Devenu un rituel bien rodé depuis presqu'un an, il ne pouvait le faire que quand il avait le temps de le faire. C'était chronophage mais elle le méritait amplement. A chaque fois qu'il pensait à elle, le cœur d'Hordar se serrait dans sa poitrine et il lui fallait parfois plusieurs heures pour chasser les humeurs sombres qui s'ensuivaient. Revenant du Temple de Balerion, l'homme se laissait guider par son cheval en pensant à Delaela, sa femme morte en tentant de donner la vie. Quelle ironie quand on prenait deux secondes pour y réfléchir. A croire que Shrykos s'était emmêlée les pinceaux ce jour là et avait décidé de tout balancer parce que, même elle, ne s'y retrouvait plus. Mais alors à qui la faute ? Est-ce qu'il était raisonnable de penser qu'une entité si puissante pouvait commettre des erreurs ? Le marin ne savait plus quoi penser. Sa colère s'était déjà dirigée vers tellement de facteurs différents. Il en avait voulu aux personnes qui n'avaient pas su maintenir sa femme en vie, il en avait voulu aux Dieux, il s'en était même voulu à lui-même de ne pas avoir été là pour lui dire adieu. Bien trop occupé à servir les intérêts de Valyria. On savait comment il en avait été remercié...
Depuis beaucoup de choses s'étaient passées mais son deuil était toujours à faire. Il n'avait vu qu'une seule fois la famille Narnaréon, dont provenait sa femme, c'était le jour des funérailles. Hordar n'était en rien responsable de la mort de leur fille et bien que le cœur lourd de tristesse, les parents lui avaient dit qu'il serait toujours le bienvenue chez eux à Anogaria. Aucune visite, aucune lettre envoyée. Bien sûr qu'il avait tenté à plusieurs reprises de leur écrire mais à chaque fois qu'il s'y était essayé, sa main tremblait au-dessus du parchemin et il ne savait plus quoi écrire. Et se mélangeant aux tâches d'encre, les larmes s'ajoutaient rendant le parchemin inutilisable. Bien sûr, ce triste spectacle se faisait dans l'intimité de sa chambre quand la nuit était déjà tombée depuis bien longtemps et que les rideaux étaient tirés. Ne voulant pas que l'on puisse soupçonner son immense détresse dans ces moments là, il brûlait même les feuilles pour ne laisser aucune trace.
Sortant de sa torpeur, Hordar se rendit compte qu'il était dans le Quartier Ouest non loin de la demeure des Maerion. Il faisait le chemin tellement souvent depuis deux mois que son cheval l'avait instinctivement mené là. Après tout, pourquoi pas. On ne lui avait pas spécifiquement demandé de venir tous les jours mais peut-être qu'Aerys était là. L'ambiance n'était pas encore exceptionnelle entre les deux mais cela lui changerait certainement les idées de traîner avec le cadet de la famille. Les gardes et serviteurs le connaissant bien, ils ne s'étonnèrent pas de le voir arriver. Il apprit que le jeune Maerion n'était pas là. Occupé par une affaire pour la famille. Soit, Hordar allait devoir trouver un autre moyen de ne plus penser à sa défunte épouse. En tous cas, c'est ce qu'il se dit quand on lui annonça qu'Aerys était absent. Mais un serviteur lui apprit qu'Arraxios, apprenant qu'il était de passage, avait demandé à s'entretenir avec lui. Fort bien, Hordar ne savait pas trop pourquoi ni si c'était une bonne chose mais il était au service de cet homme alors, autant aller à sa rencontre.
Patientant devant son bureau, Hordar réussit l'espace de quelques instants à oublier son chagrin. Il se demandait ce que lui voulait le patriarche. Aerys n'était pas là alors ça n'était certainement pas une mission à faire avec lui. A moins qu'il ne lui demande de le rejoindre ? Alors qu'il se tenait la tête entre ses mains en se demandant à quelle sauce il allait être mangé, la porte du cabinet de la Lumière de Sagesse s'ouvrit et la silhouette de l'homme apparut dans l'encablure.
« Hordar, bonjour. J'ai un travail pour toi. »
Le Kihzeznis s'était levé à l'entente de son nom et écoutait attentivement.. Voyant le père Maerion rentrer dans son bureau, le marin suivit et ferma la porte derrière lui.
« A ton service Lumière de Sagesse. »
« Tu vas accompagner ma fille dans le Quadrant Sud jusqu'au marché aux esclaves. Je vais la charger de se rendre sur place pour faire l'acquisition de nouvelles pièces si l'investissement en vaut le coup. Toi, tu vas d'une part veiller sur elle et d'autre part, rencontrer l'un de nos partenaires qui sera également à cette vente. Attention, c'est très important et ma fille n'a pas besoin de savoir de quoi il en retourne. Ce contact te dira si oui ou non il compte me rendre un service. Si jamais sa réponse est négative, je te charge de lui rappeler qu'il est difficile de nous dire non. »
« Bien Lumière de Sagesse.. »
« En attendant que l'on porte la missive à ma fille pour l'informer du programme de sa journée qui aura été certainement dérangée, voici un dossier contenant les informations que nous détenons sur ce contact. Lis, retiens et sers-t-en pour lui faire comprendre que l'on ne plaisante pas. »
L'homme lui tendit un parchemin où était annoté plusieurs informations comme le nom de sa femme, de ses enfants, la profession de ceux-ci et l'endroit où on pouvait les trouver. Il y avait également l'un ou l'autre secret honteux qui pouvait descendre une carrière et une réputation. Nul doute que le réseau du père d'Hordar avait bien œuvré pour obtenir toutes ces informations. La lecture terminée, il fut congédié avec comme dernière instruction d'attendre dans l'entrée que Daenerys soit prête pour se rendre en ville. Hordar étant un homme obéissant, c'est exactement ce qu'il fit. Attendant que la benjamine de la famille n'arrive, il se remémorait les informations qu'il avait sur le contact et s'amusait déjà à les trier pour les sortir de manière à faire comprendre à son futur correspondant qu'il ne fallait pas le prendre à la légère.