Le deal à ne pas rater :
Réassort du coffret Pokémon 151 Électhor-ex : où l’acheter ?
Voir le deal

Baelor Cellaeron
Baelor Cellaeron
Le Seigneur-Soie

https://rise-of-valyria.forumactif.com/t421-le-maitre-du-pinnacl
Manteau d’argent ouvre porte de ferAdhara Nahram & Baelor Cellaeron

Grand Bazar de Valyria - An 1066, mois 5

La caravane était assemblée non loin du grand marché ouvert de Valyria.

Une trentaine de chariots étaient rassemblés, surveillés de près par une escorte composite de gardes portant l’armure légère des troupes Cellaeron et des mercenaires employés pour la surveillance des caravanes comme on en trouvait des tas dans toute la Péninsule. Le convoi lui-même était un assortiment de chariots à destination du Pinacle, le fief des Cellaeron, des partenaires commerciaux de Baelor dans le nord de la Valyria et parfois même au-delà des frontières du domaine des dragons. On trouvait des épices et des produits pour le Pinacle, quelques denrées pour l’export et surtout de nombreux esclaves fraîchement acquis par les mines Cellaeron pour agrandir les galeries profondes qui couraient sous les Montagnes Peintes. A la différence des monts volcaniques valyriens, les montagnes des Cellaeron n’étaient creusées que par quelques familles qui avaient les moyens et l’esprit d’aventure pour domper leurs pics sauvages. Les flancs colorés et enneigés de cette chaîne rocailleuse marquaient la limite de la civilisation valyrienne et le début vers les territoires sauvages du centre d’Essos. Les risques y étaient bien différents de ceux du centre de Valyria, et les récompenses souvent plus intéressantes bien que l’organisation et la logistique y furent critiques pour éviter des accidents terribles pour la rentabilité des exploitations minières.

Installé dans un palanquin couvert de soie dorée et tracté par des éléphants nains d’une blancheur immaculée, Baelor conversait avec le chef de la caravane, un homme à la mine patibulaire et aux yeux vairons, l’un étant d’un violet sombre et l’autre d’un vert clair comme l’eau d’un lac de montagne. Maegor Actaleon était un fils de la fange qui avait su s’élever jusqu’aux hautes sphères du peuple valyrien, disposant d’une demeure cossue à Mantarys et d’une solide réputation d’organisateur de convois commerciaux et de logisticien sans pareil. La rumeur voulait qu’il avait largement mis à profit ses compétences en la matière durant la guerre pour organiser la chaîne logistique qui s’étendait ou se contractait  selon les mouvements des armées de Valyria. Les deux hommes, Maegor debout et Baelor avachi avec désinvolture, dégustant quelques huîtres au vinaigre, s’entretenaient à l’ombre d’un grand bâtiment. Les derniers détails, comme le paiement final et les pénalités de retard étaient déjà réglés depuis belle lurette, et les deux hommes devisaient sur la possibilité d’une reprise du conflit contre Ghis d’ici quelques années. Baelor, qui préparait son entrée dans la course pour l’élection de Lumière de Sagesse, prenait soin de jauger la température de tous ceux qu’il croisait à ce sujet.

Baelor avait beau avoir de nombreux contacts avec Ghis, il n’en était pas pour autant aveugle. Il était évident que les événements débutés durant la Trahison de Bhorash ne se termineraient pas avant des décennies, voire des siècles. Cette première guerre n’était, selon lui, que le premier acte d’une pièce qui ne connaîtrait pas de dénouement tant que l’un des deux empires n’aurait pas consenti sa défaite de manière éternelle face au rival honni. Les Ghiscaris ne s’arrêteraient pas tant que le chevaucheurs de dragons qui venaient challenger leur domination sans partage sur cette région d’Essos ne seraient pas tous esclaves des grandes familles aux pyramides, et leurs terrifiantes créatures toutes tuées. Valyria avait trouvé en Ghis un ennemi à la mesure de ses ambitions et de ses possibilités ; après plusieurs siècles à croître sous la menace des légions de l’Empereur, il n’y avait désormais pas d’autre possibilité que de faire s’effondrer pour de bon le Vieil Empire.

