quelques minutes après l'assassinat de Lucerys Arlaeron
Palais d'Hoskagon
https://youtu.be/G98n_5tHf4U
Les desseins des quatorze étaient bien étrange, et mystérieux aux yeux du simple commun des mortels. Même leurs apôtres, disciples qui seuls avaient le pouvoir de leur murmurer, leur prêter une oreille attentive, n'en restaient pas moins insaisissables, figures privilégiés se tenant toujours auprès du céleste. Quiconque le jour de son mariage n'aurait eu pareil soupçons qu'un tel événement se serait déclaré, secouant comme jamais la Cité flamboyante. Non, à bien y réfléchir personne hormis ceux ayant comploté n'aurait deviner une tournure si funèbre. Et pourtant...
Le sang lui tapait aux tempes, véritable tintamarre. Son corps, machine entraînée à la guerre lui hurlait de prendre part. Il n’avait guère eu le temps de ne jeter qu’un coup d’œil derrière lui, s’assurant que sa famille, et sa dulcinée soient protégées par quelques gardes déplacés à cet effet. Le voilà endossant son rôle de guerrier un jour qui pourtant serait d'ordinaire heureux.
En proie au chaos, la foule se dispersait, marrée humaine où plus aucune loi, aucun dieu ne régnait à cet instant sur ce monde mortel. Un contraste si saisissant puisque qu’auparavant, l’ivresse et allégresse emplissaient les lieux, théâtre d’unions vivement célébrées.
L’ombre prit place, ténèbres d’abîme d’angoisse que seules les âmes égarées savaient suffocantes. Les sourires s’effacèrent soudainement pour ne laisser plus qu’apparaître la crainte, et l’effroi. Sensations glacées, sourdes qui s’insinuaient plus profondément dans ces cœurs. De leurs étreintes, elles vous enserraient pareils à des serres, vibrantes de noirceur, les lambeaux de votre existence s’étiolant. Et ce fut ainsi que moururent les hosanna, l’exultation que deux âmes partagent enfin la même destiné.
La fuite, option si humaine, si logique les poussait à les mener hors du danger, où seule la lumière perça. Mais parfois dans ces scènes infernales demeurait des âmes. Immobiles, pétrifiées, piégées par cet abîme. Funeste, cruel vision se déroulant sous leurs mires épouvantées, il leur était tout bonnement impossible de s’y détourner. Chose que parfois les jeunes recrues comme lui il y a longtemps, connurent bien malgré eux. Cette main froide les maintenant en tourmente, qu’ils devaient combattre intérieurement.
Désormais en dehors du temple, Maekar partit arme en main, prêt à mener de front une contre-attaque.
Les prunelles améthystes se posèrent sur son compagnon qu’il avait rejoint quelques instant plus tôt, Aeganon Bellarys. Le duo de seigneur dragon s’était lancé dans une vendetta sourde à toute raison, bride abattue. Chevauchant le plus rapidement vers les assaillants, la colère se lisait sur leur visage. L’image du corps inanimé de Lucerys, tournait en boucle en son être. Figure même d’un mentor, notre Tergaryon ne pouvait laisser impuni cet acte abject. Son courroux allait être impitoyable, le jeune homme voulait la tête des responsables de cette ignominie. Ô diable la raison, ô diable la retenue, quelqu’un devait payer cet affront, quelqu’un devait mourir. Et ces couards en étaient des cibles toutes choisies.
Ce fut ainsi que Maekar fila l’air de sa lame, tranchant la chaire et le sang. Le rouge, il n’y avait plus que du rouge obstruant son regard. Le liquide carmin courrait ça et là de ses traits obscurci par la fureur, se mêlant de temps à autre au sien. Plus rien en cet instant ne comptait hormis les coups portés à l’ennemi, à la vermine. Aveuglé par la rage, il n’entendit pas les cris étouffés de ses hommes, ni de ceux des assaillants.
Ainsi le dragon bicéphale se réveilla, grondant impérieusement « son feu » s’abattît plus brutalement, laissant sa nature de sanguine faire le reste. La bête se délecta d’une grimace de douleur, de viscères répandues, de corps tombant comme poupée de chiffon. Il fallait se repaître du sort de ses opposants. Un, puis deux, trois, il en perdit le compte.
Tout son être vociférait, l’affliction étant trop vivace. Et puis la frénésie se calma, le nombre d’ennemis décroissants à mesure que le combat se terminait. La vigilance avait baissé pour certains, chose pouvant être fatale pour tout militaire.
L’espace d’un court moment, un des derniers assassins se dirigea déterminé vers nul autre que le Bellarys, l’attaquant de dos. De ses yeux perçants, Maekar discerna la ruse, mais n’eut trop choix que de prendre le coup. Une hésitation et le coup aurait pu coûter bien trop cher.
Le Tergaryon de la branche cadette affirma clair et net qu’aucun autre ne tombera aujourd’hui, pas un de plus. Il n’avait qu’écouter son instinct, lui qui d’ordinaire jouait plutôt la carte de la prudence, de la stratégie le brasier le prenant tout entier. N’en demeura pas moins que la simple idée de retrouver ses frères d’armes jonchant le sol du champ de bataille l’exécrait. La lame perça plus profondément sa peau, son souffle devint court. Le général n’avait guère envie d’échapper jurons, la faiblesse était à bannir, cela faisant bien trop plaisir à l’adversaire.
La dernière chose qu’il se souvînt, fut que sa garde allait se planter de main propre dans le cœur de ce couard. Ce dernier affichait un sourire trop grand, semblant ne point souffrir. Chose que Maekar répliqua par un air de dégoût non masqué. Après quoi, des souvenirs éparses, de soins, et d’un néant si profond qu’il pensa s’y plonger éternellement.
Ses mires captèrent difficilement la lumière trop intense de l'astre s'écroulant au loin. Un grognement de mécontentement le prit à cet effet. Et puis il réalisa où il se trouvait allongé. le parfum de l'endroit lui disait quelque chose. Il comprit soudainement qu'il était en terrain connu, chez lui au Palais d’Hoskagon. Ses sens alors ne furent plus en alerte, détendant ses muscles, sa respiration revint à la normale. L’originaire d’Oros essaya en vain de bouger, ou du moins de trouver meilleure position. Cependant la douleur qui se situait au-dessus de son épaule gauche était bien trop vive, ce qui lui arracha pour conséquence un gémissement. Le générale semblait désarmé, impuissant face à cet état.
Il fallait pourtant qu’il trouve les siens, qu’il s’assure qu’aucun mal ne leur soit fait. Malgré tout dans cette situation, il faisait piètre protecteur. Un soupir s’échappa de ses lèvres pour toute réaction.
Et puis des pas pressés se rapprochèrent de la porte. Une silhouette familière et féminine entra inquiète. Encore quelque peu désorienté par son retour à la surface, il mit un temps avant de comprendre que la présence n'était nul autre que son épouse. Sa gorge peinait à sortir un quelconque son, trop éreintée. Elle sonnait plus rocailleuse que jamais.