Joyeuse équipée qui fendait les rues à l'heure la plus sombre de la nuit. Voilà bien longtemps que les enfants dormaient du sommeil du juste et rares étaient les soupirs enivrés des plus libertins des Valyriens. L'aube approchait à grands pas, messager d'un lendemain joyeux. L'insouciance de la ville battait chaque jour son plein depuis la marche de la faction Bleue sur le Sénat. Liberté retrouvée, tyrans humiliés, tel était la litanie clamée par les soudards des Taudis. Peu se souciait de la guerre souterraine que les différentes parties se menaient au firmament de la société. Les débats s'étaient opposés, les tributs payés et les "aides" encaissés. Quelques combats de rue, parfois des situations éro-romantiques au cœur des thermes des adversaires les plus acharnés. Une guerre qui n'en disait plus son nom.
Six mois avaient passé depuis le point culminant de la crise. L'heure de faire payer aux traîtres venait avec le temps. Le sursis était fini, les juges avaient rendu la sentence: la mort. La damnation de la mémoire des soutiens manqués ou des acteurs de l'humiliation suprême. Jaekar l'avait désiré en découvrant son père brisé. Le héros et l'exemple de sa vie ne flanchait jamais, il connaissait toujours trois coups d'avance dans chacun de ses plans. Pourtant, rien ne préparait à la trahison et à l'échec. Le jeune homme s'était calmé. Seul subsistait un nom: Echya Odenys. L'arrogance et la confiance de l'orfèvre avaient jeté les Lyseon dans les bras des dynastes. Jaekar haïssait autant qu'il acclamait la manoeuvre. Quelqu'un devait payer son insouciance.
Reîtres des ombres dans leurs habits noirs, cinq hommes l'accompagnaient. C'étaient des membres du gang des bouchers du Taudis, qui signaient leurs plus odieux crimes en pendant leur victime par les pieds vulgairement vidés comme une volaille. Ils coûtaient cher, mais restaient calmes et surtout discrets. Plusieurs longues semaines durant, Jaekar s'était préparé pour passer à l'acte. Son crime ne manquerait pas d'éveiller les soupçons s'il venait à se faire savoir. Il avait fallu s'assurer du silence de certains serviteurs et esclaves, malmenés ou arrosés d'argent pour leurs informations. La demeure devait être presque vide et surtout s'assurer que la cible serait seule. Comme nombre de Valyrien, elle maintenant l'illusion creuse d'une union plus ou moins heureuse.
On y est. gronda un des Bouchers. Jaekar, plongé dans ses pensées, leva les yeux et sourit en apercevant enfin sa destination. Grattant distraitement sa barbe noire, il plissa les yeux pour mieux apercevoir son parcours dans le noir. Il se tourna vers le chef de ses sbires: Vous savez qu'il vous reste à faire les gars.
T'es sûr de toi ? On pourrait se charger de tout. Tu nous paies assez cher pour ça.
Certain. Allez.
Les hommes se dispersèrent dans le noir, laissant l'héritier de Valerion seul. Après un petit soupir, il retroussa les manches de son pourpoint. Il avait été prévenu de faire attention aux quelques fenêtres sous lesquelles dormaient les serviteurs. Ils aimaient rester au plus près de la lumière pour qu'au point du jour, ils soient prêts à courber l'échine devant leur maître. Faisant craquer ses doigts, Jaekar s'attela à l'escalade dangereuse pour mieux atteindre l'antre de la bête. Délicatement, il mania ses outils sur la fenêtre avec une simplicité enfantine et pénétra dans la chambre. La silhouette endormie du sursis formait une bosse à peine distincte dans le noir. Avec un sourire carnassier révélant ses dents, Jaekar entonna une chanson à voix basse tout en enfilant une épaisse paire de gants de cuir :
Le Prince aux Joyaux donna son trésor
Sacrifia son ami, son âme, son cœur
Et s’agenouilla à la belle aux cheveux d’or
De sa voix de sirène, elle répondit sans heurs
« Oh, mon brave prince, est passée ton heure…
S'avançant d'un pas de chat vers le profil remuant, il continua :Sacrifia son ami, son âme, son cœur
Et s’agenouilla à la belle aux cheveux d’or
De sa voix de sirène, elle répondit sans heurs
« Oh, mon brave prince, est passée ton heure…
Seigneur mon Père me mande à ses côtés
Je ne saurai vivre sans vous, beau prince
Mais mon peuple se meurt, son cœur s’est arrêté
Mon amour ne saurait s’acheter d’une province
Prenez mon amour, ce baiser en récompense…
Le sicaire improvisé abattit sa main gantée sur le visage de la ligne galbée dans le lit et se pressa contre elle. Il sortit presque aussitôt les dents essayer de déchirer le cuir et gloussa. Sa barbe vint gratter la joue de la victime tandis que sa bouche s'approchait de l'oreille martyrisée pour conclure d'une voix plus sombre:Je ne saurai vivre sans vous, beau prince
Mais mon peuple se meurt, son cœur s’est arrêté
Mon amour ne saurait s’acheter d’une province
Prenez mon amour, ce baiser en récompense…
Les mille joyaux du Prince ne furent rien
Aucun ne sut sauver ce prince de bien
L’amour d’une preux et d’un patricien
Ne saurait être. Il n’en est rien..
Pris d'un fou rire, Jaekar se redressa dans le noir et libéra la bouche de la pauvre diablesse, bien que la gardant prisonnière sous son bassin. Rejetant sa longue crinière noire derrière lui, il appuya ses mains sur les hanches de la belle et lui sourit:Aucun ne sut sauver ce prince de bien
L’amour d’une preux et d’un patricien
Ne saurait être. Il n’en est rien..
Bonsoir Rhaenys. Comment vas-tu ?