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Les Mots OubliésFeat. Daenyra

Archives de l'Amphithéâtre, An 1066 Mois 5

La lame s'abattit une fois. Deux fois. Au troisième coup, une lueur jaillit du bouclier. Le porteur de l'artefact des Sept dévoilait sa véritable nature face à l'adversité. Orys le Boucher ne put que pousser un hurlement de terreur lorsque le jugement du Père tomba. Le meurtrier de la belle Anealys ne comprenait que trop bien que l'amour de la Mère et de la Jouvencelle, perdu si longtemps auparavant, n'aurait pu le sauver. La froide étreinte de l'Etranger se refermait déjà sur son coeur. Quelle force ténébreuse implora Orys pour combattre le funeste des Sept eux même ? Nul ne sut le dire. La force ne déserta pas le bras du monstre. Les coups redoublère..

Foutre des Dieux !

Le cri de surprise rendit son écho dans les sombres couloirs des archives valyrienne. Le parchemin que Jaekar tenait entre ses mains était déchiré. Le jeune homme ne comprenait que trop bien ce que cela signifiait. Le temps avait de nouveau frappé les maigres possessions non valyriennes des archives. Voilà plusieurs jours que les archivistes voyaient le fils de la Lumière de Sagesse frappait à leur porte dès le matin. Les taupes, comme les appelait Jaekar avec leur surpoids et leur regard myope, aurait volontiers refusé l'entrée d'un si impur sang si n'avait été le nom qui le précédait. Il était difficile de refuser l'accès au fils d'un puissant.

Il fallait dire que les archives recevaient rarement de la visite. Véritable catacombe souterraine, sèche mais sombre, les parchemins, tablettes d'argile et autres joyeusetés en cire y vieillissaient en paix. Lorsque la curiosité d'un valyrien venait le chatouiller, il était de coutume de demander aux maîtres de l'endroit que le document soit retiré et apporté dans une salle de lecture dédiée, voir au domicile du requérant pour les plus fortunés. Rares ceux qui demandaient l'accès direct aux boyaux des archives. Jaekar était pourtant de ceux là. Avec deux esclaves empruntés à son père, un Andal et un Ghiscari, qui tenait des flambeaux, il avait longuement erré avant de choisir sa lecture du jour : un magnifique texte chevaleresque, un conte Andal pourtant traduit en Valyrien.

Cependant, en dehors des traités de première importance ou des contrats, les documents étrangers se voyaient soumis à un traitement presque indolent. Remisés en vrac dans les parties les plus humides des tunnels, il était courant de les découvrir incomplets voir abîmés. Soupirant, Jaekar adressa à voix haute une prière vengeresse contre ceux qui osaient ainsi souiller la culture de manière si impie. Invectivant un adversaire imaginaire, il se tut soudainement lorsque son esclave se racla la gorge pour la troisième d'affilé. Jaekar se retourna agacé pour découvrir une silhouette, entourée probablement de la suite habituelle dans ces tunnels : garde, scribes et érudits. Plissant les yeux dans la lumière des torches, Jaekar tarda à reconnaître cette beauté pourtant époustouflante. Il finit par lâcher dans un souffle :

Daenyra ?



Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
Dame-Dragon

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Les mots oubliés
feat. Jaekar Veltheon

Archives de l'Amphithéâtre, An 1066 Mois 5

Si Valyria, sa ville, ses fêtes, son agitation et ses intrigues ne revêtaient que peu d’intérêt pour la jeune Tergaryon, il n’en était rien du bouillonnement culturel qui vibrait en son sein. Les murs majestueux du palais de l’Archonte à Oros avaient été l’écueil merveilleux d’une bibliothèque richement fournie. Sûrement était-ce le lieu où la jeune fille avait passé le plus clair de son temps, appréciant avec délectation la quiétude de cet endroit et la compagnie des livres qu’elle avait inlassablement dévoré. Il n’y avait pas un ouvrage qu’elle n’avait pas touché, qui n’avait pas subi sa lecture assidue et connu le frôlement de ses doigts sur le papier. Quand ses aînés trouvaient du réconfort dans les jeux, la compagnie mondaine ou l’exercice martial, Daenyra trouvait refuge au milieu des ouvrages. Ces derniers étaient des compagnons idéaux, sources de savoirs étendus et tangibles. Les livres ne l’emportaient pas dans un tourbillon de sentiments qui la mettait à mal, ils ne la piétinaient pas dans la cavalcade impétueuse des âmes.

