Deux mois, c'était long et court à la fois. Long parce que les gens, vivant dans la capitale, avaient dû se faire à une vie qu'ils ne pensaient jamais connaître, pensez-vous, un couvre-feu, la liberté mise en porte-à-faux avec la sécurité. L'incompréhension avait été totale pour le petit peuple quand il avait vu débarquer dans ses rues de son pas cadencé la Ière Armée. Oh bien sûr, ils étaient habitués à les voir évoluer par groupe de six ou dix lors des patrouilles. Mais là, ils sortaient par centaines et contrôlaient tout et tout le monde. La Capitale du plus bel empire naissant est entourée de volcans, le Valyrien moyen a le sang chaud. Les restrictions de mouvements n'ont pas été particulièrement bien accueillis et il a fallu, malgré qu'ils comprennent les raisons, frapper un bon coup pour casser la volonté de ceux qui voulaient absolument enfreindre les nouvelles règles établies par le Haut-Commandement de l'Armée. Dans un premier temps, la Ière était seule pour régler les soucis et ça n'était pas forcément simple. D'ordinaire, ils n'ont besoin de personne parce que le quidam est assez calme, il peut flâner dans les différentes artères commerçantes, se diriger aux thermes ou assister à une pièce de théâtre le soir si son train de vie le lui permet. Depuis deux mois, ces activités ne sont plus aussi facilement accessible. Le couvre-feu interdit toute activité nocturne. A partir d'une certaine heure, c'est tout le monde chez soi.
Le Valyrien a le sang chaud, il proteste. Du coup, l'armée opère des arrestations, des confiscations et parfois ça dégénère. Du coup, ceux qui allaient se faire appeler les Rouges eurent l'idée d'amener une deuxième armée à Valyria pour appuyer la Ière. Et là, le rapport de force fut clairement à l'avantage des Rouges. Il n'y avait plus beaucoup de contestation possible, les Légats avaient assez d'hommes à disposition pour mener toutes les opérations qu'ils jugeaient nécessaires pour faire respecter ce que l'on leur demandait de faire respecter. On craignait une attaque venant de l'extérieur suite au meurtre du Capitaine-Général mais tout ce qui arrivait, c'était de simples protestations et mouvements de grogne de l'intérieur de la ville. Du coup, cela faisait un mois désormais qu'il régnait un calme relatif. La population intégrait petit à petit les nouvelles lois en vigueur et comprenait qu'à geste exceptionnel (en l’occurrence le meurtre de Lucerys Arlaeron) il y avait des mesures exceptionnelles (le couvre-feu).
Enfin ils comprenaient, pas forcément tout le monde. Cet arrêt de l'activité nocturne mettait un sérieux frein aux activités peu recommandables de gens tout aussi dangereux. Vu que les gens ne sortaient plus, ils étaient de facto chez eux. Ils ne pouvaient plus s'infiltrer dans les riches demeures pour voler les trésors mal dissimulés. Ou s'ils le faisaient, ils étaient plus facilement repéré pour les moins doués, ou tués pour les moins chanceux. Mais il y en avait un, qui lui, arrivait encore à ses fins. Oh bien sûr, il ne ramenait plus autant qu'avant mais suffisamment pour continuer son larcin. Par deux fois, il avait été repéré par certains notables de la ville en train de tenter de dérober des pièces de valeurs mais il avait toujours réussi à s'échapper. Malgré que l'alarme ait été donnée et que la garde se soit lancé à sa poursuite. Jusqu'à présent, il n'y avait pas de chance pour les autorités mais ça devait tourner. Les Quatorze ne pouvaient permettre qu'un individu se pense si intouchable et au-dessus des lois qu'il ne respecte le couvre-feu décrété pour la mort d'un fils d'Arrax.
Cela faisait désormais une semaine que la Ière était à la recherche d'un individu dont les traits avaient pu être découvert suite à l'altercation entre un garde privé et ce voleur. Il en avait perdu sa capuche et malgré la pénombre, des traits distinctifs avaient pu être révélés. L'homme possédait une sérieuse balafre sur la joue gauche et un œil mort. Du coup, l'armée avait mobilisé ses troupes pour retrouver cet homme dans toute la ville. Et la chance avait peut-être tourné en leur faveur. Un homme semblant correspondre à ce signalement avait été repéré au marché aux esclaves. Du coup, les différentes patrouilles aux alentours avaient convergé vers ce point et une course poursuite s'en était suivie. L'homme arriva à se faufiler pour sortir de la place et se ruer dans les rues du Quadrant Sud. Se sentant acculé, il pénétra dans un bâtiment pensant pouvoir échapper aux hommes qui le poursuivaient. Mal lui en pris, les différentes patrouilles alertés par les bruits des cors cernèrent le bâtiment.
