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Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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Au Bord de l'Histoire
Meereen - An 1065, Mois 5
Tout avait pris fin au petit matin, avec le grincement sonore des cylindres de métal qui soutenaient les lourdes portes de la cite de Meereen. Les sentinelles du campement principal des Valyriens en avaient signalé l’ouverture et le branle-bas de combat avait été sonné en catastrophe. Le commandement des troupes de Valyria avait cru à une ultime sortie, un baroud d’honneur des restes des légions enfermées dans la cité depuis plusieurs mois. En lieu et place d’une charge vaillante mais suicidaire, les enfants d’Arrax avaient eu la surprise de voir s’approcher un petit groupe de notables ghiscari, drapés dans leurs toges bariolées et aux traits décharnés tant la faim avait fait son office durant les dernières semaines. Les dragons avaient été les premiers à sentir un mouvement, certains avaient eu un grondement sourd de contentement avant même que les portes ne se furent ouvertes. Les envoyés de Ghis avaient été reçu sous la tente de commandement et avaient disparu durant des heures avec tous les notables de l’armée valyrienne.

Et puis, la nouvelle avait traversé le camp avec plus de rapidité que le vent d’ouest : la ville capitulait. Les portes s’ouvriraient bientôt tout le long des remparts martyrisés par les engins de siège et par les différents assauts qui avaient pu avoir lieu au cours des derniers mois. Meereen la Belle, Meereen la Forte, Meereen la Prospère, n’était plus. Les pyramides coiffées de harpies qui avaient si longtemps narguées les armées de Valyria étaient leurs. La victoire était complète. Le sort réservé à la cité ne serait pas aussi dur que celui infligé à Bhorash. A la place de la raser, il fut décider de piller la grande ville marchande durant deux semaines, pour honorer les dieux et pour marquer au fer rouge le Vieil Empire.

La guerre, malgré tout, continuait encore. Dans l’esprit de nombreux Valyriens, elle était pourtant déjà gagnée et la chute de Meereen avait dû ébranler la Harpie jusqu’aux plus hauts niveaux de sa structure sociale. Pourtant, il n’y avait eu nul échange, pas de requête diplomatique, pas de demander de cesser les hostilités, même temporairement. Malgré le pillage en règle qui se faisait méthodiquement, quartier par quartier, rue par rue et maison par maison, les Valyriens restaient sur leurs gardes. Des renforts pouvaient déjà être en route depuis les provinces septentrionales de l’Empire ou même depuis Yunkaï ou Astapor. La flotte valyrienne s’était redéployée pour protéger le port de la ville martyrisée et les dragons étaient nombreux dans le ciel, surveillant les abords de la plus belle prise de guerre de l’Histoire récente de Valyria.

Aerys Maerion était de ceux-là. Depuis la chute de la cité, il passait le plus clair de son temps avec Mythrax. Ils volaient toujours plus loin et suffisamment haut pour ressentir le manque d’air dû à l’altitude ; là où ils avaient la meilleure vue possible. A cette hauteur, rien ne les menaçait et seul le calme le plus absolu régnait. Aucune montagne, aucune cité ne pouvait dissimuler ce qu’elle cachait et chaque jour, ils allaient plus loin. En quelques heures, on pouvait atteindre Yunkaï, en une demi-journée, on pouvait apercevoir Astapor. Ghis la Grande était plus loin au Sud encore, à un jour entier de vol mais ce n’était pas ce qu’Aerys souhaitait observer. Avec ce petit dragon nerveux qui était le sien, ils surveillaient les routes, le littoral, les cité et les champs à l’affût de renforts ghiscaris qui pourraient menacer la prise de Meereen.

Retournant au terme d’une longue journée de patrouille entre les cités de la Baie des Serfs et le pays Lazharéen, Aerys se fit déposer par son dragon sur l’une des nombreuses terrasses de la grande pyramide de Meereen où le commandement valyrien dans son ensemble s’était installé pour superviser le pillage et attendre de décider de la marche à suivre. Tant que le Sénat n’aurait pas ordonné la paix, les officiers généraux continueraient d’élaborer des plans qui devaient, à terme, les mener jusqu’à la Grande Pyramide impériale de Ghis. Dans la tanière de la Harpie, ils pourfendraient le monstre et son empire gargouillant s’effondrerait avec. Pour l’instant, toutefois, c’était un rêve bien utopique. Les cités fortifiées se succédaient sur la route vers la capitale du Vieil Empire et la logistique de l’armée valyrienne était déjà étirée plus que de raison. En réalité, et les Ghiscaris devaient l’ignorer sinon personne ne serait capable de prédire l’issue du conflit, le peuple-dragon était incapable d’aller plus loin.

La pyramide où les officiers valyriens s’était installé était un édifice au faste insensé qui écrasait de sa masse fantastique toute la cité et y jetait une ombre austère. A l’intérieur, tout n’était que marbre, métaux précieux et tissus soyeux. Les merveilles de l’Orient semblaient s’entasser à chaque pièce que le jeune éclaireur traversait. Et dire que les Valyriens s’estimaient riches… ! Que dire des merveilles d’orfèvrerie, des épices odorantes et des tissus toujours plus fins que les nobles du Pays de Ghis semblaient posséder en nombre ?  Aerys n’était pas d’une famille pauvre, mais même lui était stupéfait par les trésors qu’ils allaient rapporter à Valyria. Montant quatre à quatre les dernières marches, il parvint devant une porte ouverte gardée de deux conscrits portant les insignes de la troisième armée. Il leur fit un signe et pénétra dans la salle. Il s’agissait d’une espèce de salon dans lequel on avait installé le quartier opérationnel du Téméraire : Maekar Tergaryon, général de la République valyrienne.

L’homme était à peu près tout ce qu’un soldat pouvait espérer croiser dans sa vie. Il était brillant, courageux et avait un sens tactique assez précis. Il était, disait-on, infiniment riche car sa famille contrôlait Oros depuis plusieurs années et gagnait des fortunes dans les taxes récoltées sur les marchands transitant vers leur cité pour rejoindre Valyria. Il portait en lui une espèce de mélancolie sombre qu’Aerys n’avait jamais réussi à vraiment identifier mais qui semblait dépasser la perte de son frère, à Bhorash. Toujours était-il que le général avait demandé à Aerys de lui faire son rapport sitôt rentré et que celui-ci s’exécutait désormais.

