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Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
Dame-Dragon

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Pâle et blonde, la lune ouvre dans
l'onde son éventail d'argent

feat. Maekar Tergaryon

Palais Hoskagon & mois 8 de l'an 1066

La terreur imprégnée à-même sa peau, Daenyra se réveilla dans un sursaut enfiévré, le corps irradié de flamme et de glace. La torpeur l’agrippait dans ses tripes, nimbant le fin voile entre réalité et songe. Les hurlements s’accrochaient à son être comme s’ils vibraient toujours dans ses tympans fragiles, tel un parasite odieux. Les écorchures de l’effroi malmenaient encore ses narines, lui faisant aspirer sang, sueur et agonie. Il y avait là tous les souvenirs de ce jour effroyable où le bras de la mort s’était écrasé sur la noble cité de Valyria. La souffrance transie de toutes ces carcasses électrisait son corps de toutes ces horreurs qui ne la quittaient pas. Elle étouffait d’une peur qui lui collait à la peau, à la chair, aux os. Les murs de sa chambre prenaient les allures gigantesques de la grande place des esclaves où se jouait le théâtre de toutes les épouvantes. Les hurlements demeuraient réprimés dans sa gorge. Prisonnière de ses songes et de ceux qui ne lui appartenaient pas non plus. Tel était ce fléau que son don lui faisait endurer depuis de longues semaines. L’agonie suprême de subir sans cesse les turpitudes d’un passé encore vivace et douloureux. Les plaies putrescentes d’une journée de destruction continuaient à hanter la doux Oiseau jusque dans ses nuits, les rendant maudites et agitées.

L’œil hagard, Daenyra porta un regard craintif sur le décor qui était le sien. Son esprit reconnut, après une longue perdition, les contours de son lit, de ses meubles et de la pièce jusqu’à comprendre enfin qu’elle se trouvait dans l’écrin sécurisé de sa chambre. Un souffle, rompu trop longtemps, investit ses poumons et lui accorda un soupir de soulagement. Les membres tremblant, elle se laissa choir dans ses draps précieux et elle rassembla tant qu’elle pouvait les bribes de cette réalité à la silhouette encore ténébreuse et menaçante. Sa main ingénue partit en quête d’un contact rassurant à côté d’elle mais se heurta à un vide effroyable. Son cœur fut frappé d’une douleur plus atroce encore. Celle du manque. Il ne visitait plus ses rêveries non plus, forme vaporeuse et éthérée à laquelle elle dédiait toute son âme. Il était son conseil dans le creux de la nuit, la guérison de toutes ses solitudes et cet être immuable qui ne pouvait pas mourir une deuxième fois. Il demeurait, splendide, dans son armure de nacre et de lumière, le contact chaud et la langue rassurante ; une force dans laquelle la Tergaryon puisait toutes ses ressources, jusqu’à être rejetée au matin, seule et pantelante, sur les rivages d’une aube assassine. Les affres d’une absence immortelle affligeaient son âme de mille maux que les bras de la nuit venaient panser dans ses songes sublimes. Sauf que l’Oiseau ne rêvait plus. Il ne pouvait plus déployer ses ailes vers ces terres intangibles et prospères. Il était ramené cruellement dans la terre, emprisonné entre ciel et poussière, contraint de s’abreuver de toutes les imperfections de cette nature mortelle et de toutes ses meurtrissures putrides.

Daenyra s’extirpa des draps, ne supportant plus leur funeste étreinte, et s’enroula dans une robe de chambre pour réchauffer ce corps affligé de sueurs glacées. Ses doigts s’engouffrèrent dans l’imposante coupe d’eau où fleurs et essences flottaient à la surface et s’aspergea le visage, déterminée à chasser ces pensées mortifères. Ses membres étaient transis de toute cette souffrance qu’elle endurait mais qui n’était pas vraiment la sienne ; comme si son être entier était l’écueil maudit de toutes les souffrances des victimes. Incapable d’en supporter davantage, la Dame-Dragon quitta ses appartements à la recherche d’un air que ses poumons ne détenaient plus. Les pas étaient mal assurés et il semblait que ses cauchemars l’agrippaient encore dans leurs tourmenteuses griffes. L’écran noir de ses paupières closes lui offrait le spectacle insoutenable des plaies de Valyria la Grande.

Ses sens l’abandonnaient éhontément sur les bords du chemin escarpé de cette nuit peuplé de monstres et de monstruosités. Toutefois, dans la brume de ses visions, un éclat s’infiltrait. Timide et infime au départ, jusqu’à se nourrir en puissance, comme la flamme devient feu, puis brasier ardent. Et alors, elle sentit se poser sur elle toutes les fragrances d’une présence familière. Les aspérités se matérialisèrent peu à peu pour que, dans la pénombre de la demeure, Daenyra puisse discerner la lumière si réconfortante qu’elle approchait, guidée dans les ténèbres par un phare merveilleux. « Maekar… » bredouilla-t-elle d’une voix abîmée par la sècheresse de sa gorge. Les réflexes de ces dernières semaines prirent le dessus sur la tourmente qu’elle traversait. « Ce n’est guère prudent de rester ainsi debout au beau milieu de la nuit. Tu dois te reposer. » La catastrophe qui avait ébranlé la digne cité n’avait pas manqué d’affecter à la fois son frère et sa sœur dans leur chair. Daenyra revivait encore ces angoisses terribles de ne savoir si les siens ont échappé aux serres avides de la mort. « Quelque chose te trouble ? » L’interrogation se voulait cependant purement rhétorique. La Tergaryon ne se questionnait sur les tempêtes qui soulevaient l’esprit de son sang, car elle décelait avant même qu’ils en soient les victimes. Elle savait.



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Maekar & Daenyra




La plupart des citoyens de cette grande nation étaient conscients des dangers présents au-delà de leurs frontières, conscients que tous devaient envier la grandeur de Valyria, mais ils choisissaient de ne pas s'en soucier et de laisser ces inquiétudes à d'autres, à d'autres hommes de guerre et de violence car, après tout, les Dieux ne leurs avaient-ils pas donné qu'une seule vie ? Qu'une seule famille à combler ? Qu'un nombre limité d'années sur cette terre ? Ils avaient raison de vivre leur vie intensément et de laisser leur sécurité entre les mains d'hommes plus capables, plus cruels et, à n'en pas douter, ayant moins d'empathie et de pitié dans leurs cœurs. Le premier coup qui frappa au cœur de Valyria fut lancé plusieurs années plus tôt, força hommes, fils, maris et seigneurs dragons à prendre les armes, laissant familles et espoir derrière eux pour se battre pour une cause bien plus grande qu'eux. Maekar Tergaryon fut de ces hommes-là et, si cette guerre balafra son âme à jamais, détruisant toute innocence s'il en avait encore gardé la moindre trace, il avait fini par être en paix avec ce qu'il avait vu...avec ce qu'il avait fait.
Ce n'était pas une conversation qu'il pouvait avoir avec sa famille mais uniquement avec ses frères d'armes, les seuls capables de le comprendre, car en plus d'une occasion il avait été tenté de jeter son humanité dans le feu pour devenir un monstre, le monstre que Valyria avait besoin pour remporter cette guerre. Oh il était revenu mais, depuis quelques semaines maintenant, son esprit était de nouveau perturbé comme si cette guerre ne s'était jamais réellement terminée. Ses nuits s'étaient faites de plus en plus courtes, ses journées de plus en plus longue, la seule différence était que ce n'étaient plus les visages de ses compagons qui le réveillaient la nuit mais les râles d'agonies de ceux qui avaient été victimes du second coup de couteau au cœur même de Valyria.

Les wyrms...comment pourrait-il jamais oublier cette tragédie ? Oh certes ce fut un combat épique comme il le méritait, suivi d'une ovation du peuple qui l'avait poussé à d'intenses réflexions, mais ce fut la convalescence qui suivit qui fut la plus pénible pour lui. Être enfermé et soigné, consigné à un lit, entourant des blessés et mourants ne put que le ramener quelques années en arrière, imaginant ce qu'avaient eu à vivre ses hommes avant de rendre leur dernier souffle. Ce soir-là ce fut l’odeur du sang qui imbibait la pièce qui le réveilla et, pendant une seconde, il crut être de retour dans ce mouroir, avant de se rappeler qu'il venait enfin de le quitter, quelques jours plus tôt.
Sachant qu'il allait être incapable de se rendormir, surtout que son aimée n'était pas avec lui ce soir-là, Maekar se leva et enfila une tunique légères et aux tons sombres, se dirigea vers la cuisine avec l'esprit toujours un peu embué, y attrapant une carafe d'eau froide en cette chaude nuit, avant de se diriger vers les jardins du palais familial. Là, assis sur un banc, la tête baissée et un verre rempli entre ses mains, il prit plusieurs inspiration pour essayer de chasser cette odeur du sang dans le fond de sa bouche, jusqu'à ce qu'on voix familière ne vienne le sortir de sa torpeur.

Relevant la tête, le jeune homme salua sa plus jeune sœur d'un hochement de la tête, se décalant pour lui laisser la place de venir s'asseoir à côté de lui, avant de lui tendre son verre toujours plein. De toute évidence, au vu du ton de sa voix, elle semblait avoir plus besoin d'eau que lui. Se reposer ? Oh elle n'était pas la première à mettre en lumière l'aspect entêté et peu raisonnable de sa personnalité, car même s'il était sorti d'affaire ses côtes continuaient de lui faire mal de temps à autres, mais il tint tout de même à répondre :

« Deux mois  de repos, à être traité comme si j'étais fait de verre. Je pense que je me suis assez reposé. »

Il s'estimait chanceux lorsqu'il se comparait aux blessures de son camarade et frère, Aeganon. Il avait beaucoup trop à faire pour reconstruire ce pays, pour reconstruire le feu présent en chaque fils de Valyria, beaucoup trop pour se permettre de rester à parraisser dans son lit. Il serrait donc les dents et mettait un pied devant l'autre mais ce soir-là, dans ce jardin, avec sa sœur avec qui il n'avait que trop peu passé de temps, il pouvait se permettre une petite pause avant que l'appel du devoir ne vienne l'arracher à ce lieu de paix.

« Ton sens de l'observation m’impressionnera toujours, chère sœur. Est-ce mon regard perdu dans le vide, ou ma présence à une heure si tardive qui m'a trahi ?   »

On pourrait croire que cette joute verbale n'avait lieu qu'avec son aimée mais, en vérité, le sarcasme était une seconde nature chez Maekar. Pas d'une façon piquante ou acerbe, car il n'était cruel ni dans ses mots ni dans ses actes, mais simplement par petite touches pour alléger une trop lourde situation.
En vérité, même s'il ne pouvait le formuler, maintenant que sa sœur était avec lui, il réalisait à quel point il avait été un bien piètre frère. Il ne savait pas ce qu'elle traversait, quels pouvaient être ses démons ou ses espoirs : comment cela pouvait-il être possible ? Comment avait-il pu se concentrer sur Elaena au profit de son autre sœur qui partageait son sang, de celle dont il avait été responsable de la protection pendant toutes ces années ? Un bien piètre frère, en effet.

