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Daera Melgaris
Daera Melgaris
La Lumière du Peuple

Un serment chuchoté

Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

Daera adorait le théâtre comme un mendiant adore le pain qu'on lui donne après des journées sans ressentir de satiété. Elle en était tellement amatrice qu'elle demandait à une servante de lui écrire chaque nouvelle pièce qui passait à l'amphithéâtre afin qu'elle puisse ensuite la lire en rentrant du Sénat. Plus jeune, elle adorait rester cacher pour observer les acteurs se préparer et incarner des personnages dramatiques. En les observant s'agiter sur scène, mourir, s'embrasser, s'enivrer, elle avait l'impression de vivre à travers eux. Elle avait l'impression de vivre ces aventures dont elle rêvait le soir en rentrant au bordel. Depuis, cette passion ne l'avait jamais quitté bien que le Sénat avait réussi à la rendre incapable la plupart du temps à assister en personne à ce genre de représentations. Ce soir cependant, elle avait décidé de libérer sa nuit pour s'y rendre. Il faut dire que la représentation était exceptionnelle ; un des plus grands dramaturges de Valyria venait présenter sa nouvelle pièce au public, elle avait même reçu une invitation pour s'y rendre de l'auteur lui-même. Elle avait ri comme une jeune fille après avoir lu le parchemin. C'était une de ses pièces qu'on lui avait fait lire pour la première fois à voix haute quand elle apprenait à lire, elle avait essayé de prendre la voix des acteurs faisant rire les gens autour d'elle. Elle s'était même entraîné des jours entiers pour avoir le bon ton, les bonnes expressions. Sa mère l'avait observé d'un air appréciateur avant de la prendre à part, un soir alors qu'elle révisait toujours le texte. Elle avait soulevé son menton pour qu'elle la regarde dans les yeux et lui avait chuchoté dans le noir "La vie est une pièce de théâtre, mon cœur, sois sûre de toujours être la meilleure actrice". L'enfant qu'elle était n'avait pas compris, pour elle cela n'était qu'un jeu, mais plus tard elle avait compris. Elle avait alors perfectionné ses talents d'actrice pour que personne ne voie les craquelures de son armure au Sénat.

Ce soir, elle avait perfectionné son armure ; prenant une de ses robes simples, mais aux tissus précieux et chatoyants d'un blanc nacré. Elle avait relevé ses cheveux en un nœud de tresses et avait laissé quelques mèches cascader dans son dos librement si bien qu'elle pouvait les sentir effleurer sa peau. Elle avait pris un châle bleu pâle qu'elle regarda un instant, l'effleurant du bout des doigts. Il commençait à délaver comme s'il se mettait à refléter sa façon de penser, son début d'indépendance de la faction bleu. Elle hésita un moment avant de ranger le tissu et d'en prendre un autre, plus violet et agrémenté de quelques broderies dorées. Elle le noua sur ses épaules et se dépêcha de sortir de sa demeure pour se déplacer jusqu'à l'amphithéâtre. À mesure qu'elle avançait, les gens s'écartaient pour lui laisser le passage, ne pouvaient s'empêcher de la quitter des yeux. Elle avait l'habitude désormais, d'être comme une nouvelle espèce pour eux bien que cela la rende toujours légèrement nerveuse. Elle connaissait un autre homme qui avait hérité d'un tel respect et il était mort lors du mariage de ses enfants. Dans les yeux de ces gens, néanmoins, elle ne voyait que de la reconnaissance. Après tout, cette soirée n'aurait pas été possible si le couvre-feu avait toujours été là. L'amphithéâtre n'aurait pas pu être illuminé de ses flambeaux, ses abords n'auraient pas pu être remplis d'une foule et de rires. Peut-être était-ce pour la remercier que le dramaturge avait voulu l'inviter. Elle adressa quelques sourires à certains des gens qu'elle reconnaissait de la marche qu'elle avait effectué jusqu'au Sénat et avança silencieusement à la lueur des bougies qui entouraient le bâtiment. Elle monta quelques marches et ayant un peu de temps, elle passa d'alcôve en alcôve pour observer Valyria de nuit, toujours aussi belle et lumineuse qu'en pleine journée.

En passant devant l'un d'eux, elle remarqua alors une ombre qu'elle connaissait seulement de nom et de vue. Jaekar Veltheon était là. À bien des égards, ils étaient semblables après tout, il était lui aussi un bâtard n'ayant pu s'élever que grâce à une partie de sa naissance et à sa volonté d'être enfin respecté. Comme elle, il ne méprisait pas le peuple et aimait l'art apparemment. Comme elle, il venait d'une famille noble, modeste et avait été recueilli par un père qui l'avait choyé et formé. Jaekar était un charmeur, elle l'avait vu avec tant de femmes qu'elle ne pouvait les compter et avait tellement entendu de ses prouesses qu'elle avait l'impression d'avoir déjà vécu une aventure avec lui. C'étaient toutes ces raisons qui l'avaient poussé aussi à prendre du temps ce soir. Elle avait espéré le croisé à cet événement et lui faire une proposition, mais avant cela, elle voulait au moins lui parler et voir si leurs intérêts pouvaient converger. Contrairement à la plupart des femmes de la capitale, elle était immunisée à son charme et ne voyait en lui qu'un être qu'elle voulait voir triompher parce que si lui le pouvait alors elle le pouvait certainement. Elle prit une légère inspiration, respirant l'odeur sucrée qui régnait. Elle se mit contre le mur de l'alcôve, en face de Jaekar et lui adressa un sourire.

« Jaekar Veltheon, je ne te savais pas amateur de tragédie ?»



Jaekar Veltheon
Jaekar Veltheon
Hors-la-loi

Un serment chuchoté

Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

La solitude taraudait Jaekar alors qu'il rôdait dans les tribunes de l'amphithéâtre. Presque une année passée loin de Valyria avait réduit son cercle social à peau de chagrin. Évidemment, il lui suffisait d'envoyer une missive ou se présenter à quelque porte cochère pour être reçu. Pourtant, il se l'interdisait. La situation n'était plus la même et de l'euphorie d'après guère ne subsistait que quelques rumeurs. Le drame s'abattait chaque nouvelle saison et Jaekar ne pouvait s'empêcher de penser que les dramaturges des siècles à venir pourraient écrire bien cent pièces de ces heures sombres connues par Valyria. Par les dieux connus, et dont il n'avait rien à faire, le jeune homme jurait sur l'idiotie de ceux qui s'étaient détournés de la voix puissante et stable porter par son père.