« Général. »

Le ton était déférent, mais sans trop en faire. Aerys avait beau respecter le grade de Maekar, ils étaient tous deux des seconds fils de puissants seigneurs-dragons. Après tout, Arraxios Maerion avait été élu au Conseil des Cinq, devenant l’une des Lumières de Sagesse de Valyria. Son accession à la fonction suprême avait eu lieu quelques mois avant la guerre, et elle avait été permise parce que les deux branches des Tergaryon s’étaient entendue sur ce candidat qui servirait leurs intérêts. Le capitaine-général Lucerys Arlaeron avait également été au nombre de ses soutiens, et il ne semblait donc pas étonnant de le retrouver à son poste désormais. Aussi, Aerys Maerion n’était nullement impressionné par le prestige familial des Tergaryon quand bien même il aurait aimé bénéficier des prouesses martiales de Maekar. C’était ainsi que les dieux l’avaient voulu : le général, et l’éclaireur ; chacun à sa place.

« Les Ghiscaris ont rassemblé une armée à Yunkaï et d’autres éléments sont en marche depuis Astapor et Gohleen. Elles ne semblent pas décidées à marcher plus avant. Je pense qu’ils sont en train de fortifier Yunkaï pour nous y bloquer encore plus longtemps qu’ici. »


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Au bord de l'Histoire






Durant de nombreuses années l'instructeur du cadet des Tergaryons avait entraîné ce dernier afin de le préparer à la laideur du monde réel, aux affres des guerres qui finiraient forcément par arriver mais, même avec toute cette préparation, Maekar n'avait jamais cru que tout cela serait aussi...désordonné. On lui avait parlé et faire lire des quantités impressionnantes d'explications sur les différentes tactiques militaires et leurs atouts, on lui avait expliqué dans les grandes largeurs la composition d'une armée et tous les éléments à prendre en compte son fonctionnement si bien que, pendant plusieurs années, son esprit ne fut plus que tourné vers ce domaine d'expertise et rien d'autre. La guerre était devenu son terrain, son univers et pourtant dés sa première bataille il comprit que la théorie ne serait jamais à la hauteur de la laideur de la réalité. Malgré tous les beaux discours des plus solides officiers, malgré les plans de bataille les plus impeccablement ficelés, l'esprit humain était une chose bien trop fragile pour résister au chaos de la guerre et, en plus d'une occasion Maekar avait vu des phalanges entières être mises en déroute par une pluie de flèches un peu plus intense que prévue.
Cela ne tenait décidément à rien, il y avait tellement de paramètres à prendre en compte mais le plus important restait le moral des troupes, le paramètre le plus fragile et fluctuant, la plus grosse inconnue que le Tergaryon s'était promis de ne jamais oublier dés son accession au rang de général. Général...décidément malgré le nombre de fois où il s'était répété ce titre dans sa tête il n'arrivait toujours pas à s'y habituer, comme si à tout instant un individu pouvait rentrer dans la pièce et lui annoncer que cela n'était qu'une vaste plaisanterie d'un goût douteux. Il avait connu victoire et défaite en égale mesure mais la victoire avait été la plus savoureuse de toute, du moins était-ce ce qu'il tenta de se convaincre jusqu'au jour où les portes de Meereen s'ouvrirent devant lui et ses troupes...jusqu'au jour où cette fière cité courba enfin l'échine devant le dragon.

Oh oui il y avait de quoi être fier, de quoi faire gonfler le torse de tous les valyriens présents en ce glorieux jour, cependant, parmi toutes les têtes argentées présentes en ce précieux moment, aucune ne fit preuve de plus de retenue que celle qui portait le nom de Tergaryon. Il s'autorisa un simple sourire, un bien mince sourire devant une victoire plus que significative car, comme tous les autres officiers, il devait voir le tableau dans son ensemble, il devait apprécier la guerre dans sa globalité et non cette seule victoire.

Ses troupes sécurisèrent donc la ville et ses environs, capturant autant de prisonniers que possible avant de se mettre à piller la ville de ses moindres ressources tandis que les officiers, eux, établissaient leur nouveau centre de commandement dans la plus large des somptueuses pyramides, là où les  plus riches et puissants s'étaient jadis tenus. Avait-on jamais vu pareille spectacle, pareilles richesses ? Même selon les standards de riches valyriens comme Maekar cet endroit était tout bonnement resplendissant et, en même temps, lorsqu'il franchit les portes pour la première fois il ne put ressentir que de l'humilité face à pareille grandeur.

Les jours passèrent, les officiers s'installèrent et ces derniers eurent à consacrer leur temps à la partie la moins amusante de leur travail : la paparesse. Durant des jours et des nuits Maekar était resté accoudé à cette large table dans ce salon qui lui servait de quartiers, à éplucher les rapports de pertes et compte-rendus des denrées acquises pendant le pillage, tandis que lui et ses supérieurs devaient décider d'une marche à suivre pour la suite des opérations. Fort heureusement, en ce jour ensoleillé, une voix légèrement familière parvint à faire sortir le général de sa torpeur, penché sur la table à observer la répartition des troupes sur une massive carte déroulée pour l'occasion. Il faisait déjà jour ? Depuis combien de temps était-il debout ? Cela n'avait plus d'importance.

D'un air absent, Maekar empoigna la coupe devant lui qui fut jadis remplie d'eau, retenant un grommellement en se rendant compte qu'elle était totalement vide, avant d'accueillir son camarade d'un :


« Merci Aerys. C'était à prévoir. »


Une de leurs précieuses villes venait d'être prise et Yunkaï n'était plus très loin, il fallait que l'armée valyrienne soit arrêtée ici sinon...sinon rien. Le jeune général connaissait la position et l'état de ses troupes, il savait que s'étirer davantage fragiliserait l'intégrité et la réactivité de l'armée en cas de contre-attaque. La victoire était savoureuse, certes, mais il ne fallait surtout pas pêcher par excès d'orgueil ou de confiance, voilà ce dont se rappela le général en demandant à son camarade valyrien de s'asseoir, en lui montrant l'une des chaises d'un simple signe de la main.
N'étaient-ils pas tous frère dans cette armée ? Ne saignaient et mouraient-ils pas tous de la même façon ? Cela faisait du bien au Tergaryon d'oublier de temps en temps son statut social, la richesse de sa famille ou son grade, pour apprécier simplement la compagnie d'un de ses frères d'armes.

Il n'était qu'un soldat après tout, qu'un soldat avec un titre mais un soldat tout de même.