En son for intérieur, Baelor savait que les Valyriens avaient le potentiel pour devenir les maîtres du monde. Des dizaines de peuples et de civilisations seraient ravagés et versés dans les mines sans fond de Valyria. Là n’était pourtant pas sa réflexion du moment. Il profitait de ce met exquis provenant des mers chaudes entourant la Péninsule. Il aimait le Grand Bazar, son atmosphère, les centaines de badauds qui évoluaient çà et là pour faire leurs achats, simplement pour observer ou encore pour dérober les innocents. On sentait les remugles d’un peuple tout entier rassemblé dans un grand endroit ensoleillé. Les étals et leurs auvents colorés illuminait la grande place de pavés rougeâtres, la transformant en une mer d’étoffes multicolore où les odeurs de sueur, d’épices, de plantes et d’encens se mêlaient aux cris des vendeurs appâtant le chaland, aux promeneurs essayant de se faire entendre les uns des autres. Le Grand Bazar était un joyeux désordre dans lequel l’âme de Valyria résidait bien plus que dans les hautes tours du Quadrant Ouest ou sous la coupole du Sénat, car c’était ici le cœur battant de l’activité populaire de la plus merveilleuse cité du monde. Au fond, derrière les bâtiments plus ou moins bien entretenus, on devinait les épais remparts de pierre valyrienne qui protégeaient la ville et, encore au-delà, une partie des Flammes noires qui ceignaient Valyria comme un berceau titantesque. Haut dans l’azur, bien au-dessus de la plus haute tour de la ville, la silhouette épaisse d’un imposant dragon noir tournait autour de la place, tel un faucon surveillant des champs montagnards. La créature était si haute que personne ne la remarquait, tant ils étaient tous habitués, car elle ne semblait guère plus grosse qu’un faucon, tant elle volait haut.

Apparue au détour d’une conversation sur la possibilité de fortifier l’Île aux Cèdres pour en faire le tremplin d’une attaque-éclair sur Ghis directement, Adhara Narham se présenta devant les deux hommes pour rendre compte à son employeur. Baelor se redressa en la voyant arriver la jeune femme à la peau sombre. Elle tranchait avec la plupart des membres de l’équipage, dont la peau était claire. Elle expliqua avoir été occupée à sécuriser les chariots d’épices et briefer ses hommes.

« Merci Adhara. Beau boulot. Je te présente notre employeur, l’estimable sénateur Baelor Cellaeron. Sénateur, je te présente Adhara Nahram, une dame de qualité qui a d'excellentes références à Tolos, à Mantarys et à Valyria. »

Le Seigneur-Soie adressa un signe de tête à la jeune femme.

« C’est un plaisir de faire ta connaissance, dame Adhara. Je n’ai nul doute que tu sauras prendre soin de la totalité de mon convoi. Tu as ma bénédiction pour secouer un peu les esclaves qui auraient l’idée de se montrer turbulents avant d’arriver au Pinacle. Je te demande simplement de les laisser aptes à descendre dans les mines. Avez-vous des questions, l’un et l’autre ? »



