qu’a sonné l’heure
Depuis des heures, les hommes s’entraînaient sous la voix haute de leur laniste. Intraitable, il répétait sans cesse les mêmes mots - le haut valyrien en semblait presque facile à apprendre ! Les corps des guerriers, tout entier, étaient en souffrance. Leurs yeux épuisés quémandaient au maître un peu de répit. L’espoir était pourtant vain. La leçon était quotidienne et c'était précisément dans cette agonie que leurs corps retenaient les mouvements. Le corps possédait une acuité formidable : alors qu’il abandonnait d’épuisement, il luttait une dernière fois. C'était précisément dans cette lutte que Vahaedar Altarys attendait ses hommes. Alors il répétait, encore et encore, les mêmes gestes. Puis, de ses deux mains, il venait les corriger comme un sculpteur donne vie à ses statues.
« Ici. L’ischion doit être détendu. Non. Grandis-toi… encore… encore ! Va chercher ces putains de dragons ! »
Il appuya son doigt dans le bas du dos alors que l’esclave grognait d'une petite douleur. Vahaedar prenait des cours de dissections avec un homme de sciences : l’ostéologie et la myologie du corps humain n’avaient aucun secret pour lui. Il avait conscience que la connaissance de l'invisible, ce qu’il y avait sous la peau, ferait de ses hommes les meilleurs.
«Là. Tu ne dois jamais bloquer. Maintenant montre moi l’enchaînement. Vous autres regardez ! C’est un observant les erreurs et les points fort de ses adversaires qu’on renforce son jeu. »
Il donna une tape fraternelle sur l’épaule de son guerrier, les efforts payaient ! Du bout de son épée de bois, il fit signe aux autres de s’assoir le long du mur. Tous étaient en nage, le sable de l’arène d’entraînement leur collait à la peau. Lui-même, en avait jusque dans la bouche et les narines. Ils étaient beaux à voir. Si il en éprouvait une joie, presque enfantine, la majorité de ses hommes avaient pourtant du mal à s’acclimater à la chaleur étouffante de la caldeira. Le climat de ces terres était drastique.
« Allez, montre-nous. »
Le guerrier, vêtu d’un simple pagne, les muscles dessinés à la perfection, recula vers le fond du manège. En silence, les bras croisés, son maître hocha la tête : qu'il commence. Il voulait voir une danse chorégraphiée à la perfection. Ces étrangers ne le savaient pas encore, mais les Valyriens étaient trop arrogants pour assister à un seul bain de sang. Il leur fallait de la palpitation, de la peur, de l’anticipation. Aussi, les spartiates du jeune esclave avaient tout intérêt à faire chanter le sable si il voulait survivre à leurs seuls yeux. L’exercice terminé, le regard épuisé du gladiateur se fixa loin derrière lui. Il souriait comme un abrutis heureux. Ce qui ne pouvait signer qu’une seule chose. Daera était là. Sa fiancée s’était rapidement faite une place à part dans ce monde masculin et brutal. Son apparition était un baume à leurs souffrances. Tous savaient qu’elle était née dans un bordel. Ils y voyaient l’assurance que leur laniste disait la vérité : si ils travaillaient, si ils persistaient, si ils gagnaient, alors la richesse aussi leur serait peut-être accordée. Appuyant ses larges mains sur ses cuisses, Vahaedar se releva. Il leur fit signe de ranger les instruments. C’était une bonne journée.
« Le masseur passera dans une heure. Mangez, dormez, nous reprendrons l’exercice demain au petit jour. »
Disant ses mots, s’ébrouant le visage et les cheveux, il immergea ses bras dans un baquet afin d’enlever la crasse. C’est alors que, du coin de l’œil, il remarqua le visage de sa promise. Il arrêta ses gestes, aux aguets. Depuis longtemps il n’avait pas vu cette petite tension sous ses yeux, celle qui disait que quelque chose de grave s’était passé. Avalant les mètres qui les séparait, il empoigna son bras droit comme pour la soutenir. Si quelqu’un avait osé lui faire du mal, il était homme mort. La colère grondait déjà dans ses pupilles et sa mâchoire s’entrechoqua. Sans la lâcher, il la mena à ses appartements privés. La porte refermée, il mit ses mains autour de son visage. Le geste était mouillé et peu délicat, quoique d’une grande familiarité.
« Ñuha jorrāelagon, que se passe-t-il ? »