Trimbalant sa masse imposante avec une lenteur soigneusement calculée, le Seigneur-Soie évoluait dans les couloirs grandioses du Sénat tel un esturgeon dans les lacs profonds des Montagnes Peintes. Paré d’une tunique de soie teintée d’un rouge éclatant que renforçaient des bracelets d’or et des sandales de cuir noir, le sénateur Baelor Cellaeron représentait sans doute l’un des personnages les plus identifiables qui côtoyaient actuellement le Sénat. Engoncée au fond d’un visage rond et potelé, ses deux petits yeux d’un violet sombre se déplaçaient à une vitesse remarquable qui trahissait la rapidité d’esprit de leur possesseur. Jeune, Baelor avait dû être relativement beau garçon mais les excès en nourriture et en boissons avaient eu raison de sa silhouette. Au sommet de son crâne pointait un tout début de calvitie que ne parvenaient pas à dissimuler des cheveux argentés repoussés en arrière.
L’homme n’était pourtant pas à prendre à la légère et il avait acquis une notoriété toute nouvelle depuis la signature de la paix avec Ghis. Si rien n’avait été communiqué publiquement, les milieux bien informés connaissaient le rôle essentiel qu’avait joué la famille Cellaeron dans la facilitation du dialogue et des négociations. Cela leur avait valu quelques ennemis qui trouvaient anormal que des Valyriens entretiennent des liens de confiance aussi étroit avec l’empereur du Vieil Empire que leurs concitoyens de la République. Pourtant, Baelor n’en tenait guère compte, se contentant de mouvoir son impressionnante carcasse avec une certaine grâce inattendue. Il avançait tantôt pesamment, comme un vieux navire entrant au port, tantôt avec une agilité qui détonnait avec sa corpulence. En un mot comme cent, Baelor était un personnage.
Pourtant, sa présence dans cet endroit du Sénat n’avait rien d’anodin. Rien de ce qu’entreprenait Baelor était anodin. Il veillait toujours à avoir un coup d’avance et à trouver quelqu’un pour le servir. Malgré ce mantra auquel il se tenait la plupart du temps, il savait également quand il devait donner de sa personne… pour autre chose qu’une orgie. En l’occurrence, la faction mercantiliste au Sénat ne bruissait plus que de la dernière nouvelle qui avait fait le tour de la cité. Vaegon Tergaryon s’était senti mal durant une réception chez lui et avait dû se retirer sans plus réapparaître. Rapidement, les spéculations étaient allées bon train. Si le vieux Tergaryon était mort, alors il faudrait désigner un nouveau chef de faction. Baelor avait déjà prévu de se positionner comme successeur mais il savait que sa rivale Echya Odenys devait rassembler elle aussi ses soutiens en vue de défendre sa revendication. Bien décidé à prendre de l’avance et à tirer les choses au clair, Baelor avait fait exiger d’être reçu au plus tôt par le bureau du sénateur Tergaryon. On lui avait fait une réponse positive bien qu’embarrassée, indiquant qu’il serait reçu en fin de journée, après la séance du jour.
Peu décidé à se laisser dicter le tempo et à laisser aux agents de Vaegon le temps de préparer une réponse artificielle, il fit irruption juste après l’heure du déjeuner, alors que les sénateurs réglaient leurs affaires avant de retourner en séance. L’antichambre qui menait au bureau était vide et Baelor eut un fin sourire. Il avait réussi son coup. La horde de serviteurs et agents en tout genre qui défendaient l’accès du bureau en temps normal devaient vaquer à des occupations diverses dans l’immense complexe architectural qui renfermait tout le pouvoir valyrien. Le moment était donc venu pour surprendre quiconque tenait l’intérim en attendant d’y voir plus clair. Sans plus de scrupules que s’il entrait dans sa salle à manger, Baelor poussa la porte et se glissa dans le bureau du sénateur Tergaryon.
Là, il eut la surprise de constater que la seule personne qui était présente était une jeune femme d’une rare beauté. Il lui jeta un regard torve, détaillant son visage et son corps dissimulé par ses habits et se demanda bien qui elle était. Il se souvenait que le vieux renard avait commencé à amener sa fille au Sénat depuis quelques semaines mais il lui était impossible de dire si c’était elle ou non. L’âge semblait correspondre, mais il n’en savait rien. La façon dont elle le regardait lui démontrait sans peine qu’elle était surprise de le voir ici mais qu’elle se considérait chez elle. Il devait donc bel et bien s’agir de la fille. Eh bien ; le vieux sacripant aurait pu lui présenter. Elle représentait un morceau tout à fait charmant dans lequel il aurait volontiers croqué. Il se promit de garder cette réflexion à l’esprit. Arborant un sourire gêné et une expression sympathique qui plia son visage gras en une grimace légèrement burlesque, Baelor s’avança doucement vers la jeune femme d’un ton doucereux.
« Je te souhaite le bonjour, jeune enfant. Je suis le sénateur Baelor Cellaeron, nous avions rendez-vous ensemble, j'imagine. Comme il n’y avait personne à l’extérieur, je me suis permis d’entrer, » ajouta-t-il avec un sourire carnassier.
Il se tenait désormais debout derrière les fauteuils faisant face au bureau du sénateur absent, une distance respectueuse mais il avait déjà mis un pied dans la porte. Voyant qu’elle ne savait quoi répondre, il s’inclina vers elle.