avatar
Invité
Invité

Manteau d’argent ouvre porte de ferAdhara Nahram & Baelor Cellaeron

Grand Bazar de Valyria - An 1066, mois 5

Il était venu la trouver deux semaines auparavant, par l’intermédiaire d’une connaissance. Echya avait, une fois de plus, adroitement mené sa barque : il avait suffi d’un mot, glissé à l’oreille d’un partenaire de commerce, pour que le nom de sa maîtresse gravite lascivement jusqu’aux cercles marchands de la capitale et finisse par atteindre, comme escompté, la cible désirée. Maegor Actaleon, après tout, était un homme appliqué et sa lame, disait-on, avait déjà protégé par le passé les intérêts des plus grands de ce monde. Parmi eux, le patronyme d’un certain parasite de haut parage, dont l’ombre grossière n’avait de cesse d’écornifler les entreprises - pourtant brillantes ! - de la dame de Mantarys. « On me prédit une nouvelle collaboration imminente, entre Actaleon et le Cellaeron. » lui avait annoncé Echya au détour d’un énième conciliabule dans l’intimité de son cabinet. « C’est une opportunité à saisir. » Adhara n’avait pas rechigné.

L’affaire s’était conclue dans la moiteur crasse d’une taverne enténébrée. La discrète impulsion d’Echya, couplée aux références exemplaires de la Rhoynare, avaient achevé de convaincre le Valyrien de l’essentialité de cette dernière. La fille, si l’on se fiait aux rumeurs, était douée et son professionnalisme, après cette première entrevue, ne semblait plus à prouver. Certes, certes. Adhara, pour sa part, ruminait déjà sa mission : obéir, protéger, et, surtout, tendre l’oreille. Odenys voulait des informations, des yeux où elle ne pouvait voir. « Écoute. Observe. Glisse-toi au cœur de la fange. » La matriarche ne serait pas déçue. Maegon non plus, pour ce que cela comptait ! Sa mission exigeant qu’elle se montre exemplaire, Nahram avait redoublé d’efforts pour s’attirer les louanges de son redoutable employeur, lequel avait pu compter sur l’énergie de la Rhoynare pour organiser, à ses côtés, les préparatifs du convoi marchand. Car c’était bien de cela qu’il s’agissait : la planification d’une lourde caravane en partance pour le nord de Valyria, où devait s’acheminer plusieurs dizaines de livres d’épices, de tissus et richesses diverses. Un convoi à l’image de son commanditaire : pondéreux et précieux.

La poitrine alourdie de son éternel plastron de cuir souple, Adhara remontait d’un pas énergique le cortège de montures, jaugeant d’un regard appuyé harnachements, cargaisons d’épices et cavaliers. Le bazar fourmillant de ses cohortes de badauds habituelles, la jeune femme s’attachait - depuis la formation du cortège - à débusquer d’éventuelles irrégularités, quitte à s’attirer les regards noirs de quelques pauvres hères visiblement peu enclins à se laisser manoeuvrer par une femme. Mais qu’importe ! Son énergie, Nahram préférait l’employer à des fins autrement plus lucratives, plutôt que perdre son temps à briser l’amour propre de quelque corniaud mal chevauché. « Pas de vague, Nahram. » S’intima-t-elle intérieurement, tandis qu’elle achevait de briefer ses hommes. « Pas de vague. » La silhouette d’Echya, enveloppée dans sa stola de laine azurée, se rappela à elle. Écouter. Observer. Pas de vague. Pas de vague.

Le soleil était déjà haut dans le ciel des Possessions lorsque, au terme d’un ultime contrôle, Adhara décida qu’il était grand temps d’informer son supérieur direct du bon déroulement des derniers préparatifs. « Où est Maegor ? » s'enquit-elle donc auprès d’un des nombreux laquais engagés pour l’occasion. Ce dernier lui désigna, d’un bref oscillement du chef, l’une des extrémités du Grand Bazar. « Il est avec le Seigneur-Soie. » Précisa le quidam avec indifférence, avant de reprendre sa besogne. Nahram le remercia d’un regard entendu et, d’un bond, se mit en quête de l’Actaleon.

Elle le trouva quelques instants plus tard, à l’endroit précédemment désigné. Perché à côté d’un fastueux palanquin de soie dorée, le Valyrien discutait avec un homme à la stature impressionnante, affairé à engloutir ce qu’Adhara devina être des huîtres. La Rhoynare l’observa en silence, tandis que lui revenait les mots de sa maîtresse. « Gras… Obséquieux personnage… goût pour le vulgaire… » Les yeux de la jeune femme glissèrent des doigts sertis de pierres précieuses de l’inconnu à sa panse généreuse. Sa tenue était riche, son attitude plus encore. « C’est lui. Cellaeron. » Elle s’approcha davantage.

