Demeure des Arlaeron en Valyria & An 1067, Mois 11
Naerys ne savait pas quoi ressentir. Tout était contradictoire et jamais de sa vie, elle n'avait eu à ce point envie de disparaître. Face à Maekar et à son regard qui exprimait une pointe de pitié, elle avait envie de s'arracher les cheveux et de tout simplement ne pas exister, car il n'y avait rien qu'elle n'exécrait plus que la pitié. L'humiliation était pourtant le sentiment qui lui donnait un sentiment de cendres dans la bouche. Un sentiment qui lui était douloureusement familier quand cela concernait Laedor. Combien de fois lui briserait-il le coeur ? Combien de fois lui ferait-il la sentir ainsi ? Seuls les Dieux le savaient et ils appréciaient la mettre à l'épreuve plus que quiconque. Cependant, ce n'était plus seulement ses sentiments et son affection que le patriarche remettait en jeu, c'était toute sa famille en particulier ses enfants dont il ne se sentait pas assez responsable pour ne pas se lancer dans une aventure périlleuse. Elle passa une main sur son front, ne pouvant cacher le tumulte qui régnait dans son être. Elle s'étonnait d'être entière, car tout son être avait tremblé si fort face à la lettre qu'elle avait lue qu'elle avait cru qu'elle allait se briser comme le verre. Laedor avait juré devant les dieux qu'il protégerait sa famille et qu'il la protégerait elle de tous les dangers et voilà qu'il l'abandonnait comme il l'avait fait avant leur mariage en n'ayant aucune considération pour celle qu'il laissait diriger le bateau au bord du naufrage. Comme leur père devait avoir honte de ses descendants, comme il devait le maudire de là où il était. L'empire qu'il avait construit chavirait sous les caprices du petit garçon qu'il avait élevé.
Si elle avait été un homme, elle n'aurait pas à souffrir des actions de son mari, si elle avait été un homme elle aurait été plus responsable et plus brave que Laedor ne l'a jamais été. S'il s'était trouvé devant elle ce matin, elle l'aurait étranglé de ses propres mains, mais il avait fuit comme un lâche, préférant garder ses petits secrets jalousement en ne pensant qu'à lui encore et encore comme il l'avait toujours fait. Depuis l'enfance, Naerys avait vu la faiblesse de son caractère et avait cru qu'elle le compléterait assez pour qu'il surpasse ses défauts, mais aujourd'hui, il lui faisait honte et pour la première fois de sa vie, elle rêva d'être mariée à un autre homme que lui. Elle rêva d'être avec un mari qui considérait assez sa famille pour ne pas aller au-devant du danger pour une raison inexplicable, qui ne mettait pas la réputation et le pouvoir de leur famille en péril pour un caprice. Naerys avait toujours tout fait pour être parfaite auprès de lui et représenter l'idéal que sa famille prônait ; elle n'avait pris aucun amant pour être sûre de porter ses enfants, elle avait mis au monde des jumeaux dans une grossesse qui lui avait été des plus difficiles en n'émettant aucune plainte, elle l'avait soutenu dans ses démarches politiques silencieusement comme toute femme du Sud et c'est ainsi qu'il la remerciait ? La colère lui noua la gorge douloureusement. Cette époque était révolue, une fois de retour, car si les dieux avaient un peu de pitié pour elle, il serait de retour, les règles changeraient au sein de leur famille. Si Laedor ne voulait pas être le chef qu'il était destiné à être alors elle prendrait sa place avec plus de grâce qu'il n'en avait jamais eu. Surtout, elle serait la digne héritière de son père qui l'accueillerait dans le royaume de Balérion avec un sourire rempli de fierté plutôt qu'un regard rempli de déception. Elle léguerait à ses enfants un empire plus colossal encore que celui dont elle avait hérité.
« Je ne prendrais aucun fardeau, sénateur Tergaryon car je ne porte aucune responsabilité dans les fautes de mon mari. » Elle leva le menton, fière Arlaeron jusqu'au bout des ongles
« Bien entendu, je vais mandater Vysehra afin que l'on puisse gérer les dommages collatéraux des actions inconsidérées de Laedor sur notre famille. »Elle fit un geste à un domestique qui était présent depuis le début dans la salle pour qu'il effectue cette tâche et il s'empressa d'y aller pour exécuter les ordres de sa maîtresse. La maisonnée bourdonnait d'activités pour préparer le départ de cette maison qui ne lui apportait que tristesse et colère à la fois. Elle était représentative de l'échec de Laedor et elle voulait que lorsqu'il revienne cela se présente à lui comme cela se présentait à elle en cet instant. Ses pensées furent interrompues par les cris de sa fille. Instinctivement, elle se dirigea vers elle laissant Maekar la saisir délicatement entre ses bras. Les yeux de sa fille étaient remplis d'étoile en observant le soldat qui la tenait dans ses bras, ses mains potelées essayaient vainement de toucher le visage du sénateur qui avait soudain un air moins féroce avec un enfant dans ses bras. Naerys esquissa un sourire, ses nerfs se calmant enfin à la vue de sa fille. Elle essayait chaque jour d'être une bonne mère pour ses enfants, c'était nouveau pour elle qui avait très peu connu la sienne. Elle se demandait souvent ce qu'avait dû ressentir sa mère en la voyant, avait-elle été fière comme elle l'était constamment de ses enfants pour le moindre accomplissement ? Ou avait-elle été exigeante envers sa progéniture ? Les questions demeuraient sans réponse, car la Mort lui avait empêché de les découvrir, mais elle aimait imaginer que sa mère ressentait la même chose qu'elle en observant ses enfants. Elle se surprenait parfois à chercher les traits d'un de ses parents dans ceux de sa progéniture.
« Elle est magnifique n'est-ce pas ? Quand elle est née, les médecins pensaient qu'elle allait mourir. Je l'ai veillé chaque nuit en essayant de trouver du réconfort dans le mouvement de sa petite poitrine. Elle était si petite comparée à son frère. » Le souvenir lui apporta un sourire nostalgique sur ses lèvres, ses doigts effleurèrent le front de sa petite fille
« Laedor reviendra, Maekar, je ne crains pas pour sa vie. Tu retrouvera ton ami et moi, j'aurais perdu mon mari.» Sa voix ne tremblait pas face à ce constat, car même si Laedor franchissait la porte en cet instant, elle savait qu'elle l'avait perdu pour toujours ou du moins cet amour naïf qu'elle lui portait était désormais révolu. La blessure était trop intense, trop dure à supporter pour que cela ne change pas à tout jamais leur relation.