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Maegon Tergaryon
Maegon Tergaryon
Sénateur

Les troubles qui faisaient convulser la République n’avaient pas atteint la bonhommie du maître du palais Hoskagon. L’extraordinaire demeure des Tergaryon, sise en la capitale de leur nation, accueillait les affidés, les clients et surtout, les autres membres de la famille dès lors qu’ils en émettaient le désir. Les rivalités d’une branche à l’autre ne pouvaient pas faire oublier au chef de la branche aîné son devoir, quand bien même ce devoir était une convention plus qu’un pouvoir réel. Patriarche des Tergaryon, il l’était, et à ce titre, il mettait un point d’honneur à ce que son toit soit le toit de tous ceux qui partageaient son sang.

Ce Palais était un héritage fantastique, une demeure extraordinaire, épurée mais luxueuse. Diverse, la maison de Maegon recelait bien des trésors et des styles. Là, l’or fin assaisonnait de magnifiques moulures, et se trouvaient rehaussées par des sculptures dans un marbre blanc d’albâtre. Les corps sculptés, nus, représentaient des corps parfaits selon les canons Valyriens. Dans ces pièces-là, des tapisseries somptueuses sur l’Histoire de la famille Tergaryon venaient ajouter à la majesté. D’autres pièces, semblables, elles, à des songes de l’Empire de Yi-Ti, se déployaient sous les yeux incrédules en extravagance de jade, de vases laqués, d’images de monstres ou d’animaux chimériques sur les murs.

C’était dans cette dédale improbable que Maegon Tergaryon, comme une araignée au centre de sa toile, tissait l’avenir de sa famille et qu’il tentait d’avancer une position dans l’échiquier impitoyable de la politique valyrienne. Ce grand seigneur valyrien n’était pas mauvais homme, chacun en convenait. Il brûlait pourtant du feu des oubliés, de ceux que l’on ne regarde pas ou que l’on néglige. Il était bien résolu à achever cette période de silence assourdissant, et à faire correspondre la splendeur de sa maison au rayonnement de son influence. La clef, pour cela, consistait à savoir décrypter ce puzzle qu’était l’homme. Ou la femme en l’occurrence.

Maegon commençait à considérer sur cet échiquier une pièce qui, elle, semblait se satisfaire qu’on ne lui prête pas trop d’attention. Il s’agissait de sa cousine, Daenyra. La façon qu’avait sa cousine Elaena de rediriger sans cesse l’attention dès lors qu’elle se portait sur elle avait fait tiquer le jeune sénateur. Ce petit stratagème de protection n’avait fait que faire croître dans le chef de la branche aîné le désir de découvrir ce qui se cachait derrière cette poupée de porcelaine au visage triste comme une amante attendant, dans un crépuscule du matin, que l’on vienne la délivrer. Elaena n’avait pas tort de dire que sa cousine était d’une très grande beauté.

Pourtant, c’était un charme fêlé, une grâce brisée et lancinante qui ne se justifiait par aucune affliction physique. Derrière tout cela, cachait-on quelque chose ? Maegon n’en savait rien, là résidait son souci. Ainsi, les signaux rationnels se mêlaient à sa paranoïa dès lors qu’il s’agissait de ses semblables de la branche cadette. Il comptait bien creuser.

Au reste, le sénateur Tergaryon n’était pas valyrien pour rien, lui entre tous, appréciait les beaux corps, et l’on sait que les liens familiaux en Valyria constituent bien davantage une incitation qu’un frein. Il ne fallait cependant pas procéder en séducteur amateur pour attaquer une pareille forteresse. Daenyra n’avait rien de commun avec une grande partie des gourdes souriantes de la noblesse valyrienne. Si elle était une sotte, c’était une sotte triste. Cette idée lui paraissait cependant improbable, on rapportait à Maegon qu’elle passait parfois des journées entières dans la bibliothèque du Palais. Maegon lisait de façon utilitaire, c’est à dire ce qu’il avait besoin pour remplir sa charge et assurer le gouvernement de sa mesnie et de ses gens. Il y était un peu forcé, n’ayant jamais eu d’appétence pour l’érudition. Il savait en revanche qu’une femme érudite sortait de l’ordinaire. Il pensait que les femmes étaient encore moins disposées au savoir livresque que lui, il y avait donc quelque chose de tout à fait surnaturel dans le comportement de sa cousine. Contrairement à Maekar et à Elaena qu’il connaissait intimement, Daenyra lui avait semblé toujours une présence éthérée, presque spectrale. Pourtant, il s’en souvenait bien, lorsque le Dragon d’Oros avait transmis sa charge à sa fille aînée, elle était arrivée à Valyria avec Daenyra dans ses bagages. Rétrospectivement, il n’y avait peut-être pas que du hasard dans tout cela.

Maegon était à son bureau depuis plusieurs heures. C’était une pièce spatieuse et probablement l’une des plus riches de la demeure ancestrale des Tergaryon. Dos à lui, une gigantesque carte de Valyria observait son dos. Bien calé dans un épais fauteuil au large et grand dossier qui faisait ressembler le tout à une sorte de trône, il avait le menton posé sur son poing comme un penseur. Les yeux fermés, il se demandait quelle tactique pouvait lui permettre de discuter avec Daenyra sans trop se découvrir. Si elle était astucieuse, elle verrait tout de suite une manoeuvre faussement due au hasard, ce qui ne pourrait que la rendre méfiante. Il préféra donc opter pour l’assaut frontal. Il se saisit d’un billet vierge. Maegon avait une calligraphie d’une grande finesse, mais on reconnaissait dans le caractère quasi architectural de ses messages l’esthétique martiale. Son autre main vint se saisir d’une petite clochette en étain qu’il sonna trois fois. Un esclave se présenta et salua bassement son Maître, qui lui tendit le billet.

-Pour ma cousine Daenyra.

L’esclave salua de nouveau et sorti à la recherche de la destinataire. Le message du billet était relativement clair.

« Chère cousine,

Je n’ai jamais eu le plaisir de boire un verre seul à seul en ta compagnie. Je te convie donc à me rejoindre pour la collation de midi si tu es libre.

Ton cousin,

Maegon »
Il donna des instructions pour qu’à midi on ne dresse que deux lits pour déjeuner. Il demanda un repas léger, mais faisant un certain honneur à sa cousine. L’usage du midi interdisait le vin en règle générale, mais pour cette fois-ci, il fit une exception et demanda que l’on laisse une demi carafe d’un vin d’une grande finesse. Il n’en boirait probablement pas, mais il tenait à témoigner à sa cousine cette marque de considération, au cas où. Les cuisines s’activaient selon la directive du maître : léger, mais prestigieux. On prit donc le pari d’un filet de thon rouge légèrement cuit, agrémenté de quelques légumes.

L’heure vint, et Maegon descendit pour se restaurer. Il resta debout pour l’heure, le regard fixé vers le couloir d’où devait émerger sa cousine si elle avait accepté l’invitation. D’ici quelques secondes, il serait fixé.