Toutefois, elle avait trouvé un ravissement encore plus grand en rejoignant les murs de la cité lumière. Le palais Hoskagon, refuge de la famille Tergaryon, jouissait également d’une collection impressionnante dans sa bibliothèque. Pour l’oiseau discret, il s’agissait de nouveaux savoirs à acquérir, d’une nouvelle nourriture dont rassasier son esprit avide de connaissances. Depuis leur arrivée à Valyria, la cadette de la lignée avait déjà passé un temps considérable entre les rayonnages de cet antre flamboyant. La vie grouillante au-dehors n’était pas sans épuiser considérablement la jeune fille qui parvenait à se ressourcer au contact précieux de ces ouvrages séculaires, des parchemins anciens et des écrits de jadis.

Aujourd’hui, son être ne se satisfaisait pas des richesses contenues dans la bibliothèque du palais Hoskagon. Daenyra, inquiète pour le sort de sa famille, dédiait ses heures de liberté à son enrichissement personnel et à la sauvegarde des Tergaryon. Récemment, leur lignée avait été frappée d’un complot atroce à la main anonyme. Vaegon, roc invincible de cette famille, avait été empoisonné, réchappant à la mort uniquement grâce à la clément des Dieux. La cadette des Tergaryon n’ignorait pas que ses ressources étaient quelque peu limitées. Elle n’aurait jamais la force de son frère Maekar, ni son charisme, elle ne posséderait jamais le pouvoir charmant qu’Elaena exerçait sur la foule, pas plus qu’elle ne possédait les dons magiques de son petit frère, Maerion. Cependant, elle savait que son esprit était aiguisé et que ses intuitions ne la trompaient que rarement. Aussi se gorgeait-elle de tous les savoirs possibles afin de s’imprégner de tous les rouages de l’histoire, d’appréhender les mailles de la politique, ou de trouver des indices dans ce qu’elle lisait. Le savoir était pouvoir ; une pensée dont le discret oiseau était convaincu. L’érudition des femmes n’était guère privilégiée dans de telles sociétés, ni même au regard de ses propres parents, toutefois, il en aurait fallu plus à la jeune fille pour la détourner de cette force à exploiter. Aussi avait-elle trouvé son chemin aux archives de l’amphithéâtre, combattant là toutes les faiblesses que la présence d’autrui lui affligeait.

Les recherches de Daenyra avaient démarré tôt dans la journée, la poussant à explorer un peu plus tard les boyaux de l’amphithéâtre, là où reposaient les parchemins anciens et tablettes d’argile. Elle se serait volontiers passée de la présence des scribes qui s’affairaient çà et là, mais plus encore du son de cette voix qu’elle rattacha tout de suite à son personnage. Il y avait là les relents d’une âme impétueuse, d’une âme avide et du florilège de tous ses caprices. Daenyra découvrait avec beaucoup d’affliction la présence de Jaekar Veltheon en ces lieux.

Des mots, ils n’en avaient guère échangé puisqu’il n’avait même pas encore joui du son de sa voix. En souvenirs de leur première rencontre, Daenyra n’emportait que des paroles qui avaient excité sa colère et les échos de pensées impropres. Elle n’appréciait guère les mondanités pour plusieurs raisons, mais celle qu’elle exécrait le plus était cet étalage de débauche et de luxure. Elle n’avait pas aimé faire l’objet du moindre désir d’un homme, plus encore d’un être à l’âme aussi sirupeuse. Son opinion ne s’était que peu améliorée au récit de sa sœur Elaena, qui lui avait conté les avances de l’homme, à la fois en ce qui la concernait, mais également envers son aînée. Il n’en avait pas fallu plus pour embraser le doux caractère de Daenyra qui honnissait tout homme qui jugeait femme pour acquise, qui se délectait uniquement des atours d’une femme mais non des attraits de son esprit.