« Plusieurs choses, mais rien qui ne puisse me priver de sommeil, habituellement. C'est l'odeur du sang qui m'a réveillé, une impression de déjà vu sans doute.»

Il savait sa sœur douce et sensible, mais elle était aussi du sang du dragon. Elle n'était pas faite de verre mais, si Maekar n'était pas prêt à s'ouvrir totalement à elle comme il pouvait le faire avec sa moitié, il pouvait au moins évoquer ce sujet. Il n'avait pas été détruit par la guerre, simplement ébréché et, si cette attaque l'avait ramené en arrière, cela n'était qu'un inconfort de plus. Il ne s'était pas réveillé en sueur cette nuit là mais simplement...ennuyé par cette odeur oppressante qui, bien sûr, n'était que dans sa tête et nulle part ailleurs.
Se tournant vers sa petite sœur, il lui demanda alors :

« Et toi ? C'est assez rare de te voir debout si tard. »

Il pensait être le seul oiseau nocturne de la maison, mais ce soir il partageait ces cieux avec une autre.


Daenyra Tergaryon
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Dame-Dragon

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feat. Maekar Tergaryon

Palais Hoskagon & mois 8 de l'an 1066

Il y a bien longtemps…

Le Palais Hoskagon livrait là tous ses mystères et ses merveilles. Le pas leste, Daenyra s’enfonçait dans cette nature abondante et maîtrisée, l’œil alerte du moindre recoin susceptible d’être une bonne cachette. Coutumière de cet exercice, le défi était pour elle de trouver de nouveaux refuges à chacun des jeux qu’elle partageait avec les siens. Elle vibrait d’excitation à ces réjouissances simples avec ses frères et sa sœur, là où la vie n’était encore que joie et allégresse. Elaena, Maekar et Maerion s’étaient précipités, éparses, dans les jardins tandis que la voix tonnante d’Aenar entamait le décompte. Hélas, ce rôle était retiré à la cadette de la famille, ses dons indomptés captant directement la présence des autres participants. Cependant, elle prenait un grand plaisir à s’engouffrer vers des lieux de quiétudes, là il ne serait pas chose aisée de la dénicher. Ses doigts à la pâleur nivéale effleuraient branches et feuilles alors que les exclamations de son tendre aîné s’effaçaient dans le vent. Elle manqua de trébucher sur une pierre piriforme lorsque des rires discrets parvinrent jusqu’à ses oreilles. La rhapsodie des sentiments qui fleurit au creux de son âme évoqua instantanément la valse plurielle d’Elaena et Maekar. Portée par une curiosité juvénile, l’Oiseau discret se glissa près des fourrés, distinguant bientôt à travers les branches pudiques l’étreinte gracieuse de ces deux corps sculptés pour s’aimer. La jeune fille rougit de la fièvre délicate qui s’empara de ses aînés à ce baiser offert à l’intimité de la nature. Elle frissonna en écho à la caresse des mains de Maekar sur la peau liliale d’Elaena et finit de l’empourprer complètement.

Quand soudain, ce furent deux bras forts qui l’enserrèrent par la taille et la plaquèrent contre un torse puissant. Daenyra manqua de pousser un cri de surprise, son émoi récent l’ayant empêché de cerner la présence d’Aenar. « Alors, petite sœur, je t’ai connu bien plus agile à ce jeu. Aurais-tu abusé de trop de fricot au déjeuner ? » la tança-t-il, refusant de la délivrer en dépit de ses ébats. Son doigt se posa sur ses lèvres, mimant de devoir se taire. Décontenancé au départ, Aenar étudia plus en détails la posture de sa sœur avant de comprendre à quel manège elle se livrait. Un sourire amusé para ses lèvres en observant la scène de ces premiers amours qui semblaient tant fasciner sa cadette. Alors qu’elle contemplait avec émotion cette chorégraphie romantique, le jeune homme se plut à jouer avec les mèches rebelles de ses cheveux ou les boucles de ses oreilles pour détourner son attention. « Allons-nous-en et estimons qu’ils ont perdu bien avant toi, petite curieuse. » En dépit de sa fascination, Daenyra obéit à la volonté charismatique de ce frère. A mesure qu’ils s’éloignaient du couple secret, l’émoi qui la traversait se faisait moins éprouvant. Néanmoins, le brasier des sentiments qui s’était allumé en elle ne s’éteignait pas et s’avivait à la proximité de cet être solaire et magnifique. Ses prunelles timides contemplaient la courbe de ce menton volontaire, l’arrogance de ses traits et la puissance de son regard. De l’amour qui unissait Maekar et Elaena, l’Oiseau s’interrogeait de savoir si Aenar pourrait lui en retourner un semblable un jour…


***


Mais les bras implacables de mort avaient resserrés leur étreinte sur les prémices de cet amour incertain, alors que celui de ses aînés avait pris les nuances subtiles et immuables de l’évidence. Malgré l’affection indéfectible que se vouaient les enfants Tergaryon, il n’était de lien plus grandiose que celui qui liait Maekar et Elaena. Daenyra en éprouvait toutes les complexités, toutes les joies et toutes les douleurs, qu’elle soit à la proximité de l’un ou de l’autre. Si sa relation avec Elaena se berçait d’un attachement fusionnel, ce qui la rapprochait du premier fils Tergaryon était plus pudique. Cette réunion nocturne prenait des allures inédites.

« La guérison complète de tes blessures n’est pas à prendre à la légère si tu ne souhaites en garder aucune séquelle. » Daenyra s’était nourrie des renseignements des soigneurs et avait effectué ses propres recherches sur les maux qui affligeaient ses aînés à la suite du Grand Effondrement. Douce infirmière, elle tentait de dispenser ses conseils pour apaiser l’impatience de ces blessés fougueux. Pourtant, au-delà de ces douleurs de la chair, l’Oiseau pouvait sentir un trouble plus profond, une ombre jetée sur son âme qui le transperçait, telle une lame traitresse, de part en part. Elle ne fit point de détour pour exposer ce qu’elle savait, attendant néanmoins qu’il n’en soit de sa propre volonté pour lui livrer ce qui le tourmentait. « Les murmures des âmes n’ont aucun secret pour moi, cher frère. Bien que ce regard perdu dans le lointain parle plus que des mots. » s’amusa avec un maigre sourire Daenyra à la tance de Maekar.

Son mal résonnait en écho au sien, leurs âmes décharnées par les souvenirs de ses souffrances passées et de l’horreur à laquelle ils avaient réchappé. Elle sentit ses muscles se tendre à l’évocation du sang ; fragrance métallique qui l’accompagnait comme un mauvais fantôme. Plus encore, elle n’imaginait point comment il avait pu survivre à la cruauté quotidienne de la guerre et de ses épouvantes, lorsque chaque hurlement de la catastrophe de Valyria la hantait dans ses songes. Daenyra conserva un silence douloureux. Sous l’œil attentif de la lune, ils demeuraient tels deux âmes égarées dans les profondeurs insondables de la nuit. « Je ne cesse de les entendre… à chaque instant, dans le moindre de mes songes corrompus. Ils emplissent mes silences et ne me livrent aucun répit. » Sa voix frémissait dans la fraîche brise nocturne. Ses doigts s’accrochèrent aux replis de sa robe de chambre au tissu délicat et ouvragé. « Je ne puis me séparer de cette douleur immense et de la terreur qui furent souveraines ce jour-là… » Son regard se redressa vers celui de l’ancien guerrier, rendu absent si longtemps par le chaos de la guerre. Elle sentait exister en lui une force qu’elle enviait d’égaler. L’interrogation transperça ce regard d’acier. « Comment parviens-tu à vivre après cela ? Comment oublier les atrocités de ces souvenirs assassins ? La guerre ne vous a en rien épargnés… »




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Maekar & Daenyra




Le jeune homme réfléchissait trop pour son propre bien, c'était là sa plus grande fierté qui lui avait permis de se hisser jusqu'au rang de général, à un âge si jeune, et pourtant c’était aussi son plus grand fardeau. Chaque mot, chaque phrase et chaque bataille était répétée encore et encore dans un coin de sa tête, avant et surtout après exécution afin de comprendre et d'analyser, de deviner ce qu'il aurait pu faire en mieux pour que le résultat lui convienne davantage. Aucun autre événement que la guerre n'avait accaparé une si grande portion de son esprit que la guerre et, à présent qu'il était de retour à la maison, à présent qu'il pensait pouvoir tourner la page et laisser ces horreurs derrière lui, d'autres étaient venues prendre la place pour le maintenir éveillé, jusqu'à très tard dans la nuit. Alors oui il accueillait la présence de sa sœur avec une douceur bienvenue, car elle était sa protégée et sa responsabilité, quoi qu'on puisse en dire mais, lorsqu'elle l'encouragea à lever le pied pour recouvrer ses forces afin de se battre un jour de plus, il tint à la rassurer d'un :

« Je sens mes forces revenir, chaque jour un peu plus. Tu n'as rien à craindre, de ce côté-là.»

Certes il sentait encore une certaine faiblesse musculaire par moments, sentant qu'il n'avait pas atteint le niveau qui était le sien au plus fort de cette horrible guerre mais, d'expérience, il savait qu'il avait besoin d'encore un peu de temps pour retrouver ce niveau. Il n'était pas patient mais il avait appris à l'être, par la force des choses. Il était bon pour masquer sa douleur mais, de toute évidence, tout comme son aimée, Daenyra voyait en lui comme dans un livre ouvert, notamment en faisant mention des murmures de son âme. Était-il transparent à ce point-là ? Il n'avait pas cru l'être mais, de toute évidence, il s'était une fois encore trompé.

« Décidément, on ne peut rien te cacher. »

Il détestait cette aisance qu'avaient ces membres de sa famille de le percer à jour, car il haïssait profondément se montrer vulnérable à ce point-là, malgré tous ses efforts pour paraître le contraire. Mais que pouvait-il y faire ? Peut-être que de s'ouvrir à sa sœur ne serait pas si terrible que cela, non ? Elle et Elaena s'ouvraient bien à lui, alors pourquoi ne pas en faire autant ? En parlant de s'ouvrir, justement, Maekar tourna son regard vers sa sœur lorsqu'elle dévoila la lutte interne qui était la sienne, face à la toute récente tragédie. S'il y avait bien des personnes au monde à qui il aurait voulu épargner pareille souffrance, ces personnes portaient toutes le nom de Tergaryon. Mais il était trop tard à présent, tout ce qu'il pouvait faire c'était d'être présent et leur montrer le chemin, le chemin pour faire taire cette douleur comme on le lui avait appris, à force de temps et d'expérience.

