An 1066, cinquième jour du neuvième mois.
Le ciel se remplissait de teintes fuligineuses et l'astre déclinait doucement, emportant avec lui les derniers rayons de lumière lorsque Vaelys referma la porte de l’établissement. L’air était épais. Chaud. Étouffant. Un souffle brûlant jouait dans sa chevelure et effleurait ses joues légèrement rougies par la chaleur ambiante. Une mèche de cheveux auburn se glissa sur son front... Avant que la prêtresse ne vienne l’écarter d’un léger geste de la main. Elle scruta alentour, un sourire illuminant son visage. “ Saela ?”appela-t-elle doucement, tandis que la petite silhouette de sa cadette ne se trouvait nulle part dans son champ de vision. Son rictus s’effaça lestement. Ses yeux s’attardèrent sur le banc qu’avait occupé sa sœur avant que Vaelys ne pénètre dans l’échoppe...Et qui était dorénavant vide. Son cœur tressauta dans sa poitrine. “ Saela ?”Sa voix résonna une énième fois dans la ruelle, mais cette fois-ci, l’inquiétude emplissait discrètement son timbre.
Elle parcourut des yeux la foule qui s’amincissait à mesure que la nuit tombait, refoulant laborieusement les vagues d’appréhension qui la submergeaient. N’avait-elle pas exigé de sa petite-soeur, un brin de patience ? Ne l’avait-elle pas, explicitement, défendu de s’éloigner ? Si. Et Vaelys revoyait distinctement Saela, lui assurant qu’elle patienterait sur le banc. Juste en face de l’atelier. avait-elle précisé. Mais la place était inoccupée…“ Saela ?”cria la prêtresse une troisième fois en s’avançant dans la ruelle, le regard balayant méticuleusement les environs. Mais seul le silence lui répondit. Malgré les températures arides, un frisson glacé parcourut son échine. Saela lui avait pourtant promis...Vaelys inspira et, refusant de se laisser dévorer par la crainte, longea la rue qui s’étendait, plongée dans une obscurité encore pâle. La prêtresse s'arrêta à mainte reprise pour questionner quelques citoyens, mais leurs réponses ne faisaient qu’attiser ses craintes.
Tandis qu’elle marchait en veillant à ne laisser aucun détail lui échapper, un amas de souvenirs assaillait son esprit. Elle ne se souvient que trop bien du sentiment qui l’avait envahi lorsqu’elle s’était égarée dans la cité, seule et vouée à elle-même, les étoiles comme seul témoin de son angoisse grandissante et de son profond chagrin. Elle ne souvient que trop bien de la frayeur qui l’avait rongée. De la tristesse qui l’avait englouti. Et de son espoir, qui lui avait glissé entre les doigts pour s’envoler…
Son angoisse évoluait progressivement. Vaelys ne réalisa qu’elle trottinait que lorsqu’elle manqua de percuter de plein fouet un marchand. Elle bredouilla une excuse, remarquant alors que les battements de son palpitant se répercutaient dans tout son corps et que ses muscles la tiraillaient. La prêtresse s’arrêta au centre du boulevard. Les grognements de l’artisan alors qu’il disparaissait lui semblaient presque inaudibles, tant les palpitations saccadées de son cœur emplissaient tous ses sens. Saela demeurait invisible. La nuit s’écrasait sur Valyria. Et qui sait ce qui rôde, tapi dans les ruelles sombres de la cité...
L’angoisse qu’elle avait réussi à brider jusqu'alors commençait à déferler librement dans ses veines. Elle leva son regard, reflet de tous les tourments de son âme, vers les cieux, et prononça une prière silencieuse, espérant ainsi chasser les idées noires qui l’assiégeaient. En vain. Sa cadette se trouvait là, quelque part, perdue et certainement effrayée…Et elle, elle se trouvait là, au milieu de ce long couloir. Le cœur battant à tout rompre. Vaelys redressa le menton, redressa ses épaules ainsi que son buste, avant de se remettre à marcher. Elle remuerait le ciel. La terre. Elle remuerait la ville entière, s’il le fallait, pour retrouver sa cadette.