« Jaekar Veltheon… » dit-elle non sans laisser un profond mécontentement pourfendre sa voix. « Ainsi, tu lis. » Il n’était pas dans la nature de l’oiseau de se montrer si piquante. En général, les joutes verbales et autres subtilités étaient un art maîtrisé par son aînée. Pour cette fois, cependant, elle prit exemple sur les enseignements de cette dernière afin d’affirmer son inimitié. Daenyra attrapa un parchemin sur une étagère qu’elle consulta distraitement. « S’il y avait bien un endroit que je pensais affranchi de ta présence, c’était cet Amphithéâtre et ses archives. » Le serpent qui prenait possession de sa langue jugeait sans guère connaître l’homme qu’il avait en face de lui. Néanmoins, n’était-il pas coupable du même crime ?


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Les Mots OubliésFeat. Daenyra

Archives de l'Amphithéâtre, An 1066 Mois 5

Lorsqu'il avait aperçu Daenyra la première fois, Jaekar avait été frappé par la beauté de la jeune noble. Il se rendait aujourd'hui compte à quel point la chaleur de la soirée ainsi que la foule ne pouvait rendre hommage à son idylle. Dans la pénombre des torches et des murs antiques, Jaekar n'était pas habité par la hargne primaire qui caractérisait son comportement. Aucun appétit sexuel ne se lisait dans ses yeux et seule l'admiration trahissait ses traits et son sourire.

Daenyra ne souffrait qu'aucune comparaison, et Jaekar n'eut même pas une pensée pour Elaena. Les traits, encore doux et portant l'innocence de l'enfant, cachait une femme à la beauté insurmontable même pour le plus preux des chastes. Tout en Daenyra ravissait son soupirant. Des pommettes à escalader du regard, un menton aussi délicat qu'une broche en or et un nez plus droit et balancé que la Justice incarnée. Si Jaekar eut un oubli concernant sa gorge, ce ne fut que pour vouloir nicher ses lèvres le long de ce cou et d'une nuque qu'il devinait aussi lourde que chaleureuse. De là il n'y avait qu'un pas pour se perdre dans les yeux à la profondeur incommensurable. Jaekar remerciait les dieux de ne pouvoir s'y plonger à la pleine lumière du jour car il ne doutait pas de le faire que pour s'y noyer.  

Je lis.

La voix peinée de Jaekar s'accompagna d'une première fissure sur son masque galant. Son sourire se figea l'espace d'une second et son regard se voila. Il était un homme de sens, qui n'aimait pas l'ascétisme et préférait au contraire se gorger du plaisir. Il ne voyait pas l'intérêt de se priver pour mieux apprécier quand il fallait simplement se donner les moyens d'obtenir l'objet de son désir. Pourtant, à la vue de Daenyra, l'artiste en lui ne cessait de s'émerveiller. L'artiste en lui voulait s'imposer, détruire cette image faussement paresseuse qu'il dégageait pour mieux vivre une romance fantasmée, issu du souvenir inventé d'une mère et d'un père fou l'un de l'autre. Une chose était sûre à ses yeux : il désirait Daenyra non pas comme il désirait une femme mais pour quelque chose que même son esprit ne pouvait assimiler. Un mot simple, difficile à imaginer : l'amour au premier regard.

N'en déplaise à ceux qui me juge au premier regard ! s'exclama Jaekar avec fougue. Il n'appréciait malgré tout pas d'être rejeté si violemment pour sa maladresse. Il combattait avec férocité ses sentiments et se savait vaincu pour une fois. Maudissant sa propre bêtise, il se leva et tendit à Daenyra le sujet de sa lecture avec vigueur. Ne te demandes donc pas ce que je fais de mes journées. Suis-je un sombre assassin l'homme de main aux ongles noircis par le sang des ennemis de mon père ? Ou peut être que je suis un fat, un ignoble bonimenteur qui regarde le fondement du frère de sa plus récente conquête ? Non. Je lis. Je m'émerveille de la beauté de ce monde, j'essaye de le comprendre. Parmi tout les défauts de Jaekar, il en était un qu'il refusait d'accepter et c'était la perte de son identité. Il savait qui il était et les raisons de sa présence. Malgré tout, l'avenir lui semblait si flou ainsi que sa place dans le monde. Le visage rougi, les yeux écarquillés à la fois d'amour, de crainte et de colère, il ouvrait son cœur en une seule traite. Un coeur que peu pouvaient se targuer de connaître et encore moins d'en faire les frais.