« C'est assourdissant, n'est-ce pas ? Comme si tu devais lutter pour entendre ta propre voix, au milieu de cette cacophonie de cris et de larmes. »

Il se rappelait encore les jours qui suivirent ses premières pertes, durant les premiers mois de la guerre, et la privation de sommeil qui suivit irrémédiablement. Comment oublier ? Ainsi, même s'il ne pouvait trouver les mots pour le moment, il ne pouvait au moins qu'expliquer que :

« Laisse-toi le temps, petite sœur. Tu verras, un matin tu te réveilleras et ton esprit sera un peu plus calme, ton cœur te feras un peu moins mal. »

Le temps guérissait tous les maux, voilà ce qu'on se disait entre soldats et Maekar avait fini par le croire, lui aussi. Ce n'était pas la perte qui le maintenait éveillé, la nuit, mais la culpabilité. Aussi, lorsque sa sœur lui demanda comment il vivait avec cette douleur, mais surtout comment oublier ces atrocités, ce fut la notion d'oubli qui le fit réagir sèchement et au quart de tour :

« Nous n'oublions pas. Jamais. »

Chaque visage était gravé au fer rouge dans sa tête, pour ne plus jamais en sortir. Oublier serait un manque de respect flagrant envers ces disparus, envers ceux qui ne pourraient plus jamais jouir d'une vie semblable à la sienne alors oui, il avait appris à vivre avec la douleur mais jamais il n'oublierait tous ces morts. Admettant qu'il avait répondu sans doute un peu sèchement, il prit une profonde respiration pour expliquer ses mots précédents.

« Il n'y a pas un jour qui passe sans que nous voyions le visage d'un camarade, d'un ami ou...d'un frère, lorsque nous fermons les yeux, ainsi que la douleur qui accompagne leur disparition. Nous acceptons cette douleur pour nous rappeler de l'importance de ces pertes, de ces sacrifices, afin qu'ils ne soient pas vains. »

Certes son explication pouvait paraître froide et détachée, trop disciplinée, mais elle était le reflet de son éducation avant tout. Il ne montrait rien mais cela ne voulait pas dire qu'il ne ressentait bien, voilà la nuance qu'il essayait d'amener dans l'esprit de sa sœur. Il la regarda à nouveau, pour lui montrer l'importance d'un moment comme celui-ci, par quelques simples mots.

« Lorsque certaines journées se font plus dures, nous nous accrochons à nos souvenirs et à nos proches. Pour nous rappeler que, non content d'honorer la mémoire des disparus, nous nous devons de continuer à profiter de ce précieux cadeau qu'est la vie. »

Les mains jointes devant lui, le fait de parler de sa famille lui fit forcément penser à un membre de sa famille dont il ne pourrait jamais plus jouir de la compagnie. Sentant ses mains se serrer l'une contre l'autre, ne s'étant pas autorisé à penser pleinement à ce disparu depuis bien trop longtemps, il flancha un très court instant, assez court pour laisser ses pensées prendre le pas sur son self-control.

« Il n'y a pas un jour qui passe, sans que je pense à... »


Sans que je pense à mon frère, sans que je pense au jour où je me suis posé à genou devant sa dépouille, sans que je ne  pense au morceau de papier qui m'annonça cette bien funeste nouvelle. Voilà ce que le jeune homme voulut dire, peut-être même que sa sœur comprit ses intentions mais, avant même que le prénom de Aenar ne put franchir le seuil de ses dents, Maekar coupa la fin de sa phrase. Pourquoi ? Parce que s'il était habitué à la douleur et à la perte, sa sœur ne l'était pas tout autant que lui et, s'il n'avait été que très peu présent pour elle tout à long de sa vie, il voulait au moins la préserver d'une aussi vive douleur.
Car seul un Tergaryon pourrait jamais aimer et pleurer un autre Tergaryon.


« Pardonne-moi. Je m'égare. »


Il aurait voulu dire qu'il s'excuser de reparler de son frère, alors qu'il était le seul à avoir vu son corps ravagé par la guerre, sans préparation funèbre d'aucune sorte. Il l'avait vu sous son aspect le plus faible, le plus brisé et le plus misérable et, sans doute, une partie de son opinion envers son frère avait été transformée ou brisée, ce jour-là. Il se contenta donc de rester vague dans sa réponse, afin de ne pas mettre sa sœur sur la piste de la personne mentionnée, si elle n'en avait pas déjà une petite idée.  Essayant de changer de sujet et corriger son attitude déplorable, il se tourna à nouveau vers sa sœur, en lui demandant sur un ton plus calme et moins dur qu'à l'accoutumé :


« Veux-tu que je t'apprenne comment faire la paix dans ton esprit ? »


Main tendue en direction de sa sœur, il ne lui restait plus qu'à attendre une réponse, à présent.

Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
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feat. Maekar Tergaryon

Palais Hoskagon & mois 8 de l'an 1066

Il lui était impossible de dompter son âme quant à ses inquiétudes. Les événements atroces du Grand Effondrement avaient éveillé en son for intérieur des angoisses qui ne se guérissaient d’aucun raisonnement. Daenyra, vulnérable créature parmi les siens, existait au travers de ce don pervers que les Dieux avaient cru bon de lui confier et d’une véritable intelligence d’esprit. Elle usait de ses maigres ressources pour prêter une main forte à cette merveilleuse dynastie qu’était les Tergaryon et se donner la réconfortante illusion qu’elle pouvait protéger les siens en dépit de ses trop nombreuses faiblesses. Savoir lire l’âme des créations d’Arrax pouvait se révéler une arme redoutable, et à plusieurs reprises, Elaena, plus que les autres, était parvenue à tirer parti de cette capacité qu’elle jugeait extraordinaire. Hélas, tous les espoirs de l’Oiseau s’écrasaient sous le poids de la certitude implacable que tous les dangers ne pouvaient être prédits, que les facéties divines n’atteignaient aucun augure avant de frapper la terre et ceux qui la peuplent, et qu’ils demeuraient là, pauvres victimes de forces bien trop grandes pour eux. Quelle utilité à ses dons dans de telles circonstances ? Et comment éloigner une mort qui ne se présage pas dans les astres ? La jeune femme était tourmentée par les turpitudes d’un destin imprévisible et vicieux. Ainsi lui était-il impossible de taire ses inquiétudes quant à l’état de son aîné. La bouche de Maekar chantait un réconfort dont elle ne ressentait guère la sincérité. Elle voyait trop aisément en lui pour qu’il puisse la fourvoyer de la sorte, si nobles et belles soient ses intentions. A ce dernier égard, elle ne tenta plus de renchérir à ses paroles et se fit la promesse muette de s’assurer régulièrement de son état et de chercher quelques médecines efficaces dans les ouvrages de la bibliothèque du Palais Hoskagon ou du Grand Amphithéâtre. Saerelys, elle aussi, pourrait se révéler être d’une certaine aide ?

Néanmoins, il n’était guère de sa volonté de se taire à l’écho profond qu’elle entendait des ruminations de son âme. Elle ressentait là les douleurs d’un mal enraciné et accablant. Il n’était pas dans la nature de la Dame Dragon de faire l’impasse sur les malheurs de sa chair et de son sang. Les bribes que ses dons captaient ne pouvaient être ignorées. Alors elle questionnait, insistait face au caractère opiniâtre de ses aînés et se lançait dans cette croisade de délier les langues. Sachant combien il était difficile de dissimuler quoi que ce soit des vicissitudes de leurs pensées à cette singulière cadette, Elaena et Maekar finissaient souvent par rendre les armes. Pourtant, elle éprouvait l’agacement nourri par le jeune homme. Ce dernier n’appréciait guère que les confins de son être soient scrutés de la sorte. Elle-même aurait parfois préféré que ses dons ne soient pas pour s’éloigner des jardins secrets de ceux qui lui étaient chers. Hélas, ses capacités indomptées ne lui offraient pas ce loisir. Les choses s’imposaient à elle sans qu’elle ne puisse se préserver par pudeur.

Cependant, Daenyra n’était pas la seule à pouvoir discerner les trémolos des humeurs de ses frères et de sa sœur. Maekar, malgré un attachement plus lointain, savait reconnaître ses mélancolies. La Dame Dragon ne pouvait se défendre et s’étendre en vains mensonges. Son trouble était ancré dans les moindres aspérités de son visage et tendait toutes les fibres de son être. Elle partagea son mal, cette souffrance qu’elle ne parvenait à contenir. Les voix, mugissements atroces, ne vivaient d’aucun repos et hantaient la moindre de ses pensées. Les victimes malheureuses de ce jour maudit emplissaient son être de la cacophonie de leurs hurlements et de leurs plaintes. Ces douleurs qui les avaient transpercés pourfendaient encore le corps de la Tergaryon aux instants les plus épais de la nuit.

A la détresse qui l’animait toute entière, Daenyra ne pouvait songer qu’au calvaire que ses frères avaient dû vivre sur le front. Ce n’était guère un sujet qu’il était courant d’abord pour eux… Cette guerre d’autrefois ramenait à elle les souvenirs éthérés de l’ombre d’Aenar. Perte bien trop déchirante pour être rappelée à la mémoire des membres de cette famille. Ce soir, sous le couvert des étoiles et peut-être même de son regard absent, ils évoquaient. Comment son frère avait-il pu traverser de tels malheurs, puis revenir pour célébrer une paix et de la joie lorsque les mains étaient encore parsemées de sang ? Quel plaisir trouver à la chair quand elle fut déjà rendu froide sous le fracas de sa lame ? Ils se trouvèrent une souffrance jumelle, deux âmes errantes qu’ils étaient sur les rivages escarpées d’une nuit assourdissante. Sa gorge se serra à la mention de la guerre et des plaies qu’elle trace dans la chair.

Elle n’eut pas besoin qu’il prononce le nom d’Aenar pour savoir que tous ses songes et ses douleurs se dirigeaient vers lui. La moindre de ses pensées hurlait la mémoire de cet être cher et absent. Comme si la souffrance s’était matérialisée en une lance qui la traversait de part en part, Daenyra se redressa et avança de quelques pas, voilant ainsi le piètre spectacle des larmes qui fleurissaient à ses yeux. La respiration lui manquait, assaillie de tous les tourments du chagrin. Il demeurait presque un sujet proscrit, un nom qu’il ne fallait pas prononcer, tant la douleur de sa perte était grande. L’aîné des Tergaryon était honoré dans toutes les pensées des siens, vivant au travers de chacun d’eux sans jamais être mentionné. Pour Daenyra, son visage était gravé à-même sa rétine et sa voix murmurait inlassablement dans le creux de son cœur. Dans les ombres dansantes des ténèbres, il lui semblait que sa silhouette se dessinait dans les feuillages, spectateur silencieux et intangible.