L'homme avait réussi à pénétrer dans la demeure d'illustres personnes de la capitale. Sa capture était demandée par beaucoup de notables de la ville. La pression sur les épaules des Polémarques, Exarques, et même Légat était présente. Du coup, quand un rapport indiqua qu'ils avaient peut-être coincé le malfaiteur, mais que l'on refusait à l'armée le droit de rentrer pour fouiller le bâtiment, Vagar ne put le tolérer. Qui osait ainsi se dresser contre l'armée ? Un complice ? Il voulut en avoir le cœur net et se dirigea donc sur place. Ses subordonnés avaient fait du bon boulot, le quartier était bouclé, il était désormais difficile d'y pénétrer sans avoir été correctement fouillé avant et avoir montré balafre blanche.
« Sergent, rapport de situation ! »
L'homme se tourna et fut étonné d'avoir à faire au Légat de la Ière en personne. Il ne s'était pas attendu à ce que le protecteur de la capitale en personne suive cette affaire personnellement. Il fallait dire que l'homme qui était potentiellement coincé dans cet hôtel, si tel était bien l'individu auquel ils pensaient tous, avait fait nombre de victimes et parmi eux, la Famille Nohtigar. Du coup, oui, l'affaire était un peu personnelle.
« Nous avons bouclé le quartier, plus personne ne rentre ou ne sort sans avoir présentement expliqué ce qu'il fait là et qui il est. L'individu est retranché dans ce bâtiment, cet hôtel, mais la propriétaire des lieux interdit à l'Armée de faire son travail. »
Le Légat regarda en direction du bâtiment que le Sergent montrait et vit une belle bâtisse comme toutes celles qui étaient dans la rue. Ce quartier était réputé pour la beauté de ses bâtiments. Celui-ci ne faisait pas exception.
« Très bien et qui ose ainsi s'interposer ? »
Le Sergent déglutit quelque peu et finit par répondre :
« Rhaenys Haeron, Légat. La Sénatrice. »
Et descendante d'une héroïne nationale, oui oui. Il en avait entendu parler comme tout le monde à Valyria. Mais pour Vagar, ça n'avait aucune incidence, il n'était pas question que quiconque interfère dans l'accomplissement du devoir de la Ière. Descendante d'héroïne ou non, elle était sujette aux mêmes lois que tout le monde et quand la patrouille était sur le point d'arrêter un voleur, elle devait laisser les autorités faire son travail.
« Très bien... Vous et dix hommes, vous me suivez ! »
Il commença à avancer vers l'édifice et le sergent prit les dix premiers hommes qu'il avait dans son champ de vision. Ils rejoignirent le Légat qui était sur le point d'arriver à l'entrée de l'établissement. Là, un employé barrait le passage. Le Légat lui ordonna de dégager sous peine de se faire arrêter. Quand il demanda à qui il avait à faire, il blêmit en entendant que c'était au Légat en personne. Force était de constater qu'il n'avait pas la position pour le combattre, il fit donc retraite et alla chercher sa maîtresse. Les dix hommes suivant le Légat entrèrent donc dans l'accueil. Là, ils leur furent demandés de patienter le temps que Rhaenys vienne à leur rencontre. Le quartier était bouclé, il n'y avait pas d'issues possibles pour le voleur, il accepta d'attendre la venue de la maîtresse des lieux. Quand cette dernière arriva, Vagar était en train de distribuer des ordres pour que la fouille du bâtiment se fasse dans la minutie la plus totale. Il fallait être sûr qu'après-avoir vérifié un étage, il n'y avait plus moyen d'y pénétrer pour empêcher le voleur de passer entre les différents gardes qui finiraient bientôt par vérifier où il se trouvait.
« Sénatrice Haeron, explique-toi. Comment se fait-il que la Ière ne puisse procéder à l'arrestation d'un homme qui semble s'être réfugié dans cet hôtel ? »