Ne devrais-je pas être étonnée de te trouver ici ? Est-ce bien raisonnable parcourir de tes yeux divins les Sept Traités de l'Economie ? Ne viens-tu pas de la section où se trouve Kȳvanon se art, iā vestriarzir hen vīlībāzma du général Suntzaon ? Jaekar soupira, un profond souffle d'une bête blessée et loin de ses airs théâtraux habituels. Tu me hais, Daenyra, pour une raison que je ne m'explique pas. Et cette haine ronge mon cœur et mon âme.


Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
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feat. Jaekar Veltheon

Archives de l'Amphithéâtre, An 1066 Mois 5

Il n’y avait guère de caractère que Daenyra jugeait plus durement que celui de l’orgueil et de toutes ses vanités. Elle exécrait le ballet médiocre de toutes ces âmes valyriennes qui se complaisaient dans l’attrait de toutes les chères, régalaient leurs égos de conquêtes et de luxures. Elle ne trouvait que peu d’atours à ceux qui considéraient toute chose comme acquise, répondant uniquement à l’appel de leurs sens ou à l’impériosité de leur arrogance. Un tableau peu flatteur que la jeune noble adressait plus particulièrement à Jaekar Veltehon. Il n’avait suffi que d’une soirée pour que le doux oiseau ne tisse roidement ses idées sur l’homme. Une crapule avide qui jouissait de la beauté que les Dieux lui avaient conférée pour parvenir à ses plus bas desseins. Daenyra ne comptait pas finir parmi celles qui atterriraient dans la gueule béante de l’Andal. Elle aurait pu lui pardonner son égarement premier en s’adressant à elle, mais le récit que sa sœur Elaena lui avait conté le lendemain n’avait fait que raffermir sa colère. Constatant l’échec cuisant d’une tentative d’échanges avec elle, ses faveurs s’étaient tournées vers son aînée. Plus outrée que vexée, la demoiselle Tergaryon s’était exercée à ne plus jamais croiser la route de cet homme lors de soirées mondaines.

Hélas, elle n’aurait guère pu soupçonner que leurs destins se retrouveraient dans les entrailles des archives de l’Amphithéâtre. Daenyra ne pouvait que maudire les Dieux pour leurs desseins frivoles et cruels. Plus piquante que jamais, elle ne masqua que peu son déplaisir de croiser Jaekar en ces lieux. D’autant que sa présence n’était pas sans la troubler grandement. Il ne fallait voir là aucun assaut du cœur dans ses quelques faiblesses, mais bien une âme écrasée sous le poids de l’autre. La personnalité de Jaekar était forte, charismatique, imposante. Il n’était pas homme à rougir de ses intentions, de ses pensées ou de ses paroles. La jeune fille pouvait lire aussi clairement en lui qu’au travers des pages de ces parchemins qui jonchaient les étagères. Elle était alors d’autant plus décontenancée par ce qu’elle pouvait lire en lui. Une admiration sincère, une adoration presque pour la personne qu’elle représentait. Toutefois, Daenyra ne pouvait s’arracher à l’idée qu’il ne la connaissait ni de cœur, ni d’esprit, et qu’il était bien futile de s’enticher ainsi d’une âme au premier regard.

Toutefois, la peine sincère qu’elle décela dans sa voix et dans son esprit lui ôta un brin de sa hargne. Peu habituée à se montrer si acide, elle en vint presque à regretter son comportement. Il ne faisait aucun doute pour elle qu’aucune de ses paroles ne parviendrait à toucher aussi aisément l’orgueil de l’Andal. Un fait qui ne manquait pas de désarmer la Tergaryon qui se plongea à nouveau dans l’étude assidue des documents à sa portée jusqu’à ce qu’un parchemin n’apparaisse sous son nez. La brusquerie de ce geste la vit légèrement sursauter, mais elle finit par attraper l’objet tendu. Il s’agissait d’un conte de jadis, presque un mythe aussi chevaleresque qu’il était romantique. Une lecture peu attendue qui lui fit hausser un sourcil tandis que Jaekar s’étendait en vexation. « Je lis. Je m’émerveille de la beauté de ce monde, j’essaye de le comprendre. » D’ordinaire, Daenyra savait très bien cerner les mensonges et les dénoncer. Aujourd’hui, elle était frappée par la sincérité de ses propos et pour la première fois, se disait-elle, peut-être s’étaient-ils trouvé une affinité commune.

