Ragaenor se trouvait dans le vaste bureau que sa confortable position de Curateur de la Bibliothèque de Tour-Vaekar lui offrait. Cette grande pièce, richement décorée et dans laquelle un buste de marbre du fondateur de la dynastie trônait était la tanière officieuse du Dynaste. Il y passait bien plus de temps que dans ses appartements privés, il y recevait et faisait partir son courrier. Il se plaisait à être l’araignée au centre de cette toile de parchemin. Si la Bibliothèque était un corps, le bureau du Curateur demeurait irrémédiablement son cerveau, dans lequel siégeait son âme, Ragaenor Vaelaron. Aucun dynaste, en mille an, n’avait consacré autant de temps à cet endroit splendide qui, avec la Bibliothèque du Collège, constituait le plus formidable rassemblement de connaissance du monde connu. Depuis sa sortie de l’adolescence, le dynaste avait organisé, archivé et acquis sans cesse les pièces de cette incommensurable collection. Une partie de l’âme de Valyria se trouvait là. Il se souvenait encore du jour de sa prise de fonction comme du plus grand honneur qu’on lui avait concédé dans cette vie amère et aride qui avait été la sienne. Son prédécesseur avait d’ailleurs bien tenu cette boutique, les comptes étaient nets, les volumes bien répertoriés, le suivi des acquisitions précis, Ragaenor en avait été surpris.
Le principal apport du dynaste, avait été dans une politique plus audacieuse d’acquisition. Ragaenor avait pratiqué un véritable lobbying auprès de son père puis de son frère ainé afin de consacrer des crédits toujours plus importants pour des acquisitions toujours plus couteuses. Il avait également mis en place un atelier de copistes, qui mangeait lui aussi sa part d’or. Mais, et c’était bien là le but, cet atelier de copiste avait fini par être une grande source de profit car, le Curateur, avait dédié une partie de cet atelier non pas à la simple copie d’ouvrage savant, mais aussi, à l’établissement de copie d’actes juridiques, de documents légaux et bien d’autres preuves et titres utiles à la vie de tous les jours et que l’on pouvait perdre. La politique mise en place par Ragaenor était simple, n’importe qui, moyennant finance, pouvait faire établie une copie d’un document, et conserver dans la Bibliothèque la copie dans des fonds d’archives personnels que l’on louait. Cela avait également rendu Ragaenor particulièrement attentif à l’état financier de certaines familles déclinantes qui ne pouvaient plus forcément conserver leurs papiers chez elles, et faisaient donc appel à ce service de stockage et de copie de la Bibliothèque. Tour-Vaekar était donc non seulement une réserve de savoir magiques, qui constituaient quand même la moitié des volumes, mais on trouvait aussi maintenant de l’Histoire, de la Géographie, de la Généalogie, des jurisprudences de droit valyrien… C’était une entreprise colossale que Ragaenor tentait de porter au plus haut niveau de gloire.
Lui qui vivait pour tout sans passion, il devait bien reconnaitre que pour ces livres, il en avait. Souvent, il traversait les rayons infinis, et parlait à ses livres, il les caressait amoureusement du regard. Là, cet ouvrage acheté fort cher qui contenait des sortilèges magiques uniques, là encore, cette Histoire de la Tetrarchie rédigée par un aïeul peu de temps après la chute, il y avait même un recueil de sentences philosophiques que l’on disait -et cela arrangeait bien Ragaenor de le penser- écrit de la main de Vaekar lui-même et qui constituait la seule trace écrite connue à sa connaissance, écrite de la main d’un des Fondateurs de Valyria. Il conservait jalousement ce volume dans son bureau, dans un coffre verrouillé.
