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Daemon Tyvaros
Daemon Tyvaros
Le Tortionnaire

Au plus noir de la nuitTintements d’argent et sifflement reptilien

La Place des Plaisirs, Quadrant Nord de Valyria -  An 1066, mois 12

Il ne faisait jamais vraiment nuit sur la Place des Plaisirs.

En tout cas, c’était ce qu’on avait assuré à Daemon Tyvaros qui ne pouvait que constater la quantité conséquente de lampions qui brûlotaient tout autour de la petite place carrée. Il y régnait une douce et joyeuse lueur rougeâtre qui invitait à la plaisanterie et au baiser volé sous les arcades des bâtiments qui la composaient. Les fenêtres parfois entrouvertes laissaient s’échapper dans la torpeur nocturne des soupirs et des cris tantôt intenses, tantôt joyeux, parfois les deux. S’il était besoin d’expliquer à un étranger ce qu’était une nuit valyrienne, la Place était sans nul doute l’un des meilleurs endroits. Courue par les aristocrates de toutes origines et les citoyens les plus riches, elle n’était jamais complètement déserte et souvent bien gardée, en faisant un endroit de prédilection pour les puissants. Repérer qui fréquentait quelle maison close était relativement aisé puisque l’on retrouvait souvent les gardes des personnalités les plus en vues en train de faire le pied de grue devant tel ou tel établissement.

Ainsi, bien qu’il avait un temps envisagé d’attendre son interlocuteur, la vue des lames d’argent attentant sur la place l’avait dissuadé. Daemon s’était donc aventuré dans l’une des maisons closes où il imaginait trouver son contact. Il avait dû faire montre d’une certaine maîtrise de lui-même lorsqu’il avait été admis sans autre forme de procès alors qu’on lui souhaitait la bienvenue comme s’il était un habitué. Les courtisanes de Valyria étaient mieux renseignées que le Conseil des Cinq, songeait le Serpent. Il prit une coupe d’un vin de la Rhoyne et lorsqu’il manqua de s’étrangler quand il se rendît compte du prix, il se mit en quête de trouver le fils prodigue. Il s’imaginait déjà devoir chercher dans les chambres une à une mais la chance lui souriait.

Laedor Arlaeron était affalé dans des coussins près d’une table basse sur laquelle trônaient plusieurs carafes de vin, deux beautés l’enlaçant de près. A n’en point douter, le jeune héritier du redouté Lucerys profitait de son statut de légende vivante : grand vainqueur de la guerre contre Ghis, tueur de wyrms et mille autres légendes qui courraient sur lui. Il avait le physique du héros valyrien d’antan tel que le présentaient les légendes des anciens. Son regard était vif, ses traits bruts et sa chevelure même était comme acérée. Il parlait fort et semblait très sûr de lui ; il ne semblait guère se soucier de grand-chose. Quand bien même il ne le montrait pas, il semblait à Daemon qu’il était du genre à faire comme si le monde était destiné à se prosterner à ses pieds. Sans doute avait-il raison, en un sens. Arlaeron n’était pas un nom sans signification dans la Péninsule. C’était ironique quand on y songeait : la seule chose qui différenciait Laedor Arlaeron d’un gigolo de luxe était qu’il avait posé son fondement sur un dragon dont l’œuf avait éclos dans son landau.

Daemon méprisait autant qu’il admirait les Laedor Arlaeron de ce monde.

Lui qui provenait du peuple et d’un mode de vie où il avait dû se battre en permanence pour tout ce qu’il avait obtenu, il lui semblait toujours indécent de voir à quel point la noblesse draconique vivait dans une opulence qui ne semblait avoir pour limite que ce que la Nature pouvait offrir. Et pourtant, la vie de plaisirs et de luxe de la noblesse de Valyria était ce à quoi tous rêvaient secrètement. Daemon souhaitait faire partie de cette vie, il souhaitait conquérir Valyria et se hisser au plus haut niveau possible. Son sang serait sa seule limite, car il savait que certains échelons n’étaient accessibles qu’aux élus des dieux qui chevauchaient les dragons. Mais la route était suffisamment longue pour qu’il se trouve une place lui convenant d’ici là.

Sans autre forme de procès, il s’installa donc à la table de Laedor, en face de lui, se laissant choir dans les coussins mais restant droit comme un piquet alors qu’il s’adressait au jeune Arlaeron.