Il n'en demeurait pas moins qu'il devait peser le pour et le contre de chaque conversation. Chaque personne avec qui l'héritier Qoherys s'afficherait serait probablement décortiquée et leur rencontre analysée. Jaekar avait conscience de marcher sur des oeufs pour la cause de son père. Si il était prêt de s'en détourner, il n'en resterait pas moins fidèle jusqu'à sa toute dernière décision. Sa situation ne l'empêchait pas de se délecter des arts et du savoir auxquels il ne renoncerait jamais. Peu lui importait d'être seul et devoir ainsi boire l'outre de vin importé de ce lointain continent à l'ouest. Jetant à coup d'oeil à ladite boisson, il but une longue gorgée au goulot même et apprécia les saveurs fruitées et presque exotiques du rouge tachant son palais. À défaut de faire couler le sang de ses ennemis, au moins se délectait de celui du plaisir. Rebouchant l'outre, Jaekar s'essuya du dos de la main la bouche puis quitta l'alcôve où il s'était installé le temps de boire en paix.

Vêtu d'un pantalon et d'une tunique en soie, il portait également un pourpoint de velours - bien trop chaud pour la saison, mais dont il aimait les dorures. Son regard se porta sur la foule bigarrée mélange de toutes les classes sociales de Valyria. Mis à part les miséreux des Taudis, presque toute la ville pouvait se rencontrer dans cet endroit. D'une certaine façon, ne pas se rendre au théâtre, c'était comme faire sa toilette sans miroir ou un esclave. Les drames se faisaient et se défaisaient au son des éclats de rire et du murmure des conversations. C'était cette mixité sociale qui hérissait les sens de Jaekar. La beauté dans les manoeuvres presque éternelles de l'humanité l'enivrait autant que les pièces dont il se délectait. Toujours plongé dans l'ombre, il se nourrissait des visages et des mots qu'il percevait parfois. Il attendait le moment propice pour se jeter dans l'arène et apportait sa touche à la fresque géante humaine. Il avança d'un pas et...

Une silhouette spectrale l'interrompit et il hésita. Il peina à la reconnaître avant de se rappeler de ce minois aussi agréable qu'honni par certains. Daera Melgaris. La Sénatrice à l'origine même de la marche sur le Sénat, celle-là qui avait mené son père à la honte. Jaekar sentit son menton se relever légèrement et il détailla sans vergogne et d'un oeil appréciateur la tenue de la dame. Celle qui se faisait appeler la Lumière du Peuple, non sans raison, était resplendissante bien qu'il trouva son châle violet aussi démodé que détonnant. Un vert émeraude ou encore un bleu plus sobre aurait mis en valeur ses yeux. Peut-être souhaitait-elle encore détoner en portant la couleur des yeux du peuple avec lequel ils ne partageaient pas ce trait. Sa présence l'étonnait et il pesa ses mots quelques instants avant d'afficher son éternel sourire charmeur:

Une pièce de théâtre, c'est quelqu'un. C'est une voix qui parle, c'est un esprit qui éclaire, c'est une conscience qui avertit. Or ma propre conscience me chuchote que ta présence à mes côtés n'est pas opportune. A moins que... Un air de conspirateur se dessina sur son visage et Jaekar se pencha en avant pour parler d'une voix moins forte et plus complice: A moins que tu ne cherches à t'échapper à quelques admirateurs embarrassants. Une dame aussi resplendissante que célèbre doit laisser une longue traînée enamourée derrière elle. Si tel est le cas, n'aie crainte! Mon sang Andal me poussera à te protéger toi et ta vertu.



Daera Melgaris
Daera Melgaris
La Lumière du Peuple

Un serment chuchoté

Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

Le sourire de Jaekar était une invitation à toutes les tentations que pouvaient offrir ce monde. Sa réponse l'amusait, elle laissa un rire s'échapper de ses lèvres tout en le regardant, s'approchant un peu plus pour observer ce qu'il observait en contre-bas. Un peuple réuni malgré ses différences sociales ou de sang pour créer un tout qui formait le peuple de Valyria. Les gens sous-estimaient souvent les gens comme eux. Jaekar malgré son sourire charmeur et son air amusé était peut-être plus observateur que la plupart des gens. Comme elle ; il détonnait dans ce monde fait de crinières blanches et de yeux violets, un monde qui n'attendait qu'une chose, les écraser pour ne laisser que les plus "pures" dans ce monde. Une servante passa dans le couloir, un plateau en main et Daera s'empara d'une des coupes présente sur celui-ci adressant un sourire à la jeune femme qui s'empressa de partir servir les autres personnes présentes à ce niveau. L'air était chaud et rendait ce couloir intime, on pouvait sentir dans l'air une atmosphère de promesses non-déclarées.

« Tu serais prêt à protéger celle qui a humilié ton père ? Voilà les prémices d'une pièce intéressante.»

Une pièce qui intéresserait bon nombre de commères prêt à tout rapporter à leur maître qui ne souhaitait qu'une chose ; voir tomber les Bâtards de Valyria. Cela pourrait même être le titre de cette pièce qui finirait dans un bain de sang où les monstres argentés se repaîtraient de leur échec. Heureusement pour elle, elle n'était pas prête à laisser le Destin ou les dieux l'empêcher d'aller plus loin encore et d'atteindre des sommets qui n'étaient pas faits pour elle à leurs créations. Elle invita du regard Jaekar à la suivre alors qu'elle rejoignait le reste du couloir pour monter un peu plus haut pour observer le spectacle. Elle l'observait toujours du coin de l'œil, elle aurait aimé avoir le pouvoir de voir à travers les esprits, voir ce qu'il voyait exactement en elle. Une moitié de la population la voyait comme une héroïne et une porte-parole, quand l'autre la détestait et la traitait d'opportuniste vulgaire. Il n'y a pas seulement deux jours elle avait entendu un sénateur murmuré à un autre qu'elle aurait plus sa place dans un bordel que dans un siège du Sénat. Dans quel camp se situait Jaekar ? La réponse était un mystère qu'elle comptait bien élucider ce soir pour lui faire sa proposition. Elle prit place sur un siège invitant Jaekar à faire de même. Elle avait fait en sorte que peu de gens se trouve autour d'elle pour la discussion qui allait suivre, elle qui d'habitude adorait se mêler aux autres. Seulement ce soir, les mots devaient rester secrets aux oreilles de ses ennemis.