Ce bureau luxueux était aussi l’épicentre des intrigues conduites par le dynaste, et elles étaient nombreuses, dirigées toute dans un seul but, la grandeur de sa famille et la sienne propre. Un dévoreur de connaissance tel que lui savait bien que l’information était le métal le plus précieux après l’or pour celui qui ambitionne de naviguer dans les eaux trouble du pouvoir. Il faut se tenir au courant de tout, partout. Ragaenor avait ainsi son réseau d’obligé et d’informateurs qui lui faisaient régulièrement un rapport, principalement sur ce qui se passait dans les couches plébéiennes que le dynaste faisait surveiller avec une attention particulière. Il recevait présentement l’un de ces informateurs. Un homme patibulaire qui faisait profession d’usurier dans les bas-fonds de la ville. Un truand en somme, qui, sans la comprendre, devinait la grandeur et l’aspect écrasant du lieu. D’après lui, la plèbe demeurait calme en ce moment. Chacun attendait avec joie les célébrations à venir en l’honneur du Dieu de la mer qui devait se dérouler sous peu. On aurait presque pu croire que la vie retrouvait son doux écoulement d’avant la guerre. Puis, vint un moment où l’informateur parla d’une mage qui sillonnait le peuple, prêchant le culte d’Arrax et faisant grand effet sur le populaire par une verve remarquable. Valyria était pleine de ces bateleurs d’estrades, mais ils étaient rarement des mages et prêchait rarement des divinités telles qu’Arrax, culte qui avait toujours semblé à Ragaenor un culte adapté à l’élite afin de servir d’exemple à une conduite forte et ordonnée des affaires du gouvernement.
-A-t-elle du succès ?
-Assez, le peuple semble écouter ce qu’elle dit.
Ragaenor se frotta le menton. Un tel astre nouveau pouvait avoir son intérêt. Lui-même faisait preuve d’une dévotion particulière envers Arrax, Dieu tutélaire par excellence des dynastes puisqu’ils avaient reçu l’onction divine de lui. Au reste, les prédicateurs populaires étaient toujours une forme de curiosité qu’il faisait bon de garder à l’œil et dont la plus part ne disaient pas non à une petite collation ou une petite démonstration devant la noblesse afin de gagner en influence et ainsi conforter leur statut auprès du peuple. Celtigar avait-il dit ? C’était une noblesse modeste quoi de d’un sang impeccable. Avec détachement, le dynaste demanda.
-As-tu assisté à un de ses prêches ?
- Oui, elle est d’une beauté comme seuls les dieux peuvent façonner, et d’un esprit et d’une éloquence digne des bretteurs les plus coriaces du Sénat, maître.
Ragaenor haussa un sourcil. Que savait cet imbécile des passes d’arme du Sénat ? Comment pouvait-il en juger ? Il ne douta cependant pas de la beauté qu’on lui rapportait, elle expliquait probablement tout, c’était là l’indéniable avantage des femmes : on n’écoutait en général que les plus belles car, les femmes n’ayant en général rien à dire d’intéressant, cela permettait de se rabattre sur autre chose. Ragaenor voyait déjà le produit qu’on avait fabriqué : une splendide mage du feu qui haranguait les masses avec quelques effets de manche. Oui mais, et si son informateur n’exagérait pas ? Faire avancer le culte d’Arrax faisait partie des projets du dynaste, s’il pouvait y aider, et en retirer quelque profit en ayant l’amitié d’une mage des rues ayant quelque aisance rhétorique, ce n’était pas perdu.
-Arrange sa venue ici, je veux la voir. Demain pour la collation du midi. Maintenant retire toi, j’ai à faire.
Plus tard dans l’après-midi, on sembla lui confirmer que la rencontre était acceptée. Le matin suivant, Ragaenor donna des instructions précises en cuisine. Raffinement, abondance et hauteur devaient se retrouver dans les mets servis. En effet c’était une forme d’obligation pour un sang divin comme celui des Vaekaron, lorsqu’il consentait à faire monter à lui des inférieurs, à lui recevoir dans toute la munificence de la divinité. Un peu avant midi, il prit le parti d’aller s’allonger là où lui et son invitée devait déjeuner. On lui annonça l’arrivée de la fameuse Rhaenyra Celtigar et on l’introduisit auprès de lui. Effectivement, les éloges de sa beauté n’étaient pas exagérés. De son visage de marbre, il analysait, calculait et déduisait toute sorte de choses sur ce corps. Pas celles qu’on aurait pu penser de la part d’un homme. Il guettait furtivement les harmonies anatomiques, les proportions, la tenue, le visage surtout. Tout en elle respirait le charme et la séduction au même titre qu’un élixir dangereux destiné à absorber la volonté du monde pour y substituer la sienne. Certains pouvaient y voir une beauté naturelle, brute et fantastique, comme sortie d’un songe, mais le dynaste voyait l’artifice, c’était une illusion comme on en voyait peu mais à qui avait l’œil, on devinait une chose : rien, chez cette femme, n’était un hasard, la moindre de ses mèches blondes rebelle était le fruit d’un savant calcul. Là, se révéla au dynaste le sens de cette rencontre dans toute sa réalité. Ce corps là, il en était certain, était loin d’être une coquille vide. Avec sa nonchalance habituelle, l’Erudit désigna d’un geste de la main la couche juste à coté de la sienne. La voix était monocorde et métallique mais sans être discourtoise.