« Maegor. Pardonne mon interruption. Les chariots sont prêts, et nos hommes connaissent leur mission. Je suis à ta disposition si tu as besoin de moi. »

Elle s’inclina légèrement. Pas de vague.

« Merci Adhara. Beau boulot. » La voix de Maegor l’invita à réadopter une posture plus décontractée. « Je te présente notre employeur, l’estimable sénateur Baelor Cellaeron. Sénateur, je te présente Adhara Nahram, une dame de qualité qui a d'excellentes références à Tolos, à Mantarys et à Valyria. »

Adhara porta son regard sur la mine noble du Sénateur, et répondit à son salut par un hochement de tête similaire au sien. « Il a de beaux yeux. » se surprit-elle à penser. Surpris, oui, car les descriptions d’Echya prêtaient à l’homme une laideur indescriptible. Oh, bien sûr, Baelor n’avait rien de séduisant au goût de la jeune femme ! Restait cependant que le Sénateur dégageait une aura de puissance certaine. Une aura de pouvoir.

« C’est un plaisir de faire ta connaissance, dame Adhara. » Nahram se redressa légèrement en entendant son prénom dans la bouche de cet homme dont elle avait bien l’intention de percer les mystères. « Je n’ai nul doute que tu sauras prendre soin de la totalité de mon convoi. Tu as ma bénédiction pour secouer un peu les esclaves qui auraient l’idée de se montrer turbulents avant d’arriver au Pinacle. Je te demande simplement de les laisser aptes à descendre dans les mines. Avez-vous des questions, l’un et l’autre ? »

Avait-elle mal entendu ? Adhara fronça les sourcils, ouvertement perplexe. De quels esclaves Cellaeron parlait-il ? Elle tourna son regard en direction de Maegor, cherchant dans ses yeux vairons le même étonnement qui habitait son propre être… Sans succès. Actaleon affichait une ganache toute à fait ordinaire, si ce n’était effroyablement satisfaite. Adhara sentit son estomac se nouer. Non, c’était une erreur.

« Des épices. On transporte des épices, pas des esclaves. » Son cœur s’emballa dans sa poitrine. Ses yeux se portèrent une nouvelle fois sur Baelor. Puis de Baelor à Actaleon. « Des épices et des étoffes. Tu te méprends, Sénateur. »

Pourquoi Maegor ne réagissait-il pas ?

Baelor Cellaeron
Baelor Cellaeron
Le Seigneur-Soie

https://rise-of-valyria.forumactif.com/t421-le-maitre-du-pinnacl
Manteau d’argent ouvre porte de ferAdhara Nahram & Baelor Cellaeron

Grand Bazar de Valyria - An 1066, mois 5

« Des épices. On transporte des épices, pas des esclaves. Des épices et des étoffes. Tu te méprends, Sénateur. »

Un sourire doucereux sur le visage, Baelor détailla la jeune femme avec un intérêt grandissant et visiblement appuyé. Il toisait Adhara d’un air impénétrable, se demandant si elle ignorait véritablement une partie de la cargaison qu’elle allait escorter ou si elle se jouait de lui. Elle était grande mais Baelor était une espèce de géant adipeux qui lui rendait plus d’une tête et demie. Son expression, nullement forgée – comme celle de Baelor – par des décennies de jeu politique, était pure et intacte. Il y avait autant de surprise que d’appréhension dans la réponse qu’il allait lui apporter.