Elle se pencha légèrement de son côté, l'odeur de son parfum effleurant ses narines pour qu'il l'entende parler. La scène en face d'eux commençait à être arrangée ; l'actrice était déjà en larmes, mais avec un sourire aux lèvres, une autre qui semblait être sa servante semblait prête à la prendre dans ses bras, mais la pièce n'avait pas encore commencé, la plupart des sièges n'étaient pas encore occupés, mais il régnait cet air d'impatience à l'idée de découvrir un nouveau chef d'œuvre.

« Tu semble si prompte à défendre la veuve et l'orphelin, Jaekar, aurais-tu défendu ton père devant le Sénat quand le peuple réclamait justice ?»

Elle avait dit cette phrase avec un petit sourire aux lèvres, à l'image d'un renard attendant que son piège tombe sur sa victime. À d'autres nobles, elle aurait peut-être pris des détours pour parler de ce genre de chose, mais Jaekar était comme elle, venait du même milieu d'elle. Un milieu où les vérités ne sont pas remplies de mots à l'odeur de miel, un monde où l'on ne passe pas par quatre-chemins pour parler d'un sujet important à une autre personne. C'était même rafraîchissant de pouvoir parler aussi librement à quelqu'un qui savait les enjeux derrière chacune de ses phrases. Elle plongea ses yeux dans les siens pour voir la réaction du jeune homme en face d'elle. Elle aussi était observatrice. Cela avait même été son jeu préféré plus petite ; observer les tics des uns et des autres pour déceler les véritables intentions. Elle avait grandi auprès des plus grandes actrices que le monde pouvait abriter et elles-mêmes lui avaient appris à quel point les hommes n'étaient que des puzzles dont il fallait combler la pièce manquante pour obtenir tout ce que l'on voulait d'eux.



Jaekar Veltheon
Jaekar Veltheon
Hors-la-loi

Un serment chuchoté

Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

Alors qu'une servante s'approchait avec un plateau, Jaekar dégaina habilement son outre de vin de la Treille et versa une généreuse quantité dans un verre vide et propre. Plongeant ses lèvres dans le délice, il fit les politesses dû à un tel breuvage et en vendit les vertus. Si la rencontre était plus ou moins opportune, le jeune héritier était curieux de découvrir les profondeurs cachées de Daera, furent-elles physiques ou spirituelles. Si les esprits affûtés féminins ne manquaient pas de se parer de magnifiques atours dans la capitale, rares étaient de ces hirondelles aussi mises en valeur par la politique. Si les Mages faisaient parler d'eux, le jeune Tergaryon lui avait soufflé quelques mots sur le sort d'Herya mais Jaekar avait également eu vent de cette invocatrice qui avait tenu à l'honni Grand Prêtre d'Arrax, généralement la gente féminine restait discrète.

Humilier mon père ? Voyons ta marche n'était qu'une ode à la liberté, celle-là même qu'il chantait, d'un ton plus différent. A vrai dire, le réveil des Bleus aurait pu servir de tremplin politique à Valerion. Daera n'était pas une menace pour lui, Jaekar en était sûr. Il n'aurait guère été étonné qu'il ait eu des plans pour elle. Son père connaissait toujours trois coups d'avance. Qui plus est, je ne suis pas mon père ni son serviteur, rien ne m'empêche de me montrer aux côtés d'une opposante. Ne sommes nous pas entre êtres civilisés ? Le devoir filial de Jaekar l'obligeait à assassiner Daera si la volonté paternelle le dictait, non sans regrets. Tant qu'il n'en était rien, il ne voyait pas d'inconvénient à 'fraterniser' avec l'ennemi. Une touche de plus portée à la sacro-sainte morale valyrienne qui voulait que tous s'ignorent royalement. Dans le déni vivait la paix de soi.

Se penchant vers Daera au même rythme qu'elle, il s'enivra de son parfum et lui rendit son sourire. Là où se terrait le renard dans son trou, il affichait la confidence du loup face à sa proie. Sa colère ne se trahissait pas dans son regard car il n'en éprouvait aucune. Jaekar ne s'expliquait pas pourquoi la Sénatrice tenait tant à remuer le couteau dans la plaie qu'elle n'avait même pas portée. Certes la marche devant les portes les plus saintes de la vie politique de la cité en avait été le déclencheur. Peut-être que la véhémence de cette peste de Mage avait jeté le Velaryon dans les bras des dynastes. Il n'en restait pas moins que c'était ces derniers qui avaient été l'instigateur de l'humiliation de son père. Encore, Jaekar éprouvait une vulgaire rancœur envers ces hommes et femmes tout en applaudissant avec amertume leur acte. L'évènement s'était déroulé dans les règles de l'art. La seule vraie fautive était Echya Odenys, la trois fois maudite. Jaekar se gardait pourtant bien de le dire à Daera. Caressant distraitement sa barbe, il tourna son regard vers la pièce :

Hélas, le devoir m'appelait ailleurs lorsque c'est arrivé. Je portais fier mon nom et mon or au nord de Velos. Il rapinait les navires marchands et s'enrichissait de la contrebande. Ton imagination devra être aussi vive que ta langue, Daera. Tout n'est que conjectures. Puis avec un sourire, il haussa les épaules avec nonchalance: Je serais un bien mauvais fils si je n'écoutais pas les ordres de mon père. Sais ceci : jamais il n'aurait écrasé le rassemblement de ta faction. Il aurait au contraire profité pour en tirer ses marrons du feu. Ta marche ne visait que le renversement du pouvoir militaire, nul danger pour Valerion. Un simple ébranlement pour une Lumière de la Sagesse. Le pauvre bougre était mains et pieds liés par la tradition de neutralité des hommes de pouvoir n'est-ce pas ?

Je suis curieux de connaître quels sombres tu me réserves après avoir planté tes crocs sur mon flanc blessé. Serais-tu tentée d'en sucer le poison Daera ? Je ne voudrais pas blesser de si délicates lèvres.