-Je t’en prie, Rhaenyra Celtigar, prend place à mes cotés, j’espère que cette petite collation sera à ta convenance et que je saurais me montrer à la hauteur d’une conversation avec celle dont on me dit qu’elle fait tant vibrer les foules de la capitale.
Le principal apport du dynaste, avait été dans une politique plus audacieuse d’acquisition. Ragaenor avait pratiqué un véritable lobbying auprès de son père puis de son frère ainé afin de consacrer des crédits toujours plus importants pour des acquisitions toujours plus couteuses. Il avait également mis en place un atelier de copistes, qui mangeait lui aussi sa part d’or. Mais, et c’était bien là le but, cet atelier de copiste avait fini par être une grande source de profit car, le Curateur, avait dédié une partie de cet atelier non pas à la simple copie d’ouvrage savant, mais aussi, à l’établissement de copie d’actes juridiques, de documents légaux et bien d’autres preuves et titres utiles à la vie de tous les jours et que l’on pouvait perdre. La politique mise en place par Ragaenor était simple, n’importe qui, moyennant finance, pouvait faire établie une copie d’un document, et conserver dans la Bibliothèque la copie dans des fonds d’archives personnels que l’on louait. Cela avait également rendu Ragaenor particulièrement attentif à l’état financier de certaines familles déclinantes qui ne pouvaient plus forcément conserver leurs papiers chez elles, et faisaient donc appel à ce service de stockage et de copie de la Bibliothèque. Tour-Vaekar était donc non seulement une réserve de savoir magiques, qui constituaient quand même la moitié des volumes, mais on trouvait aussi maintenant de l’Histoire, de la Géographie, de la Généalogie, des jurisprudences de droit valyrien… C’était une entreprise colossale que Ragaenor tentait de porter au plus haut niveau de gloire.
Lui qui vivait pour tout sans passion, il devait bien reconnaitre que pour ces livres, il en avait. Souvent, il traversait les rayons infinis, et parlait à ses livres, il les caressait amoureusement du regard. Là, cet ouvrage acheté fort cher qui contenait des sortilèges magiques uniques, là encore, cette Histoire de la Tetrarchie rédigée par un aïeul peu de temps après la chute, il y avait même un recueil de sentences philosophiques que l’on disait -et cela arrangeait bien Ragaenor de le penser- écrit de la main de Vaekar lui-même et qui constituait la seule trace écrite connue à sa connaissance, écrite de la main d’un des Fondateurs de Valyria. Il conservait jalousement ce volume dans son bureau, dans un coffre verrouillé.
Ce bureau luxueux était aussi l’épicentre des intrigues conduites par le dynaste, et elles étaient nombreuses, dirigées toute dans un seul but, la grandeur de sa famille et la sienne propre. Un dévoreur de connaissance tel que lui savait bien que l’information était le métal le plus précieux après l’or pour celui qui ambitionne de naviguer dans les eaux trouble du pouvoir. Il faut se tenir au courant de tout, partout. Ragaenor avait ainsi son réseau d’obligé et d’informateurs qui lui faisaient régulièrement un rapport, principalement sur ce qui se passait dans les couches plébéiennes que le dynaste faisait surveiller avec une attention particulière. Il recevait présentement l’un de ces informateurs. Un homme patibulaire qui faisait profession d’usurier dans les bas-fonds de la ville. Un truand en somme, qui, sans la comprendre, devinait la grandeur et l’aspect écrasant du lieu. D’après lui, la plèbe demeurait calme en ce moment. Chacun attendait avec joie les célébrations à venir en l’honneur du Dieu de la mer qui devait se dérouler sous peu. On aurait presque pu croire que la vie retrouvait son doux écoulement d’avant la guerre. Puis, vint un moment où l’informateur parla d’une mage qui sillonnait le peuple, prêchant le culte d’Arrax et faisant grand effet sur le populaire par une verve remarquable. Valyria était pleine de ces bateleurs d’estrades, mais ils étaient rarement des mages et prêchait rarement des divinités telles qu’Arrax, culte qui avait toujours semblé à Ragaenor un culte adapté à l’élite afin de servir d’exemple à une conduite forte et ordonnée des affaires du gouvernement.
