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Circulus vitiosus
Jaehaegaron & Daenerys

Drivo, le Sénat – bureau du Sénateur Maerion - An 1066, mois 12

Il fut un temps où jamais Jaehaegaron n’aurait songé à utiliser le prétexte du travail et de ses responsabilités pour en fuir d’autres moins arrangeantes, et certainement pas pour s’éloigner de son foyer, la riche demeure qui l’avait vu naître et évoluer. Pourtant, en ce jour ni funeste ni faste, au milieu de tant d’autres qui se ressemblaient, le jeune homme ressentait cet appel à prendre le large pour simplement être capable de respirer. La lourdeur qui emprisonnait ses épaules et surtout son cœur, se resserrait tel un étau dès qu’il posait les pieds dans la maison des Maerion. A raison, certes, mais il savait parfaitement que son attitude ne résoudrait en rien ce qu’il voyait là comme des problèmes insolubles.

Le fait d’être à la veille des élections de la nouvelle Lumière de Sagesse n’était en réalité qu’un vicieux prétexte pour rester seul loin de sa mère, bien-aimée certes mais plutôt envahissante ces derniers temps. Comme s’il allait travailler à la dernière minute pour une séance aussi importante ! Le regard du Seigneur-dragon se perdait au contraire le long des toits qui captaient les derniers rayons éblouissant de l’après-midi, assis sur le rebord de marbre de la grande fenêtre de ses quartiers de sénateur. Il aimait observer la ville qui s’étendait, parée de ses vêtements de pierre, sa dentelle de marbre blanc et la broderie de ses peintures. Avec au loin, la cime des volcans qui veillaient jalousement. Jaehaegaron se sentait là, tel un dragon nichant au sommet de quelque à-pic, promenant son attention sur les différents bâtiments ainsi que les silhouettes des citoyens de Valyria. Oui, il aimait observer sa ville. Ce joyau unique des dieux pour lequel il s’était battu au même titre que les autres soldats, et pour lequel il comptait bien évidemment mettre au service toutes ses qualités, en commençant par son ambition.

Une ombre passa néanmoins sur son visage quand ses yeux clairs se promenèrent sur les monts lointains où avait disparu Meleys, sa sœur si regrettée. Un deuil qu’il n’avait jamais vraiment réussi à faire, de par la soudaineté de sa perte, et de par la guerre qui avait affairé son esprit pendant toutes ces années. Aujourd’hui, c’était la politique et le devoir de célébrer ses noces avec une autre. Une autre… Il pinça les lèvres pour rectifier sa pensée : avec sa plus jeune sœur, qu’un fantôme l’empêchait de véritablement considérer, bien que Daenerys ne méritait pas un tel dédain de sa part. L’héritier des Maerion avait fait des efforts, cela dit, quitte à passer pour un hypocrite même à ses propres yeux.

Comme une réponse du destin, ou l’ironie des dieux probablement, il entendit au loin la porte de ses quartiers s’ouvrir avec une violence qui devenait malheureusement habituelle, et l’éclat de voix acerbe et véhément qui lui parvint de façon atténué, lui permit toutefois de reconnaître là la voix de sa cadette. Probablement une altercation avec le soldat de garde, ou son secrétaire particulier qui terminait de ranger ses archives dans l’office sénatorial… La surprise pour Jaehaegaron n’en était pas moins fortuite car, après tout, jamais sa jeune sœur n’avait daigné lui rendre visite ici. Mais il semblait que toute sa fratrie s’était passé le mot pour venir le tourmenter dans son seul et dernier refuge, en dehors des airs et des temples.

