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Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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Castel Maerion - An 1061, Mois 2

Les jardins du Castel Maerion résonnaient des rires de l’élite valyrienne. Les paroles des puissants se mêlaient aux lyres, aux flûtes et aux tambourins des musiciens au milieu des allées de rosiers, des cyprès et des lauriers. Installé sur les hauteurs de l’une des montagnes secondaires, la demeure des Maerion était un impressionnant entrelac de bâtiments de marbre gris et de roches travaillées avec le feu-dragon. Bien différente des deux sphynx qui gardaient la porte d’entrée, la collection de statues et de fontaines qui ornait les jardins des Maerion rappelait l’attachement des maîtres des lieux à la Foi.

Violente, crainte mais pas forcément respectée autant qu’elle aurait aimé l’être, la famille Maerion jouissait d’une position unique dans le paysage politique de Valyria. On les soupçonnait d’être en cheville avec de nombreuses activités peu recommandables sans que rien n’ait jamais été prouvé. Leurs opposants les plus dangereux et les plus féroces disparaissait souvent pour réapparaître cloués à une porte, la langue arrachée. Pourtant, les Maerion savaient écouter, arbitrer et trancher. Pour cela, ils avaient le respect du peuple et l’attention des puissants. Très pieux, ils passaient pour être de grands protecteurs des temples et des dieux. Ils entretenaient à ce titre des liens solides avec les différents sénateurs de la faction religieuse à Drīvo Perzo. La Flamme de la Vérité était ce lieu si important pour les grandes familles et où les Maerion avaient plus que gagné leur place.

En ce jour de l’année 1061, les Maerion semblaient être à une espèce d’apogée. Accoudé à la balustrade de marbre gris de la terrasse principale, Aerys regardait le spectacle de la splendeur des fêtes à la valyrienne. Père était au centre de toutes les attentions car ce jour était le sien. Après de longues tractations, Arraxios Maerion, maître des lieux, sénateur et grand homme de Valyria avait obtenu le soutien d’une majorité de ses pairs au sein de la faction religieuse et s’élançait désormais pour obtenir un vote de confiance auprès du Sénat pour rejoindre l’illustre Conseil des Cinq et devenir l’une des Lumières de Sagesse qui guidait la cité et la République. Le trait dur, l’âme forte, Arraxios Maerion n’était pas un novice : il s’agissait d’un vieux loup de la politique sénatoriale, qui en connaissait les arcanes. Plus que le protocole et les différentes procédures à respecter, le maître du Castel Maerion connaissait les personnes et les us et coutumes des sénateurs. C’était là ce qui faisait de son père, selon Aerys, un politicien brillant. Il savait qui cajoler, qui pouvait être menacé sans trop de risques, qui était sensible aux présents et petites attentions, qui ne l’était pas. Il avait une telle connaissance que son cadet le soupçonnait même d’avoir une cartographie physique des individus au Sénat pour pouvoir s’y retrouver.

Mère, quant à elle, déployait des trésors d’élégance pour combler ses hôtes. On le savait bien : pour lancer une campagne, rien ne valait une belle fête à la valyrienne. Et Vhaenyra, en sa qualité d’épouse et de maîtresse de maison, avait tout préparé pour que son frère-époux bénéficie des meilleures chances de pouvoir gagner des soutiens face aux autres candidats qui allaient fatalement s’annoncer. Afin de combler les sénateurs sensibles aux questions de protection de leur foi, elle avait fait exposer les plus belles pièces de sa collection en hommage à leurs dieux et à la foi en général. Des statues représentant les grandes scènes de l’histoire mythologique valyrienne étaient réparties à des endroits précis où les jardiniers avaient su les mettre en valeur au meilleur de leurs capacités. Lavandes, jasmins et oliviers étaient parsemés de flambeaux, lanternes et brasiers sacrés qui jetaient des ombres immenses sur la façade grise du palais des Maerion. Drapée dans des toges pourpres, Vhaenyra était entourée de puissantes femmes et d’artistes en tous genres qui constituaient une troupe joyeuse et bariolée.

Non loin de Père se tenaient ceux dont la présence illuminait la cour verdoyante dans laquelle ils se trouvaient. Le couple héritier : le fier Jaehaegaron et la magnifique Meleys. Ils arboraient des tenues assorties, d’un gris-mauve très pur et veiné d’argent. Meleys avait une coiffe complexe dans laquelle s’entortillaient plusieurs dragons d’argent aux yeux de rubis. Quant à Jaehaegaron, il avait à son flanc une superbe épée d’acier valyrien d’apparat. Sertie de joyaux tirés des mines familiales, elle lui donnait l’air d’un prince. Autour d’eux et de leur amour réciproque et évident se trouvait tout le futur gratin de Valyria et d’ailleurs. Tous les héritiers étaient là, la plupart du temps avec celui ou celle qui partagerait leur vie.

« Qu'observes-tu, encore ? Les grands ? »

Venant se glisser à ses côtés, la jeune sœur d’Aerys fit son apparition. Il ne l’avait pas entendue arriver. Daenerys était encore jeune à ses quatorze ans, mais elle partageait déjà la tendresse que son grand-frère de cinq ans son aîné avait pour elle. Il la laissa se couler à ses côtés et se blottir contre lui alors qu’ils regardaient la fête de l’étage et de la terrasse supérieure de leur demeure. Aerys passa un bras autour des épaules de celle qui serait un jour sa femme et ils restèrent un moment à observer le spectacle. La brise chaude descendait des sommets et leur apportait la douceur des Flammes. Daenerys était d’une douceur incomparable par rapport aux autres Maerion. Même Mère portait en elle une violence inhérente à leur sang. Pourtant, Dae n’était pas du tout de cette nature. Elle était une véritable anomalie dans cette famille de brutes, et pour cela Aerys n’était que plus sensible à ses charmes. Tout en embrassant son crâne, il profita des effluves de fleurs que dégageait son cuir chevelu et lui caressa une épaule.

« Ils sont sacrément doués, ensemble. Ils vont aller loin. J’ignore ce qu’on pourra faire, mais les Quatorze savent qu’ils auront la famille bien en main. »

A nouveau, ils restèrent silencieux. Ils aimaient profiter des coulisses pour observer la lumière à laquelle était destinée leurs aînés. C’était l’ordre des choses. Bientôt, Meleys porterait un petit Maerion et repousserait Aerys d’un rang de plus dans l’ordre de succession. Cela lui allait, il n’était guère intéressé par le devant de la scène. Ou plutôt, il l’était mais ne se savait pas de taille. La pression constante, la traque du moindre défaut, de la moindre faute : très peu pour lui. Sans avoir l’ambition de son aîné, Aerys ne souhaitait pas être relégué aux oubliettes de l’Histoire. Pourtant, ce n’était pas la place de Jaehaegon qu’il convoitait et envisageait, comme bon nombre de puînés, de s’engager dans l’armée pour y trouver un nouveau but et une gloire méritocratique. Chacun était à sa place et tout allait bien. Soudain, une gerbe de feu s’éleva haut dans la nuit étoilée sous les acclamations et les vivats de la foule réunie. Le mage de la maison venait de démontrer sa maîtrise de la pyrokinésie. Aerys se tourna vers sa sœur.

« Ce n’est pas pour cela que tu es venue, si ? »

Déjà gracieuse, Daenerys dévoila ses dents blanches en un sourire aussi charmeur que délicat. Elle rejeta sa tête contre l’épaule de son frère dans un mouvement affectif.

« Non. Père va bientôt parler et faire son discours. Il veut que tu veilles à ce que tout se passe bien. Nous avons une invitée particulièrement… tapageuse. »

Joignant le geste à la parole, elle lui désigna un bosquet un peu plus loin. On n’y voyait pas très clair mais on distinguait aisément une chevelure blonde hautement sophistiquée et des serviteurs qui ne cessaient de faire des aller-retours en courant.

« Mais par Balerion, que se passe-t-il donc là-bas ? »

Daenerys ricana de plus belle et sembla raffermir sa prise sur son bras.

