suivi cette voie. Tant de lui n’aurait pas besoin d’être broyé, tant de sa nature n’aurait aucun besoin de se contrefaire aux yeux du monde. Il enviait la jeune fille, il l’enviait d’être spontanée, il l’enviait aussi en voyant la lueur de bonheur qui traversa ses yeux lorsqu’il lui annonça que les Vaekaron lui apporteraient leur concours. Aurait-il un jour dans les siens cette lumière de l’accomplissement ? Il y avait renoncé, non par lâcheté mais par courage. Lui qu’on disait à juste titre atrabilaire, cassant et lugubre, il ne désirait pourtant rien de plus que le bonheur. C’était lui, le bonheur, qui se dérobait. Face à cela, que restait-il d’autre à étreindre que le devoir ? Rien, au reste, le devoir était un partenaire stable, il ne s’évaporait pas et honorait de sa constance. Il condamnait aussi à la nuit triste les yeux de Ragaenor Vaekaron. Mais là, les choses étaient différentes, il pouvait entrevoir de vivre, à travers la réussite de la Valineon, un peu de cette vie qu’il n’aurait jamais. Si la chose était possible, il fallait le favoriser, et servir ainsi sa famille aussi bien qu’apaiser un peu son âme blessée dont les plaies écoulaient le pu de la mélancolie dans son esprit depuis son page de raison et depuis qu’il avait comprit qu’on ne le destinait à rien qui aurait pu rassasier cet esprit insatiable. La perspective de laisser quelque chose derrière lui aurait presque apporté du réconfort.

Prisonnier de tout, pouvait-il trouver dans ce petit projet un vague espace de liberté ? Lorsqu’il vit l’attitude, le regard et le visage de la blonde lorsqu’elle commença à parler de l’esprit, Ragaenor plissa un peu les yeux, il l’écoutait. Il comprit son propos et pourtant, il voyait chez la jeune femme que si la technicité de la magie ne faisait pas défaut, elle souffrait des défauts inhérents à la formation de ce fameux Collège, qui n’avait pas pour but le savoir, mais la magie seule. C’était là sa faiblesse, c’était là qu’il devait frapper. Avec cette voix grave mais cassante, il répondit à l’adresse de la jeune femme.


-La magie ne peut pas créer de vraies émotions, elle n’en peut reproduire que les effets néfastes ou bénéfiques selon l’expérience que l’on cherche à faire revivre. Le propre même des émotions, ce qui nous en apporte tout le sel et toute la valeur, Jaenera Valineon, c’est précisément l’absence de contrôle qu’un tiers a sur elles. Tu pourras recréer tout le contentement issu d’un amour que tu veux dans l’esprit d’un être humain, tu ne créeras par l’amour lui-même, car il n’existe pas d’amour contraint, le concept en lui-même est absurde. Il en va de même pour la haine. Une émotion crée, peu importe la méthode, est nécessairement fausse.

Il marqua une pause pour laisser à la jeune femme le temps d’avaler la réfutation de ce qu’elle venait de dire. Ainsi était-il, sans concession aucune. Surtout pas quand il s’agissait de faire comprendre à quelqu’un la véritable nature du monde.

-L’esprit humain n’est pas une machine dont on dresse les plans. Si tu veux pouvoir contrôler cette bête indomptable, dépasse cette vision mécaniciste. Ne raisonne pas en mage, raisonne en philosophe. L’esprit est à l’image de l’humain : organique, c’est un corps, il a des mécaniques, mais elles sont dans l’absolu insondables et déséquilibrées, pleines de névroses et de fantasmes. Contrairement à ce que pensent l’arrogance des mages, c’est l’intelligence des phénomènes non magiques qui t’entourent qui approfondiront la pénétration que tu auras de cette science si difficile et exigeante.

Il se dirigea ensuite dans les rayons de la b bibliothèque, disparaissant comme un spectre dans son obscur manoir, sans répondre plus avant à la jeune femme. Cependant, avant de totalement échapper à la vision de Jaenera, il lâcha, tranchant, avant de disparaître.

-Ragaenor.
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