Tu dois découvrir la vérité concernant ton frère. Je crois que l'armée nous ment sur sa réelle disparition. Les Quatorze savent que j'aimerai accepter l'histoire d'une mort noble...
Les paroles de son père hantaient l'esprit de Vaenyra alors qu'elle brossait ses longs cheveux de braise. Malgré les années passées loin de sa famille, la Mage avait retrouvé l'intimité de son foyer pour mieux sombrer dans le drame et les larmes. Renaissance douloureuse, Vaenyra vécut l'épreuve comme un second deuil du souvenir de son frère entre les murs de la maison paternelle. Ce qui la marquait le plus était son père, cet homme autrefois si sévère et organisé, n'était plus qu'une ombre. Si l'alcool et les drogues n'avaient pas ravagé son esprit, le chagrin et la trahison de l'armée l’anéantirent tout aussi bien.
Ce ne fut qu'à l'aube de son départ, que Morear était apparue dans sa chambre. Sans un bruit, il lui avait demandé de la suivre. Vaenyra n'avait pu s'empêcher de remarquer qu'il portait son armure de la Legio VI ainsi que l'épée - encore brisée et en partie brûlée - de son frère. Morear la guida jusqu'aux quais de Volantis aux premières lueurs du jour. Là, il se dévêtit toujours en silence pour ne rester couvert que d'une simple tunique. À genoux, le Polémarque avait regardé l'astre solaire s'élever au-delà de l'horizon. Enfin seulement, il s'était levé, avait jeté sa cuirasse à la mer avant de s'accrocher aux bras de sa fille.
Maudite soit l'armée. Puisse Caraxès les noyait dans ses abysses ! Il lui avait alors tendu la lame d'Hogear. Tu dois découvrir la vérité en ce qui concernait ton frère. Je sais que l'armée nous ment sur sa réelle disparition. Les Quatorze savent que j'aimerai accepter l'histoire d'une mort noble...
Alors que Vaenyra refermait sa main frêle sur la garde, les paroles se gravèrent vives dans son esprit.
***
Le contact froid des disques de cuivre contre sa hanche rappelait à Vaenyra la promesse faite à son père. Elle comptait tenir sa parole alors que la Mage s'avançait au devant de la caserne de la première armée. Il lui était difficile d'imaginer que jusqu'à récemment ses murs avaient hébergé nombre de ses ancêtres. Les Menaleos avaient donné de nombreuses générations à la troupe et à Valyria. Pour être abandonnés au plus fort de leur peine, outragés et trahis pour préserver une loyauté. Pendant les quelques semaines qui lui avaient été nécessaires, Vaenyra avait douté du bien-fondé de son acte. Hogear était officiellement mort au combat, monté sur son dragon et avec honneur. Pourquoi son père s'échinait-il à vouloir démontrer le contraire ? La réponse était pourtant simple : la vérité prônait sur la gloire parfois.
Puis-je vous aider, madame ?
Vaenyra cilla légèrement avant de se concentrer sur son interlocuteur. La jeune sentinelle, il ne devait pas avoir plus de vingt ans, la regardait avec curiosité. Une affreuse cicatrice lui déchirait la joue, mais il ne manquait pas de charme. Ses yeux posaient une question discrète. Évidemment, il se demandait ce que pouvait une dame devant la caserne là où la présence féminine devait être celle des putains. Vaenyra tranchait de leur vulgarité avec sa mise simple, ses cheveux réunis en chignon et sa toge blanche. Seule l'épée pendant à sa hanche détonnait de son attitude aristocrate.
Je viens voir Vagar Nohtigar. C'est un vieil ami. dit-elle aimablement. Le mensonge n'était pas très gros, certes elle ne connaissait pas l'officier intimement, mais leurs deux familles avaient été longtemps alliées. Seul le départ des Menaleos pour Volantis avait endommagé leur lien.
Et qui donc le demande ? réclama une voix rocailleuse et pédante alors qu'un lourd sergent sortait de la guérite des gardes. Il observa avec une neutralité malveillante la femme qui ordonnait à voir son officier. Je suis Athor, son auxiliaire de camp. Je ne vous connais pas madame, j'aimerais savoir votre nom.
Je m'appelle Vaenyra Menaleos, Mage du Cinquième et fille de Morear lui-même fils de Hybridar, Polémarque de la Première. Mon grand-père fut l'un des premiers de cette noble troupe à partir pour Volantis. énuméra Vaenyra en redressant le menton. Je demande à voir votre Vagar au nom des liens qui unissaient autrefois nos familles.
Très bien, très bien. C'est que... Il prends son bain maintenant.
Dans ce cas... j'exige de le rejoindre à cette heure. Faites-moi annoncer, qu'il me reçoive dans son bain, son bureau ou même dans une taverne. En ce qui me concerne, une Mage et une amie de sa famille a demandé à le rencontrer. Qu'il décide de comment cela se fera.