« Seigneur Laedor, je suis content de te rencontrer. Tu ne me connais pas mais ton père l’Oeil d’Argent m’a envoyé un messager m’expliquant que je devais régler avec toi la dette que je dois à ta famille. Mon nom est Daemon Tyvaros, je suis le responsable du projet de la nouvelle prison qu’édifie la République dans le Quadrant Sud. Ta famille m’a soutenu pour que je récupèré la charge de ce projet : cela te dit quelque chose ? »


Laedor Arlaeron
Laedor Arlaeron
Lames d'Argent

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Au plus noir de la nuitTintements d’argent et sifflement reptilien

La Place des Plaisirs, Quadrant Nord de Valyria -  An 1066, mois 12

L’amour. Sentiment dont bien des hommes ont la réputation de ne pouvoir ressentir. Les larmes et les épanchements tendres, ne sont-ils pas l’usage des femmes ? Les hommes eux désirent, conquièrent, assiègent puis possèdent avec force et détermination. Ils ne se lamentent pas, le cœur en peine, l’âme lourde alors que l’élue de leurs attentions se refuse à leur tendresse. Laedor était un homme. Un de ceux qui bravent les interdits, pas un de ceux qui s’époumone en alexandrin à la fenêtre de leur aimée pour quémander le moindre sourire, non un homme, un vrai, qui refoule ses émotions et annihile la moindre de ses peurs dans l’ivresse de la boisson et du corps doux des femmes.

Voilà donc pourquoi Laedor s’était réveillé avec une migraine carabinée et une bonne gueule de bois à l’aurore, trempé par l’eau que son esclave venait de lui jeter à la figure à sa demande. « Merci, » grommela-t-il tout de même à son intention alors qu’il sortait rapidement de la pièce. L’héritier Arlaeron passa une main sur son visage, puis dans ses cheveux, massant son crâne au passage afin d’atténuer le martellement incessant de la fanfare qui y avait élu domicile. La veille, il avait fêté… Quoi déjà ? C’était sans importance. En vérité, la preuve qu’il l’avait oublié signifiait qu’il avait réussi. Oublier, voilà ce qu’il voulait au fond. Oublier la douleur, la déception, l’amertume de voir à quel point sa vie était devenue un désastre. Il avait une magnifique fiancée qui ne le regardait même plus, il ne pouvait partir en expédition sans revenir bredouille ou causé un incident diplomatique qui lui valait une convocation au Sénat… Non vraiment Laedor sentait tranquillement sa vie couler loin de lui, et tel l’épave qu’il était devenu, il coulait également dans l’excès.

Une fois rafraichi et remis en état, il passa les quelques heures suivantes comme le bon héritier qu’il se devait d’être. Il suivit son père, rencontra des gens et resta stoïque. Sa journée passa comme celle de la veille et celle d’avant encore. Il vaquait à ses obligations de manière impassible, subissant sa journée jusqu’à la tombée du soir. À ce moment, il s’évadait enfin. Il passait de sa vaste demeure dans l’Ouest vers le Nord de la ville et les plaisirs qu’il renfermait. Ses pas connaissaient le chemin, il se laissa guider. Laissa le doux regard des femmes le couvrir et l’accompagner vers un endroit aménagé juste pour lui. Enfin, il se sentait apprécié. On le couvrait d’attention, de caresses, de mots doux. On riait à ses paroles en s’assurant que sa coupe ne soit jamais vide. Bien sûr, Laedor n’était pas totalement imbécile. Il savait que l’amour de ces femmes n’était pas pour lui, mais pour son nom et son argent. Personne n’aimait Laedor, plus personne n’aimait Laedor. On aimait Lames d’Argent l’invincible, on aimait Arlaeron le noble. Alors Laedor acceptait avec joie la coupe pleine au ras le bord et buvait pour oublier que cet amour était factice.

« Seigneur Laedor, je suis content de te rencontrer… »

Mais par Balerion, qui était cet individu sinistre, contrastant effroyablement avec l’endroit doux et chaleureux dans lequel ils se trouvaient ?
Tyvaros? Tyvaros, Tyvaros, Tyvaros… Merde Laedor, tu devrais t’en souvenir.
Son père ne lui avait-il pas dit quelque chose à ce sujet un peu plus tôt dans la semaine ? Il avait beau essayer, son esprit restait aussi vide que sa coupe, oh ! Mais non la voilà de nouveau pleine. Se redressant à moitié, prenant une longue gorgée de la coupe que l’on venait tout juste de remplir, il répondit avec toute la nonchalance de sa caste.

« Bien sûr, enchanté de te rencontrer l’ami. Assieds-toi, prends à boire et nous réglerons tout cela. » Dit-il à l’homme, déjà assis bien droit devant lui.