« Naerys Arlaeron, mon cher frère, voilà ce qu’il se passe. Et c’est à toi que Père a fait appel pour s’en occuper ! » lui glissa-t-elle avec un baiser frais et fugace sur la joue avant de s’éloigner d’un pas espiègle, laissant Aerys aussi stupide qu’effaré.

Elle avait toujours le don de le surprendre et de se moquer de lui. Cela l’agaçait au moins autant que de le charmer. Il appréciait l’impertinence dont elle savait faire preuve mais cette fois, il garda le silence. Il devait s’occuper de la demoiselle Arlaeron avant qu’elle ne fasse, encore, un scandale. Aerys la connaissait des fêtes qu’ils côtoyaient ensemble à la capitale. La jeune femme était très… Arlaeron. Toujours un dragon au-dessus des autres, elle n’était finalement que très comparable à bien des dames valyriennes. Pourtant, elle avait un caractère bien moins simple à gérer que d’autres. Elle était exigeante et cela pouvait mener à des ennuis pour les Maerion. Père avait été très clair, lorsqu’il avait annoncé l’organisation de cette soirée. Il ne devait pas y avoir le moindre accroc. Aussi, soufflant, Aerys se mit en quête de trouver la belle blonde d’Aqos Dhaen pour lui demander ce qui n’allait pas. S’arrêtant devant l’une des baies vitrées du Castel, il vérifia sa tenue. Une tunique assez martiale qui portait un insigne discret de la troisième armée : le Commandement III Liberté était celui qui portait la défense de Tolos et de la frontière orientale de la Péninsule. Aussi, le fermoir unique de sa toge, situé sur son épaule droite, présentait un petit dragon en or sur un lit de grenats sombres. Il passa une main dans les tissus pour en retirer les plis. Il était prêt.

Descendant dans les jardins par le grand escalier d’ébonite, Aerys fendit rapidement la foule. Nombreux étaient ceux qui se trouvaient là pour soutenir cet homme qui avait l’ambition de s’attaquer à la fonction suprême. Réputé proche de feu le Conseiller Vaekar Tergaryon, Arraxios Maerion avait réussi le tour de force de s’entourer des deux branches rivales des Tergaryon. La branche principale était représentée par le fils de Vaekar, le jeune Maegon. Et la branche d’Oros, elle, était présente par la personne du sénateur Vaegon, membre notoire des mercantilistes. Le soutien des deux branches de la famille du défunt Conseiller lui donnait une légitimité importante ainsi que le soutien assuré d’une partie des grands mercantilistes. Aerys passa en vitesse, salua quelques puissants en les remerciant pour leur présence en cette soirée un peu spéciale. Il s’arrêta un peu plus longtemps pour discuter avec le puissant maître officieux d’Aqos Dhaen, le fier Lucerys Arlaeron, puis il fila droit vers le Bosquet de Meleys. Chargé de roses et d’iris, l’endroit exhalait des odeurs douces et sucrées que faisait ressortir la fraîcheur d’une fontaine de nacre et d’ivoire. Là, la musique semblait se mouvoir avec le bruit blanc de l’eau. Aerys aimait le bruit blanc de l’eau. De là, il retrouva la jeune femme et se campa devant elle avec un sourire insolent.

« Naerys Arlaeron, que se passe-t-il qui ne soit pas à ton goût dans ce domaine qui est le mien, par Arrax ? »
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Castel Maerion, Cité de Valyria ֍ Deuxième Mois de l'An 1061

« Naerys, il faut me croire, j'étais prêt à mourir plutôt que de... » Le jeune Seigneur Dragon priait aux genoux de la jeune fille, assise entre une tapisserie parfilée d'or et une crédence chargée de verreries et d'orfèvreries précieuses, observant d'un air distrait la plupart des invités qui étaient entraînés dans la danse. Violes, harpes, flûtes et tambours accompagnaient les figures gracieuses et compliquées, tandis que les grandes coupes de feu placées savamment aux quatre coins de la demeure Maerion, jetaient leurs ombres sur les hauts murs de marbre gris. Comme tous ses congénères, et sans doute même d'avantage encore, Naerys adorait la musique mais très vite, elle s'était surprise elle-même à préférer observer plutôt que se joindre aux danseurs. Était-ce l'absence de sa demi-sœur Daerys, laissée en larmes en leurs appartements privés de Drivo, qui l'empêchait de prendre pleinement part à la fête ? Ou bien était-ce la perspective que dans peu de temps, on lui demanderait de chanter pour remercier leur hôte, qui lui inspirait autant de méfiance que de dégoût, qui crispait ses traits ? Elle laissa échapper un soupir. Le grand dadais qui l'implorait depuis l'ourlet de sa robe n'arrangeait rien, et elle récompensa sa prestation enflammée par un sourire acide. « Qui te dit que ce n'est pas justement la mort qui t'attend, Rhaegar ? Tu peux t'estimer heureux que mon frère ne sait rien de tes maladresses... A moins bien sûr que tu ne recherches délibérément son courroux ? » « Es-tu en train de dire que... que je l'ai fait exprès ? » « Tout ce que je sais, c'est que tu n'as jamais été un dragonnier ni particulièrement imprévisible, ni particulièrement fougueux. Or, seule une tête brûlée pique droit en flèche sans prendre égard à ceux qui partagent le ciel avec elle. En plein Rêve d'Aegarax... Quelle humiliation ! » Pleinement excédée, Naerys ramassa la courte traîne de sa robe, se leva d'un bond et, la tête haute, prit la direction des jardins, laissant derrière elle un mélange de bredouillements et de joues rouge pivoine.

Se frayant un chemin parmi la foule, la jeune fille sentait son sang gronder dans ses veines. Un bon mois s'était écoulé depuis qu'elle et Selarya avaient manqué une chute de plusieurs mètres à cause de ce crétin, et Naerys ne décolérait pas. La sulfureuse dragonne argentée avait même failli arracher un morceau du cou à son congénère ailé, qui ne devait le salut qu'au rappel au Code. Depuis, le Seigneur Dragon suivait la Dame dans chacun de ses déplacements, dans l'espoir de recueillir son pardon. Peine perdue. Naerys Arlaeron était beaucoup de choses, mais certainement pas indulgente. L'imbécile lui avait coûté une place de choix sur les sommets de la Deuxième Flamme, et elle n'était pas prête de l'oublier. Rageusement, elle renvoya d'un sifflement un serviteur qui s'approchait d'elle avait une coupe de vin. Elle n'avait pas la tête à boire. D'ailleurs, elle n'avait la tête à rien. Pourtant, elle s'était faite une certaine joie à l'idée de pouvoir accompagner son père à cette soirée ; mais plus les heures passaient, plus elle se rendait compte qu'elle n'avait qu'une envie : partir. Et après tout, pourquoi pas ? Lucerys Arlaeron n'avait pas besoin d'elle pour mener à bien son entreprise. On aurait pu croire qu'il était, comme tout grand de Valyria, invité parmi les autres et pourtant, lui et le Sénateur Maerion forgeaient des ambitions communes. Des ambitions qui se voulaient jusqu'à atteindre les sommets de Sylvio Ōño, l'un comme Lumière, l'autre comme soutien politique et financier. Naturellement, Rhaelys était à ses côtés, et à la voir parader au milieu des autres sœurs-épouses, Naerys eut envie de vomir. Sa belle-mère était à la mondaine ce qu'une cruche était à la soupe : accessoire et fatalement prévisible. « Tes sourires ne charment personne, vieille vipère... » Remarque injuste à plusieurs titres. Car non seulement Rhaelys était splendide dans sa robe bleue et argent, qui mettait en valeur sa taille de guêpe et sa peau de lait, mais elle était réellement appréciée. Sans doute avait-elle commandé le respect de plus d'un en renonçant à l'appel des Dieux pour accomplir son devoir familial.