« Veux-tu que je t’apprenne comment faire la paix dans ton esprit ? » La douceur dans le ton de Maekar parvint à l’atteindre. Elle tourna un regard embué vers cette main salvatrice et amène qui se tendait vers lui. Par Arrax, comme elle aurait aimé que ces doigts soient ceux d’Aenar. Un instant, il lui sembla que son visage se superposait au sien. Leurs traits, taillés par les épreuves et le temps, se sculptaient en miroir. La culpabilité l’agrippa de préférer un frère à un autre. Ses doigts se glissèrent dans les siens, si froids dans cette main si chaude et réconfortante. « Je crains parfois que toute cette souffrance ne me quitte jamais… Car elle n’est pas la mienne et que je n’ai aucun pouvoir dessus. » Sa voix trembla. Calme et sérieuse Daenyra se perdait dans les flammes froides et humides du déchirement. La fatigue l’emportait sur toute sa sagesse. « Comme je hais ce don qui m’assassine de la moindre pensée, du moindre tressaillement d’un cœur… Je ne puis supporter toute cette souffrance. Elle devient mienne et me hante. » Ses jambes la tenaient à peine et elle tomba à genoux face à son frère. Sa joue humide se posa sa cuisse, épuisée dans son corps et dans son âme. « Comme je hais parfois les Dieux de m’avoir affligée d’un tel tourment… » murmura-t-elle, craignant d’être entendue dans son blasphème. Il n’était guère bon de s’attirer les foudres de ces forces divines. « Par pitié, aide-moi à conjurer ce mauvais sort… »




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Pâle et blonde, la lune ouvre dans
l'onde son éventail d'argent

Maekar & Daenyra




Le bon, le mauvais et l'horrible, le jeune homme avait été formé pour tout encaisser sans broncher car c'était ce qu'on attendait de lui, car il était le solide roc dont cette famille avait besoin pour traverser cette tempête et, à force de temps et de douloureuses expériences, il avait réussi à se blinder. Cela ne voulait pas dire qu'il ne ressentait absolument rien, non, sinon il n'aurait jamais été capable d'aimer sa sœur autant qu'elle l'aimait lui, mais il avait parfois l'impression que ces barrières l'isolaient du reste du monde, l'empêchant de profiter de la vie autant qu'il le voudrait. Jadis il avait été proche de sa sœur cadette. Il avait tendre, prévenant et protecteur envers elle mais, alors qu'elle était à ses côtés, il réalisa qu'il ne savait pas par quoi commencer car, s'il était assez peu doué pour l'art de la conversation, il comprenait que cela faisait plusieurs années qu'il ne s'était pas posé avec elle, pour parler de tout et de rien. Certes la récente tragédie était sur toutes les bouches et dans tous les esprits, y compris celui de sa sœur, mais s'il n'y avait pas eu ce sujet, de quoi aurait-il bien pu lui parler ? Cette seule idée généra une pointe de frustration à l'arrière de son crâne, comprenant qu'il était le seul instrument du gouffre qui s'était créé entre lui et Daenyra, depuis son départ pour la guerre.
Depuis son retour il avait été tellement préoccupé par ses obligations qu'il en avait négligé le reste. Son père, sa mère, son aimée et le reste de sa famille : il avait oublié tout cela parce que, malheureusement, il était un homme qui ne jugeait son utilité, dans ce monde, qu'au travers de l'accomplissement de son devoir. Cette utilité avait grandement mis à mal lorsque le sang s'était répandu dans les rues de sa cité bien aimée car, s'il en était ressorti comme héros acclamé par la foule, s'il en était ressorti plus adoré par le peuple que jamais, il ne pouvait et voulait oublier les morts sur lesquelles cette renommée reposait.
Ils avaient été trop à perdre la vie mais, étrangement, ce n'était pas tant la culpabilité que le questionnement constant qui maintenait le guerrier éveillé, ce soir. Il voulait comprendre, se remémorer, analyser afin de trouver ce qu'il aurait pu faire de différent, de mieux mais, comme à chaque fois, il repartait de cette réflexion avec plus de questions que de réponses. Jour après jour, seconde après seconde il faisait son possible pour ne pas laisser la culpabilité s'ensevelir sous les corps de ceux qu'il n'avait pas pu sauver, il faisait son possible pour garder la tête hors de l'eau mais, ce soir-là, la fatigue couplée à la privation de sommeil avaient empêché le jeune homme de lutter à armes égales. Il s'était donc assis là, en silence, jusqu'à ce que sa sœur ne vienne en le poussant, par quelques simples questions, à repenser au sujet précis qu'il essayait douloureusement de chasser sa tête.

Oh non il ne pouvait en vouloir  à sa sœur d'amener le trouble dans son esprit, car il la sentait aussi troublée qu'il pouvait être. Comment pourrait-il se regarder en face, s'il tourner le dos à la détresse de sa protégée ? Ce n'était pas le genre d'homme qu'il voulait être. Il aurait aidé n'importe qui partageant son sang, mais Daenyra ? Jadis elle avait été sa priorité, car elle était affligé d'un don devenu une malédiction avec le dos, car aucun remous de l'âme ne pouvait échapper à sa perception. Aussi, malgré tous ses efforts, Maekar ne pouvait que deviner à quel point la vie de sa sœur pouvait être devenue horriblement pénible, depuis que la mort était venue frapper, à nouveau, aux portes de Valyria. Il aurait tout donné pour prendre ce don et en faire sien, pour délaisser sa sœur de ce poids mais, malheureusement, tout ce qu'il pouvait faire c'était de l'aider, un pas après l'autre. Aussi, lorsque sa jeune protéger lui fit part du désespoir qui s'emparait d'elle, de la crainte de ne pouvoir plus jamais vivre en dehors de cette douleur lancinante, le guerrier tourna sa tête vers elle, en répondant :

« Cette douleur nous change, je ne te le cache pas. Je ne suis plus le même que quatre ans plus tôt, non plus. Maintenant, l'esprit humain a cela de formidable qu'il trouve toujours un moyen de surmonter la douleur et le chagrin, si on lui en laisse le temps. »

Elle haissait ce don, ce don dont elle seule pouvait mesurer l'ampleur : comment lui en vouloir ? Elle n'avait jamais demandé à vivre avec pareil dont et, elle aurait pu avoir des années pour s'y habituer si la mort n'était pas revenue. Un guerrier aurait pu se blinder contre ces remous de l'âme, contre ces cris de détresse et d'agonie, mais elle ? Elle était trop douce pour mériter un tel châtiment. Oh, comme il s'en vouloir de ne pouvoir en faire plus....comme il s'en voulait de ne pas être, lui, avec ce dont plutôt qu'elle. Tout aurait été plus simple pour elle, mais les Dieux en avaient décidé autrement.

« Je ne te l'ai jamais dit, petite sœur, mais....j'ai énormément d'admiration pour toi. Tu as une force de caractère, une force intérieure que tu ne soupçonnes sûrement pas. Je sais que, surtout en ce moment, les journées comme les nuits se confondent en un seul cauchemar ininterrompu, mais s'il y a bien quelque chose dont tu peut être sûre, c'est ceci : tu n'es pas toute seule. Iksi va moriot lēda ao. »


Nous sommes toujours avec toi, voilà ce qu'il n'avait pas dit à sa petite sœur depuis...trop longtemps. Jadis ils avaient été proches mais, aujourd'hui, il réalisait l'ampleur du travail devant lui pour restaurer cette confiance et cette proximité. Il y avait une vérité en lui qu'il ne pouvait admettre à quiconque : jamais il ne serait son frère. Jamais il ne serait celui vers qui les gens se tourneraient lorsque la tempête ferait rage, jamais il ne pourrait soulever les cœurs et les foules à la force de son sourire et de ses mots, pas comme Aenar pouvait le faire. Aussi, lorsque sa sœur posa sa tête tout contre ses cuisses, admettant qu'elle avait besoin d'aide pour contrôler ces cris et cette terreur suffocante, une partie du cœur du Tergaryon se brisa, en faisant sienne la détresse de sa sœur. Elle était épuisé et, si elle choisissait de se tourner vers son frère plutôt que Elaena, cela voulait dire qu'elle était au bout du rouleau. Aussi, avec une douceur que peu de personnes lui connaissaient, Maekar passa sa main sur la tête puis le long de la chevelure de sa sœur, pour essayer de l'apaiser, alors que, une fois encore, ses pensées sortaient de sa bouche, en échappant à son contrôle.

« Je suis désolé si mes mots sonnent creux. Je sais que tu aurais aimé les entendre, de la bouche d'un autre. »

Il ne l'avait pas compris  à l'époque mais, avec du temps et du recul, Maekar avait toujours eu des doutes sur l'affection que portait la douce Daenyra à leur défunt frère. Maekar était là pour elle, lui, mais ce n'était malheureusement pas l'homme dont elle avait besoin. Après tout, il était condamné à n'être que l'ombre de Aenar, rien d'autre. Soupirant pour chasser ces pensées toxiques de son esprit, le jeune homme s'avança et, laissant tomber quelques barrières, déposa un doux baiser sur le sommet du crâne de la demoiselle, sans trop savoir si cela serait d'une aide quelconque.
Enfin, dans un mouvement, il vint s'asseoir par terre, face à sa sœur, en chassant ses quelques larmes du bout de ses épais doigts. Attrapant la main droite de la belle avant de la poser tout contre son torse, là où elle pourrait ressentir les battements réguliers de son cœur, le guerrier croisa ses jambes et posa son autre main sur un genou, sommet vers le haut, invita sa sœur à déposer sa propre main dessus. Prenant une profonde inspiration, attendant que le contact se fasse, Maekar releva ses yeux et plongea son regard dans celui de sa sœur, en lui soufflant :

« Rȳbagon ñuha prūmia. Mazōregon ñuha perzys. »

Écoute mon cœur, accepte mon feu. Le Téméraire avait ses propres démons, lui aussi, mais il avait depuis longtemps appris à maîtriser son cœur afin que le reste de son corps puisse suivre. Alors, avec sa main sur la poitrine de son frère, Daenyra pourrait ressentir à quel point le rythme de son cœur pouvait être puissant, certes, mais surtout très régulier. Oh certes il n'avait pas passion explosive de Aenar, mais dans son regard brûlait un brasier qui, celui-ci, restait presque toujours sous son contrôle, comme Daenyra pourrait en être témoin.

« Concentre-toi sur les battements de mon cœur, et rien d'autre. Ils sont le galop d'un cheval, le battements des ailes de Myrha. Ils sont une ancre sur laquelle tu peux toujours t'accrocher. »

Chaque soldat avait ses propres astuces pour garder le contrôle. Pour certains il s'agissait d'un objet ou d'un souvenir cher à leur cœur, mais le jeune Maekar avait appris à puiser cette force en lui-même, à user de mantras afin de garder le contrôle, même lorsque la tempête faisait rage dans sa tête. Relevant sa tête, sentant ces mantras revenir en lui, le Tergaryon abaissa une autre de ses barrières en laissant cet immense brasier venir colorer ses prunelles d'une lueur nouvelle, une lueur symbolisait son extraordinaire force de caractère. Une lueur à laquelle Daenyra pour s'accrocher, comme elle l'avait fait avant que la guerre ne les éloigne.

« Concentre-toi sur le feu qui m'habite, sur ces flammes à la chaleur étouffante. Les Dieux nous ont fait passionnés pour que nous puissions lutter contre nos démons intérieurs, ils nous ont donné cette flamme afin que nous puissions réduire en cendre les ennemis qui veulent nous terrasser. Que ces ennemis soient aux portes de Valyria, ou dans nos têtes.  »

Sa sœur était douce mais elle avait une flamme en elle, Maekar le savait et elle devait le savoir aussi. Alors que son regard se faisait de plus en plus intense, les battements de cœur du guerrier maintenir leur impressionnante régularité, comme l'ancre dont sa sœur avait besoin. Enfin, s'approchant d'elle un peu plus, il ferma les yeux en posant son propre font contre celui de sa cadette, avant de lui souffler :

« Tu es forte, plus forte que tu ne l'imagines mais c'est normal de perdre pied, parfois. Si cela t'arrive, alors concentre toi sur ce que tu ressens en ce moment, car ma force est aussi la tienne. Iksā ñuha perzys.  Iksan aōha perzys.  Iksi Tergaryons.Īlon obūljagon naejot daorys se daorun. »

Tu es mon feu, je suis ton feu, nous sommes des Tergaryons. Nous ne nous agenouillons devant rien ni personne.


Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
Dame-Dragon

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Pâle et blonde, la lune ouvre dans
l'onde son éventail d'argent

feat. Maekar Tergaryon

Palais Hoskagon & mois 8 de l'an 1066

La symphonie grotesque et fracassante de souvenirs impies et violents venait lacérer son esprit. Nul répit ne lui était accordé dès lors que l’alliance atroce de toutes ces voix déformées engloutissait son âme et ses pensées au profit d’autres qui ne lui appartenaient pas. Daenyra endurait ce fardeau terrible de n’exister qu’au travers de ténèbres qui n’étaient pas les siennes. Elle voguait, égarée et impuissance, sur les textures poisseuses de toutes ces âmes qui se mêlaient, s’entremêlaient et s’accrochaient les unes aux autres. La cacophonie extraordinaire de leurs cris d’horreur frappait les contreforts de son crâne, l’étourdissant au point d’en oublier jusqu’à son nom. Jamais encore le doux Oiseau n’avait enduré de tel fléau. L’effervescence des soirées valyriennes la projetait dans des états languissants dont elle savait guérir grâce à quelques repos vulnéraires. Cependant, lors de ces célébrations, il n’y avait qu’à déceler que la couardise de quelques langues traîtresses, des mensonges scélérats ou les émois d’une âme exaltée. La souffrance n’y tenait pas sa place ; moins encore l’agonie latente de ces corps attendant que Balerion ne vienne les ramener en son sein. Les douleurs putrescentes d’une terreur noyée dans le sang et la poussière assaillaient toujours la Dame à plusieurs semaines de la tragédie. Ils étaient comme autant de carcasses malheureuses agrippées à ses chairs tendres et vulnérables, les gueules déformées par des gémissements ricochant dans l’écho abominable du théâtre des monstruosités. Daenyra n’en tenait plus du tourment incessant de ses nuits et du fardeau des jours qui défilaient sans que rien ne change. Dans l’obscurité abyssale de l’antre des horreurs, son âme réclamait la caresse d’un corps retourné à la terre bien trop tôt, d’un être qui n’aurait jamais dû quitter son côté mais qui prêtait à présent son allégeance à Balerion.

Cependant, au cœur de cette nuit teintée de la bile noire du désespoir, une main toute autre transperçait l’épaisseur visqueuse de son obscurité pour se tendre vers elle, pour l’arracher à ce maelström affligeant. Le cœur nimbé de chagrin, la culpabilité s’imposait plus forte à elle d’avoir pu espérer que ses doigts soient rattachées au corps d’Aenar. Aussi sa poigne s’était-elle faite plus pressante, plus désespérée quand elle s’était précipitée vers son frère. Les années, dans leur cortège de joies et de malheurs, avaient éloigné ces deux êtres que les Dieux avaient décidés du même sang ; et la guerre, non satisfaite de lui avoir arraché la moitié de son âme, lui avait retiré les tendresses de Maekar. Trop souvent, l’effleurement de leurs êtres avait fait entrevoir à Daenyra les démons contre lesquels se battait son aîné avec la ferveur du désespoir. Et trop souvent aussi, il lui était venu à l’esprit que toutes ces plaies béantes menaçaient de ne jamais se refermer. Était-ce à cause de son don impudique que Maekar avait tenu une distance inconsciente entre eux ? Elle ne pouvait que s’appuyer sur des suppositions nescientes, gageant qu’il souhaitait offrir quelques secrets à ses souvenirs chaotiques et démunis. A présent, la tragédie du Grand Effondrement les rapprochait, croisant sur eux ces routes qui s’étaient séparées au détour des sentiers escarpés de l’existence. Et plus meurtrie que jamais par les turpitudes de souffrances qui n’étaient pas les siennes, Daenyra réclamait son aide.

La voix de Maekar, plus douce dans les profondeurs de la nuit étoilée, entonnait un chant d’espoir pour apaiser tous ses maux. Il invoquait l’œuvre du temps pour panser les blessures, même les plus profondes. Sa cadette se gorgeait de ses paroles, comme un assoiffé d’eau ; tout en songeant qu’il lui semblait que c’était encore le jour d’avant qu’on lui annonçait la mort d’Aenar.

Iksi va moriot lēda ao.

Daenyra releva un regard enflammé de larmes vers Maekar. Cette phrase s’accomplissait en elle tel un sort qui venait de lui être jeté. La douleur demeurait toujours, vivace et impétueuse, mais il lui semblait qu’elle ne portait plus le même poids sur ses épaules. « Iksi va moriot lēda ao… » murmura-t-elle en écho de ses paroles, comme pour les ancrer dans l’éternité. Plus que ses mots, Daenyra éprouvait les vagues chaleureuses de toutes les tendresses que son aîné lui adressait en silence sur son être glacé. Il lui semblait qu’elle retrouvait là la même force d’amour qu’Elaena lui offrait dans leur intimité. La sensation émue d’avoir retrouvé un frère disparu vint lui étreindre la gorge et lui serrer le cœur. Mais ce fut encore sa carcasse dolente qui frémit à la pensée de son frère qui la frappa avant même que les paroles s’échappent de sa bouche. Le visage d’Aenar s’écrasa contre elle, soulevant une tempête monstrueuse au fond d’elle, au milieu du sentiment d’impuissance et de frustration qui se gravait dans les chairs de son frère. Aurait-il pu seulement reconnaître les caresses timides d’un amour naissant ? Aurait-il pu cerner cet amour singulier que Daenyra éprouvait pour l’héritier des Tergaryon ? Sa bouche s’était toujours faite muette et son cœur s’était tu. Une pudeur égoïste l’avait obligée à conserver cela pour elle, comme si la pureté de cet amour pouvait se briser sous les lumières du jour.

Ses pâles prunelles observèrent Maekar s’asseoir auprès d’elle et de ses doigts burinés par la guerre, chasser quelques larmes de son visage. « Maekar… » trembla-t-elle, éprouvée de fatigue, de chagrin et d’émotions. Elle aurait voulu se fondre dans les sentiments si réconfortants dont il irradiait à cet instant, prodigues et salvateurs. La chaleur du brasier puissant qui l’animait ramenait à elle des flammes qui réchauffaient ses membres frémissant. Sans opposer aucune résistance, elle laissa sa main guider la sienne vers ce cœur qui frappait férocement dans sa poitrine. A l’écoute attentive de cet organe agité d’une rage de vivre sublime, elle crut saisir une infime partie des raisons qui jumelait l’être d’Elaena au sien. Et au travers de ce cœur furieux, il semblait que les battements de sa sœur résonnaient avec les siens. Ses paupières se fermèrent pour mieux sentir les coups réguliers et apaisants qui frappaient dans sa poitrine. Au fur et à mesure, le fracas des voix se fit plus ténu, plus lointain. Les rugissements demeuraient, mais moins puissants. A cette quiétude inespérée se superposait la voix chaude et rocailleuse de Maekar. « Tu m’as manqué… » murmura Daenyra, son souffle court se mêlant à celui de son frère tandis qu’ils se tenaient si proches, front contre front, peau à peau. Une puissance brûlante galvanisa ses veines, héritage merveilleux du sang des Tergaryon. Le brasier insoupçonné qui sommeillait au fond d’elle s’éveilla aux paroles que Maekar soufflait sur ses braises presque éteintes. « Iksā ñuha perzys. Iksan aōha perzys.  Iksi Tergaryons. » répéta-t-elle une fois encore, comme pour faire vivre l’incantation.

Sa main gracile vint se poser sur la joue de son frère. Toucher plus rugueux d’un visage tourmenté par les épreuves du temps et de la guerre. Les yeux de l’Oiseau s’ouvrirent à nouveau pour contempler les angles secs de sa mâchoire, l’intensité de ce regard incandescent qui pourfendait l’obscurité de la nuit, la majesté léonine de ce port altier et fier. Du bout de ses doigts pudiques, elle retraçait ses courbes, ses aspérités et ses reliefs comme si elle les découvrait pour la toute première fois. « J’ai contemplé son visage tant de fois qu’il s’est inscrit en moi… Il est une part de moi. Toutes ses souffrances, toutes ses joies ont été les miennes. Je suis Aenar, Maekar. Et je le serai à jamais car tout de lui tapisse mon âme, mon cœur et mon être. » Elle replaça une des mèches d’argent de son frère derrière son oreille, alors qu’elles s’étalaient, éparses, sur son visage grave. « Tu n’es pas Aenar, c’est vrai. Et il n’est pas toi non plus. Votre regard n’est pas tout à fait le même. Il semble que ses prunelles étaient plus pâles que les tiennes et que tes yeux racontent une toute autre histoire. » Ses doigts glissèrent lentement vers ses lèvres, éprouvant leur douceur de la pulpe de son pouce. « Votre bouche aussi est différente. Elle ne dit pas les mêmes mots, elle ne chante pas les mêmes mélodies. La tienne s’écoule en moi comme le flot calme d’une rivière quand la sienne vibrait tel un volcan furieux. » Cette fois, ce fut sur sa poitrine qui s’élevait au rythme de sa respiration que sa main trouva sa place. « Vous ne respirez pas non plus de la même manière. Tu n’aspires pas le même air que lui, tout comme lui n’aspirait pas le même air que toi, avec férocité et avidité. » Sa main poursuivit son cheminement, gagnant à nouveau les rivages de son cœur à l’allure plus irrégulière. « Ce n’est pas non plus le même cœur qui bat dans cette poitrine… Il me semble qu’il bat plus fort que le sien. Mais c’est parce qu’il a connu plus de guerres, qu’il a été malmené par les tourments d’une vie étrange et capricieuse… et qu’il ne bat pas pour les mêmes choses. C’est un cœur qui réclame d’aimer et de protéger. » Daenyra quitta la contemplation de cette main posée sur son cœur frémissant pour retrouver la profondeur de son regard. Depuis longtemps, son âme captait les frustrations de Maekar de ne pas être son aîné et de ne point arriver à l’égaler. Aenar brillait dans le ciel de leurs souvenirs, astre éclatant et insaisissable. Il était intouchable et divin. « Tu n’as pas à devenir Aenar, ni même à un autre étranger à ton âme car il y a déjà quelqu’un qui vit dans ce corps. Et c’est toi. » Ses doigts se mirent à trembler sous le poids de ce chaste aveu. Ils retrouvèrent l’étreinte réconfortante des mains épaisses de Maekar. Un maigre sourire drapa les lèvres émues de Daenyra. « Et ce toi, je l’aime, Maekar. Malgré la distance et les tempêtes de l’existence. Malgré ce destin incontrôlable et imprévisible. Tu es un Tergaryon et tu n’es comme aucun autre. » L’émotion vint lui saisir la gorge, la malmenant aux coups de larmes difficilement retenues. Tu es mon feu, je suis ton feu… « Iksā ñuha perzys. Iksan aōha perzys. Je n’aurai pu souhaiter que tu sois pris à sa place. »