Daera Melgaris
Daera Melgaris
La Lumière du Peuple

Un serment chuchoté

Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

Jaekar était un charmeur. Un charmeur doué qui plus est, si bon qu'elle aurait pu se laisser tenter à quelques badineries sans importance, mais sa venue ici n'était pas seulement récréative bien qu'elle puisse le devenir si la suite lui convient. Elle aimait qu'il compare sa marche à une ode à la liberté, terme littéraire plutôt que politique, un terme qui lui plaisait beaucoup plus que ceux qu'elle entendait en ce moment. On disait soit que la marche avait été calculée soit audacieuse soit stupide. Les mots dénigraient ce qu'elle voyait elle-même comme une ode à la liberté et à la démocratie, l'union d'un peuple trop souvent ignoré à la politique. Si elle avait dû sauver ses plumes à la fin de la procession, elle avait réussi un coup de force que personne n'aurait pu prévoir, même pas les plus grands sénateurs. Elle but une gorgée de sa boisson, toujours avec un petit sourire aux lèvres tout en regardant l'homme en face d'elle qui semblait apprécier la boisson autant qu'elle. Il avait beau clamer être un être civilisé, elle savait que son destin était en partie tenu par les filets de son père comme beaucoup qui avaient encore une famille, contrairement à elle. Il la tuerait si son père décidait que son existence était de trop, mais cela ne la peinait pas, car elle ferait de même si la réciproque était vraie. Heureusement Jaekar lui servait mieux vivant que mort pour le moment.

« Soit, comportons nous donc en êtres civilisés et trinquons à cette soirée qui s'annonce aussi bonne que l'alcool que nous goûtons en ce moment et à l'ode à la liberté qui nous reste encore à écrire.»

Elle posa son regard sur la scène en même temps que lui alors que la musique commençait à résonner dans l'habitacle aux rythmes des tambours de guerre. Le devoir filial. Voilà un mot que l'on entendait peu dans la bouche de Daera bien qu'il dicte sa vie. Elle avait essayé de le remplir auprès de sa mère en volant tout ce qui avait une poche dans l'espoir vain de leur offrir une vie autre part que dans un bordel et elle avait échouée. Puis il y avait eu son père, son père naïf et remplie d'idéaux qui lui avaient ordonné d'être meilleure que lui. Elle pouvait presque sentir de nouveau sa main tremblante sur la sienne alors qu'il lui disait ces quelques mots, pouvait presque voir de nouveau ses yeux brillants alors que la mort commençait à l'envelopper de son drap pour un dernier voyage. Elle lui avait juré, la voix cassée par les pleurs qui menaçaient de l'étouffer et l'avait regardé hocher la tête avant de partir. Sans lui, elle n'aurait jamais pu gravir les marches du Sénat, sans lui, elle n'aurait jamais pu faire une marche avec le peuple pour renverser le gouvernement militaire qui s'était mis en place en Valyria, remettant en place un semblant de démocratie. Elle comprenait le devoir filial et sa cruauté, ainsi, elle hocha la tête aux mots de Jaekar.

Elle ne put s'empêcher d'émettre un léger rire face aux mots du jeune homme néanmoins. Un poison voilà un autre mot intéressant. Elle lui jeta un regard avant de répondre :

« Dommage que tu n'aies pas été présent, la Lumière du Peuple et l'Héritier des Lumières, voilà qui aurait fait mouche.» Elle se rapprocha légèrement de lui et rajouta « Concernant le poison, je suis de ceux qui pensent qu'il est aussi mortel que remède du moment qu'on le choisit bien.»

Néanmoins elle devait lui répondre, le jaugeant légèrement du regard, délaissant totalement la pièce de théâtre en face d'eux, elle pesa ses options. Elle avait besoin d'alliances, de réseaux d'espionnage et elle savait qu'il pouvait lui fournir tout ça en plus de quelques enfants pour assurer que tout le travail qu'elle accomplirait de son vivant ne tombe pas dans l'oubli. Le nom Melgaris devait survivre et survivre de manière légitime, ne pas commencer de nouveau sous les hontes de la bâtardise. Elle se rapprocha alors un peu plus de l'homme à la chevelure aussi brune que la sienne et finit par lui révéler ;

« Voici donc le poison que je te propose ; celui du mariage. Une alliance politique qui te permettrait de t'élever politiquement si tu souhaite t'impliquer. Je suis une bâtarde comme toi et tous deux avons imposé notre présence au monde, je te propose de continuer de le faire et de faire élever nos noms, trop souvent méprisé, jusqu'en haut de l'échelle sociale.»

Jaekar Veltheon
Jaekar Veltheon
Hors-la-loi

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Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

Alors que les premières notes résonnaient, Jaekar but d'une seule traite le contenu de son outre, ou de ce qu'il en restait. Le doux vin blanc des côtes de Rhoyne réchauffa son coeur et il sourit tandis que les arômes fruités s'épanouissaient dans son palais. Il fit un clin d'oeil à Daera, bien qu'elle eut l'air d'être perdue dans ses propres pensées. La liberté, Jaekar la goûtait tous les jours, à toutes les sauces. Tantôt amère, tantôt sucrée, parfois acide comme la framboise immature, il savait profiter et la croquer à pleines dents. Pourtant, en cet instant, il se faisait l'effet d'un esclave. Lié par les dimensions mondaines et la politique, Jaekar ne rêvait que de l'oubli et de la passion qu'il éprouvait pour d'autres femmes comme Rhaenys ou Daenerys. Elles savaient briser les chaînes sociétales, du moins à ses yeux.

Daera n'en restait pas moins agréable à regarder du coin de l'oeil, et bien plus intéressante que
la pièce qui se jouait en contrebas. Si elle n'avait pas l'intensité de la maîtresse des Haeron ou la candeur de la cadette Tergaryon, il y'avait une forme de volonté dans son regard qui plaisait à Jaekar. Il ne savait pas s'il voulait la briser ou s'y soumettre, mais il ne doutait pas pouvoir s'y mesurer. Il avait maté des juments plus difficiles que celle-ci. A moins, qu'elle ne soit de celle qui aimait chevaucher. Jaekar hocha les épaules et se prit de passion pour la scène. Le maquillage des acteurs était splendide, bien plus que les vulgaires piécettes qu'il avait récemment pu voir à Ghis ou même à Velos. Valyria n'était peut-être pas le coeur culturel du monde, mais elle surpassait bien d'autres peuples quand venait l'art lyrique.