Naerys se retourna et pâli d'avantage. Magnifique dans une armure aux écailles étincelantes, nonchalamment accoudé contre une colonne et souriant de toutes ses dents blanches, Laedor était agglutiné d'une dizaine de gourdes, auxquelles il répondait par des sourires qui pourtant, lui appartenaient. Leurs regards se croisèrent et elle pu y lire toute la satisfaction de mâle à se savoir non seulement admiré mais également en lisant la visible jalousie dans le regard violet de sa petite sœur. Il jouait avec elle, au moins autant qu'elle jouait avec lui, et si cela préliminait toujours à des retrouvailles passionnées, c'en était bien trop qu'elle ne pouvait supporter. La tête lui tournait de la musique qui reprenait de plus belle, des effluves d'encens qui parfumaient l'air frais de ce début d'année de même que le mouvement que les invitaient initiaient vers la cour centrale. Sans doute Arraxios Maerion s'apprêtait-il à faire son grand discours de campagne. Un excellent moyen de se faire détacher une partie des gardes Arlaeron pour la ramener à Drivo. Là, elle y retrouverait Daerys, dont elle ne doutait pas un instant qu'elle feindrait le sommeil pour échapper à la garde de sa gouvernante pour venir se blottir dans le lit de sa demi-sœur et lui faire raconter les raisons de son retour impromptu. Décidée, Naerys fit signe à sa domestique, qui ne l'avait pas lâchée de la soirée en maintenant toutefois une distance respectueuse, d'aller lui chercher le capitaine des Gēlenka Azantys - les Jurés d'Argent, attachés à la protection de la lignée d'Arlon le Vert depuis la nuit des temps. « Tu m'as fait demander, Voix d'Argent ? » fit l'envoyé un instant plus tard, s'inclinant respectueusement devant la jeune fille en posant un genoux à terre. « Donne moi cinq de tes frères pour rentrer. J'étouffe. » L'homme, dont l'âge courtisait celui du père de la jeune fille, fronça les sourcils. Elle n'était pas de celles qui quittaient les fêtes avant leur apogée, et il l'avait lui-même accompagnée chez les couturières pour perfectionner les derniers détails de sa tenue, toute princière : un somptueux brocard pourpre retenu aux épaules par de scintillantes broches dorées. A son cou, une parure d'or et de rubis qui brillait de mille feu chaque fois qu'elle tournait la tête. Elle était majestueuse, et il ne connaissait que trop sa vanité pour ne pas savoir qu'elle se délectait des regards posés sur elle. Alors, pourquoi cette envie soudaine de partir ? « Le vénérable Œil d'Argent est-il au courant ? » A peine la question avait-elle franchit ses lèvres qu'il sut qu'il avait déclenché un orage. Les joues soudain roses, les beaux yeux violet s'étaient rétrécis petit à petit, pour ne laisser passer qu'un double éclair de fureur. « Qu'as-tu besoin de déranger mon père pour cela ? N'as-tu pas juré de défendre tous les Arlaeron ? » « C'est justement pour les défendre que j'irai d'abord en référer au Sénateur. Gēlenka Azantys ! Veillez à ce que Voix d'Argent ne quitte pas ces murs avant mon retour. » Et devant la stupéfaction d'une Naerys rouge de colère, le capitaine reprit le chemin inverse de là où il était venu, laissant la jeune fille entourée de trois de ses frères.

Ce qui s'ensuivit eut pu faire la joie des amateurs de théâtre. Vociférante, tapant du pied et levant les mains au ciel, la jeune fille ordonnait qu'on la laissa passer. Sans succès. Ce qui n'arrangeait rien, bien au contraire, la relançant de plus belle. Comment osaient-ils se mettre en travers de son chemin ? Elle les menaçait du fouet, des pires tortures et pourtant, les trois soldats restaient imperturbables et même, sans pour autant le montrer, amusés. C'était bien dommage qu'une si belle enveloppe enferme une telle furie ! Elle était en train de leur promettre l'ordalie par l'eau lorsque tout à coup, une voix d'homme retentit derrière elle. Naerys fit volte face. Ses yeux s'agrandir de surprise. Que le second né de la maison fut sanguin ne faisait de doute pour personne. Pourtant, c'était son détestable sourire qui paradoxalement, la fit redescendre de sa colère bouillante. « Je pourrais te retourner la question, Aerys Maerion. Il me semble que ta vénérable mère n'apprécierait pas que tu jures sur le Tout Puissant !  » Vhaenyra Maerion était dévote et à peu près l'exacte définition de ce qu'on pouvait attendre d'une dame "comme il faut." Et si ses relans religieux avaient parfois de quoi exaspérer, Naerys la tenait en grand respect. S'adoucissant quelque peu, elle lui rendit son sourire : amusé, un rien mesquin. « Ton domaine ? Le vénérable Sénateur Maerion se serait-il étouffé avec une cerise ? Ton frère aîné aurait-il passé l'arme à gauche lors d'une bataille imaginaire pour que tu te retrouves ainsi aux loges de propriétaire ? On dit même que la belle Meleys est sur le point d'attendre un heureux événement... » Puîné il était, puîné il resterait. Il devrait prouver sa valeur ailleurs, et sans doute sur le champ de bataille. Les rumeurs de guerre allaient bon train en ce second mois de l'an 1061. Rumeurs savamment distillées par nul autre que Lucerys Arlaeron, figure de proue des militaristes du Sénat. En attendant son heure de gloire cependant, Aerys devrait, comme les autres, se tenir tranquille. « Je suis lasse, et je souhaite rentrer. Le temps de faire prévenir mon père, et tu n'auras plus à te soucier de mes goûts ! »
Aerys Maerion
Aerys Maerion
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Castel Maerion - An 1061, Mois 2
Coutumière de Valyria et de ses cercles de pouvoir, Naerys Arlaeron était la fille d’une famille dont le nom était connu au travers de toute la péninsule. Les siens étaient maîtres d’une grande cité valyrienne et contrôlaient le monopole de l’argent dans le pays. Bien qu’ils n’aient pas de domaine à proprement parler dans la cité, ils logeaient dans les vastes appartements que le Sénat avait mis à leur disposition à Drivo. Aerys admirait la poigne avec laquelle le patriarche de cette famille puissante tenait ses intérêts. Lucerys Arlaeron n’était pas un plaisantin et il passait pour être un chef politique des plus subtils ; Aerys admirait sa façon de faire. Sa présence ce soir au Castel Maerion ne pouvait augurer que du bon. Arraxios avait un soutien affiché de la part des militaristes, ainsi que de nombreux mercantiles. La campagne débutait bien.

Dans cet édifice de gloire et de gravitas qu’avait bâti Œil d’Argent, il y avait une étoile particulièrement brillante : Naerys. Cette demoiselle avait, selon Aerys, le don de jeter son arrogance toute raffinée à la face du monde. Cela donnait un spectacle qu’il trouvait burlesque parce qu’il la connaissait depuis longtemps, mais difficilement supportable. Elle n’avait que faire des conséquences, ou plutôt ne s’en préoccupait guère. Son orgueil semblait la pousser toujours plus loin mais restait pourtant bien plus intéressante, selon lui, qu’une simple enfant gâtée. Aussi loin qu’il pouvait se souvenir, il voyait Naerys dans sa vie. La réplique ne tarda pas, toutefois, comme d’ordinaire.

« Je pourrais te retourner la question, Aerys Maerion. Il me semble que ta vénérable mère n'apprécierait pas que tu jures sur le Tout Puissant ! »

Son sourire s’élargît encore alors qu’il recevait de bonne grâce la pique de la belle. Il avait raison, toutefois. Vhaenyra ne l’aurait pas toléré et aurait probablement même fait une remontrance publiquement si elle avait été là. Mère avait toujours apporté une grande importance aux dieux, bien supérieure à celle des autres familles. Il y avait un côté presque mystique, dans sa démarche, et il s’était renforcé depuis le mariage de Meleys et Jaehaegaron. Depuis, les dons affluaient au temple depuis le Castel sans que Père ne s’en préoccupât car il partageait la foi de sa sœur-épouse. Il était aisé d’écouter les moqueries des mesquins et des jaloux qui disaient qu’ils avaient un besoin perpétuel de racheter leurs âmes…. Surtout qu’elles n’étaient pas nécessairement fausses. Père et Mère souffraient des choix difficiles qu’ils devaient faire, et tiraient grand réconfort dans la foi et la famille.