Bientôt la réunion des deux valyriens fut interrompue lorsqu'un jeune messager arrivant en courant, remettant un message au général en s'excusant, avant de repartir aussi sec sans demander son reste. Curieux, Maekar ouvrit le parchemin et, lorsque ses yeux se posèrent sur les mots qui y étaient apposés, il crut sentir le sol se dérober sous ses pieds. Prenant une profonde inspiration, il tint à relire le message une seconde puis une troisième fois tout en se laissant retomber sur la chaise derrière lui. Dans un murmure à peine soufflé il s'autorisa un :


« Enfin. »


Après plus de trois longues années de bataille, des milliers de compagnons perdus et des mois passés loin de ses proches, les valyriens pouvaient à présent goûter à une nouvelle lueur d'espoir qui vint éclairer le visage du Tergaryon. L'Empire ghiscarien venait de transmettre sa volonté de négocier une paix avec l'armée valyrienne afin que les hostilités ne cesse et, si tous les soldats savaient que ce jour viendrait tôt ou tard, le voir couché sur papier sembla enlever un énorme poids des épaules du jeune général. Ce dernier, souriant en coin, se pencha vers la table sur laquelle il fit glisser le message en direction d'Aerys, qui partagerait certainement son soulagement lorsque les paroles suivantes résonneraient dans ses oreilles :


« Ils en ont eu assez, apparemment. »


Victorieuse. La République Valyrienne était enfin victorieuse.
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Au bord de l'Histoire



« Pardi, faut-il que je sois toujours interrompu à mes heures les plus délicieuses ! »

Repoussant sans ménagement la captive qui s’accrochait encore à son cou, Aeganon se leva de la couche et se dirigea vers ses affaires, qu’il enfila avec force soupirs, tandis que le soldat l’ayant averti de l’urgence de la requête soumise attendait patiemment que l’homme sorte. Le valyrien ne prit que quelques secondes pour passer de l’eau sur son visage. L’odeur de femme lui collait à la peau, et ce n’était guère grave. Depuis le pillage de la cité, il aimait à propager les rumeurs sur ses prises de guerre, et sur la virilité qui allait avec. Tout plutôt qu’un jour … Mieux valait être paillard comme cela, et puis, n’avait-il pas mérité ce pieux repos du guerrier ? Même si de repos, cela n’en avait que le nom, et pas uniquement en raison de l’énergie dépensée dans des activités lubriques, mais parce qu’en vérité, il n’avait jamais été aussi actif, courant partout pour transmettre telle ou telle directive, agencer comme cela était encore possible le ravitaillement étiré à son paroxysme, compte tenu des capacités de Valyria, vérifier sans cesse que chacun se trouvait à sa place pour fournir ce qui était nécessaire à l’avancée en terres ennemies de leur armée, quand il ne réglait pas les querelles des uns et des autres, ou offrait faveurs et amitiés en songeant à l’après. Il avait également dîné à plusieurs reprises en compagnie des exarques et polémarques de sa propre légion, cultivant leur soutien peu à peu. Et il voyait les fruits menus de son travail payer, bien qu’il ait notamment dû se défaire d’une esclave à la beauté sulfureuse pour ravir le légat de la IIème Légion. Ah, peu lui importait : comme à l’ordinaire, il n’accordait aucune importance à celles qui satisfaisaient ses besoins contingents et étouffaient ses désirs inexprimables. Le pillage de Meereen avait été l’occasion de profiter de l’aura de terreur qu’inspirait Astyrax chez tout être inférieur … et même chez toute personne saine d’esprit. Beaucoup s’étaient rendus à sa personne, peut-être parce qu’elles avaient reconnues là un puissant protecteur, ou tout simplement persuadée sinon de finir dans la gueule hérissée de crocs plus grands que des glaives de l’Ancien.

« Puisque tu m’as empêché, termine à ma place, Serylon. »

Un sourire gourmand sur les lèvres, Aeganon tapota l’épaule du jeune homme soudainement ravi et intimidé, avant de s’en aller, conscient que ce gamin issu du rang se souviendrait longtemps de sa générosité, et qu’il venait ainsi d’acquérir un soutien sans faille à vil prix. Enfin, il faudrait probablement travailler encore un peu la chose, mais il savait d’expérience que les hommes étaient reconnaissants quand on leur offrait compliment, nourriture et femme. Qu’y avait-il besoin de plus, finalement ? Surtout dans ce décor chargé d’or et de matériaux précieux qui ne cessaient de le charmer, et d’aiguiser ses appétits par la même occasion. Le Vieil Empire avait bien trop de richesses compte tenu de son embonpoint de vieillard atteint par la goutte, déformé par sa propre avidité. Leurs innombrables légions n’avaient rien pu faire contre les armées de la jeune et dynamique Valyria. Comme partout, la vigueur avait écrasé la mollesse. Que dire de ces porcs qu’ils avaient capturés, alourdis par leurs propres vices et pour beaucoup trop gras pour se déplacer sans une armada d’esclaves ? Bien entendu, un esprit un peu honnête aurait pu trouver les mêmes prémisses parmi les lignées valyriennes. A vrai dire, parfois, la chose avait traversé l’esprit du Bellarys, probablement parce qu’il avait eu l’impression que certains esclaves étaient littéralement passés d’un maître à l’autre sans que cela ne marque pour eux de réels changements. Puis il avait repoussé l’idée, la jugeant presque grotesque. Valyria avait un système unique, et surtout, ils étaient le peuple élu par les dieux qui leur avaient offerts leurs enfants, dont il montait l’un de leurs plus fiers représentants. Ce dernier s’était installé parmi les hauteurs de la ville, et personne n’osait approcher l’imposante créature tandis qu’elle paraissait se repaitre de quelques victimes dévolues à son appétit. Aeganon ressentait dans un recoin de son esprit la présence du dragon, ce dernier paraissant depuis plusieurs jours contempler le lointain, comme s’il attendait un signe connu de lui seul. Honnêtement, depuis le temps, son compagnon humain avait appris à ne pas chercher à comprendre réellement les humeurs de la terrible bête, qui avait quelque part accumulé trop d’expérience au cours de son siècle passé d’existence pour être accessible à n’importe qui d’autre que lui-même et ce, en permanence.

Arrivé à destination, il se fit annoncer, avant de passer la porte et de retrouver Maekar Tergaryon et Aerys Maerion, qui paraissait absorbés par la nouvelle inscrite sur un parchemin face à eux. Le premier arborait des cernes semblables à celles d’Aeganon, et le second paraissait lui-même fort harassé, probablement dû à l’une de ses patrouilles. Un instant, le Bellarys réprima un sourire alors qu’il se faisait la réflexion que les réunions stratégiques ressemblaient de plus en plus au bal des cadets. La comparaison, néanmoins, s’arrêtait là. Les deux hommes face à lui n’avaient pas la même ascendance que la sienne, comme en attestait leurs chevelures, alors que la sienne tranchait parmi la population valyrienne. Bien sûr, la branche cadette des Tergaryon à laquelle appartenait Maekar était né d’un mariage en dehors de la famille, néanmoins, lui n’avait pas à composer avec la souillure du sang rhoynar dans ses veines, qui rejaillissait sur les membres de sa lignée comme une malédiction, pour leur rappeler qu’afin de s’élever, ils avaient failli à la préservation des traditions. Mais il avait fallu qu’un sacrifice soit fait. Et pour le reste, tous avaient travaillé pour que leur nom soit à nouveau respecté. Quant à lui, il tentait depuis toujours d’y accoler un prénom. Alors bien sûr, il n’était pas Maekar Tergaryon. Cependant, il ne s’interdisait pas d’y penser, de plus en plus sérieusement, tandis que les manœuvres en coulisses se précisaient, y compris les siennes. Finalement, ses lippes s’étirèrent en son habituel sourire pétulant, et il s’exclama :

« Mes Seigneurs, le noble Lucerys Arlaeron m’a mandé pour vous porter la nouvelle de notre victoire imminente, mais au vu de vos visages, je crains d’avoir été devancé.