« Tu dois être la fameuse prunelle des yeux de ce vieux brigand de Vaegon. Quel est ton prénom ? Je te prie de bien vouloir me pardonner, ma tête me joue des tours. Mais ton père nous parle souvent de toi. »
D’un soupir légèrement théâtral, il secoua doucement la tête avec un regret manifeste sur son visage. Tandis qu’il manifestait un profond sentiment de tristesse et de gâchis, il regarda autour de lui combien le bureau était décoré avec pompe et orgueil. C’était un bien grand endroit, plus vaste que son bureau actuel. Revenant à la jeune femme, il s’adressa à elle avec compassion.
« Comment se porte-t-il, d’ailleurs ? Les nouvelles et rumeurs qui circulent sont terrifiantes. Valyria a besoin de lui. »
L’homme n’était pourtant pas à prendre à la légère et il avait acquis une notoriété toute nouvelle depuis la signature de la paix avec Ghis. Si rien n’avait été communiqué publiquement, les milieux bien informés connaissaient le rôle essentiel qu’avait joué la famille Cellaeron dans la facilitation du dialogue et des négociations. Cela leur avait valu quelques ennemis qui trouvaient anormal que des Valyriens entretiennent des liens de confiance aussi étroit avec l’empereur du Vieil Empire que leurs concitoyens de la République. Pourtant, Baelor n’en tenait guère compte, se contentant de mouvoir son impressionnante carcasse avec une certaine grâce inattendue. Il avançait tantôt pesamment, comme un vieux navire entrant au port, tantôt avec une agilité qui détonnait avec sa corpulence. En un mot comme cent, Baelor était un personnage.
Pourtant, sa présence dans cet endroit du Sénat n’avait rien d’anodin. Rien de ce qu’entreprenait Baelor était anodin. Il veillait toujours à avoir un coup d’avance et à trouver quelqu’un pour le servir. Malgré ce mantra auquel il se tenait la plupart du temps, il savait également quand il devait donner de sa personne… pour autre chose qu’une orgie. En l’occurrence, la faction mercantiliste au Sénat ne bruissait plus que de la dernière nouvelle qui avait fait le tour de la cité. Vaegon Tergaryon s’était senti mal durant une réception chez lui et avait dû se retirer sans plus réapparaître. Rapidement, les spéculations étaient allées bon train. Si le vieux Tergaryon était mort, alors il faudrait désigner un nouveau chef de faction. Baelor avait déjà prévu de se positionner comme successeur mais il savait que sa rivale Echya Odenys devait rassembler elle aussi ses soutiens en vue de défendre sa revendication. Bien décidé à prendre de l’avance et à tirer les choses au clair, Baelor avait fait exiger d’être reçu au plus tôt par le bureau du sénateur Tergaryon. On lui avait fait une réponse positive bien qu’embarrassée, indiquant qu’il serait reçu en fin de journée, après la séance du jour.
Peu décidé à se laisser dicter le tempo et à laisser aux agents de Vaegon le temps de préparer une réponse artificielle, il fit irruption juste après l’heure du déjeuner, alors que les sénateurs réglaient leurs affaires avant de retourner en séance. L’antichambre qui menait au bureau était vide et Baelor eut un fin sourire. Il avait réussi son coup. La horde de serviteurs et agents en tout genre qui défendaient l’accès du bureau en temps normal devaient vaquer à des occupations diverses dans l’immense complexe architectural qui renfermait tout le pouvoir valyrien. Le moment était donc venu pour surprendre quiconque tenait l’intérim en attendant d’y voir plus clair. Sans plus de scrupules que s’il entrait dans sa salle à manger, Baelor poussa la porte et se glissa dans le bureau du sénateur Tergaryon.
Là, il eut la surprise de constater que la seule personne qui était présente était une jeune femme d’une rare beauté. Il lui jeta un regard torve, détaillant son visage et son corps dissimulé par ses habits et se demanda bien qui elle était. Il se souvenait que le vieux renard avait commencé à amener sa fille au Sénat depuis quelques semaines mais il lui était impossible de dire si c’était elle ou non. L’âge semblait correspondre, mais il n’en savait rien. La façon dont elle le regardait lui démontrait sans peine qu’elle était surprise de le voir ici mais qu’elle se considérait chez elle. Il devait donc bel et bien s’agir de la fille. Eh bien ; le vieux sacripant aurait pu lui présenter. Elle représentait un morceau tout à fait charmant dans lequel il aurait volontiers croqué. Il se promit de garder cette réflexion à l’esprit. Arborant un sourire gêné et une expression sympathique qui plia son visage gras en une grimace légèrement burlesque, Baelor s’avança doucement vers la jeune femme d’un ton doucereux.
« Je te souhaite le bonjour, jeune enfant. Je suis le sénateur Baelor Cellaeron, nous avions rendez-vous ensemble, j'imagine. Comme il n’y avait personne à l’extérieur, je me suis permis d’entrer, » ajouta-t-il avec un sourire carnassier.
Il se tenait désormais debout derrière les fauteuils faisant face au bureau du sénateur absent, une distance respectueuse mais il avait déjà mis un pied dans la porte. Voyant qu’elle ne savait quoi répondre, il s’inclina vers elle.
« Tu dois être la fameuse prunelle des yeux de ce vieux brigand de Vaegon. Quel est ton prénom ? Je te prie de bien vouloir me pardonner, ma tête me joue des tours. Mais ton père nous parle souvent de toi. »
D’un soupir légèrement théâtral, il secoua doucement la tête avec un regret manifeste sur son visage. Tandis qu’il manifestait un profond sentiment de tristesse et de gâchis, il regarda autour de lui combien le bureau était décoré avec pompe et orgueil. C’était un bien grand endroit, plus vaste que son bureau actuel. Revenant à la jeune femme, il s’adressa à elle avec compassion.
« Comment se porte-t-il, d’ailleurs ? Les nouvelles et rumeurs qui circulent sont terrifiantes. Valyria a besoin de lui. »