« Ton domaine ? Le vénérable Sénateur Maerion se serait-il étouffé avec une cerise ? Ton frère aîné aurait-il passé l'arme à gauche lors d'une bataille imaginaire pour que tu te retrouves ainsi aux loges de propriétaire ? On dit même que la belle Meleys est sur le point d'attendre un heureux événement... »

Aerys leva les yeux au ciel, atténuant son sourire quelques peu. Il en avait parfois un peu assez qu’on lui rabâche Jaehaegaron en permanence. Naerys le connaissait suffisamment pour savoir cela, et il goûtait assez peu de la plaisanterie. Il fit contre mauvaise fortune bon cœur et arbora un sourire plus simple. Il n’était pas face à une ennemie, quand bien même Père disait que toute personne en dehors de la famille ne pouvait jamais être complètement digne de confiance. Meleys, effectivement, rayonnait de beauté et d’élégance. Aerys était très fier d’elle et d’appartenir à son sang. En cette soirée, les Maerion parvenaient à l’avant-dernière marche d’une ascension débutée longtemps auparavant. La question, ce soir, serait de savoir s’il était capable de gravir l’ultime échelon et entrer au Conseil pour devenir l’un des dirigeants de Valyria. Autour d’eux, Aerys nota que deux sbires de son père se rapprochaient, l’air suspicieux.

« Je suis lasse, et je souhaite rentrer. Le temps de faire prévenir mon père, et tu n'auras plus à te soucier de mes goûts ! »

Le sourire d’Aerys se figea en une espèce de rictus grotesque et il resta un moment interdit, battant des paupières. Si Naerys partait maintenant, elle le ferait savoir à la moitié des invités. Il la connaissait suffisamment. Et si cela avait le malheur de perturber le discours de Père, elle y perdrait sa langue, et lui le soutien des Arlaeron. C’était impossible. Gardant ce sourire crispé, Aerys rejoignît en un pas rapide la jeune femme et lui agrippa le bras. Puis, ce faisant, il l’agrippa au bras et la força à le suivre pour la tracter plus que l’inviter à le rejoindre dans un petit salon adjacent aux jardins. Les portes vitrées étaient ouvertes pour laisser entrer la fraîcheur de la nuit dans la pièce qui se révéla être le salon où Mère, Daenerys et Meleys pratiquaient la musique ensemble, parfois avec des amies. La pièce était intimiste, les murs étaient décorés de mosaïques présentant des musiciens et des motifs de la culture valyrienne. Des divans étaient installés le long des murs et plusieurs instruments y étaient suspendus à des crochets de cuivre. La jetant sans trop de ménagement pour qu’elle y fasse quelques pas de plus, Aerys referma les deux portes derrière eux et se retourna vers Naerys.

« Mais enfin, as-tu perdu la tête ? Tu n’es pas stupide, Naerys. Tu sais bien ce qui se joue ce soir. »

Il la regarda avec effarement, stupéfait qu’elle en soit venue à considérer son départ alors que les Maerion ne transigeait pas sur leur honneur familial et qu’une telle offense ne serait forcément pas passée inaperçue.

« Dis-moi plutôt ce qui te déplaît dans la soirée, au lieu de faire ton esclandre habituel. Si je peux y remédier, je le ferai. Mais je ne permettrai pas que tu partes. »

Il n’avait aucun moyen légal de la maintenir ici, et il se prit à penser que ce faisceau d’actions l’amènerait peut-être à un désastre encore plus grand que celui qu’il voulait éviter. Pourtant, il était évident qu’il y avait de puissantes forces à l’œuvre ce soir au Castel Maerion et que les enjeux étaient immenses. La collection impressionnante de notables de premier plan le démontrait assez bien. Arraxios était un candidat sérieux.

« Je t’en prie, ne défie pas le sort ce soir, Dame Chipie. Ce ne serait pas raisonnable. »
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Castel Maerion, Cité de Valyria ֍ Deuxième Mois de l'An 1061

Malgré, et peut-être même du fait de son ton acerbe, les deux jeunes gens avaient pratiquement grandi ensemble. Non de la même façon, et encore moins en vue d'un avenir commun, mais les biens nés de ce monde cultivaient l'entre-soit comme le paysan son fruit le plus précieux. La péninsule n'y échappait pas, et encore moins la capitale, qui comptait en son Quadrant Ouest une telle concentration de nobles demeures qu'il était quasi impossible de ne pas se rencontrer lorsqu'on évoluait dans pareilles sphères. De plus, les patriarches de leurs deux familles étaient entrés au Sénat presque ensemble ; de dîners intimes en banquets prestigieux, au fil des promenades dans les jardins de la capitale ou des marchés, les circonstances avaient fait se croiser leurs chemins à plusieurs reprises, les liant inlassablement de ces amitiés sans grandes effusions de tendresse mais qui avaient le mérite non moins précieux d'être particulièrement franches. S'ils ne se disaient pas toujours tout, ils l'auraient pu ; leurs respectives fiertés - qui comptaient parmi les plus acérées - et peut-être aussi leur pudeur, leur avaient jusqu'alors cependant intimé de garder une respectable distance.

En attente d'un contre dont il avait le secret, Naerys lâcha un hoquet de surprise lorsque le jeune homme, en moins de temps qu'il ne lui en eut fallu pour le dire, saisit son avant bras de sa vigoureuse poigne. Déjà, les trois Jurés mettaient la main au fourreau : il tenait de leur serment qu'ils ne permettent à aucun de s'en prendre physiquement à ceux qu'ils avaient juré de défendre de leur propre vie. Et bien qu'il fut le fils du maître de maison, rien ne le protégerait de leurs lames si par malheurs, il causait du mal à la fille de leur seigneur. Pour autant, Lucerys ne choisissait pas ses Gēlenka Azantys parmi les sots ; aussi fins de lames que d'esprit, ses jeunes hommes étaient rompu aux exercices d'observation ainsi qu'à la connaissance des pairs de leurs maîtres. Et aucun d'eux n'ignorait la qualité qui enlevait avec si peu de cérémonie leur protégée, et les liens qui les unissaient. De plus, il fallait être complètement fou pour porter une main autrement qu'amicale sur la jeune fille, à considérer l'endroit où ils se trouvaient et ceux qui pourraient en témoigner. Aussi, bien que les protestations de Naerys l'accompagnaient aussi férocement qu'Aerys la traînait dans une pièce annexe, les Jurés échangèrent des regards amusés. Mieux valait que ce soit le fils Maerion qui s'évertue de calmer la tempête !

Outrée, quelques mèches s'échappant de sa coiffe et l'une des broches de sa robe légèrement tombée sur son épaule nue, Naerys dévisagea la bouche mi ouverte de surprise, mi crispée de fureur, un Aerys qui était allé refermer les portes sur leurs confidences. « Que je... ! » commençat-elle par articuler, tentant de calmer les rythmes frénétiques de son palpitant. Il l'avait entraînée avec une surprise telle qu'elle ne faisait qu'agrandir sa colère. Oh comme elle détestait être prise au dépourvu, surtout par lui ! Son regard accrochait les vitraux peints, les coussins et les instruments qui décoraient la pièce qu'elle reconnu comme le salon de musique où tant de fois déjà, elle avait chanté et rit avec les dames du Castel. A présent, elle n'avait plus envie de rire, sa voix lui restait en travers de la gorge et elle regardait son compagnon de ses yeux grands ouverts de fureur. C'était comme si tout ce qu'elle s'était retenu de faire éclater menaçait de remonter pour se déverser en longue et brûlante bile de sa gorge. Les sourires de Rhaelys, le petit jeu de Laedor, le tout sur fond de ces rumeurs de guerre qui, si elle ne le montrait pas, lui broyait le ventre.