Elle enroula le parchemin qu’elle déposa sur la table, évitant sciemment le regard enflammé du jeune homme. La tête lui tournait de toute la fougue qu’il déversait dans chacune de ses paroles, de la sincérité désarmante dont il faisait preuve et de ses gémissements de bête blessée. « Qu’est-ce qui devrait t’étonner le plus dans ma présence ? Que je ne sois pas en train de parfaire mes toilettes pour la fête de l’un des grands de cette cité ou bien j’entende quoi que ce soit aux récits de guerre et aux traités d’économie ? » Luttant contre ses propres démons, elle releva son regard sur lui. Une entreprise fort audacieuse pour elle qui perdait ses forces, aspirées par le regard de braise de l’Andal. « Penses-tu que la femme ne puisse pas lire et s’émerveiller des beautés de ce monde elle aussi ? » dit-elle en faisant écho à ses propres paroles. C’était à son tour d’être fortement vexée. « Les gens orgueilleux comme toi se forgent eux-mêmes de bien pénibles tourments… Ne crois pas que je t’accorde assez d’importance pour te honnir Jaekar, mais je me fais au moins le serment de ne pas t’aimer. » Comment pourrait-il en être autrement alors que son cœur appartenait déjà un autre et qu’il en serait toujours ainsi ? Daenyra n’avait jamais été fidèle qu’à une seule âme. Pour l’éternité. « Ton cœur et ton âme ne peuvent me pleurer ou saigner sous mes coups car ils m’ignorent. Ils me connaissent à peine. Ils m’éprouvent tout juste. De quelles chimères ton esprit s’est-il entiché pour que je devienne si subitement maîtresse de tes joies et de tes souffrances ? »



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Les Mots OubliésFeat. Daenyra

Archives de l'Amphithéâtre, An 1066 Mois 5

Jaekar cligna des yeux, bêtement, de longues secondes durant alors que les mots de Daenyra tombaient à nouveau. Sa soeur l'avait prévenu que tenir une conversation équivalait en une sorte de cours de longue haleine. Le jeune homme s'était attendu à la morgue, voir même une certaine méchanceté. Au contraire, seule la justesse des paroles de Daenyra pouvaient lui coupler le souffle de la sorte. Mis devant le fait accompli de ses grands airs de dandy, Jaekar baissa le menton, honteux et impressionné. La force d'esprit, et cette agilité dans le choix des mots, aiguisait son appétit intellectuel autant que la beauté de Daenyra aiguisait celui de la chair.

Ne détournes pas ma propre rhétorique contre moi. Ma question était aussi cynique que ton cœur, si jeune et pur, semble être. Je ne suis pas étonné de te retrouver ici en personne. Tu ne goûtes pas à l'offrande de la chair et des loisirs nocturnes, je ne peux que accorder mon respect pour une telle chose.

Jaekar darda son regard droit dans celui de Daenyra lorsqu'elle leva ses pupilles vers lui. Ses yeux noisettes témoignaient de sa bâtardise, de sa place manquée dans le monde et la souffrance, cachée même à ses sens, qu'il en tirait. Jaekar avait depuis longtemps appris à se défaire de l'arrogance, voir la haine, de certains pour ses origines. Que Daenyra puisse penser qu'il partageait la facilité de la haine et du dégoût à l'amour des uns et des autres était une insulte au goût assez amer qu'injuste.

Qui donc que la petite princesse de sa tour dorée pourrait croire que moi, le bâtard de Valerion Qoherys, puisse penser si bas de la première venue ? Crois moi, je me dois d'être orgueilleux, tu en est l'incarnation même. Quels tourments tes pairs te font souffrir pour qu'un tel venin se déverse de ton esprit cultivé ? Ne crois pas que je t'accorde la moindre importance pour ton physique avenant, Daenyra, car je fais le serment que c'est ton âme que j'ai lue en te croisant cette nuit et c'est ton âme qui a appelé mon coeur.

Piqué au vif, prompt à la colère, Jaekar sentit ses pommettes rougir sous l'effet de ces sentiments. La mâchoire serrée et le regard sombre, il posa les poings sur la table et fixa d'un œil colérique Daenyra, toute peine effacée. Jaekar était un homme plein, difficile et qui vivait autant pour l'amour des autres que de la chose. Il était capable de donner du plaisir pour honorer Meleys une seule nuit comme de butiner le nectar divin des femmes pour des mois durant. Sa seule sensibilité était la guide de ses sentiments, une maîtresse cruelle et douce à la fois tout comme Daenyra.