« Je vois. J’ignore d’où te viennent tes références, mais dis-moi : est-ce à Tolos que l’on t’a félicité pour insinuer que ton employeur ne connaît pas le contenu de sa propre caravane ? »

Baelor coula un regard de ses petits yeux au regard perçant vers Maegor. Les excellentes références seraient visiblement à revoir si son associée était incapable de savoir ce qu’elle protégeait et encore plus lorsque cela ne lui plaisait pas. D’un geste rapide et précis, trahissant l’habitude qu’il avait de donner des ordres et de se faire obéir, Baelor ordonna à Maegor d’aller lui chercher le manifeste tandis qu’il se penchait par-dessus ses coussins de soie pour attraper une dernière huître vinaigrée. La vidant bruyamment, le Seigneur-Soie jeta ensuite la coquille plus loin dans la rue et se releva pesamment, se mettant sur ses deux pieds, toisant la native des berges de la Rhoyne de la hauteur de sa grande taille. Il n’avait guère l’air disposé à être spécialement indulgent avec la jeune femme car il ne pardonnait guère à la faiblesse et aux erreurs dues à une mauvaise organisation. Toutefois, elle n’y était peut-être pour rien et, quoi qu’il pût en être, elle n’était de manière évidente pas d’ici. Patientant face à elle le temps que le contremaître revînt, Baelor plongea son regard pâle dans celui d’Adhara.

« J’ai comme l’impression que tu n’es pas native de nos frontières, dame Adhara. Quelle terre a eu l’insigne honneur de porter à la naissance une combattante à l’air aussi capable que toi ? »

Sous sa question un tantinet grossière et en apparence anodine, Baelor cherchait surtout à se renseigner sur son interlocutrice. Elle était entre deux âges, la rendant difficile à déterminer avec précision. Elle n’avait plus la fraîcheur d’une jouvencelle mais son corps gardait la fermeté d’une jeune femme : il tablait sur trente-cinq ans, au plus. Elle semblait avoir vécu plusieurs vies et cela intriguait grandement le Cellaeron.

Entretemps, Maegor était de retour avec une planche de bois à laquelle était reliée plusieurs feuillets serrés par une barrette de cuivre. D’une main impérieuse, Baelor tendît le bras pour atteindre le document et commença à le lire à voix haute.

« Eh bien, eh bien, voyons cela, n’est-ce pas ? Alors Hm. Oui, cinquante balles d’étoffes, deux chariots de cannelle, deux chariots de coriandre, et quatre chariots de cardamone. Jusque-là, tu vois juste, Adhara. »

Ce faisant, Baelor releva les yeux du document, observant la réaction de l’ancienne esclave.

« Ah, tiens, je ne me souvenais pas de ce chargement de cent amphores de vin. J’ai bien fait de vérifier. Vous veillerez à en prendre soin ! Ah, nous y voilà. Quarante hommes pour les mines, vingt-trois femmes et huit enfants pour renforcer les équipes domestiques du Pinacle. »

Baelor tendît la plaquette à Maegor et toisa Adhara de toute sa hauteur, d’un air toujours aussi doucereux. Un fin sourire était resté quasi-perpétuellement affiché sur sa lippe depuis qu’Adhara était arrivée, à l’exception notable où il avait envoyé Maegor chercher son document. Soupirant d’un air las, Baelor joignît les mains devant son abdomen arrondi, coinçant les pouces dans sa ceinture de soie.

« Puisqu’ils sont destinés à mon service, tu comprends que je ne souhaite pas qu’ils soient abîmés d’aucune manière. Mais ne te tracasse pas autant, ils sont même plutôt bien tombés. Je suis un maître tout à fait attentionné. Enfin, du moins avec mes esclaves de maison. C’est déjà plus que beaucoup de seigneurs-dragons d’ici, » pérrorait-il d’un air suffisant, cherchant – et obtenant – d’un regard le soutien muet de Maegor.