« Ne... refais... plus... jamais... ça... ! » articula-t-elle finalement, en remontant sa bretelle, passant une main tremblante dans ses cheveux pour y remettre de l'ordre. Retrouvant peu à peu une respiration normale, elle se laissa tomber à reculons sur l'un des divans, agrippant le bord d'une main pour s'éviter l'humiliation de s'y écrouler. Son sang bouillonnait toujours mais elle sentait le calme lui revenir, à mesure que les paroles d'Aerys arrivaient enfin à déjouer les tumultes de sa mauvaise foi. Il avait raison. Bien sûr qu'il avait raison ! Partir alors qu'Arraxios lançait le point culminant de sa campagne serait autant une douleur qu'un affront. On ne quittait pas les murs de son hôte prenant la parole. Elle pouvait assez s'imaginer les conséquences d'un tel scandale ; et si à bien des égards, il fallait craindre la rancune de ceux qui avaient pour coutume de prendre la langue de ceux qui avaient la fantaisie de la pendre de trop, ce n'était rien comparé à la colère glacé avec laquelle l'attendrait Lucerys. Elle déglutit. « ... Soit, je reste... Mais ne t'imagine pas que je le fasse pour toi ! » Lissant les plis de sa robe et rajustant son collier, Naerys leva bien haut la tête, dédaigneuse. « Je te l'ai dit : je suis lasse. Ce monde, ces parfums...  » Le mensonge était tellement gros qu'elle faillit rire d'elle-même. Elle n'arriverait à faire croire à personne qu'elle était agoraphobe, bien au contraire ! Mais c'était plus fort qu'elle : préserver les apparences ou mourir.  « Qui a flairé la catastrophe ? Ton père ? Le connaissant, il n'a pas voulu perdre son souffle inutilement... La petite Daenerys s'en sera chargée, toute excuse est bonne pour prendre son grand-frère en aparté ! » Mauvaise. Odieuse, même ! Mais telle était sa nature : mieux mordre pour cacher ses propres plaies.
Aerys Maerion
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Il régnait dans la demeure des Maerion une étrange atmosphère en ce jour forcément un peu spécial. Comme pour toute soirée où se rassemblait le gratin de Valyria, les richesses s’exhibaient et l’ont parlait aussi bien de sujets futiles que du futur du pays. Si le jeune Aerys avait bien intégré l’une des multiples leçons que son père Arraxios avait essayé d’inculquer à ses enfants, c’était que le destin de Valyria n’était guère présidé depuis le sommet de Drivo mais bel et bien dans ces soirées interminables où les jeunes s’amusaient et se séduisaient en permanence sous les regards plus ou moins bienveillants de leurs aînés. Pourtant, certaines de ces fêtes et de ces grandioses célébrations cachaient des buts plus ou moins avoués qui feraient le futur de la République.

Aerys n’était pas dans les confidences de son père et ignorait à quel point la soirée, au-delà du lancement de la campagne, rassemblait des personnes aux intérêts concordants avec un grand plan. Les discours martiaux se faisaient de plus en plus audibles depuis quelques temps. On jugeait le risque d’un conflit ouvert avec Ghis sans grande confiance. Le plus puissant empire du monde, contre eux ? Le risque était assurément immense et une défaite signifierait la fin probable de Valyria telle qu’on la connaissait. Pourtant, ils étaient tous là. Rassemblés autour de Père, à lui manger dans la main ou à lui faire subtilement sentir ce qu’il leur devait. Il n’oublierait pas, mais eux non plus.

« Ne... refais... plus... jamais... ça... ! »

Pantelante, balbutiante, interdite, Naerys avait perdu de sa superbe et remettait péniblement sa robe en place tandis qu’elle reculait pour se laisser choir sur l’un des divans de la pièce. Aerys regarda autour d’eux. Les portes vitrées fermées, on ne les entendrait guère. La pièce était dévolue à la musique et les architectes du Castel avaient fait en sorte de l’aménager pour que le son y soit le plus atténué possible, pour ne pas importuner les autres occupants de la noble demeure. Si personne ne rentrait sans prévenir, leurs échanges ne seraient pas surpris.

« ... Soit, je reste... Mais ne t'imagine pas que je le fasse pour toi ! »

Soulagé, Aerys se laissa tomber à ses côtés, se sentait soudainement vidé de toute énergie. Les Quatorze pouvaient en être remerciés. La catastrophe était évitée. Un sourire en coin à la suite de la dernière pique de la jeune femme, Aerys resta un moment silencieux, tandis qu’elle continuait.

« Je te l'ai dit : je suis lasse. Ce monde, ces parfums...  »

Ses sourcils remontant malgré eux, Aerys se tourna vers la jeune femme d’un air incrédule qui laissait peu de doute quant à son opinion sur le dernier mensonge de la belle. Qui à Valyria pouvait croire pareille fable ? Naerys Arlaeron portait sur son visage son amour pour la belle société. Elle s’y mouvait comme un dragon fendait les cieux, avec une espèce de naturel clairement affiché. C’était l’endroit où elle était le plus à l’aise, et c’était évident.

« Qui a flairé la catastrophe ? Ton père ? Le connaissant, il n'a pas voulu perdre son souffle inutilement... La petite Daenerys s'en sera chargée, toute excuse est bonne pour prendre son grand-frère en aparté ! »

Elle avait beau être insupportable, elle avait vu juste… en partie. C’était leur mère, bien plus attentive au déroulement de la soirée en général, qui avait senti le vent tourner vers le bosquet où se trouver alors la demoiselle native de Aqos Dhaen. Experte dans les relations au sein de la haute-société et de la noblesse draconique, elle avait senti le risque et avait dépêché Aerys en toute connaissance des relations qu’il entretenait avec Naerys. Elle souffla donc l’idée à son mari qui dépêcha rapidement sa fille pour s’occuper du problème. Et Aerys était arrivé.

« Allons Naerys. Tu peux me maltraiter mais ne m’insulte pas. Toi ? Lasse ? Voyons, je ne suis pas complètement stupide, tu sais. »

Il ignora volontairement la dernière pique sur sa famille. Bien entendu que Dany était venue le chercher. Naerys n’ignorait rien de la relation privilégiée qui unissait Aerys à sa sœur. Ils avaient bien entendu des secrets l’un pour l’autre, mimant à leur échelle la relation qui unissait leurs pères respectifs. Toutefois, la remarque et le mensonge de la jeune Arlaeron étaient intéressants. Que diable pouvait-il se passer pour qu’elle broie ainsi du noir ?

« Je présume que tu n’as jamais manqué une seule soirée à laquelle tu étais invitée, et je te vois mal le faire un jour. Parle-moi. Que se passe-t-il vraiment ? »

Ce faisant, il se leva et contourna les meubles pour aller ouvrir un coffret de bois d’ébène gris des Iles d’Eté qui contenait quelques flacons cristallins d’alcools de Valyria et d’ailleurs. S’il était destiné à la musique, le salon pouvait aussi servir de salon de réception et était donc équipé en conséquence. Il se tourna vers l’Argentée.

« Un Turriculae de Draconys. Tu m’en diras des nouvelles, Père le fait venir par convoi spécial. »

Ce faisant, il prit deux coupes de cristal ocre et versa un peu du fameux nectar. Vin du Nord de la région valyrienne, il était fabriqué au cours d’un complexe processus d’ajout d’ingrédients au cours de sa maturation dans des barriques de hêtres flamboyants. On y ajoutait de l’eau de mer, du sirop de raisins blancs et du romarin. Surprenant par sa complexité en bouche, il était généralement dégusté pour des occasions spécifiques, notamment au cours de négociations officielles ou pour parler affaires. Voyant venir les malheurs de Naerys, il préférait prendre les devants et lui donner un verre la raccrochant à la réalité. Il revint s’installer à ses côtés et lui glissa l’une des coupes dans les mains avant de plonger son regard dans les yeux.

