"La guerre ? Pour certains c'est plus facile de vivre ainsi dans le conflit. Au nom des bonnes intentions, ils sont entièrement soumis et libres de toute responsabilité. D'autres s'y abandonnent parce qu'ils ne supportent pas leur identité, n'assument pas le poids des siècles et des trahisons commises. C'est un moyen de se nier, d'oublier parce qu'ils en sont terrifiés. La guerre est la peur incarnée. Cela donne un sens à la mort qu'ils se mettent à chérir... Certains s'y délaissent totalement et négligent le véritable sens de servir la Patrie. Pour elle un Valyrien doit mourrir, un valyrien doit vivre pour elle !"
Maegon hésita l'espace d'un instant puis reprit, caressant l'accoudoir de son siège en bois précieux:
"Est-ce au nom du peuple que vous vous cachez derrière vos règles tyranniques ? Épargnez-moi votre rhétorique, l'heure ne s'y prêtre pas. Je vais vous répondre, vous vous cachez derrière cette peur de l'inconnu, de celui qui a commis l'acte odieux qui justifie votre tyrannie. Je demande... Non, mets plutôt j'exige, la levée de la main mise de l'armée sur notre belle cité ! Que la République ressuscite et la paix puisse éclore de ses pétales !"
Le dynaste grimaça, découvrant ses dents en un rictus écœuré. Les jolies paroles qu'il prononçait - scrupuleusement notée sur un parchemin par un scribe - lui pesaient. Là où il prêchait la réconciliation, il ne trouvait qu'une manœuvre politique pour enfin se débarrasser du règne économique et militaire des Arlaeron. Le vieux borgne disparu, Maegon ne voyait plus aucune raison pour s'avancer à la lumière et y accéder. Le gros Baelor se mordait les doigts lorsque son adversaire siégerait à ses côtés au plus haut sommet des tours ! Hochant la tête, le dynaste reprit sa respiration pour continuer lorsqu'un battement saccadé à sa porte l'interrompit. Le regard sombre, il vit l'homme passer humblement son visage dans l'entrebâillement.
Seigneur-dragon dit-il dans un valyrien hésitant et teinté d'un fort accent ghiscari: La Grande Prêtresse est arrivée...
"Hors de ma vue !" gronda Maegon en se levant d'un bond, le visage déformé par la haine. Qui avait osé laisser pénétrer un esclave de sang pur dans la sacro-sainte Cour Draconique ? Si Vaelya était la coupable de ce sacrilège, il se ferait un devoir de lui rappeler sèchement. Si Maegon n'aimait guère s'opposer à sa soeur, il ne tolérerait aucune hérésie de la sorte. Les Rihaenor étaient bien au-dessus de ces familles inférieures obligées de passer par le marchand de chair pour obtenir de la domesticité. Ceux qui les servaient le méritaient !
Reprenant contenance, le dynaste lissa sa toge et se tourna vers le scribe. L'homme était un sang-mêlé au regard bleu. Il n'en restait pas moins un valyrien et Maegon appréciait sa calligraphie. Si l'homme politique aimait les sermons et son orgueil se nourrissait des applaudissements de ses factions, il abhorrait les doigts tachés qu'engendrait l'écriture. Remerciant l'homme, Maegon lui enjoignant sèchement de récupérer son pécule et de lui envoyer son discours. Il le relirait et le corrigerait avant de reprendre. Puis il ferait de nouveau appel au scribe.
S'avançant jusqu'au balcon, Maegon hésita puis convoqua l'esclave. Le malheureux s’approcha, le dos courbé et le regard fuyant. Jaugeant l'humilité, même si probablement feinte, du chien, le Dynaste lui ordonna d'amener tables et sièges, mais également de quoi briser le jeûne pour apprécier la vue sur la Cour. L'heure du zénith approchait et Maegon priserait son dernier rendez-vous de la journée autour d'un repas. Aussi lorsque Maerys Qohraenos fut introduite, elle trouva le dynaste assis en face de plusieurs plats de viandes, de poissons d'eau douce accompagnés de feuilles de vigne et pois chiches. Plusieurs cruches d'eau citronnée et de jus divers trônaient au milieu des victuailles.
"Maerys mon amie !" s'exclama Maegon avec un sourire froid et calculé. Il observa le léger boitement de la dame jusqu'à elle se soit assise. Il espérait sincèrement ne jamais se dégrader autant qu'elle. "Merci de m'avoir rejoint aujourd'hui. Sers-toi, sers-toi !
Il montra l'exemple, se servant un large gobelet de jus de poire et en piochant de la viande d'agneau cuite à l'étouffée. Le repas continua, tour à tour composé de silence puis des mondanités obligatoires. Des avancements de Saerelys au Collège jusqu'aux nombreuses ramifications de la famille de la Grande Prêtresse, Maegon se prêta au jeu tout comme Maerys. Puis vint le moment fatidique.
"Tu connais mon amour pour nos Temples et nos religions. J'étais le premier à prier Tyraxès lors de mon avènement au rang de capitaine-général." soupira Maegon, après une dernière longue gorgée de jus. "Ce n'est pourtant pas cela qui m'amène aujourd'hui... Les temps sont sombres. Je sais que ton clergé tire beaucoup de sa proximité avec l'armée. Mais je me dois de te demander... Que pense la déesse de la raison et de la stratégie d'hommes qui brandissent l'amour de feu leur général sans réaliser qu'ils détestent son absence plus que tout au monde ? Ce sont en réalité des aveugles gorgés de haine, Maerys. Je ne puis supporter cela éternellement. Je ne veux que la paix entre nos frontières, mais également en dehors. Qu'en dis-tu ?"