La Lumière du Peuple et l'Hériter des premières, dis-tu ? J'aime l'idée. Je l'aimerai bien mieux autour d'une carafe de vin, dans les thermes. Jaekar se tourna vers Daera pour s'apercevoir qu'elle s'était encore rapprochée de lui. Il fit un pas en avant pour se retrouver à seulement quelques centimètres de la Sénatrice : Tu sais ce que l'on dit: une drachme de belladone pour la joie, deux drachmes pour la folie et la beauté et quatre pour un sommeil sans fin. Je ne te pensais pas férue d'alchimie, ni même que la conversation tournerait vers là. Pourquoi ne me dis-tu pas ce poison que tu me réserves ?

La proposition de Daera laissa dès lors Jaekar bouche bée. Le bâtard hésita, battit bêtement des cils avant de se tourner vers la pièce. La question de son union ne s'était jamais réellement posée. Il laissait le soin à son père de le prévoir. Tant qu'il était l'héritier, le fils de Valerion savait qu'il pouvait choisir dans la haute société, perpétuer le nom des Qoherys. Certainement avec une famille du Nord ou du Centre, aucune de ces généalogies en ligne droite ne voudrait de lui. Jaekar ne désirait pas plus conclure le cercle décadent qu'ils s'étaient échinés à tracer. Tâche ardue, difficile à négocier, il savait que le mariage qu'il ferait serait politique ou d'intérêt. L'amour n'avait pas sa place dans ce monde, même s'il désirait ardemment y goûter avec Rhaenys. Pourtant, Daera était belle, intelligente et sans pitié. Elle avait de l'ambition, et de ce qu'il avait appris quelques valeurs populaires. En d'autres termes, elle faisait presque office de mariée parfaite pour un jeune homme tel que lui.

As-tu déjà entendu parler de la tragique histoire de Azor Ahai ? commença Jaekar.  
Azor Ahai est une légende orientale, d'Asshaï-les-Ombres précisément. Pour combattre l'obscurité, Azor Ahai décida de forger une épée de héros unique.
Il y travailla pendant trente jours et trente nuits jusqu'à ce que l'épée soit terminée. Cependant, lorsqu'il a voulu la tremper dans l'eau, l'épée se brisa. Il n'était pas du genre à abandonner facilement, alors il commença à en fabriquer une autre. Cette fois-ci, il lui fallut cinquante jours et cinquante nuits pour fabriquer une épée, encore meilleure que la première. Il captura ensuite un lion et plongea l'épée dans son cœur, mais une fois de plus, la lame ne résista pas et fondit aussitôt. La troisième fois, avec une volonté de fer, il savait à l'avance ce qu'il devait faire pour terminer la lame. Il y travailla pendant une centaine de jours et de nuits, jusqu'à ce qu'il ait terminé. Cette fois-ci, il appela sa femme, Nissa Nissa, et lui demanda de mettre sa poitrine à nu. Il plongea son épée dans son cœur, son âme se combina avec l'acier de l'épée, créant ainsi Illumination, l'épée rouge des héros.


Jaekar embrassa le théâtre du regard et sourit avec peine: Ironique. conclut il en se tournant vers Daera. Pour sauver ce qu'il aimait, il devait sacrifier celle qu'il chérissait par-dessus tout. Il s'avança d'un dernier pas vers Daera et passa un bras autour de la taille fine de la Sénatrice. De son autre main, il releva le menton de la femme pour la regarder droit dans les yeux : Tu serais prête à sacrifier cette liberté, liberté chérie, et à boire la lie amère du mariage avec un bâtard ? Je me sens presque honoré Daera. Je vois ce que tu gagnerais à une telle union, et je ne dédaigne pas quelques victoires pour moi dans cette affaire également. Mais dis moi, qu'est ce qu'on y gagnerait vraiment ensemble ? Quel est ton plan ?



Daera Melgaris
Daera Melgaris
La Lumière du Peuple

Un serment chuchoté

Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

La réaction de Jaekar était absolument hilarante si bien que Daera ne put retenir le rire qui voulait sortir de sa bouche. Elle but une gorgée de la délicieuse boisson qu'on lui avait servi tout en se tournant elle aussi vers la pièce de théâtre qui se jouait plus bas. Nulle doute que cette réaction serait à la hauteur de toutes les réactions des sénateurs qui apprendront la nouvelle bien qu'ils en rigoleront peut-être avec moins de tendresse que Daera. Elle pouvait déjà entendre les critiques à ses oreilles, comme leurs rires deviendraient graveleux à mesure que la rumeur prendrait de l'ampleur. Les deux bâtards réunis, les deux aberrations que Valyria avait créé pour mettre à mal ce monde peuplé de puissants qui n'avaient comme ambition que d'élever la famille plutôt que la patrie. Si Daera partageait en partie leurs idéaux, elle n'oubliait pas d'où elle venait. Quand elle allait dans les rues, elle ne détournait pas les yeux de la misère environnante, ne s'empêchait pas de toucher la main du pauvre qui la tend avec espoir, et embrasse ceux dont la joue est salie par le labeur. Daera était un monstre hybride, un monstre des deux mondes qui tentaient désespérément de se créer une place unique dans un monde qui voudrait la mettre seulement dans une case. Elle ne serait jamais de ces seigneurs dragons qui parcourent les champs de bataille à dos de leurs créatures, mais elle deviendrait un dragon.