Daemon Tyvaros
Daemon Tyvaros
Le Tortionnaire

Au plus noir de la nuitTintements d’argent et sifflement reptilien

La Place des Plaisirs, Quadrant Nord de Valyria -  An 1066, mois 12

Tout en observant l’héritier Arlaeron, Daemon se faisait la réflexion qu’il existait des grands visionnaires à Valyria. Certains bâtissaient leur fortune sur la rente, d’autres sur l’extorsion. Beaucoup choisissaient le négoce, pour lequel les Valyriens semblaient avoir un talent naturel. Idéalement positionnée sur les routes commerciales, porte entre les moitiés orientales et occidentales d’Essos, Valyria dominait les mers et les routes du Sud. Les échanges commerciaux entre les cités de la Rhoyne et l’empire de Ghis faisaient la fortune d’un Nord toujours plus riche et plus porté sur l’extérieur. Les villes qui s’égrainaient le long de la route étaient plus prospères chaque jour que les Dieux faisaient. Tolos, Mantarys, même Anogaria et enfin Draconys : toutes voyaient défiler des flux ininterrompus de caravanes, de marchands indépendants et d’aventuriers en tout genre qui consommaient, cherchaient des lieux où dormir, où changer leurs chevaux, où entreposer leurs marchandises et où prendre les dernières nouvelles d’un monde toujours plus fébrile. Si la guerre entre Valyria et Ghis avait mis une pause à ces échanges et cette prospérité, elle était repartie de plus belle depuis.

Et pourtant, malgré l’attrait évident de cet argent facile que Daemon connaissait bien puisqu’il venait du Nord, certains avaient trouvé d’autres manières d’acquérir or et influence. Daemon avait récemment appris que les maisons closes si prestigieuses de la place des Plaisirs étaient détenues par Baelor Cellaeron qui en avait jadis fait son premier investissement. Toutes les personnes qui y travaillaient devaient donc naturellement lui rendre des comptes précis sur qui visitait ces établissements, avec qui, pour parler de quoi, et cela devait faire remonter un flux très conséquent d’informations de très grande valeur. Daemon abhorrait la nouvelle Lumière de Sagesse qui représentait pour lui toute la décadence de l’aristocratie valyrienne, mais il était contraint de reconnaître la sagacité du personnage.

Quant à ce qu’il fallait faire de Laedor Arlaeron, Daemon Tyvaros n’avait guère trop d’idées sur ce qu’il pouvait lui apporter… ou en retirer. Telle était pourtant la volonté de l’inflexible Œil d’Argent, que d’aucuns disaient personnage le plus puissant de la République. Visiblement, il n’était point bavard car il l’invita à s’asseoir puis sembla attendre d’en savoir plus avant de se révéler. Lissant sa toge, Daemon commença à s’expliquer d’une voix claire. Son ton était respectueux, mais sans plus. Son regard d’acier et ses traits coupés à la serpe faisaient du personnage une ombre peu amène, dont les yeux tantôt foudroyaient, tantôt ouvraient l’âme de ses interlocuteurs pour y arracher tous les secrets. Toutefois, il s’efforçait de ne pas trop démontrer ce côté de sa personnalité face au fils de l’un de ses patrons.

« Comme je t’ai expliqué, je suis en dette auprès de ta famille, seigneur Laedor. Ton père est visiblement un homme fort occupé, aussi il m’a demandé de prendre langue avec toi pour pouvoir trouver une solution d’utiliser au plus vite mes compétences au service des intérêts des Arlaeron. »

Regardant brièvement autour de lui, Daemon se fit la réflexion qu’il allait être compliqué de parler affaires ici sans que le gros Cellaeron en soit un jour mis au courant. Peu lui importait, selon ce qui était connu, il avait rallié à lui les militaristes pour son élection. Aussi, Daemon se pencha vers Lames d’Argent.

« Je ne suis pas homme à apprécier avoir des dettes, et encore moins des attaches. Mais j’honore ma parole. Ton père m’a soutenu au Sénat, et je dois m’acquitter de ce que je dois à ta famille. As-tu des idées ? De quoi ta famille pourrait avoir besoin, en ce moment ou prochainement ? Négocions ensemble le prix de ma liberté, si tu veux bien. Je suis prêt à écouter tes demandes… bien que je ne te garantisse pas de les accepter d’emblée. »

Daemon voulait forcer le jeune loup à sortir du bois, il voulait qu’il dévoile ses premières cartes pour savoir à qui il avait à faire. Qu’allait-il lui demander ? Il était très attentif au visage et au langage corporel de Laedor, qui, l’espérait-il, lui en révélerait bien plus qu’il ne lui dirait jamais.



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