En revanche, il paraît vital à nos capitaines-généraux de maintenir la pression sur nos ennemis tant que rien n’aura été signé. Le souvenir des derniers pourparlers est suffisamment cruel pour que la confiance soit … limitée. »


Voilà pour la partie officielle. Son sourire s’agrandit alors qu’il ajoutait, dans ce mélange de formel et d’informel qui le caractérisait presque toujours :

« A voire la mine de notre général, je gage que les plans ont été faits toute la nuit. Ah, dire que tes cernes pourraient être causés par les beautés de cette ville … Je peux attester des miennes en tout cas. Quoique celles de notre éclaireur sont tout aussi marquées.

Avons-nous quelque motif d’inquiétude ? Je tiens à préciser qu’après revue de mes propres données, une avancée supplémentaire en territoire ghiscari consisterait en un effort … douloureux pour notre logistique.

A moins d’une chance de succès dans une escarmouche rapide, qui pourrait toujours être relayée avec à propos et détails appuyés lors des négociations. »
Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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Ab Igne Ignem Capere
Meereen - An 1065, Mois 5
Aerys Maerion n’était pas un héros de guerre. Du moins, pas au sens de ceux qui cherchaient des idoles pour montrer au peuple ceux qui le défendait. Il avait sa part, bien sûr, comme tant d’autre. Pourtant, il n’avait pas cherché la gloire et ne l’avait d’ailleurs guère obtenue. Son seul fait d’armes sortant de l’ordinaire était celui qu’il avait partagé avec Maekar Tergaryon et Aeganon Bellarys, lorsqu’ils étaient tous trois partis stopper une armée ghisarie remontant vers Meereen pour y briser le siège établi par les armées valyriennes. En dehors de cela, il avait passé une grande partie de la guerre à scruter l’horizon et à se tenir à un rôle de support des troupes engagées en bataille. Installé dans le siège confortable d’un quelconque notable ghiscari anonyme, Aerys scrutait les réactions du général Tergaryon. Ce dernier venait de recevoir une missive de la part d’un courrier de l’armée et il était plongé dans la lecture du parchemin. A son visage, le Maerion pouvait distinguer que quelque chose n’allait pas. Qu’était-ce ? Une nouvelle attaque par la mer ? Une armée avait-elle débarqué ? Le Tergaryon retomba sur sa chaise d’un air interdit, ce qui inquiétait d’autant plus le natif de Valyria.

« Enfin. »

Le mot était solitaire, à peine audible dans un murmure qui semblait porter le monde entier.

Enfin ? Enfin quoi ? Ce ne pouvait tout de même pas être la paix ? Plusieurs fois, Aerys avait espéré la fin du conflit et celui-ci s’était prolongé, toujours plus long, toujours plus sanglant. Il refusait de se faire avoir une fois de plus. Il lançait un regard interloqué à son général qui lui fit glisser le parchemin sur la table autour de laquelle ils étaient assis. Se saisissant du papier, Aerys ne put guère le lire que déjà ses yeux revenaient au général, qui s’exprimait une nouvelle fois, un sentiment de soulagement évident affiché sur son visage.

« Ils en ont eu assez, apparemment. »

Interloqué, Aerys revint au parchemin et le parcourut une fois. Puis deux. Il sentit ses yeux s’agrandir malgré lui alors que la nouvelle devenait officielle. Ghis demandait à négocier la paix. La guerre allait prendre fin, enfin.  Un frisson parcourut l’échine du jeune éclaireur qui releva lentement le regard, parcourant la salle autour d’eux sans parvenir à s’arrêter sur un objet particulier. La fin du conflit… Cela voulait dire qu’ils rentreraient bientôt chez eux, qu’ils reverraient les leurs et, qu’enfin, les jours heureux reviendraient. A cette pensée, Aerys se rendit brutalement compte combien les hautes tours de Valyria lui manquaient.

« Par le sang de cette fichue Harpie… Nous avons bien mérité de souffler un peu. »

Incrédule, Aerys l’était encore lorsqu’Aeganon Bellarys passa la tête. Malgré sa tête de bâtard sanguin, le jeune homme montait l’une des créatures les plus mortelles de l’arsenal valyrien pourtant conséquent. Le Maerion appréciait ce jeune homme proche de ses hommes et qui n’avait peur de rien. Il était d’un naturel sympathique et son goût pour la luxure était largement connu auprès des hommes. Cela ne l’en rendait que plus authentique et sympathique.

« Mes Seigneurs, le noble Lucerys Arlaeron m’a mandé pour vous porter la nouvelle de notre victoire imminente, mais au vu de vos visages, je crains d’avoir été devancé. En revanche, il paraît vital à nos capitaines-généraux de maintenir la pression sur nos ennemis tant que rien n’aura été signé. Le souvenir des derniers pourparlers est suffisamment cruel pour que la confiance soit … limitée. »

Aerys eut un sourire amer. Tous avaient encore en mémoire la terrifiante Trahison de Bhorash et tout ce qu’elle s’était signifiée. La guerre, bien entendu, mais également la fin d’une époque longue de plusieurs siècles d’insouciance où leur civilisation avait prospéré dans l’ombre de sa puissante voisine. Plus qu’une trahison diplomatique, les évènements qui avaient eu lieu à Bhorash ce jour-là s’étaient signifier l’entrée de Valyria dans l’arène des civilisations. Désormais, il faudrait lutter, lutter encore, lutter toujours, ou périr.

« A voir la mine de notre général, je gage que les plans ont été faits toute la nuit. Ah, dire que tes cernes pourraient être causés par les beautés de cette ville … Je peux attester des miennes en tout cas. Quoique celles de notre éclaireur sont tout aussi marquées. Avons-nous quelque motif d’inquiétude ? Je tiens à préciser qu’après revue de mes propres données, une avancée supplémentaire en territoire ghiscari consisterait en un effort … douloureux pour notre logistique. A moins d’une chance de succès dans une escarmouche rapide, qui pourrait toujours être relayée avec à propos et détails appuyés lors des négociations. »

Aerys ne put réprimer un sourire face au ton nonchalant mais pourtant sérieux du Bellarys. Oh oui, lui aussi avait profité des beautés de Meereen pour relâcher la pression. Certaines s’étaient littéralement précipitées dans le lit des seigneurs-dragons. Bien qu’il ait largement profité, le Maerion n’était pas dupe. Elles étaient terrorisées à l’idée de voir leur cité subir le même sort que Bhorash. D’autres entendaient mener une résistance jusque dans les chambres à coucher. Deux seigneurs-dragons dont les noms avaient été tus avaient manqué de se faire égorger. Les coupables avaient été jeté aux dragons sans plus de procès. Aerys se racla la gorge avant de surenchérir.