Elle écouta attentivement le conte qu'elle connaissait déjà de son interlocuteur. Daera détestait les histoires depuis l'enfance, elle les trouvaient trop moralisatrices et le protagoniste était toujours un homme ou une femme bien-née ce qui ne la faisait pas s'identifier à eux enfant. Elle se jouait de ces histoires qui ne donnaient au petit peuple que le rôle de méchant ou simplement de figuration. Elle se souvenait particulièrement d'une soirée où sa mère l'avait bordée, elle lui avait conté de ces histoires et Daera l'avait regardé avec comme du feu dans les yeux avant de lui répondre qu'elle écrirait la sienne et qu'elle aussi, elle serait chantée aux enfants comme elle. Sa mère avait rigolé comme les mères rigolent souvent quand on pense l'enfant avoir trop d'ambitions et trop de rêves irréalisables. Daera avait pris ses rires comme un défi et une condamnation à la fois, parce que sa mère rigolait, car c'était inatteignable d'avoir de telles ambitions en venant d'un bordel. Daera détestait qu'on lui dise que quelque chose était impossible, mais malgré tout, la petite fille qu'elle était avait pleuré cette nuit-là ; pleurer un futur qui s'envolait en fumée, un avenir incertain et sa condition qui en faisait une moins que rien. Daera connaissait les sacrifices ; elle avait sacrifié déjà tant de choses pour entrer dans la politique et continuait d'en faire constamment, mais en regardant Jaekar, elle se demanda ce que lui devait sacrifier pour accepter une telle proposition. Au fond, peut-être que cette petite histoire n'était pas dirigée à elle, mais comme un rappel à lui.

« Je connais les sacrifices Jaekar, pour te faire cette proposition j'ai dû briser une de mes promesses mais je dois le faire.» Elle plongea son regard dans le sien et continua « Je suis une bâtarde vois-tu et je n'ai donc rien contre la bâtardise, je suis la fille d'une putain avant d'être la fille d'un sénateur pour beaucoup. Nous sommes semblables toi et moi ; nous sommes tous deux des êtres anormaux pour la bonne société Valyriennes et devons jouer à un jeu dont les règles ont été écrites pour d'autres. Il y a quelques années on m'a demandé ce que voulais dans la vie et j'ai répondu ; le monde. Je veux régner et compter, Jaekar et je ne peux pas le faire seule. Je veux que mon nom soit inscrit dans le marbre du Sénat et que nous conquissions le monde qui a toujours fermé ses portes pour les gens comme nous.»

Elle n'avait pas de nom prestigieux à lui proposer, pas d'ancêtres illustres, pas de terres lointaines avec un palais fait d'argent, mais elle pouvait lui proposer de l'ambition ; l'ambition d'être un jour un couple sur le toit du monde qui serait à leurs pieds. Elle pouvait lui proposer la même ascension fulgurante que la sienne : il y a quelques années, on lui riait au nez quand elle disait vouloir être sénatrice, quelques années plus tard, on murmurait son nom avec un certain respect entre les murs du Sénat. Daera se nourrissait de l'ambition, c'était là le moteur de son existence, car sans cette vertu ou ce vice, elle se serait contenté d'être une pâle copie de sa mère. C'était son ambition qui l'avait gardée éveillée pendant des heures en écoutant des leçons sur le droit et la justice Valyrienne, c'était son ambition qui lui avait permis de prendre les mesures nécessaires pour faire une marche jusqu'au Sénat. Certains diront sûrement que c'était cette qualité qui sera la perte et elle leur répondrait qu'il faut bien voir la grandeur où l'on reste au nid toute sa vie.

« Ce que je te propose est une alliance ; avec mon soutien tu pourrais t'envoler vers les sphères politiques et ensemble, nous pourrions remodeler la société valyrienne selon nos idéaux. Ensemble, nous pourrions devenir un duo imparable à la puissance inégalée, je te demande de devenir mon partenaire dans l'Histoire qu'il reste encore à écrire à Valyria. Le mariage est un maigre sacrifice pour ce que nous pourrions accomplir ensemble.»


Jaekar Veltheon
Jaekar Veltheon
Hors-la-loi

Un serment chuchoté

Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

Fille de putain ou fils de Sénateur, il y'en aura toujours un pour se faire baiser plus que l'autre. Tu serais surprise duquel des deux.

Le drame de la vie de Jaekar était qu'il se retrouvait bien trop souvent sous les élans enflammés de ses partenaires. Or plus elles étaient nées dans la soie et plus elles prenait les devants. Valyria était une cité bien dure pour un soupirant aussi facilement enamouré que le bâtard andal. Il ne voyait aucun inconvénient à laisser les belles d'une nuit penser qu'elles contrôlaient quelque chose dans leur vie l'espace d'un instant. Sauf lorsqu'elles désiraient se venger et lui donner des claques. C'était une limite que l'hédoniste invétéré qu'il était s'imposer. Frapper le visage n'était aucunement comparable à flatter la coupe de sa partenaire. C'était vulgaire, violent et passablement humiliant autant pour lui que pour la donneuse de coup. S'abaisser à un tel acte témoignait d'une grande détresse dont il n'avait cure.

Les souvenirs de Jaekar l'éloignaient du sujet principal, mais s'il devait conclure, il en serait ainsi. Rares étaient les femmes qui contrôlaient réellement quelque chose dans la maison de poupées définissant leur monde. Il les comptait sur les doigts d'une main: la première la cruellement attendrissante Rhaenys. La seconde étalait ses arguments devant comme une poissonnière ou une putain. Les gênes s'exprimaient ainsi ! Alors que la première était une amante d'une nuit, et qui sait d'une vie, l'autre désirait carrément la partager. Le jeune homme en avait la tête qui tournait. Les dieux, et Tessarion en particulier, décidaient de le gâter ! Cela en devenait presque louche. Observant à travers ses paupières à demi fermées Daera, Jaekar se demanda quel poison elle pouvait bien cacher. La Sénatrice se révélerait certainement un pudding à l'arsenic ou endettée jusqu'au cou. Peut être en conflit ouvert avec les militaristes et larvé avec les dynastes suffisait à le faire réfléchir.

J'apprécie tes paroles, Daera. Elle manque toutefois d'une certaine poésie. Le prosaïsme fait des merveilles dans les bordels ou l'armée, mais il faut faire rêver pour amadouer le politique. Plus le mensonge entre tes lèvres est gros et plus belle en sera ton histoire. Jaekar resserra son emprise sur la Sénatrice et la colla contre lui: Les règles, je les ai apprises, je les maîtrise et, lorsqu'il me plaît, je les brise. Appelle ça de la virtuosité, je pense simplement être un artiste du monde.