« Et maintenant dis-moi : qu’as-tu ce soir ? »


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Castel Maerion, Cité de Valyria ֍ Deuxième Mois de l'An 1061

Toute à sa mauvaise foi, Naerys se décala légèrement pour creuser un peu plus l'écart entre leurs deux corps, lorsqu'elle vit Aerys se laisser tomber à ses côtés. Elle poussa un soupir chargé d'exaspération, croisant rageusement les bras sur son décolleté tout en levant les yeux au plafond. Elle avait tout d'une petite fille boudeuse, à laquelle il ne manquait plus que le pied tapant impatiemment sur le sol pour manifester son mécontentement. Pourtant, ce compagnon qu'elle mettait tant d'ardeur à rendre indésirable était loin d'être repoussant ! Beau comme on pouvait l'attendre d'un sang intact de toute alliance, elle l'avait même toujours préféré à son frère aîné - sorte de statue inexpressive qui passait son temps à se pourlécher des compliments parentaux comme un chat d'une jatte de crème. Ses grands airs lui étaient aussi insupportables que plaisants, car l'art des mots bien choisis avait de tout temps été leur terrain de jeu favoris, quand bien même elle se montrait toujours des plus mordantes avec lui. Pour tout ce qu'elle pouvait en dire à qui voulait bien l'entendre, Aerys n'échappait aux bonnes grâce de la jeune femme que par la seule force de la contradiction toute perfide que celle-ci s'obstinait à cultiver avec tous ceux qui approchaient son cœur d'un peu trop près.

Naturellement, il ne fut pas dupe, gorgeant un peu plus son irritation. Ce qu'il pouvait être agaçant ! Avec les autres, c'était beaucoup plus facile. Il lui suffisait de tordre la bouche, de plisser les yeux et de décocher une ou deux remarques bien placées et déjà, on se confondait en excuse, on cherchait son pardon - qui ne venait pas - et qui flattait son ego, aussi bien intellectuel que féminin. Avec Aerys, ce n'était pas pareil. Parfois, il lui semblait qu'il n'avait pas besoin de lui parler pour savoir instantanément ce qu'elle pensait, et elle se sentait mise à nue d'une manière qui lui était aussi violente que troublante. Fort heureusement, elle avait le même ascendant sur lui. Et leurs échanges évoluaient toujours au même rythme, s’effeuillant mutuellement plus sûrement encore l'âme que les corps. Aussi, elle se contenta d'hausser les épaules. « Si les tiens savaient recevoir, je le serais peut-être moins mais faire semblant de s'amuser, c'est très fatiguant. Et voilà le résultat : mon teint est tout brouillé ! » Un miroir accroché au mur qui leur faisait face témoignait de l'exact contraire, et elle papillonna des cils, comme si ce geste appuyait plus grossièrement encore ses dires. « Et tu ferais bien de ne pas méprendre la bienséance de répondre favorablement aux invitations qui me sont faites pour argent comptant ! Ou alors, je devrai considérer que ta manie de courber l'échine trahisse ta lâcheté ! » Elle avait légèrement pincé les lèvres. Elle ne baisserait pas aussi facilement sa garde !

Elle lâcha un nouveau soupir exaspéré alors qu'il se levait. Qu'il se décide, voulait-il être auprès d'elle, oui ou non ? Vexée, le suivant d'un regard légèrement électrisé, elle comprit vite qu'il ne s'était détaché d'elle que pour mieux revenir avec une boisson dont l'odeur fit frissonner ses papilles. De toute évidence, il s'agissait d'un cépage bien particulier, et lorsqu'il glissa une coupe entre ses mains, elle espérait faire passer son tressaillement d'impatience pour le dégoût de sentir sa peau contre la sienne. Cela non plus ne le tromperait pas. Depuis l'adolescence, elle mettait un point d'honneur à lui faire des avances qui ne dépassaient jamais l'incandescence du fait de son parfait maniement du langage châtié. Ce qui réveillait les relans de jalousie de son frère, ainsi que de ceux de la benjamine du jeune homme. Ce qui, loin de la décourager, ne lui donnaient que d'avantage l'envie de continuer. Soutenant le regard qu'il plongeait dans le sien, elle porta le vin à ses lèvres et sentit une vague de chaleur la parcourir, cependant que les saveurs contradictoires explosaient sur sa langue en un tourbillon d'extase gustative. « C'est répugnant. Si c'est ce que tu donnes à tes maîtresses avant de les prendre, je comprends pourquoi il est si facile à ta sœur de leur ravir la place, elles doivent partir en courant ! » Ce qui était à peu près l'exact inverse.

Elle avait volontairement ignoré sa question. D'une part parce qu'elle trouvait absolument odieux qu'il ose présumer qu'elle se confia à lui. Mais surtout parce qu'elle avait peur de la réponse qui lui frémissait du bout des lèvres. Elle avait qu'elle ne pardonnait pas à ce benêt de Rhaegar de lui avoir fait honte. Elle avait qu'elle n'aimait pas savoir son père en si grande connivence avec le sien. Elle avait qu'elle voulait envoyer sa coupe de vin à la face de sa belle-mère. Elle avait qu'elle voulait lâcher sa dragonne sur les petites pimbêches qui croyaient pouvoir flatter les désirs de son frère. Et elle avait qu'elle avait peur de cette guerre dont elle avait compris, dès l'instant où elle avait mis les pieds dans cette maison, qu'elle était loin d'être une simple rumeur. « J'ai que tu ne m'as pas regardée une seule fois depuis je suis arrivée. Je porte pourtant ta couleur préférée ! J'ai fait travaillé les couturières nuit et jour pour cette robe, et tout ce que tu trouves
à faire quand tu te décides enfin à t'isoler avec moi, c'est me poser des questions. Tu as raison, tu n'es pas complètement stupide... mais tu es tout à fait goujat ! »
 
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Castel-Maerion n’était pas simplement le domaine de la famille Maerion, il était également leur base opérationnelle d’où Père régnait sans partage sur les bas-fonds de la capitale draconique. Le palais que les Maerion s’étaient taillé à flancs de montagne offrait une vue imprenable sur les tours de Valyria et un éloignement bienvenu pour gérer les affaires les plus délicates. La proximité des volcans permettait aux dragons de voler librement dans les alentours, se reposant tantôt dans les fissures crachant du souffre, tantôt dans les cratères où bouillonnait le magma. Malgré ses grandes salles aux plafonds peints, ses colonnes finement ciselées et ses murs recouverts de splendides mosaïques, cela restait la plus simple expression de ce qu’était la maison pour Aerys qui n’avait jamais rien connu. Comme ces salles lui avaient manqué, après quatre années passées sous la tente. Il n’y avait eu aucune permission, et rares étaient ceux qui avaient pu rentrer à l’arrière, pour des motifs extrêmement précis.

Les enfants Maerion avaient eu un début de vie des plus confortables. Rien qui ne sortait de la norme des élites valyriennes, mais cela restait une espèce de rêve inaccessible et à peine concevable pour une immense majorité des êtres peuplant ce monde. Aerys connaissait chaque recoin du Castel comme il avait appris à reconnaître certains aspects de la personnalité de Naerys. Celle-ci aimait à jouer la sotte inconséquente – ce qu’elle était parfois – mais il savait qu’elle était bien moins stupide qu’elle ne voulait le laisser voir. Du moins le pensait-il.

« C'est répugnant. Si c'est ce que tu donnes à tes maîtresses avant de les prendre, je comprends pourquoi il est si facile à ta sœur de leur ravir la place, elles doivent partir en courant ! »

Il ne parvenait jamais à vraiment savoir si les plaintes et la façon qu’avait Naerys de râler en permanence étaient du lard ou du cochon. Il ne s’embarrassa pas à répondre à une telle charge. Tout d’abord parce qu’il ne donnait pas de telles nectars à ses conquêtes, et deuxièmement parce qu’il suspectait une quelconque jalousie de la part de l’Arlaeron de n’avoir jamais été véritablement courtisée par Aerys au-delà du simple jeu qu’ils avaient établi entre eux. Ignorant donc si elle se plaignait vraiment de l’un des vins les plus chers de la Péninsule ou si elle était simplement désagréable à son habitude, il sirota une gorgée en attendant de voir la suite. Naerys ne s’arrêtait pas après une seule sortie. Elle avait une inspiration continue pour toujours trouver un nouvel enchaînement de mots qui seraient les plus vexants possibles. Malheureusement pour elle, Aerys était plus qu’habitué.