« Aucun motif d’inquiétude pour l’instant selon mes observations. Ils sont occupés à rameuter tous les renforts disponibles pour sécuriser Yunkaï… Dommage pour eux, nous avons leur joyau. Je suis d’avis de renforcer la surveillance autour de leurs villes dans les prochaines semaines. Le Ghiscari est retors, nous le savons : ce pourrait être une manœuvre pour temporiser et gagner du temps. »

Puis, se détendant, il allongea ses jambes sous la table et poussa un soupir de contentement. Il respectait la hiérarchie mais il considérait qu’ils étaient également entre jeunes gens de bonnes familles et qu’il pouvait, à ce titre, s’autoriser à sortir du cadre de l’armée. Selon toute vraisemblance, il quitterait celle-ci une fois la guerre achevée. La noblesse d’épée n’était pas ce qui attirait le jeune Aerys. Et puis, de toute manière, Père était Lumière, alors cela lui donnait quelques libertés.

« Morbleu, j’ai hâte de pouvoir retrouver Valyria, commença-t-il d’un air rêveur. Qu’allez-vous faire, messeigneurs, une fois rentrés ? Je crois que je me damnerais pour une soirée à l’amphithéâtre avec toutes ces beautés parées pour venir observer les acteurs. »
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Au bord de l'Histoire






On pourrait croire que d'avoir ses quartiers dans une pyramide aussi luxueuse serait un bonheur que tous les officiers rêveraient d'attendre, car elle égalait le faste et le luxe de plusieurs palais de Valyria mais, en vérité, la seule conclusion qu'avait fait Maekar de ce changement était qu'il avait un peu moins de mal à dormir sur une couche aussi moelleuse. Il était de ces rares officiers de carrière qui ne servaient pas pour la gloire et la fortune que leur apportaient leurs faits d'armes, mais bien parce que le devoir représentait toute sa vie et le seul réel but de son existence, rien ni personne ne pouvait corrompre ce monde de pensée et surtout pas cette immense pyramide dans laquelle il était depuis quelques jours.
Ses hommes en étaient encore à finir de piller la ville pour y récupérer quelques ressources et bien à rapporter chez eux, car ils avaient tous gagné le droit de récolter quelque chose de cet affrontement long de quatre années, mais cela ne voulait pas dire que leur officier supérieur devait lui aussi y prendre part. Il se devait d'avoir une vue d'ensemble et de ne pas penser à sa bourse...ou ses bourses d'ailleurs, aussi était-il resté la plupart de son temps dans cette pièce depuis la conquête de la ville, à lire les rapport des éclaireurs et le décompte des blessés parmi ses propres troupes, jusqu'au moment où le messager était rentré dans cette pièce.

Maekar avait appris à maîtriser et contenir ses émotions pour faire preuve de la dignité et la retenue qui étaient attendues de son rang mais, lorsque son camarade Aerys exprima tout haut ce que lui-même pensait tout bas, le Tergaryon ne put s'empêcher de sourire tout en répliquant.

« En effet, c'est peu de le dire. »

Ils avaient sacrifié leur innocence, leur santé mentale et quatre années de leurs vies pour combattre ces traîtres venus de l'Est alors, clairement, chaque soldat ne pourrait que hurler de joie à l'idée de pouvoir bientôt rentrer chez lui. Maekar était de ceux-là mais il n'eut guère le temps d'y penser car déjà son camarade Aeganon fit une entrée en scène remarquée, comme à son habitude, venant transmettre l'annonce des négociations avec quelques secondes de retard. Tous les deux se connaissaient depuis l'enfance et il était sans doute l'homme dans toute cette armée en présence de qui il pouvait être le plus naturel, il pouvait faire fi des barrières et du protocole. Invitant son camarade à s'asseoir à la table du même mouvement de main effectué un peu plus tôt, Maekar écouta les conseils avisés de son ami concernant les risques d'une avancée supplémentaire, risques qu'il avait déjà en tête depuis la prise de na ville en vérité, avant de formuler une réponse sur la stratégie à tenir dans les jours à venir.

« Nous allons consolider nos positions et maintenir la surveillance sur leurs villes, pour voir si les mouvements de troupes se maintiennent, malgré leur désir de négociation. »

Ils n'avaient plus assez de troupes pour poursuivre leur avancée sans prendre de gros risques, tous les trois ici le savaient, mais personne n'avait oublié la trahison qui avait été à l'origine de ce long et sanglant conflit. Il était donc hors de question de croire sur parole ce désir de négociation jusqu'à ce que les pour-parlers commencent ou, plus exactement, jusqu'à ce qu'ils soient officialisés et qu'un accord soit ratifié. Avant cela, Maekar ne serait pas assez stupide ou naïf pour baisser sa garde, et il savait que ses deux compagnons abonderaient également en son sens.
Vint ensuite le moment de la détente et de penser au retour à la maison, pour Aerys, en tout cas, ce qui permit au Tergaryon de penser à sa propre réponse. Jetant un coup d'oeil complice à Aeganon qui devait déjà deviner sa réponse, le général répondit donc doucement :

« Revoir ma sœur et le reste ma famille, dans un premier temps. Puis vider toutes les réserves de vin qui me passeront sous la main, sans doute. En parlant de cela, justement...»

Sa sœur avant tout le reste, il avait bien fait exprès de différencier sa sœur et le reste de sa famille car leurs relations n'étaient pas similaires. Aerys ne le savait pas mais Aeganon ne serait nullement surpris par cette distinction claire. Laissant ses deux compagnons se détendre, Maekar se leva et alla chercher une carafe d'un vin de Meereen qu'il n'avait goûté qu'en une seule occasion jusqu'à présent,  posant trois coupes sur la able avant de les remplir, une après l'autre. N'avaient-ils pas mérité un verre, pour célébrer cette bonne nouvelle qui viendrait illuminer cette journée ?

Tendant les deux coupes à ses compagnons, Maekar leva son verre et, sur un ton léger et amusé, porta un toast lui semblant des plus appropriés :

« Messieurs. À notre victoire et aux jeunes femmes, qui  attendent impatiemment  votre retour !  »

Votre, pas notre. Les femmes d'ici ou de Valyria n'avaient aucune importance à ses yeux.