Cela tempêtait néanmoins toujours autant dans la salle adjacente. Deux caractères têtus faisaient des étincelles, troublant la paix du général et sénateur par intérim, comme se plaisait à le rappeler Aerys. Avec un grognement maussade, les sourcils froncés, il sauta de son perchoir pour intervenir, poussant avec force les deux battants de la porte qui le séparaient de son bureau. Il reconnut Daenerys, ainsi que le secrétaire. Évidemment, le pauvre avait reçu l’ordre qu’on ne dérange pas l’héritier… Il observa un instant sa sœur, constatant que quelque chose la troublait. Ou la mettait en colère. Quoiqu’il en soit, sa seule présence ici était un signe que quelque chose n’allait pas. « Suffit, Baeron. L’imminence d’une séance au Sénat ne devrait pas empêcher la courtoisie, encore moins le refus d’une entrevue avec ma sœur. » Sa voix avait claqué, grave, certes calme mais avec cette fermeté des Maerion qui n’admettait aucune discussion. « Apporte-nous à boire puis laisse nous. » D’un geste de la main, il invita Daenerys à le suivre dans l’antre sénatoriale qui lui servait de résidence secondaire depuis quelques temps. Un agencement qui en ferait pâlir d’envie de nombreux citoyens, mais que Jaehaegaron aurait qualifié de convenable, tout simplement. Le vin et les verres ne tardèrent pas à arriver, puis les portes se fermèrent derrière Baeron, les laissant dans un silence que l’aîné mit à profit pour observer la jeune femme de la tête aux pieds d’un œil fixe.

« Pardonne ma surprise de t’accueillir en ce lieu. » Ils étaient si inhabitués l’un à l’autre que le fait même de converser en privé avec Daenerys passait pour un miracle. Mais que voulait-elle donc ? Le jeune homme lui offrit un verre de vin tout en esquissant un sourire cynique, l’ophidien qu’il était ne pouvait échapper à ses travers. « Tu sembles… hors de toi. Le Castel te deviendrait-il insupportable à toi aussi ? » Autrement, pour quelle raison viendrait-elle le voir lui, plutôt qu’Aerys ?


Daenerys Maerion
Daenerys Maerion
Dame de Castel Maerion

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Circulus VitiosusDaenerys & Haehaegaron

Drivo, le Sénat – Bureau du Sénateur Maerion – An 1066, mois 12

« Je sais mère que nous devons préparer ces noces. Mais faut-il encore qu’il daigne passer plus qu’en coup de vent les portes du castel ! » cria presque la dernière des Maerion face une énième demande Vhaenyra à sa fille de commencer les préparatifs pour son futur mariage. Daenerys Maerion le savait bien. Depuis qu’elle s’était pleinement remise du rêve de Caraxès, sa mère n’avait plus que le mot mariage à la bouche. La jeune femme se souvenait encore de la silhouette de sa sœur, cette sœur qui était apparu devant elle. Elle avait vu les larmes de Meleys rouler sur ses joues et Daenerys avait su ce jour-là qu’elle lui laissait un héritage malgré elles. Alors elle s’en avait fait la promesse, la promesse d’épouser Jaehaegaron en mémoire d’elle, de Meleys. Mais en ce début d’après-midi, cela en était trop. La Maerion en avait eu assez et sa voix avait fusée dans le petit salon où elle se trouvait avec la matriarche des Maerion. Elle avait surpris tout le monde, Daenerys. Elle l’enfant qui restait si calme et discrète en toute heure et toute circonstance, voilà qu’elle laissait à nouveau exprimer le dragon qui sommeillait en elle. Sa mère avait elle aussi haussé le ton et finalement la porte claqua derrière les pas de la jeune demoiselle. « JAE ! » cria-t-elle de rage tout en se précipitant dans ses propres appartements. Son frère allait entendre parler d’elle.