Une chose était certaine : Baelor Cellaeron ne faisait pas grand cas de l’esclavage et comptait bien faire fructifier sa fortune sur l’exploitation de ces âmes malchanceuses.




avatar
Invité
Invité

Manteau d’argent ouvre porte de ferAdhara Nahram & Baelor Cellaeron

Grand Bazar de Valyria - An 1066, mois 5

« J’ignore d’où te viennent tes références, mais dis-moi : est-ce à Tolos que l’on t’a félicité pour insinuer que ton employeur ne connaît pas le contenu de sa propre caravane ? »

Si elle s’efforça de n’en rien montrer, son souffle, pourtant, s'accéléra sensiblement. « Pas de vague. » Adhara détourna son regard des yeux perçants du Sénateur, qu’elle devinait pourtant toujours avachi au milieu des coussins richement ornés. Ses prunelles sombres s’accrochèrent aux élégantes tentures de soie dorée qui recouvraient le palanquin. « Pas de vague. » Sa poitrine lui sembla rompre sous les tambourinements de son cœur, tandis que, à quelques pas seulement de sa position, Baelor Cellaeron - elle l’entendit distinctement ! - engloutissait un énième mollusque. La litière, finalement, craqua sous le poids du maître du Pinacle, dont elle perçut les fastueux vêtements bruisser. Baelor était debout et se hissait à ses côtés. « Reprends-toi. »

« J’ai comme l’impression que tu n’es pas native de nos frontières, dame Adhara. Quelle terre a eu l’insigne honneur de porter à la naissance une combattante à l’air aussi capable que toi ? »

La voix du Sénateur tonna tout proche d’elle, de sorte qu’il lui sembla sentir les effluves parfumées qui émanaient de son impressionnante carrure. Des odeurs de fleurs, d’épices et d’écorces, que les circonstances lui rendirent tout juste supportables. Nahram déglutit, alors que sur elle courait le regard reptilien du redoutable Seigneur-Soie, qu’elle devinait jauger son visage, son corps, ses muscles, la carnation de sa peau. Un instant, elle hésita : attendait-il des excuses ? Valait-il mieux qu’elle s’écrase, pour le bien de sa mission ? Les rives ensoleillées de la Rhoyne lui revinrent brutalement en mémoire. Les reflets du soleil sur l’azur du fleuve, les clapotis de l’eau, la chaleur des rivages… Quelque chose, au fond d’elle, s’apaisa. Adhara releva son regard en direction du Cellaeron.

« Je suis une fille de la Rivière Mère, Sénateur. » Son accent roula sur sa langue, solaire, fier. « Mon cœur lui appartient, mais ma lame est tienne. »

Ses yeux sondèrent ceux, si Valyriens, de son interlocuteur. Elle n’abandonnerait pas. Pas maintenant, ni jamais.

La silhouette puissante de Maegor se porta finalement auprès d’eux, les bras chargés d’une kyrielle de feuillets qu’elle aurait été bien en peine de lire. La reître savait se battre, de même qu’elle nageait avec une aisance certaine ; elle savait faire montre de stratégie, pouvait rivaliser d’autorité lorsque la situation l’imposait, maîtrisait les rudiments de la navigation. Mais déchiffrer des lettres, ou écrire son propre nom… Impossible. Son sang ne lui avait jamais permis d’accéder à pareilles connaissances.

« Eh bien, eh bien, voyons cela, n’est-ce pas ? Alors, hm. Oui, cinquante balles d’étoffes, deux chariots de cannelle, deux chariots de coriandre et quatre chariots de cardamome. Jusque-là, tu vois juste, Adhara. »

Adhara risqua un coup d'œil en direction de Maegor. Sa mine, auparavant satisfaite, avait revêtu des atours autrement plus sinistre. Il était embarrassé - nerveux, peut-être ? Nahram ne s’en formalisa pas. Il était aussi responsable qu’elle. Et bien que la jeune femme espérait son contrat intact, une part de son être désirer envoyer paître l’Actaleon et son convoi de misère.