Malgré tout, Jaekar n'en venait pas à rejeter la proposition aussi incongrue et surprenante soit elle. La Lumière du Peuple, quolibet non pas moins impressionnant, restait un potentiel de pouvoir ineffable. Être vue à ses bras risquait bel et bien de révolutionner la politique. Son père pouvait même en faire une crise d'apoplexie. Le bâtard ricana à l'idée qu'ainsi était la sélection naturelle. Si Valerion n'était pas capable de prendre avantage des frasques de son fils, cela sonnait le glas de son règne. La place pour le fils aimé de prendre la place du père en somme. Posant sa main contre le ventre de Daera, il devait bien s'avouer se demander quels autres atouts elle camouflait sous cette robe des plus alléchantes. La faisant tournoyer dans ses bras, il se glissa dans son dos et vint coller sa bouche à son oreille. Rhaenys pardonne moi, pensa le preux prétendant et pré-tendu.

Très bien. J'accepte ta demande, ma chère fiancée. J'imagine qu'il sera besoin de nous donner en spectacle. Qui sait nous y prendrons goût ? J'ai bien des atouts qui te feront oublier ta promesse rompue. Mais avant tout, discutons du plus important dans une union. Le contrat... et la dot.[/b]


Daera Melgaris
Daera Melgaris
La Lumière du Peuple

Un serment chuchoté

Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

« Mon cher futur époux, je laisserais donc tes lèvres chanter le doux refrain du mensonge à qui veut l'entendre et je commanderais les armées.» Finit-elle par lui dire avec un sourire amusé tout en se retournant pour lui faire face.

Avec ce rappel, Jaekar venait de lui rappeler la grande différence entre eux deux ; malgré ses airs de rebelle et son sourire charmeur, il était né dans la soie, né avec de plus grandes opportunités que les siennes. Comment avait-il appris la poésie ? Sûrement pas comme elle ; tapie dans l'ombre d'une rue en essayant d'écouter les cours à travers un mur. Elle donnait peu de cas au lyrisme de ses paroles, le peuple n'aimait les poésies que dans l'enceinte du Sénat, en dehors, il préférait la vérité aux mensonges des politiciens qui comme Jaekar, teintaient leurs mensonges d'une dose de poésie pour mieux faire accepter au peuple les réformes qu'ils promulguaient en leur nom. Daera n'était pas une femme de poésie concernant la politique, ce n'était pas celle-ci qui avait réussi à faire gronder les rues de Valyria. Non, Daera savait haranguer une foule, savait manipuler pour mieux gagner. De plus, elle ne voyait pas l'utilité d'utiliser de la poésie sur Jaekar, car leur union ne serait qu'un énième marchandage conclu pour avoir des avantages. Il n'était pas question de poèmes échangés, de caresses à la lumière de la lune, ils n'étaient que des partenaires dans cette histoire, des partenaires qui auraient des descendants pour continuer leur travail à leurs morts.

Elle manqua de pousser un cri de joie quand celui-ci accepta enfin sa demande en mariage peu conventionnelle. Si elle était honnête avec elle-même, elle dirait qu'elle avait joué un coup plus qu'ambitieux et qui aurait pu mener à son humiliation, mais cette tentative avait été auréolé d'une victoire et n'est-ce pas l'histoire de toutes les conquêtes que de les mener conquêtes qu'une fois celle-ci victorieuse ? Elle essaya de ne pas penser à la promesse rompue et ce que ces simples mots impliquaient. Elle ne l'avouerait jamais, mais son cœur l'avait trompé, tombant pour le légat qu'elle avait poussé à la ruine cependant et qui ne la regarderait sûrement plus de la même manière. Elle n'avouerait jamais qu'en ce moment même alors qu'elle obtenait ce qu'elle avait convoité, elle ressentait un léger pincement au cœur par rapport à ces promesses qui n'avaient jamais pu être tenues et ceux qui seraient sûrement blessé par l'annonce de ses fiançailles passées avec le fils d'une Lumière. Elle se tourna une nouvelle fois vers lui, se collant contre lui et posa une main sur son torse, dans une posture si intime qu'elle savait que le lendemain de nombreuses rumeurs courraient sur leur possible liaison. Ils pouvaient être deux à jouer au jeu de la séduction.

« Je suis ravie, mon futur époux. Ainsi tu me donnes une leçon sur la poésie et décide de discuter des détails de nos mariages et de la dot de manière si prosaique...» Elle le regarda à travers ses cils, toujours avec ce sourire amusé.

Elle posa une main sur sa joue, comme le ferait des amoureux au théâtre sans les centaines de regards qui se braquaient sur eux.

« Sois rassuré, mon amour.» lui dit-elle ironiquement « Je n'ai aucune dette empoisonnée à te faire payer et je suis très riche donc la dot ne sera pas un problème. Quand au contrat je suis prête à accepter toutes tes demandes du moment qu'elles sont raisonnables.»


Jaekar Veltheon
Jaekar Veltheon
Hors-la-loi

Un serment chuchoté

Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

Ses lèvres, Jaekar voulaient plutôt les plaquer contre la bouche de Daera pour la faire taire. L'idée de l'imaginer mener une armée avait quelque chose de presque excitant, autant que grotesque. L'héritier des Qoherys n'étaient pas contre le concept mais à ses yeux la seule femme assez féroce pour diriger une troupe de soudards assoiffés de sang n'était autre que Rhaenys. Elle aurait pu transformer un feu ardent en glaçon d'un seul regard. C'était la même magie qui l'envoûtait jusqu'à dans ses rêves. Le souvenir des mains de la matriarche sur son corps pinça durement le coeur de Jaekar qui faillit détourner le regard. Fidèle à sa nature brouillonne, il résista et s'attarda plutôt sur la chaleur émanant du corps de Daera. Tout comme l'or glacial qu'il toucherait du bout des doigts. Une fortune non nécessaire mais toujours bienvenue.

Daera, si tu souhaites diriger une armée, il faut toujours passer par la politique. Même un serpent comme Tyvaros doit bien courber l'échine et faire le beau de temps en temps.

Profitant du rapprochement fort bien calculé de la Sénatrice, Jaekar glissa sa main dans son dos, effleurant du bout des doigts le renflement de son arrière train. Encore une fois, il lui manquait la volupté de Rhaenys, mais un second prix restait toujours mieux qu'un troisième. Et Daera n'avait, en dehors du charme, de la beauté et de l'intimité naturelle qui les liait, rien à envier à sa matriarche. Baissant son regard impie aux yeux des prêtres, le bâtard observa quelques secondes les traits de la Sénatrice. Elle ne valait d'une certaine façon guère mieux que lui. Certes leur route était différente mais leur destination la même.