Depuis quelques temps, Jaehaegaron avait la fâcheuse tendance à s’éclipser et à ne se montrer que rarement au Castel Maerion. Daenerys avait toujours considéré que son frère s’accommodait fort bien de leur futur mariage, lui qui s’état montrer si soudainement si intéressé par sa cadette. Mais plus les jours passaient et plus la dernière des Maerion commençait à croire qu’elle se fourvoyait sur les intentions de ce frère si distant. Au fond, elle ne connaissait pas vraiment l’héritier des Maeiron. Ils étaient si éloignés, depuis leur plus tendre enfance. Il y avait toujours eu deux petits couples au sien de la fratrie. Il y avait les aînés, Jaehaegaron et Meleys et puis les cadets, ceux qui restaient plus dans l’ombre de ceux qui devaient briller dans la société Valyrienne, Aerys et Daenerys. Mais voilà que les cartes étaient rebattues et si elle avait eu une explication des plus désagréable avec Aerys après l’annonce de ses nouvelles fiançailles, cela n’avait pas encore été le cas avec Jaehaegaron. Il faut dire qu’elle n’avait jamais cherché à en avoir une, que ce soit juste avant son départ pour la guerre ou même à son retour. Pourtant des mois s’étaient écoulés depuis le Triomphe. Les dieux pourraient dire que les deux fiancés se fuyaient et ils auraient bien raison de le faire. Mais désormais reculer n’était plus possible et si elle devait aller chercher son frère jusque dans les entrailles de Drivo alors elle le ferait. Elle provoquerait la discussion et elle ferait en sorte que son frère prenne enfin ces nouvelles responsabilités tout comme elle s’apprêtait à le faire, à contre cœur certes, maies à le faire tout de même. « Conduis-moi aux appartements du Sénateur Jaehaegaron Maerion, veux-tu ? » souffla la jeune femme en arrivant à la hauteur d’un serviteur dans la cour de Castel Maerion.

La dame du castel fut alors conduite jusqu’à Drivo et son serviteur ne la quitta que lorsqu’elle se trouva aux portes des appartements de son frère. Daenerys Maerion connaissait mal voire pas du tout les lieux. Elle ne s’y était rendu que trop rarement alors que son père n’était pas encore Lumière de Sagesse. Elle poussa les premières et puis se retrouva face à n homme qui fit barrage de son corps pour l’empêcher de pénétrer dans le lieu sacré où devait se trouver son frère. « Laisse-moi passé ! Ignores-tu qui je suis ! » hurla furieuse la jeune femme quand l’homme lui annonça qu’elle ne pouvait pas voir Jaehaegaron. « Le Sénateur ne doit pas être dérangé » répondit simplement d’un ton menaçant l’homme en la faisant reculer. La jeune femme fronça les sourcils et l’échange se poursuivit du plus en plus violement.  « Ouvre-moi cette porte tout de suite où je fais intervenir mon dragon » lâcha finalement Daenerys Maerion dont le regard n’annonçait rien de bon. Son sang bouillonnait dans ses veines et elle n’hésiterait pas à revenir avec Synthara pour le soumettre si cela continuait. La situation ne se désamorça que lorsque son frère fit son apparition. « Enfin, Jae ! » lâcha la cadette des Maerion en guise de réponse à l’invitation de son frère à le suivre dans la pièce suivante. Daenerys posa son regard toujours aussi énervé sur le décor qui s’offrait maintenant à elle. « Il faut bien que je vienne jusqu’ici, puisque tu sembles avoir changé d’habitation depuis ces derniers mois. » fit la demoiselle tout en continuant de regarder la pièce. Elle n’avait pas encore reposé une seule fois le regard sur son aîné. Elle laissa ensuite un silence passer, prit le verre de vin que lui tendait le sénateur et ajouta sèchement. « Autant le Castel que tes hommes mon frère. »

Daenerys but quelques gorgées et prit place dans un des fauteuils qui lui tendait les bras. « Mère est devenue insupportable depuis qu’elle juge que je suis remise du Rêve de Caraxès. Elle ne cesse de me presser pour l’organisation de notre union. Mais cela tu le saurais si tu n’utilisais pas ta charge de Sénateur pour fuir notre demeure. »