« J'ai que tu ne m'as pas regardée une seule fois depuis je suis arrivée. Je porte pourtant ta couleur préférée ! J'ai fait travailler les couturières nuit et jour pour cette robe, et tout ce que tu trouves à faire quand tu te décides enfin à t'isoler avec moi, c'est me poser des questions. Tu as raison, tu n'es pas complètement stupide... mais tu es tout à fait goujat ! »

Aerys leva les yeux au ciel. Par le ciel, que les femmes pouvaient être futiles. Et après, certaines donzelles du Nord s’étonnaient du peu de cas qu’on faisait de leur avis à la capitale. Les vieilles familles du Sud connaissaient la valeur et le prix des traditions, et elles les respectaient en conséquence. Reprenant une gorgée, le Maerion détailla la jeune femme et la robe qui l’enserrait. La délicatesse des tissus était telle que la lumière elle-même semblait s’y refléter. Les finitions étaient si travaillées que même un béotien tel que lui ne pouvait les manquer. Il s’attarda un temps sur la poitrine de la jeune femme avec un sourire qui en disait long avant de revenir à elle.

« Tu as raison, toi aussi. Maintenant je le vois. Cette robe est splendide. »

Un sourire mutin lui illumina le visage alors qu’il s’empêchait d’exploser de rire.

« Splendide oui… pour une provinciale d’Aqos Dhaen ! »

Il n’avait jamais rien tant aimé que de lui rabattre le caquet en la ramenant à sa condition de fille de famille établie hors de Valyria. Ils étaient assez peu nombreux à pouvoir se targuer de subsister politiquement et économiquement à la capitale seule, et les Maerion étaient de ceux-là. Le fait que les Arlaeron disposaient d’une vaste et riche cité qu’ils contrôlaient bien plus finement qu’aucune famille ne contrôlait Valyria n’entrait pas dans cette considération. Aerys aimait à rappeler à Naerys, notamment durant ses caprices, qu’elle ne venait pas de Valyria même ; avec tout ce que cela impliquait derrière. Revenant à son sérieux, il lui jeta un regard de travers.

« C’est donc parce que je ne t’ai guère regardé ce soir que tu manques de faire une telle scène ? Allons, tu sais bien que je suis forcément occupé ce soir : après tout, je serai bientôt le deuxième fils d’une Lumière. Cela signifie qu’avec ces grandes responsabilités viendra un grand pouvoir. Ou quelque chose de la sorte. »

Il se pencha vers elle avec un regard où toute plaisanterie avait disparue. S’il n’était pas au courant de toutes les manigances de son père, il en avait vent d’une partie. Pourtant, la présence des Arlaeron ne lui avait pas été communiquée avant le dernier moment. Comment Père s’y était-il pris pour s’attacher le soutien visible des chefs de file des militaristes ?

« Alors, en tant que futur fils de Lumière, je m’interroge. Comment diable le vieil Œil d’Argent a-t-il pu accepter de vouloir soutenir le noble Arraxios ? Quel a donc été le prix,  à ton avis ? »


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Castel Maerion, Cité de Valyria ֍ Deuxième Mois de l'An 1061

Précieuse, Naerys l'était tout à fait. Son rang l'y avait exhortée durant toute sa vie, de même que son nom auquel on associait autant de gloire que d'extravagance. De tout temps, le rôle des femmes Arlaeron était celui du paraître - au sens propre, comme au figuré - et si chacune d'entre elles avaient laissé des empruntes différentes sur le monde, elles avaient cela de commun qu'en toute circonstances, elles cultivaient le don d'apporter de la légèreté à tous les cercles qu'elles fréquentaient. Élevée dans un monde de belles choses, Naerys n'avait - abstraction faite de l'horrible nuit où sa mère lui avait été enlevée - jamais connu les ombres de la vie, et n'entendait parer la sienne que de lumières et de splendeurs. Pour elle, pas question de laisser un quelconque nuage obscurcir un horizon qu'elle voulait tissé des fils dorés de fêtes perpétuelles, et encore moins celui qui grossissait à mesure que les nouvelles depuis Velos se teintaient de sombres dires. C'étaient elles, surprises au détour d'une promenade sous les arcades du Quadrant Nord, qui avaient réveillé en elles les angoisses qui, pour lui être les premières de son existence consciente, la poussaient dans les derniers retranchement de donner le change.

Comme elle l'avait espéré, quoiqu'à sa manière, Aerys entra dans son jeu, et ce fut par dessous ses longs cils noirs qu'elle l'observa glisser son regard sur sa silhouette richement parée. Elle avait beau l'y avoir invité, et savoir à quoi s'en tenir avec lui, elle en tirait la satisfaction féminine de se savoir admirée pour ses atouts qui, à la différence d'être ceux encore en formation de la petite Daenerys, étaient des plus convaincants. C'était d'ailleurs devenu une de ses occupations favorites que de narguer ouvertement l'adolescente en s'isolant à la barbe de celle-ci avec le cadet des lieux, ironisant sur des instants "de grande personne" alors qu'il n'en avait jamais rien été. Entrée pleinement dans les coutumes valyriennes depuis trois bonnes années, jamais encore les deux amis n'avaient poussé le vice jusqu'à partager quelques heures brûlantes au service des Dieux. Une anomalie que l'on ne s'expliquait pas vraiment, sinon par la jalousie quasi maladive qui rythmait le couple bien établi et fiancé que formaient la jeune fille avec son frère Laedor, et les possibles projets d'union qui se fomentaient entre Aerys et sa benjamine. Peut-être aussi par les craintes que pourraient soulever une trop grande connivence entre deux esprits d'une pareille intelligence : que les corps parlent le même langage que les esprits, et Valyria risquait de déborder sous les éclats... d'un tout nouveau genre !

« Je me plaignais de ne pas être regardée, et non d'être déshabillée des yeux... » minauda-t-elle, filant le faux reproche qu'elle venait de lui faire, mais sa phrase resta en suspens cependant qu'il la soufflait d'une remarque qui figurait parmi celles qu'elle détestait tout particulièrement. Provinciale ? Alors qu'elle logeait au sein des seins, et que la Cité d'Argent faisait pâlir d'envie jusqu'aux confins du monde connu ? Les beaux yeux violet s'agrandirent, répondant après quelques secondes de perplexité totale par de grands battements outrés de cils cependant que le jeune homme, visiblement fier de sa boutade, riait à présent à gorge déployée. A tel point qu'il réveillait chez elle une envie profonde de le gifler, de même que son réflexe premier qui avait été celui de quitter les lieux. Mais c'eut été lui faire le plaisir ultime de lui montrer qu'il l'avait bien vexée et cela, son ego ne le supportait pas. Aussi, elle fit comme si, trop ahurie par l'allusion déplaisante, elle ne l'entendait pas revenir sur sa pique pour se faire détestablement prévisible dans l'explication qu'il pensait lui devoir quant à la raison de ses maigres attentions à son égard. Que pouvait bien lui faire la soit disant importance de cette soirée ? Pourquoi l'ennuyait-il au point de confondre sa présence avec un confident ? Ne savait-il pas, après toutes ces années, à qui il avait à faire ?  