Une chimère que je nomme l'instinct. Ne crois pas que je n'ai pas entendu parle de toi Daenyra. La belle, fragile, douce et cultivée Tergaryon, l'ombre de sa soeur et pourtant si difficile. Une étoile à faire tomber du ciel. Des racontars... Du moins jusqu'à ce que je croise ton regard. Telle est la chimère à laquelle je m'accroche, ce simple échange avant que tu prennes mes sentiments et les émiette comme une enfant avec ta langue aussi acérée. Quel dommage qu'elle ne t'attache qu'à la passion du verbe et pas à celle de milles baisers.


Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
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feat. Jaekar Veltheon

Archives de l'Amphithéâtre, An 1066 Mois 5

Il  n’était pas rare que Daenyra accuse silencieusement les Dieux de quelques duplicités et ne les devine victimes de leur propre oisiveté. Dans les ténèbres de la nuit, elle les maudissait parfois de leur cruauté, de leur frivolité et de leurs caprices arrogants. Des enfants du ciel au pouvoir trop grand, à l’orgueil démesuré et aux vanités affamées. Ces pensées presque blasphématoires, la Dame Dragon les conservait tues aux confins de son être. Honteuse. En colère. Trahie.

Elle se surprenait à les adorer autant qu’elle pouvait les honnir pour toutes les douleurs qu’ils affligeaient, pour les desseins cruels et leurs ennuis demandant à être rassasiés. Nulle surprise ne viendrait l’effleurer si elle venait à apprendre que les Dieux n’étaient pas innocents dans sa situation présente et sa rencontre avec Jaekar Veltehon. Lors des dernières réceptions auxquelles elle avait participé aux côtés de sa sœur, elle s’était toujours félicitée d’avoir pu échapper aux regards et à l’attention de l’Andal. Savoir son regard posé sur sa peau d’albâtre, se repaissant de ses atours discrets, lui hérissait l’épiderme. Imaginer un seul instant qu’il puisse souhaiter se rapprocher d’elle et entendre mener ses projets à bien la plongeait dans la plus profonde des colères. Aussi, alors que le cruel destin les faisait se confronter au cœur des archives, sa bouche si tendre et délicate s’employait à déverser le plus amer des venins. Daenyra n’était guère une femme de lutte et de joutes verbales. Elle s’épargnait des échanges qui mettaient à mal son énergie et menaçaient de la prendre au dépourvu par leur tournure. Elle n’était pas plus une créature orgueilleuse dont la fierté se devait d’être lavée. Toutefois, une voix duplice lui susurrait de ne point se défiler et de défendre, non point son honneur, mais ses valeurs et d’éclater aux yeux de ce fat les propres failles de son égo et de ses certitudes.

Par les artifices de son don, elle ne percevait que trop bien les textures de son âme et ses aspérités, le fil de ses pensées et l’embrasement de ses émotions, le tout dans un maelstrom étourdissant. L’héritage qui coulait dans ses veines lui sommait de tenir de bon et de n’admettre aucune faiblesse Toutefois, une craquelure s’échoua sur son visage à la prochaine parade de Jaekar. Comment pouvait-il être si bien au courant que Daenyra se défilait lors des honneurs offerts à Meleys ? Elaena et Daenyra ne manquaient guère de stratégies pour cela passe inaperçu, mais le regard de l’homme demeurait bien plus alerte et attentif qu’elle ne le pensait. « J’admets ne guère faire honneur à notre déesse Meleys. Mais quel respect peux-tu m’accorder, toi qui ne manques guère une opportunité de te rapprocher au plus haut d’Elle ? » Sans omettre l’indécence avec laquelle Jaekar poursuivait ses pulsions, proposant ses faveurs à Elaena quand il n’avait pu se satisfaire de la cadette. Une manœuvre que Daenyra condamnait profondément, lui qui contait précédemment ses désirs d’union avec elle. Nulle question de vexation dans cette sourde colère, mais bien une hargne farouche contre le péché d’hubris, le crime de toutes ses prétentions et l’aveuglement de ces hommes qui pensent toute chose acquise.