« Ah, tiens, je ne me souvenais pas de ce chargement de cent amphores de vin. J’ai bien fait de vérifier. » La voix de Baelor la ramena brusquement sur terre. Elle se concentra. « Vous veillerez à en prendre soin ! Ah, nous y voilà. Quarante hommes pour les mines, vingt-trois femmes et huit enfants pour renforcer les équipes domestiques du Pinacle. »

Sa poitrine se serra à nouveau. Sa conscience, elle, batailla. « Des ghiscaris, pour la plupart. Ils méritent leur sort. » C’était vrai. Les chiens de l’Empire récoltaient le malheur qu’ils avaient semé. Leurs dos porteraient bientôt les mêmes stigmates que le sien. Ce n’était que justice. Enfant, femme, homme… Tout cela avait bien peu d’importance. N’est-ce pas ?

Quarante ghiscaris pour les mines. trente-et-un ghiscaris pour les équipes domestiques du Pinacle. Des ghiscaris. Juste des ghiscaris. N’est-ce pas ?

« Puisqu’ils sont destinés à mon service, tu comprends que je ne souhaite pas qu’ils soient abîmés d’aucune manière. » La canne fendit l’air, lacéra sa chair. Clac ! Du sang sur le sable. Un cri, coincé dans sa gorge. Clac ! « Mais ne te tracasse pas autant, ils sont même plutôt bien tombés. Je suis un maître tout à fait attentionné. Enfin, du moins avec mes esclaves de maison. C’est déjà plus que beaucoup de seigneurs-dragons ici. »

Les tâches domestiques, Adhara n’y avait que très peu goûté. Le privilège lui avait vite été ravi. Ou plutôt : elle l’avait perdu. C’est que ses maîtres n’appréciaient pas les mutins, et que Nahram n’aimait pas la servitude. Alors, on l’avait envoyé aux mines. Elle avait gratté la terre, nuit et jour, pour quelque soupçon de cuivre, dans la touffeur de Ghazdaq et la peur, tenace, quotidienne, des contremaîtres et de leurs corrections. De leur lubricité, aussi. Et puis, il y avait les autres. Les malheureux dont elle partageait la peine, mais dont elle devait parfois fuir les ombres. Un repère d’hommes, la mine. L’y envoyer, c’était la condamner. Mais elle avait survécu. Elle avait survécu.

Et maintenant, c’était elle qui tenait le fouet.
Cette pensée lui donna la nausée.

« Les esclaves… » La question lui brûlait les lèvres. Il fallait la poser, crever l'abcès pour avancer. « Qui sont-ils ? Des prisonniers de guerre ? »

En avait-il seulement la moindre idée ? Elle se trouva stupide de l’espérer.


Baelor Cellaeron
Baelor Cellaeron
Le Seigneur-Soie

https://rise-of-valyria.forumactif.com/t421-le-maitre-du-pinnacl
Manteau d’argent ouvre porte de ferAdhara Nahram & Baelor Cellaeron

Grand Bazar de Valyria - An 1066, mois 5

S’il était un apport de Ghis qui devait devenir essentiel dans la culture de Valyria, c’était bien l’esclavage.

Portés par leurs idéaux de peuple élu et de manifeste destiné, les Valyriens avaient adopté l’esclavage avec une rapidité étonnante. Si les premiers esclaves, rapportés du front à grands frais par d’ambitieux marchands, avaient été vendus au compte-goutte, les transformant en un bien extrêmement couru par les grandes familles nobles et marchandes, leur valeur ne cessait de décliner à mesure que l’économie de la chair humaine se structurait dans la République. Des centaines de prisonniers avaient été asservis après la prise de Meereen. Depuis, Valyria et sa toute jeune guilde esclavagiste importaient massivement des esclaves de tous les coins du monde. Malgré les relations encore tendues entre les deux empires, le Vieil Empire de Ghis restait pour le moment le premier fournisseur, et de loin. Venaient ensuite les Îles d’Été et quelques marchands indépendants qui tractaient en bordure des pays voisins et parfois des lois en vigueur. Si l’esclavage n’était pas encore réglementé, cela n’était qu’une question de temps avant que la question ne devînt prégnante au sein de la société. Le Sénat devrait alors trancher.