« Si tu crois que mon Père me fait la témoin privilégiée de son conciliabule, je suis à la provinciale ce que tu es à l'idiot du village ! » Relevant élégamment la tête, elle eut cependant un petit rire. « Quant à l'avis que j'en ai...  » fit-elle, un léger voile sérieux soudain sur le visage, « ... je pense que... Ah, voilà, tu as réussi : je baille !  » Joignant le geste à la parole, elle apposa une main sur ses lèvres pour étouffer le gémissement gracieux qui s'en échappait. Après quoi, elle haussa les épaules. « Je suis comme toi : dans l'ignorance. Et c'est peut-être mieux ainsi... » ajouta-t-elle, presque comme à elle-même. A son sens, plus elle se tenait éloignée des connivences entre Lucerys et Arraxios, mieux elle se porterait. Du reste, elle n'avait pas à s'en soucier. Qu'Aerys fut curieux pouvait se comprendre, et si elle ne l'insulterait pas d'avantage en poussant jusqu'au grossier la caricature de la ravissante idiote, il y avait effectivement dans ses dires quelques chose qui raisonnait, de manière claire et glaçante à la fois, en son fort intérieur. « Et à ta place, je me garderais de gratifier mon père de "vieux". Sa maturité ferait pâlir d'envie nombre de ces freluquets qui se pavanent ici ce soir, à commencer par ce Rhaegar Sultereys qui n'a eu cesse de me poursuivre de ses insupportables bredouillis ! Quand je pense que tu l'as laissé m'importuner sans réagir... » Fronçant son nez comme si elle avait mordu dans un fruit gâté, elle se saisit alors brusquement de la coupe qu'il avait entre les mains et, sans prendre la peine de lui demander son reste, déversa négligemment et sans se soucier des dégâts que le liquide vermeil causerait, le reste de gorgées de vin encore à prendre sur le sol d'un air théâtrale. « Je crois que tes mauvais goûts en vin n'aient gâtés ton intelligence, Aerys Maerion. Aussi, je me vois dans le devoir de t'éloigner de cette boisson qui, à défaut de te donner de l'ardeur, a l'air d'actionner le plus vilain de tes moulins à paroles ! »
Aerys Maerion
Aerys Maerion
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Ab Igne Ignem CapereSoirée à Castel Maerion
« Je me plaignais de ne pas être regardée, et non d'être déshabillée des yeux... »

Le reproche n’en était pas un mais il était tout de même formulé. Aerys en leva les yeux au ciel d’une moue théâtrale. Il n’avait que faire de sa fausse pudeur. Après tout, il était l’un des privilégiés à pouvoir passer du temps seul avec elle sans que cela ne se termine systématiquement par un esclandre, un scandale ou les deux à la fois. Du moins, de temps en temps. Possiblement. Non ? Cela avait dû au moins arriver une fois… sûrement. Peut-être. Cela importait peu. Elle resta silencieuse sur sa pique à propos de la province mais ni l’un, ni l’autre ne se trompait sur le véritable impact des paroles fort peu charitables du Maerion.

« Si tu crois que mon Père me fait la témoin privilégiée de son conciliabule, je suis à la provinciale ce que tu es à l'idiot du village ! »

La bouche d’Aerys s’étira en un « O » surpris par le coup qu’il n’avait pas vu venir… et qu’il concéda mériter, mais pas de bonne grâce. Un tantinet vexé d’avoir été aussi vite douché dans sa tentative de nouer un dialogue constructif, il garda un silence buté alors qu’elle continuait à s’expliquer.

« Quant à l'avis que j'en ai...  »

Un bref moment, elle sembla considérer une réponse sérieuse. Une ombre concentrée et troublée passa sur le visage de la jeune femme. Une élection de Lumière n’était guère un moment anodin dans la politique valyrienne et un tel alignement des forces occultes autour d’Arraxios Maerion ne pouvait signifier que de puissants groupes de l’ombre s’étaient mis en branle pour faire converger leurs intérêts par l’accession de Père au saint des saint.

« ... je pense que... Ah, voilà, tu as réussi : je baille !  »

Elle singea un bâillement exagéré qui marquait sans équivoque la fin du sérieux de la discussion politique.

« Je suis comme toi : dans l'ignorance. Et c'est peut-être mieux ainsi... »

Ce fut là la seule confession de Naerys sur les plans de leurs pères respectifs. Les deux hommes étaient visiblement secrets et gardaient encore leurs jeunes enfants loin des affres de leurs fonctions éminentes. Aerys n’était pas sot et savait que les activités dont Père protégeait ses enfants n’étaient pas liées à son rôle de Sénateur mais bien de cette armée des ombres qui rôdait dans chaque ruelle de Valyria et dans certains palais vides. Si les liens entre les Maerion et le crime organisé à Valyria n’étaient pas directement prouvés, il n’empêchait qu’on ne les traitait pas avec le respect le plus adéquat. Il n’y avait que leurs alliés, souvent circonstanciels, qui leur démontrait un respect qui semblait sincère… ou du moins moins contraint que les autres.

« Et à ta place, je me garderais de gratifier mon père de "vieux". Sa maturité ferait pâlir d'envie nombre de ces freluquets qui se pavanent ici ce soir, à commencer par ce Rhaegar Sultereys qui n'a eu cesse de me poursuivre de ses insupportables bredouillis ! Quand je pense que tu l'as laissé m'importuner sans réagir... »

Aerys leva les yeux au ciel d’un air blasé, tirant une langue ennuyée. Bien entendu qu’il écoutait celle qui était tout de même son amie mais il n’y avait rien qui l’intéressait. Arlaeron senior était vieux, c’était un fait. Et Sultereys n’avait aucune chance, aussi Aerys n’allait pas ajouter à l’humiliation qu’avait subie le pauvre bougre une correction physique en règle. De plus, Père avait été très clair ce soir : pas d’effusions, ni de scandale. Tous devaient se pâmer devant Meleys et Jaehaegaron ainsi que complimenter Père sur son élection prochaine. Hors de question de donner à la haute société valyrienne du grain à moudre sur le dos des Maerion ; et encore moins de se donner en spectacle.

« Je crois que tes mauvais goûts en vin n'aient gâtés ton intelligence, Aerys Maerion. Aussi, je me vois dans le devoir de t'éloigner de cette boisson qui, à défaut de te donner de l'ardeur, a l'air d'actionner le plus vilain de tes moulins à paroles ! »

Lorsqu’Aerys sentit que Naerys avait attrapé sa coupe, il constata avec consternation qu’elle en avait renversé le contenu sur le dallage de marbre gris. Il regarda le précieux nectar se répandre entre les dalles découpées avec soin et emplir des sillons écarlates. Il regarda un temps très long ce fruit du labeur d’artisans qui avaient œuvré un temps infini pour pouvoir prétendre vendre une bouteille à des prix si déraisonnables que seuls les plus riches pouvaient les acquérir. Et cela se retrouvait désormais en train d’imbiber le sol du salon de musique. Il ignorait encore comment réagir mais il s’efforça de garder son calme. Ou tout du moins, il s’efforçait de conserver une attitude digne alors qu’il s’empourprait de colère. Expirant brutalement, il se tourna vers la jeune femme, dardant sur elle un regard brûlant.

« J’ignorais que tu étais déjà si sénille que tu ne pouvais plus tenir une coupe… ou alors l’alcool te monte à la tête. A moins que ce ne soit ma présence magnétique, » lui susurra-t-il à l’oreille d’un ton provoquant.

Il lui vint une idée. Éloigner Naerys de la soirée en la faisant monter sur son dragon et l’emmener à une telle distance qu’on ne verrait même plus Valyria. Mais c’était irréaliste. Elle n’était pas équipée pour le vol et leur absence risquait de faire jaser. Il préféra songer à une meilleure solution, une qui n’aurait pas de retombées politiques gênantes. Il déposa son bras sur les épaules de la belle d’Aqos Dhaen et la serra contre lui, imaginant d’office le scandale qu’elle aller provoquer. Alors qu’il la maintenait contre lui, il se fit une réflexion à haute voix. Après tout, elle avait peut-être raison.

« J’aurais pu m’occuper mieux de toi, je fais un bien piètre hôte. Alors viens ! »

D’un geste brusque, rompant le contact physique qu’il avait lié entre eux, il se détendit et se leva pour se fendre d’une révérence un peu grotesque qui témoignait du manque de sérieux qu’il mettait dans sa démarche. Toutefois, il tendit une main galante à la jeune femme qui le toisait d’un air peu commode depuis son séant.

« Dame Naerys, tu me vois navré de te voir ainsi peinée. Puis-je t’inviter à danser avec moi ? »
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