Les yeux incandescents de l’Andal manquèrent de lui provoquer un violent vertige. Sa colère l’embrasait toute entière, lui provoquant fière et palpitation. Il lui fallut s’asseoir à la table en face de lui pour ne point défaillir entièrement. Elle souhaitait soutenir son regard tandis qu’une bile noire remontait jusqu’aux lèvres de Jaekar et se déversait jusqu’à sa cible. La fougue de ses paroles était aussi étourdissante que la sincérité enflammée dont il débordait. La colère avait broyé toute la mélancolie distillée dans ses veines. Elle affrontait ici-bas la bête blessée, l’homme vexé et les attaques d’une injustice réclamant réparation. Mais si jusqu’ici, elle n’avait ressenti que les affres des sentiments confus de Jaekar, voilà que ses propres douleurs s’éveillaient en elle. Des souffrances éteintes, tapies dans les ténèbres, réduites à la nuit. Que croyait-il connaître de ses désirs et de ses amours ? Alors que ses lèvres saignaient de baisers absents, que son cœur hurlait la perte de sa propre moitié et que son âme avait été arrachée à sa vie. Elle qui ne vivait que pour le souvenir chéri d’un fantôme tant aimé. Elle qui se couchait chaque soir pour rejoindre l’être adoré dans son linceul d’oubli. Elle qui le retrouvait dans chaque visage, dans chaque sourire, dans chaque éclat de rire. Elle qui souffrait chaque seconde de la disparition d’un frère qui n’avait su combien elle l’aimait. Son existence, aujourd’hui, elle la lui dédiait entière. Ce n’était pas les Dieux qui la guidaient chaque jour, ce n’était pas les conseils des cieux, ni les murmures du vent. C’était lui, et uniquement lui. Aenar, ses paroles, ses souvenirs, son ombre éthérée.

« Que crois-tu connaître de mon âme, Jaekar ? Que crois-tu y lire avec tes yeux aveugles et ton cœur profane ? La penses-tu déjà rêche et amère, abattue de tourments et meurtrie ? Tu t’accroches à une âme que tu ne connais point. Une âme que ton cœur à tout juste effleuré et qui lui est encore étrangère. » Les picotements à son nez amenèrent des larmes malvenues à ses yeux. Cette fois, l’émotion provenait de sa propre poitrine étouffée. « Vois-tu, ton âme, je peux la lire parfaitement. Tu n’es qu’un livre ouvert dont les pages s’offrent à moi sans pudeur, comme toutes les créatures de cet univers. Si tes mots sont sincères, sache que ton cœur s’égare. Tu parles d’une étoile à faire tomber du ciel ? J’y lis la volonté arrogante de brandir un trophée. Tu parles d’un cœur appelé par mon âme ? J’y lis les impulsions égarées d’un être bien trop fougueux, trop vaniteux, trop arrogant. » Elle n’ignorait pas les routes escarpées de l’amour, ses feux trop ardents et le florilège de ses douleurs. Cependant, elle croyait en un amour qui naissait avec le temps, où deux âmes s’apprenaient, s’estimaient, s’apprivoisaient puis s’unissaient. Un amour dans le temps, un amour écrit dans les astres, un amour éternel. Mais elle ne parvenait à croire aux fièvres des élans de Jaekar. Il n’avait pas le droit de l’aimer. « Ce n’est point l’instinct qui te parle, mais une voix insensée. Peut-être les Dieux eux-mêmes ont-ils décidé de se jouer de toi. Cela serait bien cruel et je pleurerai que tu sois leur infortunée victime. »  Sa main se posa sur son front, comme pour le soutenir. « Tu ne dois point m’aimer, Jaekar, car tes chimères sont faites de sable et que cet instinct si prompt en toi s’étiolera comme poussière dans le vent. » Elle se redressa. La tempête de ses sentiments mêlés à ceux de Jaekar la projetait dans la plus profonde tourmente. Si elle souhaitait ne pas demeurer faible trop longtemps, elle se devait de se soustraire à son écrasante compagnie. Ses derniers mots furent ceux-là alors qu'elle allait se retirer de l'amphithéâtre. « Adieu, Jaekar Veltheon. Que les Dieux veillent sur son âme exaltée. »



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