Une seule. Seulement une.
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« La question sera posée au prochain conseil de guerre, et je rapporterai avant vos recommandations au capitaine-général.

Réjouis-toi Aerys : tu n’as pas fini de patrouiller, je pense. Qui sait, peut-être qu’une nouvelle flotte nous tendra les bras, enfin, les mâts. »


La boutade, lâchée pour rappeler leur petite incartade guerrière, conclut donc l’assertion polie de l’aide de camp, qui avait parfaitement noté les avis et les rapporterait, en plus de ceux qu’il collecterait plus tard en sondant d’autres grands et moins grands de l’armée, au capitaine-général, pas pour que ce dernier en tienne nécessairement compte, mais pour qu’il sache quel était le sentiment général de la troupe, du plus humble au plus puissant, et pour qu’il puisse ainsi anticiper les débats qui auraient lieu entre les divers gradés, ce qui serait forcément un atout dans sa manche. L’information, c’était le pouvoir, quoiqu’on en dise, et Aeganon n’était pas assez sot pour l’ignorer. A vrai dire, c’était l’une des premières choses qu’il avait comprise des leçons de son père, ironiquement, et qu’il avait mise en pratique en arrivant dans l’armée. La différence était que ses manières pouvaient s’épanouir à leur aise au cœur d’un camps de soldat, ce qui était le moins le cas lors d’une discussion policée sur un découpage de comptoirs, de parts de marché, de taxes et autres joyeusetés pour lesquelles il n’avait, hélas, eu toujours qu’un intérêt et une compréhension médiocre. Ou plutôt, ses solutions gagnaient en efficacité ce qu’elles perdaient en subtilité. Or, dans leur éminent métier de commerçant, le plus important n’était pas toujours de gagner la manche, mais de remporter la victoire par, éventuellement, quelques crocs-en-jambe. Cela, néanmoins, il n’était parvenu à l’appréhender que sur le terrain guerrier. Soudainement, tous les enseignements davantage subis qu’appris lui étaient revenus, faisant sens, comme si une lumière s’était brutalement allumée dans son esprit. Quel dommage qu’il ait dû attendre un tel climat pour se révéler. A moins qu’il ne soit définitivement un démon, qui ne réveillait son plein potentiel que dans le sang et la souffrance des autres. Oui, finalement, en y pensant, c’était peut-être une bonne estimation. Qu’importait. Il avait mis cet instinct à profit, fait fructifier autant sa gouaille naturelle que ses talents d’entremetteur retors, et il grimpait, petit à petit. Déjà, il menait une campagne silencieuse parmi sa légion, s’assurant soutien et loyautés précaires – car bien fol serait lui qui s’imaginait que la fidélité ne changeait jamais, en ce monde.

Cela bien sûr, il ne pouvait l’évoquer devant ses deux amis, aussi proches soient-ils. Même si cet état de fait était bel et bien dans son esprit et conditionnait, in fine, ce qu’il ferait à son retour, et comment il le vivrait, Aeganon considérait qu’il était encore trop tôt. Néanmoins, il n’allait pas rechigner à quelques instants de détente, maintenant qu’il était présent et qu’il avait cédé sa beauté à ce soldat un peu trop chanceux d’avoir toqué au bon moment, ou au mauvais, c’était selon. Et puis, ce serait toujours intéressant de parler femme, vin, et plaisirs. Soient ses trois sujets de discussions favoris, qui avaient curieusement tendance à se recouper. Le vin arrivait d’ailleurs bien vite, puisqu’une fois ses deux comparses perdus dans leurs premières évocations, Maekar entreprit de leur servir de quoi se rafraichir le gosier. Aeganon attendit donc qu’il soit servi pour parler, et reprit son toast à la volée :

« A la victoire et comme j’aime à dire … à nos dragons, à nos femmes, et à ceux qui les montent ! »

Il partit dans un grand éclat de rire, sourire égrillard à l’appui, avant de prendre une rasade du vin offert par Maekar, qu’il apprécia doctement, papilles en feu, car il avait eu la main heureuse avec ce cru, fort différent des vinasses ordinaires de Valyria, mais tout aussi plaisant. La robe était plus sombre, le goût plus … presque ambré, du moins, plus fort, mais il appréciait cette flagrance forte, qui se mariait bien avec l’eau qui l’avait coupée. Il n’aurait osé imaginer l’état dans lequel il se serait retrouvé en buvant une telle chose pure. Sûrement par terre au bout de deux verres, ce qui eut été éminemment ridicule. C’était néanmoins à son tour de s’exprimer, et il décida de reprendre la conversation au bond :

« Je vote aussi pour l’amphithéâtre, même si je crois que je préfère aller directement rendre hommage aux talents des actrices !

Ah, quand j’étais plus jeune, j’en ai connu une … Elle n’arrivait pas à nous distinguer, mon jumeau et moi. C’était donc … très amusant. On a bien dû se la partager deux bons mois, et je crois qu’à la fin, elle ne savait plus avec lequel elle se trouvait chaque soir ! »

A nouveau, son rire joyeux résonna, tandis qu’il se remémorait cette fille qui n’était même pas belle, à proprement parler, mais avait un charme évident. Et puis, le jeu était trop beau. Lequel des jumeaux la satisferaient le plus, d’après ses dires ? La compétition était lancée, et à vrai dire, elle fouettait tellement leurs ardeurs qu’il n’était pas rare que, sitôt l’heureux élu du soir rentré, l’autre se hâte de l’assaillir pour qu’ils continuent leur lutte de manière plus directe, cette fois. Ah, que ces temps perdus lui semblaient anciens, comme appartenant à une autre temporalité, où tout était plus simple.

« Enfin, je passerai probablement à Rhyos quand nous rentrerons. Même si je ne sais ce que j’y trouverai. »

On disait Taeganon, son neveu, très malade, et il était certain que son père allait avaler les couleuvres de devoir célébrer son fils pour quelque chose qui, somme toute, ne lui avait jamais beaucoup importé. Des militaires, pff ! Les armes, ça ne nourrissait pas un peuple ! Ou pas, comme le prouvait les monceaux de butin rapportés, les esclaves qui allaient trimer à la place des valyriens … Chassant ces pensées, il ajouta bien vite, pour que l’atmosphère reste à la détente :

« Sûrement des couches ouvertes et des banquets à n’en plus finir, pardi ! »
Aerys Maerion
Aerys Maerion
Seigneur-Dragon

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Tandis qu’Aerys continuait de prendre lentement conscience de ce que signifiait la paix pour lui, il pouvait enfin rêver au retour tant anticipé. Cette fois, ils y étaient. Dans quelques mois tout au plus, ils seraient rentrés. Par les Quatorze Flammes, quel bien cela lui ferait de revenir au Castel, d’y retrouver sa sœur et ses parents ! Et plus que cela, il voulait retrouver sa vie d’avant. La Harpie lui avait dérobé quatre des meilleures années de son existence et il comptait bien y remédier en rattrapant tout ce qu’il avait manqué. Les fêtes, les spectacles, la musique, l’alcool, les femmes : oui, il allait abuser de tout, et jusqu’à ne plus rien pouvoir en faire.