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Maekar & Daenyra




La lutte interne du bien et du mal, de la lumière contre les ténèbres était un sujet que le jeune homme connaissait sur le bout des doigts, car c'était cette lutte qui l'avait privé de son sommeil depuis si longtemps. Oh bien sûr après une nuit d'amour avec sa chère et tendre il se sentait détendu, en paix mais cet état ne durait jamais bien longtemps car, aussitôt que le soleil se levait sur son visage buriné, ses pensées finissaient toujours par le mener vers un endroit qu'il ne souhaitait plus visité. Cette antre sombre et froide renfermait tout ce qu'il y avait de pire chez le Tergaryon. Tout ce qu'il avait raté. Tout ce qu'il n'avait pas su faire ou dire. Tout ceux qu'il avait perdu. Elle était sa boîte de Pandore et, jour après jour, il devait faire un effort conscient pour la maintenir fermée car, si jamais la fatigue le poussait à l'ouvrir, si jamais tous ces démons refaisaient surface, ils retapisseraient son âme de la couleur du sang et, il le savait, jamais il ne serait en mesure de se relever. Alors il abordait chaque nuit comme une courte bouffée d'air frais, chaque baiser de son aimée comme une lampée d'eau fraîche après une longue traversée du désert mais, durant des soirées comme celle-ci, il s'en voulait de ne pas trouver cela suffisant.
Il était fatigué, si fatigué mais malheureusement le reste du monde n'allait pas attendre qu'il se repose, bien sagement. Il avait plus de responsabilités que ce à quoi il avait été préparé, plus de décision à prendre, plus de vies à guider et, s'il parvenait à bien s'en sortir la plupart du temps, les jours qui suivirent l'attaque sur son père prélevèrent le plus lourd des tribut, chez le Téméraire. Il était venu ici pour se battre, pour laisser filtrer un peu de sa peine et de sa fatigue, mais il tâcha de se reprendre dés que la présence de sa sœur se fit sentir. Elle si fragile et si pure, elle si accablée par le don qui lui avait été fourni : elle n'avait pas besoin de rajouter la douleur de son frère à la sienne.
Malheureusement elle ne contrôlait pas ce don, tout comme Maekar ne contrôlait pas les démons qui surgissait dans son esprit, mais le guerrier avait appris à la dure à encaisser le poids de ses démons, en serrant la mâchoire le temps que la douleur passe. Il ne s'attendait pas à ce que sa sœur puisse en faire de même, elle sentait le poids de la guerre sans l'avoir directement vécue, mais son frère pouvait au moins l'aider à faire le ménage dans sa tête. Il s'avança donc vers elle, posant un front contre l'autre et, lorsque leurs souffles se mêlèrent, lorsqu'elle lui avoua à quel point cette séparation avait pu être terrible, le jeune homme lui souffla :

« Je suis là, maintenant. Je suis là...»

Une bien piètre consolation après une si longue absence, mais c'était tout ce qu'il avait à offrir, à l'heure actuelle. Il pouvait faire des pieds et des mains mais, au bout du compte, il n'y avait qu'un nombre limité de choses qu'il pouvait faire, pour lutter contre un don qu'il ne pouvait qu'essayer de comprendre. Seule sa sœur pourrait lui dire si cela allait fonctionner et, bien sûr, Maekar espérait que cela soit le cas car, dans le cas contraire, il aurait échoué sur toute la ligne. Il avait été un piètre fils, un cadet lamentable, un frère distant et un amant absent : n'y avait-il rien qu'il puisse rattraper ? Il espérait bien que si.
Il laissa donc sa cadette vocaliser ce qui avait toujours été une supposition, une intuition pour lui. Elle avait aimée leur frère, peut-être pas aussi intensément que Elaena et Maekar s'aimaient mais la présence de Aenar était à présent gravée dans sa peau, dans son cœur et dans son âme pour l'éternité. Il l'avait toujours supposé mais, à présent, il en avait la confirmation aussi, lorsque Daenyra lui confirma ses soupçons, le grand-frère ne put que confirmer.

« Je sais, je le devine. »

Il aurait pu dire qu'il était désolé car elle était celle qui souffrait le plus de cette absence, celle qui souffrait le plus de cette chaleur disparue, mais à quoi bon ? Pourquoi enfoncer des portes ouvertes et remuer le couteau dans une plaie qui peinait à se refermer ? Elle avait déjà trop souffert pour qu'il souhaite en rajouter une couche, aussi préféra t-il en rester là, se murant dans un silence si caractéristique alors que elle, de son côté, commençait à mettre en relief les différences entre les deux frères. Leurs regards étaient différents car leurs histoires et leurs futurs l'étaient tout autant, cela au moins Maekar le savait mais, lorsqu'elle le compara à une rivière, calme et douce, le Tergaryon lutta contre le sourire amusé qui pointait le bout de son nez. Une rivière ? À dire vrai beaucoup le voyaient comme un roc, un rocher solide face à la tempête, mais il pensait être le seul à se définir comme l'eau plus que comme la terre : cela faisait du bien de savoir qu'il avait tort, pour une fois. Oh il aurait pu lutter pour maintenir cette image, cette apparence solide, mais pouvait-il vraiment duper une femme qui pouvait sentir les remous de son âme ? Aucune réponse n'était nécessaire alors, dans un souffle, il avoua :

« Il était le feu. J'étais l'eau présente pour l'apaiser, lorsque les flammes se faisaient trop vives. Il en a toujours été ainsi. L'ombre et la lumière. »

C'était mon  rôle et ma raison de vivre, voilà les pensées que ses paroles manquèrent de peu de trahir, n'étant tuées dans l’œuf que par un effort conscient du jeune homme qui, il le savait, en disait toujours trop lorsqu'il était en présence de sa sœur. Son aimée, Elaena, le connaissait suffisamment pour  savoir ce qu'il avait dans la tête rien qu'à son regard, sa posture, ou la plus petite des expressions, mais Daenyra ? Oh Daenyra, elle, voyait clairement en lui comme dans un livre ouvert. Tout ce qu'il cachait, tout ce qui le maintenait éveillé la nuit, tous ses remords et ses regrets : elle voyait clair comme en plein jour. Était-ce difficile à comprendre, dans ce cas, qu'un homme souhaite s'éloigner d'une personne aussi perspicace que sa jeune sœur, surtout à son retour de la guerre ? Était-ce difficile de concevoir qu'il veuille la protéger de toutes ces horreurs, de tous ces cris, de tout ce sang sur ses mains ? Pour certains, peut-être mais, justement, si Daenyra voyait en son frère elle pouvait également y lire les raisons de son éloignement.
Il aurait pu lutter contre tous les discours du monde, il aurait pu faire face à tous les sermons du monde, mais il suffit de six petits mots de sa sœur pour fracturer sa carapace un peu plus. Tu n'as pas à devenir Aenar : combien de fois se l'était-il répété, en vain ? Combien de fois s'était-il comparé à son frère, pour comprendre que jamais ils ne pourraient être similaire ? Mais l'entendre de sa bouche à elle, de celle qui aurait dû vivre au côté de ce frère absent ? Ces mots sonnaient bien différemment.

« J'ai essayé, pourtant, petite sœur. J'ai essayé, mais... »

Mais je n'ai pas réussi, mais j'ai fini par admettre que cela m'était impossible. Quoi qu'il ait voulu dire Daenyra le devinerait certainement, de toute façon. Daenyra aimait son frère autant qu'il l'aimait, il était très peu doué pour le dire, mais son regard parlait toujours pour lui. Tous le connaissaient comme le guerrier, mais race étaient ceux à même de connaître la douceur et la tendresse cachée derrière cette carapace de distance et de maintien. Daenyra, elle, le connaissait et le redécouvrait, en cet instant. Ainsi, il leva spon regard vers elle, pour lui souffler avec conviction :

« La douleur qui t'accable ne définit pas qui tu es, non plus. Ce don peut parfois être un fardeau, mais il ne définit pas qui tu es ou qui tu seras. Tu es forte, ma sœur. »

Elle l'était, oh oui elle l'était. Combien auraient courbé l'échine sous le poids de ce don ? Combien auraient voulu fuir cette atroce réalité, en payant l'ultime prix ? Mais elle était encore là. Pourquoi ? Parce qu'elle était une Tergaryon mais, ce soir, elle n'avait pas besoin de l'être. Elle n'avait pas besoin d'être brave. Elle n'avait pas besoin d'être forte. Elle avait besoin de se laisser aller, de laisser son frère lui demandait de faire la seule chose qu'elle se refusait à faire.

«   Ivestragī ziry jikagon. Keligon vīlībāzma.»

Laisse-toi aller, arrête de lutter. Maekar n'était pas égoïste, il ne demandait jamais rien à personne mais, en cette nuit étoilée, il vocalisa cet égoïsme surnaturel par ces quelques mots. Elle pouvait craquer face à lui, elle pouvait laisser ces larmes couler en un flot ininterrompu si c'était cela dont elle avait besoin : il resterait là, quoi qu'il puisse arriver. Ainsi, joignant les gestes à la parole, le grand-frère, le protecteur s'avança et prit sa douce sœur entre ses bras chaud et puissant, l'enveloppant de ce chaud et ferme cocon dont elle avait besoin, en cet instant. Sentant son cœur manquer un battement sous la puissance de cette proximité retrouvée, sentant sa cadette tout contre lui, il lui souffla :

«   Iksan kesīr, hāedar.  Kesan dōrī henujagon ao »

Je suis là, petite sœur. Je ne te quitterai pas. C'était une promesse qu'il lui faisait, lui pour qui la parole était si importante et si...vitale. Il n'avait pas été là pour elle jadis et s'en était toujours voulu mais ce soir, malgré ses démons et sa fatigue, il ne serait pas dit que Maekar Tergaryon serait resté impassible face à la détresse de sa sœur. Profitant de cette proximité et de cette haleur autant que sa cadette, le Tergaryon redressa la tête, déposant finalement un doux baiser sur la chevelure argentée de sa protégée, en lui murmurant une autre promesse, plus importante encore que la précédente :

«   Bisa bantis, kesā daor vīlībagon aōha ōdres, mērī. Daor mirre.»

Ce soir, tu ne combattras pas cette douleur toute seule. Plus jamais.


Daenyra Tergaryon
Daenyra Tergaryon
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Palais Hoskagon & mois 8 de l'an 1066

Il avait déserté son horizon. Jusqu’alors, Daenyra n’avait jamais pris la pleine mesure de l’éloignement de Maekar, de cette absence douloureuse qui s’était insinuée dans son existence en même temps que l’homme à qui elle vouait son cœur prenait la direction du domaine de Balerion. La fin de la guerre s’était jouée dans un grotesque éclatement de joie et d’allégresse quand le foyer des Tergaryon pleurait la perte de son héritier légitime. Elle n’avait jamais pu se joindre à toute cette effervescence merveilleuse, affligée dans ses tripes du vide immense que la mort d’Aenar léguait derrière elle. A ce jour où la bataille leur avait arraché cet être aimé, le goût d’exister lui était disparu. Il ne semblait plus que la caresse du vent effleurait sa peau fraîche et offerte. L’écho des voix avait perdu sa mélodie légère. Ses poumons se gonflaient sans saveur de cet air à qui manquait la présence d’Aenar. Les couleurs elles-mêmes, dansantes et époustouflantes dans la grande cité de Valyria, s’étaient fanées sous un voile sépulcrale. Un murmure funeste vibrait constamment à l’oreille de la Tergaryon dont les bonheurs s’étaient envolés. Du tribut qu’elle offrait à cette terre dont elle foulait encore le sol, elle n’en trouvait la détermination qu’au besoin de rendre ses lumières à sa lignée et d’éloigner les bras de la mort des siens.