Pour le moment, ce n’était pas le cas et il était encore possible de disposer d’un esclave sans aucune limite. Cela ne manquerait pas de rencontrer des excès car ainsi étaient faits les Valyriens. Pour assurer la concorde et la stabilité de la société, les nobles sénateurs légiféreraient et le monde reviendrait dans un ordre permettant au Dragon d’Essos d’envisager le reste de l’Histoire avec sérénité. Baelor, lui, pensait avec force que les esclaves permettraient à Valyria de cimenter une économie basée sur l’asservissement de peuples plus faibles et sur l’extraction de ressources à large échelle. Les mines des Quatorze Flammes étaient d’une richesse infinie et chaque nouvelle galerie donnait de nouveaux gisements de métaux précieux, de pierreries et de ressources rares. Si le sous-sol valyrien regorgeait vraiment de tant de ressources, les enfants d’Arrax avaient tout ce qu’il fallait pour lancer leur offensive sur le monde. La question d’Adhara sur la provenance des esclaves eut le mérite de ramener Baelor sur terre.

« Hum… Les hommes, assurément. Ce sont encore les plus fiables. De fiers légionnaires de la Harpie, pour la plupart. Des années de service, à exécuter des ordres, à être formés et à s’entraîner : on ne fait pas meilleur esclave pour des mines. Quant aux autres, je l’ignore. Nous les avons achetés sur les marchés : leur provenance ne m’importe guère. Après tout, ils sont désormais ici, voilà ce qui compte. Ils peuvent enfin servir un plus grand plan que leur simple existence. »

L’œil perçant, Baelor se pencha vers la jeune femme, la dévisageant avec insistance.

« Je te trouve un bien grand intérêt pour mes esclaves, garde Adhara. Serais-tu portée sur la question ? Tu es visiblement native d’en dehors de nos glorieuses frontières. Je suis friand de bonnes histoires. Il fit un geste en direction d’une caisse disposée à proximité. Je t’en prie : prends place et compte-moi ton histoire, Adhara Nahram. Je sens qu’elle sera exaltante. »

D’un sourire aimable, Baelor invita Maegor à aller vaquer à ses occupations et à les laisser seuls. S’installant sur le bord de son palanquin alors que des serviteurs venaient prendre soin des deux éléphants nains blancs, le Seigneur-Soie se fit servir un verre de vin d’agrumes doucereux et proposa à la mercenaire d’en avoir également. Ce faisant, il regarda autour de lui, enchaînant avec une telle rapidité qu’Adhara n’eût guère le temps de commencer sa phrase. Ou alors il ne l’avait guère écouté. Dardant un regard vif sur la native de la Rhoyne, Baelor déclara :

« En vérité, cet esclavage reste l’ordre des choses. Le fort domine le faible et ce dernier sert… ou périt. Si tu connaissais l’Empire ghiscari comme moi, tu verrais cette vérité. Les Ghiscaris sont un peuple désorganisé et fainéant, ils ont fini par se laisser aller mais peut être l’ont-ils toujours été. S’ils n’avaient pas dominé leur région du monde et asservi des civilisations entières, ils n’auraient jamais pu nous menacer comme ils l’ont fait lors de la guerre. Pour nous hisser au niveau de puissance de la Harpie, nous devons adopter cette stratégie. Et pour l’exterminer, nous allons devoir voir encore plus loin, encore plus nombreux et toujours plus fort. Voilà le destin de Valyria. »

Retrouvant des accents moins exaltés, Baelor inclina la tête en un signe de contrition polie.

« Pardonne-moi, je t’ai coupé. Raconte-moi ton histoire, je suis tout ouïe ! »



Contenu sponsorisé