Le général Tergaryon semblait lui aussi s’abîmer dans ses souvenirs personnels et prendre peu à peu la mesure de la signification des pourparlers. Pourtant, il était un homme d’action et ne perdit pas de temps à rêvasser. Déjà, il voyait le coup d’après. Il commença à formuler à voix haute une stratégie pour les prochaines semaines. Tenir la position, forcément et renforcer l’avantage valyrien en espérant ne pas voir une contre-attaque ghiscarie de la dernière chance pour pouvoir ensuite peser dans les négociations. Dans ce genre de débats, Aerys avait bien conscience que le dernier à avoir emporté une victoire significative gagnait en crédibilité pour imposer ses vues.

Comment allaient-ils pouvoir négocier la paix ? Le dernier grand geste stratégique victorieux revenait à Valyria avec la capture de Meereen mais personne autour de la future table des négociations ne pourrait faire abstraction du fait que la petite armée valyrienne avait atteint son point de rupture et qu’étirer davantage ses lignes de ravitaillement, que disperser encore son effectif en garnisons et en patrouilles la ferait probablement s’effondrer. Les Ghiscaris étaient chez eux et ils étaient capables de garder la maîtrise de leur territoire, même occupé. Rien que pour Meereen, il avait fallu mettre en place des mesures de sécurité draconiennes pour éviter tout risque d’attentat ou de guérilla urbaine à laquelle les troupes valyriennes n’étaient pas rompues. Dès lors, comment tirer des conclusions sur la victoire finale ? Valyria aurait sans doute le bon rôle puisqu’elle avait infligé plusieurs défaites sévères à Ghis et qu’elle avait rasé la plus grande ville frontalière de ce côté de la région. Pourtant, les Cinq et le Sénat ne pourraient sans doute pas être trop gourmands à cause des limitations stratégiques de l’armée et de la marine, sévèrement amputée d’au moins deux tiers de ses effectifs selon Aerys.

Aeganon s’était rendu silencieux depuis sa dernière plaisanterie sur l’apparition d’une potentielle flotte ghiscarie qui avait faite sourire Aerys. S’il appréciait Maekar pour ses qualités d’officier et de valyrien, il partageait une franche amitié avec le Bellarys et il était heureux de le voir seconder aussi efficacement le capitaine-général Arlaeron. Le père de Naerys, rien de moins. Aerys le connaissait un peu, pour l’avoir croisé à plusieurs événements au cours de sa jeunesse. Aerys et Naerys avaient été un temps toujours fourrés ensemble et si depuis qu’ils avaient grandis, ils se fréquentaient dans un cadre plus formel, ils n’en restaient pas moins de proches amis. Œil d’Argent passait pour être l’un des meilleurs stratèges de Valyria et Aerys ne doutait pas qu’Aeganon apprendrait beaucoup à ses côtés.

« Messieurs. À notre victoire et aux jeunes femmes, qui attendent impatiemment votre retour !  »

Maekar leur avait tendu une coupe chacun et levait son verre d’un ton où affleurait une légèreté encore jamais entendue par le Maerion. Il était trop abasourdi par la nouvelle pour se rendre compte de la tournure particulière qu’avait usé le Tergaryon mais qu’importait. Le général pouvait bien avoir son cœur accroché à une quelconque sœur inconnue qu’Aerys ne verrait jamais, cela importait peu. Il n’avait de toute manière pas le cœur à autre chose que de songer à sa famille et à Valyria.

Aeganon, comme à son habitude, fit le choix de l’élégance :

« A la victoire et comme j’aime à dire … à nos dragons, à nos femmes, et à ceux qui les montent ! »

Un franc éclat de rire résonna dans la pyramide, accompagné poliment par Aerys qui certes goûtait à la plaisanterie mais ne savait pas trop à quel point il pouvait s’autoriser de rire à une telle plaisanterie en présence de Maekar quand bien même il soupçonnait que celui-ci ne se formaliserait pas. Il accompagna toutefois les deux hommes en buvant une longue rasade de vin. Par les dieux, que cela faisait du bien ! Il rougit légèrement en se rappelant combien sa mère aurait désapprouvé son blasphème. Il fit une brève prière à l’attention de Syrax et reporta son attention sur Aeganon qui répondait à sa question précédente.

« Je vote aussi pour l’amphithéâtre, même si je crois que je préfère aller directement rendre hommage aux talents des actrices !

Ah, quand j’étais plus jeune, j’en ai connu une … Elle n’arrivait pas à nous distinguer, mon jumeau et moi. C’était donc … très amusant.  On a bien dû se la partager deux bons mois, et je crois qu’à la fin, elle ne savait plus avec lequel elle se trouvait chaque soir ! »


Une fois de plus, le rire d’Aeganon égailla l’atmosphère lourde et solennelle de la pyramide. Il était vrai que les actrices du grand amphithéâtre avaient, pour certaines, la réputation d’honorer Meleys avec une ardeur aussi forte que celle des volcans valyriens.

« Enfin, je passerai probablement à Rhyos quand nous rentrerons. Même si je ne sais ce que j’y trouverai. »

Comme beaucoup de soldats, Aeganon ignorait ce à quoi ressemblerait son foyer familial après quatre années de conflits. Derrière ces mots, Aerys se souvenait que la situation dynastique des Bellarys n’était pas à proprement parler évidente et que l’héritier – un cousin, un frère ou un neveu, de mémoire – était au plus mal.

« Sûrement des couches ouvertes et des banquets à n’en plus finir, pardi ! »

L’instant était passé et Aerys se garderait bien de revenir promptement sur ce sujet. Aeganon avait, selon lui, trouvé sa deuxième famille au sein de la troupe et il y avait fort à parier qu’il serait un digne successeur pour Lucerys Arlaeron dans l’arène politique et les intérêts militaires au Sénat.

Aerys se rendait compte qu’il était le seul dont la famille était installée uniquement à Valyria. Les Tergaryon étaient puissants et riches mais la branche cadette qui avait raflé tous les honneurs et les responsabilités était installée à Oros sur laquelle elle avait réussi à garder la main jusqu’alors. Quant à Aeganon, il était originaire de Rhyos, situé sur la mer des Soupirs. En bon fils de grande famille, Aerys n’avait pratiquement jamais eu à quitter la capitale avant le déclenchement des hostilités. Ainsi, les deux cités de ses compagnons de beuverie lui étaient inconnues. Il reprit une gorgée de vin et se lança, avide de connaissances.