La présence de Maekar s’était évaporée tout doucement, sans crier garde. Au retour de la guerre, Daenyra avait découvert la souffrance d’une âme pesante et lacérée, qui transportait encore avec elle les cris d’agonie et une rage sanglante et cruelle. La valse étourdissante de ses démons l’avait emportée vers l’univers de toutes ses culpabilités, toutes ses hontes et toutes ses douleurs. Elle avait cerné chaque fissure qui s’était creusée dans son être endurci, chaque blessure qui purulait dans les abysses de ses souvenirs. Il n’avait suffi que de l’effleurement de leurs âmes pour qu’elle trace du bout de sa lame poisseuse et incarnat toutes les monstruosités subies et dont il était l’auteur. Puis, ce fut dans un seul regard muet qu’il comprit qu’elle savait ce qui ne pouvait être dit, ce que les mots ne pouvaient pas porter sans s’effondrer complètement. A ce don impudique qui l’accrochait aux âmes des autres, elle avait perdu un frère dont la distance s’était affermie aux jours passants. Ce n’était guère la première fois qu’elle était fuie pour ses capacités de clairvoyance, autant félicité que malédiction. Désireuse de lui préserver son refuge, elle l’avait laissé partir sans tenter de le retenir. Par amour, elle l’avait observé s’éloigner dans la distance.

Et pourtant, tous les Dieux lui étaient témoins que le manque avait hurlé en elle. Les Tergaryon vivaient de relations pleines et entières, affreusement fusionnelles. Des liens qu’elle entretenait avec sa famille, sûrement était-ce avec Maekar que cet attachement était la moins fort, mais il détenait au même titre que les autres cette impétueuse nécessité d’exister. A présent qu’elle se trouvait lovée dans les bras de cet aîné, il lui semblait qu’elle le retrouvait un peu. A la chaleur qu’il lui communiquait, à ses paroles salvatrices, à son cœur qui flamboyait pour elle dans sa poitrine. Il était son feu et elle était sa flamme. Pourtant, au cœur de ces retrouvailles, Daenyra sentit poindre le murmure d’un nom sciemment tu dans le flot des pensées de son frère. Un regret teinté de chagrin découla d’une seule phrase qui savait exprimer tout ce qu’elle ne disait pas. La bouche d’un autre… la bouche d’Aenar. Daenyra pressentit tous les affres d’une culpabilité amère. En dépit de tout l’amour qu’elle vouait à Maekar, elle regrettait que ses paroles résonnent avec tant de vérité. Elle se maudit de pouvoir préférer un frère à un autre, d’imaginer un seul instant chercher la faveur des bras d’Aenar à ceux de son autre aîné. Jamais elle n’aurait pu souhaiter que leurs places soient échangées et qu’une vie prime sur l’autre. Car de la tourmente qui l’affligeait depuis la perte de l’être aimé, elle ne pouvait imaginer qu’Elaena subisse une pareille souffrance. Cette douleur captive, elle l’accueillait avec la seule bénédiction que sa sœur n’en subisse pas les violences insoutenables.

Toutes ces douleurs ne lui étaient pourtant pas réservées. Et de la lecture intime que Daenyra faisait de l’âme de Maekar, elle pouvait lire toute l’agonie de lui être si différent, de ne point briller des mêmes lumières, de ne point posséder sa force et son charisme à cet exemple. Pire encore, elle décelait le vœu sombre d’avoir pu périr à sa place sur le champ de bataille. A cette pensée intolérable, la Dame Dragon tissa toutes les différences qui les opposaient, tout ce qu’il n’était pas et ce qu’il n’avait pas à être. Car être Maekar, juste Maekar, cela était bien suffisant. Tu n’as pas à devenir Aenar. La simple pensée de ce nom lacérait tous les contreforts de son âme. Et en le prononçant, elle craignait de perdre sa voix, tel un mauvais sort. Ce fut le courage et la force que lui communiquait son frère qui lui permit de poursuivre, de ne point faillir dans son discours. De tout ce qu’il représentait, elle ne voulait rien jeter. Il était à chérir et à aimer. Son regard se redressa, assoiffé, vers celui de Maekar tandis qu’il l’abreuvait de mots.

Bisa bantis, kesā daor vīlībagon aōha ōdres, mērī. Daor mirre.
Elle n’était pas seule.
Elle était forte.
Elle ne serait plus abandonnée.
Ce soir, l’ombre funeste d’Aenar s’étiolait progressivement dans le vent de Meraxes.

Sous le voile de la nuit, Daenyra abattit toutes les frontières bâties jour après jour autour de ce cœur dolent. Une à une, elle brisa toutes les pierres de cette construction immense. Elle abandonna sa tête contre la poitrine de son frère, tambour grondant dans le silence parfait du soir. Les sanglots déferlèrent sur sa frêle silhouette, fracassant sur elle toutes ses larmes qui n’avaient jamais été versées. Et elle s’accrocha plus fort encore à celui qui était sa barque sur le flot de cette mer déchaînée et impétueuse. Dans ses bras, il lui semblait qu’elle ne pouvait plus sombrer. Dans son étreinte puissante, elle accueillait la vive agonie d’un cœur qui avait oublié de battre.



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Maekar & Daenyra




Aenar avait été éduqué et formé pour être le porte-bannière, celui qui tiendrait bien haut le flambeau de cette famille pour la génération à venir, c'était son but, sa destinée sa raison de vivre et il aurait été parfait pour ce rôle. Malheureusement les Dieux avaient d'autres plans pour cette noble et puissante famille, d'autres plans bien plus sombres qui, assurément, pousseraient chaque Tergaryon à ressortir grandi de cette épreuve. La nouvelle de la disparition d'Aenar avait eu l'effet d'un poignard plongé en plein cœur pour tous ceux qui partageaient son sang et, chacun à leur manière, tous avaient été contraints de faire leur deuil... certains plus rapidement, ou plus silencieusement que d'autres. Maekar avait été le premier à apprendre la nouvelle et, surtout, le premier à s'agenouiller face au corps sans vie de son frère, de celui dont il avait toujours été l'ombre. La guerre n'avait empêché de faire son deuil mais jamais, vraiment jamais ne s'était-il plaint de cette incapacité à pleurer celui qui avait été son modèle pendant si longtemps. Pourquoi ? Parce que la mort faisait partie de la voie qui était la sienne, il y avait été préparé depuis longtemps et, surtout, parce qu'il savait que la douleur de l'une de ses sœurs serait toujours bien plus grande que la sienne. Comment aurait-il pu ignorer la façon dont elle parlait de lui et le regardait ?
C'était du fait de ce constat que le jeune homme avait tut sa propre douleur au retour de la guerre, endossant le rôle de protecteur pour lequel il avait été formé toute sa vie mais, à présent, des suites du Grand Effondrement, il réalisait à quel point il avait été bien moins présent qu'il ne l'aurait pensé. Certes il partageait le même feu que les Tergaryons mais n'avait jamais été doué pour les grands discours et les grands gestes d'affection, ou bien était-ce ce qu'il avait toujours pensé mais, face à la détresse de sa plus jeune sœur, comment pourrait-il rester insensible ? Il ne pouvait donc que faire taire sa culpabilité afin d'être présent pour elle, afin de l'aider à traverser cette épreuve plus difficile pour elle que quiconque.

Il n'avait pas à devenir Aenar ? Une partie de lui le savait, celle qui voyait son frère au travers de ses défauts et non pas de la flamme qu'il incarnait mais, dans une telle situation, en quoi est-ce que sa rigueur militaire pourrait aider les siens ? Il aurait voulu être solaire, pour que la chaleur puisse dissiper les larmes qui coulaient sur ces visages si familiers, pour les amener tous vers des lendemains meilleurs, mais ce n'était pas lui. Il n'était pas aussi intense que son frère mais bien infiniment plus solide, il savait même si sa modestie l'empêchait de le dire. Aussi, alors qu'il sentait les barrières de sa sœur se briser une à une, le jeune homme s'avança vers elle et l'entoura de ses bras chauds et aimants, un autour de son dos et l'autre à l'arrière de sa tête, sentant déjà les larmes perler sur le visage de celle qui souffrait depuis si longtemps, en silence. D'autres auraient pu trouver les mots mais, aujourd'hui, Maekar savait que sa sœur avait besoin d'ouvrir les vannes, de laisser toute cette peine sortir et, fort de ce constat, il déposa un baiser sur le sommet de son crâne, raffermissant son étreinte tout en laissant le silence s'installer dans cette cour.
Il n'était pas le soleil de cette famille mais il en représentait les fondations, le sol sur lequel tous leurs espoir et leur avenir seraient bâtis, fortes et imperturbables. Aussi resta t-il là, tout contre sa sœur pendant ce qui lui sembla être une éternité, pendant autant de temps que Daenyra en aurait besoin pour laisser s'écouler toute cette peine accumulée durant les dernières années. Enfin, lorsque le source commença à se tarir et que la fatigue vint prendre son dû, le jeune homme l'enlaça un peu plus, avant de la prendre dans ses bras et de se lever du sol. Lentement, en silence, il traversa la cour tout en se dirigea cérémonieusement vers les quartiers de sa plus jeune sœur car, maintenant qu'elle pleurait et qu'elle s'abandonnait, à lui à et cette douleur sourde, le sommeil ne tarderait certainement pas à la gagner.

Au bout de quelques instants il poussa les portes de la chambre de Daenyra, les refermant derrière elle, avant de lui demander, dans un souffle à peine plus puissant qu'un murmure :

« Veux-tu que je reste avec toi, cette nuit, pour chasser tes démons, petite sœur ?  »

Qu'elle accepte ou non, le jeune homme viendrait déposer l'empathe sur sa couche, lentement, doucement, restant à ses côtés jusqu'à ce qu'elle trouve le sommeil dont elle avait désespérément besoin. Il savait à quel point les nuits pouvaient être terrifiantes lorsqu'on pouvait entendre et ressentir la souffrance d'une nation toute entière, voilà pourquoi il resterait à ses côtés aussi longtemps que la jeune Tergaryon en aurait besoin. C'était là son rôle et son privilège : absorber la peine de ses proches, afin qu'ils puissent tous continuer d'avancer. Le plus honorable des privilèges, celui dont il était le plus fier.