-A-t-elle du succès ?
-Assez, le peuple semble écouter ce qu’elle dit.
Ragaenor se frotta le menton. Un tel astre nouveau pouvait avoir son intérêt. Lui-même faisait preuve d’une dévotion particulière envers Arrax, Dieu tutélaire par excellence des dynastes puisqu’ils avaient reçu l’onction divine de lui. Au reste, les prédicateurs populaires étaient toujours une forme de curiosité qu’il faisait bon de garder à l’œil et dont la plus part ne disaient pas non à une petite collation ou une petite démonstration devant la noblesse afin de gagner en influence et ainsi conforter leur statut auprès du peuple. Celtigar avait-il dit ? C’était une noblesse modeste quoi de d’un sang impeccable. Avec détachement, le dynaste demanda.
-As-tu assisté à un de ses prêches ?
- Oui, elle est d’une beauté comme seuls les dieux peuvent façonner, et d’un esprit et d’une éloquence digne des bretteurs les plus coriaces du Sénat, maître.
Ragaenor haussa un sourcil. Que savait cet imbécile des passes d’arme du Sénat ? Comment pouvait-il en juger ? Il ne douta cependant pas de la beauté qu’on lui rapportait, elle expliquait probablement tout, c’était là l’indéniable avantage des femmes : on n’écoutait en général que les plus belles car, les femmes n’ayant en général rien à dire d’intéressant, cela permettait de se rabattre sur autre chose. Ragaenor voyait déjà le produit qu’on avait fabriqué : une splendide mage du feu qui haranguait les masses avec quelques effets de manche. Oui mais, et si son informateur n’exagérait pas ? Faire avancer le culte d’Arrax faisait partie des projets du dynaste, s’il pouvait y aider, et en retirer quelque profit en ayant l’amitié d’une mage des rues ayant quelque aisance rhétorique, ce n’était pas perdu.
-Arrange sa venue ici, je veux la voir. Demain pour la collation du midi. Maintenant retire toi, j’ai à faire.
Plus tard dans l’après-midi, on sembla lui confirmer que la rencontre était acceptée. Le matin suivant, Ragaenor donna des instructions précises en cuisine. Raffinement, abondance et hauteur devaient se retrouver dans les mets servis. En effet c’était une forme d’obligation pour un sang divin comme celui des Vaekaron, lorsqu’il consentait à faire monter à lui des inférieurs, à lui recevoir dans toute la munificence de la divinité. Un peu avant midi, il prit le parti d’aller s’allonger là où lui et son invitée devait déjeuner. On lui annonça l’arrivée de la fameuse Rhaenyra Celtigar et on l’introduisit auprès de lui. Effectivement, les éloges de sa beauté n’étaient pas exagérés. De son visage de marbre, il analysait, calculait et déduisait toute sorte de choses sur ce corps. Pas celles qu’on aurait pu penser de la part d’un homme. Il guettait furtivement les harmonies anatomiques, les proportions, la tenue, le visage surtout. Tout en elle respirait le charme et la séduction au même titre qu’un élixir dangereux destiné à absorber la volonté du monde pour y substituer la sienne. Certains pouvaient y voir une beauté naturelle, brute et fantastique, comme sortie d’un songe, mais le dynaste voyait l’artifice, c’était une illusion comme on en voyait peu mais à qui avait l’œil, on devinait une chose : rien, chez cette femme, n’était un hasard, la moindre de ses mèches blondes rebelle était le fruit d’un savant calcul. Là, se révéla au dynaste le sens de cette rencontre dans toute sa réalité. Ce corps là, il en était certain, était loin d’être une coquille vide. Avec sa nonchalance habituelle, l’Erudit désigna d’un geste de la main la couche juste à coté de la sienne. La voix était monocorde et métallique mais sans être discourtoise.
-Je t’en prie, Rhaenyra Celtigar, prend place à mes cotés, j’espère que cette petite collation sera à ta convenance et que je saurais me montrer à la hauteur d’une conversation avec celle dont on me dit qu’elle fait tant vibrer les foules de la capitale.