Tu crois vraiment que je n'ai pas l'habitude des affaires ? Peut être que mon père a accédé à la noblesse par son mariage mais nous ne sommes que des gens du commun à l'origine. Juste plus malins et plus riches que la moyenne. Jaekar resserra son emprise sur Daera en le rapprochant de lui et plantant ses doigts dans le creux de ses reins :
Rien ne nous excite plus que les contrats ardemment négociés et sans quelques entourloupes.

Quant à ses désirs, Jaekar n'en avait que peu.

Quand il s'agit de mariage, une alliance se forme. Il est question de savoir où vont nos intérêts, quels sont nos plans et comment les mettre à exécution. Il n'y pas que Daera et Jaekar, seulement le couple en vue de Valyria. Jaekar entraîna Daera dans une douce valse langoureuse qui n'échapperait à personne plus bas. Puis il lui murmura à l'oreille : J'écoute.

Daera Melgaris
Daera Melgaris
La Lumière du Peuple

Un serment chuchoté

Daera Melgaris & Jaekar

10ème Mois de l'Année 1067, à Valyria, entre les colonnes de l'amphithéâtre

L'armée... Le mot avait un goût de cendre dans sa bouche surtout quand elle pensait à Vagar. Elle ne savait pas ce qui lui manquait le plus ; Vagar ou ce qu'ils auraient pu être si les circonstances avaient été différentes. Parfois, elle se surprenait à sentir un vide dans son cœur, cela lui arrivait souvent le soir quand elle se retrouvait dans les jardins de sa villa à observer les étoiles. Dans une autre vie, est-ce que sa destinée aurait autant changé ? Si elle avait été quelqu'un d'autre, nulle doute qu'elle ne serait pas un chien aussi enragé. Daera n'oubliait pas, contrairement aux seigneurs dragons elle n'avait pas de monstre dont elle pouvait faire déchaîner les feux des Enfers, contrairement aux mages elle ne possédait pas un gramme de magie dans les veines, ses mots étaient sa seule véritable arme. L'éloquence sa seule véritable alliée dans ce monde. C'était avec ses mots qu'elle avait fait plier l'armée, c'était avec ses mots que les gens avaient été assez galvanisés pour réaliser une marche qui resterait dans les annales, c'était avec ses mots qu'elle avait fait plier une faction. Son armée à elle, n'était pas composée d'hommes entraînés présents seulement à cause d'un décret, son armée était dans la rue prête à rugir pour elle. Elle l'observa un instant et un sourire canin vint se dessiner sur ses lèvres.

« Je le sais, Jaekar.» Lui répondit-elle en l'observant à travers ses cils.

Jaekar l'observait intensément et pendant un instant, elle se demanda ce qu'il devait voir en face d'elle ; avait-elle l'air désespérée ? Elle avait assez de talent d'actrice pour dire qu'elle jouait très bien la confiance. Daera n'avait qu'une partie de la beauté de sa mère. Aujourd'hui, les souvenirs étaient flous et lointains, mais parfois, elle pouvait se souvenir de ses yeux d'un bleu extraordinaire, de sa peau matte qui brillait à la lueur de la bougie. Sa mère avait été d'une beauté époustouflante, son père avait été beaucoup moins gâté par la nature, mais ce qu'il n'avait pas dans le physique, il l'avait dans le cœur. De son père, elle avait eu la forme de ses yeux et son sourire. Penser à lui était douloureux, elle avait l'impression qu'on lui arrachait le cœur à chaque fois qu'elle pensait à lui. À mesure que les années passent, elle l'oublie lui aussi de plus en plus alors elle s'attache aux souvenirs qu'il lui reste. Daera était l'héritage de deux mondes qui ne se mélangeait guère, elle espérait qu'il voit cela comme elle le voyait ; un avantage. Son nom n'avait aucune histoire, aucun poids particulier sur ses épaules, mais elle pouvait en faire quelque chose qui marquerait l'histoire. Elle pouvait encore bâtir sur ce nom vierge un temple si haut qu'il toucherait les dieux eux-mêmes. Son ambition était grande, peut-être trop, mais une vie sans ambition était une vie vide de sens. À l'époque de ses débuts en politique, elle n'avait eu que deux choses : l'ambition et un nom qui lui allait aussi bien qu'une toge bien trop grande.

« Je veux renverser l'ordre établi et faire de nous les véritables maîtres du Sénat pour ça, je te demanderais de me murmurer tous les secrets que tes... Petits oiseaux voudront bien te donner et en échange, je passerais des lois qui te seront favorables.»

Elle savait une chose dans ce monde : tout se paye en secret et elle sait que Jaekar peut lui en fournir d'une manière ou d'une autre. Elle ne savait pas quelle était l'étendue de son réseau, mais quelle que soit sa taille, elle pouvait s'en servir pour mieux se protéger elle et ses intérêts. Surtout, elle allait attirer la colère de gens puissants, et il était toujours bon d'avoir quelques secrets à marchander en échange d'une relative sécurité ou d'un vote au Sénat par exemple. Elle espérait que Jaekar était aussi ambitieux qu'elle, qu'il voit en elle une opportunité comme elle le voyait en lui. Elle lui jeta un nouveau regard brûlant avant de s'évader de ses mains pour prendre quelques pas en arrière. Elle l'observa attentivement en retour avant de regarder autour d'elle, notant les quelques yeux qui se détournèrent rapidement pour ne pas se faire attraper en train de regarder le spectacle qu'ils offraient. Elle écarta ses bras pour montrer l'enceinte du bâtiment et finit par lui dire :

« Tu veux parler contrat alors je t'invite dans ma demeure où les oreilles comme les yeux indiscrets ne pourront rapporter ces termes, après tout, je veux l'exclusivité.»

Elle haussa un sourcil à son attention comme pour le défier, et déposa un léger baiser sur sa joue. Un geste qui paraîtrait romantique, attendrissant aux yeux du public mais qui était vide de sens de son côté. Elle passa à côté de lui, partant vers la sortie et finit par se retourner.

« À tout de suite, mon coeur.»


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