Daenyra Tergaryon
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Ce soir, les barrières de son âme se fissuraient, s’affaissaient, jusqu’à se désintégrer sauvagement sous les assauts douloureux de son cœur. Chaque jour, il avait fallu ramper avec ce fardeau atroce écrasé sur la carcasse. Les élans tendres de cet amour discret mais affermi avec les années s’étaient mués en des ombres horrifiques et difformes, l’attirant vers leur obscurité vertigineuse pour ne lui accorder plus aucun répit. L’amour de la jeune fille s’était lentement forgé avec le temps, comme l’eau se fraye un chemin dans le creux de la terre, devenant ruisseau, rivière, puis fleuve étincelant suivant le flot impétueux de ses sentiments. Les lumières d’Aenar la nourrissaient sur toutes les constellations de son être. Elle engloutissait le moindre de ses rires francs et résonnants avec la même ferveur qu’un prêtre avale les paroles célestes. Elle admirait tous les angles harmonieux de ce menton volontaire, se mouvant au rythme de ses mots prononcés d’une bouche tant chérie, antre merveilleux d’une voix grave et puissante. Si le don de la peinture lui avait été accordé par Tessarion, sûrement aurait-elle pu recouvrir les toiles de toutes les nuances incroyables de ses yeux. Ses iris, comme aucunes autres pareilles, se paraient des éclats d’améthyste les plus prodigieux, les plus flamboyants. Il brûlait dans son regard un brasier immense dans lequel sa cadette aurait aimé se lover entièrement, éprouver la caresse de ses flammes délicieuses, danser jusqu’à ce que ses jambes ne la tiennent plus. Le contact ferme de ses mains serrant affectueusement les siennes ne la quittait pas. Il était imprégné dans sa chair, comme une empreinte laissée au fer blanc. Il vibrait dans ses chairs à tous les instants, que ce soit par sa présence ou son absence.

Puis un jour, il était parti dans le cortège de Balerion, l’abandonnant, déguenillée et seule, sur les sentiers hasardeux de cette existence. Il avait emporté ses rires, ses mots, ses étreintes, ses tendresses, ses regards, son parfum et sa lumière. Aveugle, elle n’était plus devenue qu’une ombre égarée et évoluant à tâtons, incapable de discerner l’horizon dans le lointain. Dans les ténèbres, des serres atroces avaient resserré leur écrasante poigne sur sa silhouette tremblante. D’un seul coup, le jour ne s’était plus levé de la même manière, ni avec la même saveur. La parade du temps s’était étirée dans une douleur languissante, la plongeant plus encore dans les affres de l’absence. Et pourtant, il lui avait fallu consoler une sœur qui pleurait autant la mort d’un frère qu’elle ne bénissait les Dieux d’avoir épargné le second. Mais si le monde lui avait arraché Maekar, Elaena aurait-elle supplié pour que leurs âmes soient échangées ? Car dans les plus atroces de ses songes, Daenyra avait parfois rêvé que Balerion donne son consentement pour substituer leurs âmes. Et la douleur, plus amère encore, s’était épaissie sous la matière d’une culpabilité hideuse. Ses lèvres étaient demeurées scellées sur un secret honteux, sur une vérité trop odieuse pour être formulée à voix haute. Cet amour qui n’avait jamais eu de mots pour s’exprimer se trouva condamné au silence, comme si c’était une chose si fragile que la Tergaryon eut craint de la briser en la disant. Elle avait préféré chérir un fantôme dans les confidences de son cœur et se livrer entière à son devoir envers sa famille ; jour après jour, mimer une force qu’elle ne détenait plus en l’absence de celui qui lui conférait toute sa puissance. Sous les rayons merveilleux d’Aenar, elle ne pouvait pas tomber. A présent que sa main n’était plus dans la sienne, il semblait que le précipice la réclamait et qu’il ne suffirait que d’un mauvais pas.

Aurait-il su trouver les mots pour apaiser toutes ses angoisses et chasser tous les démons du Grand Effondrement ? Aurait-il pu faire taire ces hurlements qui martelaient les contreforts de son esprit et la menaçaient de démence à chaque instant ? Lui aurait-il épargné tout simplement ces innombrables horreurs ? Daenyra se torturait l’âme à songer que ses monstres n’auraient point eu autant de pouvoir et d’emprise sur son être si Aenar était encore à ses côtés, et, par dépit, leur déclarait forfait avant même que l’aube s’élève au loin. Et pourtant…

Bisa bantis, kesā daor vīlībagon aōha ōdres, mērī. Daor mirre.

Elle n’était plus seule. Du moins, plus tout à fait. Cette nuit, les rayons plus discrets de l’âme de Maekar venaient se poser sur le cadavre agonisant de son cœur. Elle craignait de ne point mériter cette présence et la ferveur de son affection, ni même qu’il accepte si docilement qu’elle aurait pu troquer sa vie contre celle d’Aenar. Mais rompu de fatigue et de désespoir, son corps se livrait pleinement à son étreinte et déversait sans pudeur tous les maux d’un cœur qui ne battait plus. Sa peine se conjuguait à la sienne entre leurs corps entrelacés, si bien qu’il ne lui était presque plus possible de discerner l’appartenance de tous ces cris de douleur. Digne, Daenyra s’était souvent épargnée la démesure de trop longs sanglots qui ne seyaient point à une Dame-Dragon, et moins encore à une Tergaryon ; mais écrasée contre la poitrine de son aîné, les soucis de la bienséance s’évaporaient. Un épuisement terrible la terrassait et l’empêchait de se relever. Il lui semblait, à présent que cette douleur se répandait hors des territoires secrets de son être, qu’elle ne saurait être consolée d’aucune manière et que ses larmes ne pourraient se tarir. Aussi n’opposa-t-elle aucune résistance à ces bras qui la soulevèrent du sol et l’emportèrent au cœur du palais, les arrachant à la fraîcheur des jardins.

Quand la voix de Maekar vibra, basse et douce, elle découvrit le décor de sa chambre, pantomime malheureux de nuits à la compagnie chimérique. « Mon frère, ne m’abandonne pas à cette nuit maudite… » Elle réclamait ardemment la solitude de sa chambre le soir venu, pour se glisser, au creux de ses rêves, dans l’étreinte d’Aenar. Mais cette nuit, il n’en était rien. Elle en venait à craindre son fantôme doucereux, cette illusion parfaite et affligeante. Maekar l’étendit sur le lit, la libérant de ses bras tandis qu’elle agrippait à présent sa main libre pour qu’il ne la quitte pas. Ses yeux brûlants s’accrochèrent au visage grave de son aîné. « Je crains qu’ils ne profitent de la solitude pour revenir me hanter… peut-être les éloigneras-tu… peut-être te craindront-ils… » Ses paroles étaient rendues hagardes et vaporeuses par la fatigue et la détresse. Elle se laissa aller la tête sur son oreiller, comme abdiquant dans un soupir. « C’est une cacophonie assourdissante… Comment fais-tu pour les faire taire dans les silences de la nuit ? »



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Maekar & Daenyra




Les guerriers de Valyria étaient des parangons de la justice, les protecteurs de ce peuple maître des dragons et, à ce titre, ils se devaient de rester forts et dignes même dans la plus terrible des tempêtes. Si eux faiblissaient, alors qui pourrait défendre le peuple ? Qui pourrait se dresser entre les petites gens et la barbarie humaine ? Ils n'avaient donc pas le droit de flancher et, à ce titre, une grande partie de leur formation militaire consistait à les endurcir pour qu'ils puissent tout endurer, tout encaisser. Parmi tous ces soldats, Maekar fut l'un de ceux pour qui cette étape fut la plus simple, comme s'il avait une endurance mentale et physique anormales et, s'il n'en tirait aucune fierté particulière, il savait aussi que cela le déversait souvent.
Il s'était blindé et protégé du monde extérieur mais, en même temps, en fermant ces grandes larges portes, il avait enfermé ses sentiments et émotions par la même occasion. Il ne pouvait avoir le bon sans prendre le mauvais avec et,il ne pouvait ressentir la joie sans la douleur et, depuis son retour de la guerre, il n'avait fait que errer dans les couloirs de cette immense demeure en se sentant...vide.

Il n'avait pas su le comprendre tout de suite mais, à présent que le soufflet était retombé et que le calme était revenu, il comprenait qu'une grande partie de lui était restée là-bas, sur les champs de bataille qui avaient fait sa renommée. Il avait peur d'ouvrir les portes, peur de souffrir à nouveau, peur de se permettre de tout ressentir à nouveau et c'était pur cela qu'il se murait dans son mutisme habituel. Il ne pouvait se permettre de tout laisser remonter à la surface, surtout pas maintenant que sa famille avait cruellement besoin de lui.

Il avait perdu son humanité et, jour après jour, il luttait pour la regagner. Morceau après morceau. Mais aujourd'hui c'était différent, aujourd'hui il se devait se laisser ses démons de côté, car sa petite sœur avait plus besoin de lui que jamais. Elle était fatiguée, épuisée par ce qu'elle ressentait et, fort de ce constat, Maekar ne pouvait que profiter de cet instant pour l'amener jusqu'à sa chambre et veiller sur elle.
Son propre sommeil était secondaire face à la détresse de sa sœur. Il la souleva donc et, pas après pas, finit par la mener jusque dans la sécurité de ses quartiers où, là, elle le supplia de ne pas la laisser toute seule, pas ce soir. Quel genre d'homme serait-il, s'il faisait une chose pareille ?

« Je suis là, je reste là.  »

Il avait beau ne plus se sentir humain – plus complètement en tout cas – il était toujours surprise de la douceur dont il pouvait faire preuve, lorsqu'il s'agissait de sa propre famille. Était-ce là la source dans laquelle il devait puiser ? Peut-être bien.
Lentement, doucement, il étendit la demoiselle sur sa couche en l'observant chercher à maintenir un contact physique, comme s'il était son ancre dans la tempête qui faisait rage dans sa tête. Bien sûr, il serra cette frêle main pour la rassurer quant à sa présence, tout en répondant :

« Il n'y a pas de peut-être. Si quelqu'un peut chasser ces démons, c'est bien moi. »

Voyant la demoiselle s'installer, le jeune homme s'autorisa à venir s'allonger au côté de la demoiselle, leurs corps uniquement séparés de quelques centimètres, alors qu'il perdait son regard dans celui de sa cadette tout en buvant ses paroles. Comment faisait-il pour accepter ce son, ces cris, ces suppliques ?

« Je me concentre sur la vie, sur ce qu'elle a de précieux, sur les personnes qui sont importantes pour moi. Avec le temps,  cette cacophonie ne devient rien de plus qu'un simple bruit de fond. Tu verras, aie confiance.  »

En vérité il cherchait les bons mots, mais il n'avait aucune idée de comment il faisait. Il se contenait de faire avec et de mettre un pied devant l'autre, car c'était tout ce qu'il savait faire mais, ce soir au moins, il serait le gardien de sa sœur. Il vint enfin poser une main sur la joue de sa sœur, ne la quittant pas des yeux ne serait-ce qu'un instant, en lui soufflant finalement :

« En attendant, il faut que tu essayes de dormir. Ferme les yeux, petite sœur, et tu me trouveras ici, à ton réveil. Je veille sur toi, je te le promets. »

Il resterait là à veiller sur elle, toute la nuit, car c’était son rôle. Sa responsabilité. Son privilège.


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