« Quels souvenirs gardez-vous de vos cités ? Comment sont-elles ? L’agitation de Valyria ne vous manque-t-elle pas lorsque vous retournez dans ces régions ? »

Bien que mal amenée, la question était sincère. Autant il n’était pas obligatoire de se rendre dans les cités de province, autant tout le monde venait au moins une fois à Valyria. Surtout quand ce n’était l’affaire que de quelques heures de vol à dos de dragon.

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Alors qu’Aeganon attendait que Maekar reprenne la parole, l’on toqua à la porte, et une jeune estafette entra, porteuse d’un message pour le général qui le lut, fronça les sourcils, avant de prier ses comparses de l’excuser, une affaire urgente devait être réglée. Il leur enjoignit de continuer leurs libations sans lui et de disposer des appartements présents tant qu’ils leur plairaient, avant de prendre congé. Peut-être reviendrait-il plus tard. En attendant, son ami hocha la tête, un sourire aux lèvres comme pour dire que le devoir ne s’arrêtait jamais pour les grands de ce monde, et de cette armée, avant de se resservir une solide rasade de vinasse. A vrai dire, contrairement à d’autres, il adorait ce type de situations, qui lui donnait la possibilité de continuer à tisser des liens avec un beau nom – car quel nom portait Aerys, celui d’une Lumière, rien de moins, soutenue par Lucerys Arlaeron, et donc un homme à connaître, et à apprécier. Et puis, entre cadets, on ne pouvait que se sentir une forme de communauté de destins, non ? Les semaines qui viendraient seraient ses dernières chances de forger les liens dont il se servirait pour son dessein suivant, qui prenait peu à peu forme à force de privautés, de cajoleries et de manigances. Il ne cracherait sûrement pas sur le soutien du second fils Maerion.

La question d’Aerys, du reste, l’amusait trop pour qu’il n’y réponde pas. Il avait l’impression, à chaque fois qu’il parlait à des habitants de Valyria même, que ces derniers découvraient qu’il y avait un monde parfaitement ordonné à l’extérieur des murs de la capitale. Certes, ces derniers n’avaient pas le même faste, mais chacun pouvait y trouver son compte. Encore, Maekar et lui-même avaient grandi dans des villes du centre de Valyria, et étaient issus de familles du sud, ils partageaient donc beaucoup avec les grandes lignées qui accaparaient le pouvoir dans la péninsule. Ils n’étaient pas aussi éloignés que ceux qui vivaient au Nord, et dont certaines mœurs lui paraissaient également quelque peu étranges. Mais après tout, soit, chacun avait ses petites manies. Restait donc à trouver les bons mots, tout en rappelant qu’en vérité, il ne connaissait plus vraiment Rhyos, vu son engagement très jeune dans l’armée. Aeganon était un militaire de carrière, l’un des rares déjà sous les drapeaux lorsque la Tragédie de Borrash avait eu lieu, d’où sa présence à la plupart des batailles de la campagne nord, et pour cause : il y était déjà stationné.

« Je ne sais ce que notre cher général aurait pu te dire d’Oros, mais de Rhyos, je peux t’assurer qu’en termes d’agitation, la ville n’a rien à envier à Valyria. Pardi, tu n’as jamais entendu les femmes des pêcheurs brailler à la criée ! Ça braille de partout, ça cause mollusques rares et poissons d’eau douce ou de mer, ça cancane et plus souvent qu’à son tour, ça parle des jolis minois à lorgner ! Ou alors, c’est moi qui le faisais et j’ai transposé, va savoir !

Et quand tu quittes l’odeur de la poiscaille et de la friture, tu es récompensé par celles de champs fruitiers. Et là, il y a de belles pêches à croquer, et de belles filles à emmener pour se régaler davantage des leurs … »


Cette fois, Aeganon ponctua son propos lascif d’un clin d’œil amusé, accentuant fortement un récit qui était quelque peu éloigné de son propre vécu, puisque, s’il s’était adonné à de charmants marivaudages, il n’était pas encore, à l’époque, au fait de ses techniques de séduction, et accessoirement, demeurait obnubilé par son jumeau. Cependant, cela n’avait pas d’importance, l’essentiel était de maintenir cette façade qu’il s’employait si bien à dresser d’hommes à femmes indolent et séducteur, dont on ne se méfiait pas et qui égayait les discussions de son rire franc et de ses anecdotes épicées.

« Dans les rues, ça parle andal, rhoynar, pour le coup, c’est beaucoup plus … varié que Valyria. Je veux dire, hormis dans les abords des demeures d’ambassade, j’entends. Niveau vestimentaire aussi. Je dirai que Rhyos a une forme de charme bigarré. »

Pour détaché qu’il ait voulu demeurer, le jeune homme se rendait compte tout de même de la pointe de nostalgie qui paraissait dans sa voix, à se souvenir d’un passé secret. Il se moquait de tout cela : il revoyait le sourire de son frère, son corps contre le sien, leurs échappées adolescentes dans les villes, les farces et les bêtises d’enfance, quand il l’entraînait à sa suite, ses lèvres pleines de la pêche qu’il avait évoquée, justement, les filles séduites alors qu’ils s’envoyaient des œillades mutuelles de braise et se promettaient mille félicités … Avant son mariage. Avant leur service militaire, puis leur séparation. Avant la guerre, la mort de leur sœur, puis de son neveu. Avant la fin de son monde, et le commencement du sien. Avant que la lune mauvaise n’éclipse le soleil vainqueur. Mais cela, il ne pouvait pas l’évoquer. Jamais. Alors à la place, ses lèvres s’étirèrent en ce sourire qu’il maîtrisait si bien, avant de déclarer :

« Mais je pourrai surtout parler d’Anogaria, c’est que l’armée est davantage mon chez-moi, depuis mon engagement ! Quoique, je crois que l’atmosphère de caserne, tu en as soupé pour un moment ! »

Le jeune homme avait clairement eu une autre éducation, minus le service militaire, que la rudesse de leurs avancées militaires. Ah, cela dit, il admettait volontiers avoir envie d’autre chose que de la vie de soldat pour un temps. Et il y travaillait. D’arrache-pied. Un instant, il se demanda si Aerys en avait eu vent. Avant de se reprendre et de demander :

« Ainsi, tu n’as jamais été dans les villes du centre, si je comprends bien ? Tu devrais, quand la paix sera signée. Goûter une autre douceur de vivre, quand le tumulte de Valyria aura cessé, après toutes les célébrations qui nous attendent.

Même si je comprends que tu attendes de retrouver les tiens d’abord. »


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