Le jeune homme se souvenait encore des paroles proférées à l'attention de sa sœur, Daenyra, quelques jours plus tour dans la cour de la demeure familiale. Il se souvenait lui avoir dit se concentrer sur ses battements de cœur pour garder le contrôle, se concentrer sur le mouvement des ailes de son dragon et, alors que le vent de plus en plus frais caressait son visage, c'était exactement ce à quoi il s’attelait. Oh non il n'était pas tourmenté par les voix des défunts, pas plus que d'habitude en tout cas, mais ce qui enserrait son cœur était lié à la raison pour laquelle il chevauchait son dragon, aussi tard dans la nuit, bien loin de son foyer. Maekar Tergaryon avait été entraîné à faire face à toute sorte d'ennemi, à surmonter n'importe quel type de menace sans laisser la peur faire partie de l'équation, mais jamais il n'aurait cru que sa plus grande source d'inconfort se cacherait au sein même des frontières de son pays.
Depuis le Grand Effondrement ce pays peinait à se reconstruire petit à petit, à force de temps et d'efforts de chacun, mais les plus nobles et influents valyriens se devaient de voir au-delà de cette reconstruire, de voir surtout plus loin et c'était pour cela que Kyraxes avait pris son envol, ce soir-là. Tous les jours le Tergaryon avait ressassé le jour de cette bataille dantesque, se rappelant du moindre détail et, surtout, se rappelant de l'acclamation du peuple l'appelant à devenir ce qu'il n'avait jamais envisagé. Lumière, Lumière, Lumière : il se rappelait encore de ce son bien étrange à ses oreilles et, de ces vivats étaient nés les graines de l'espoir, les graines d'une possibilité d'un changement nouveau. Certes les petites gens n'y connaissaient rien au jeu de la politique, mais si la voix du peuple se faisait entendre dans cette direction, Maekar pouvait-il seulement ignorer cet appel ? Il avait essayé mais, après mûre réflexion et plusieurs échanges, il était allé trouver son camarade de toujours, son frère d'armes et de sang pour avoir son ressenti. Ainsi, en cette fraîche nuit, le Tergaryon n'avait qu'à tourner la tête pour voir son camarade, Aeganon Bellarys, chevaucher juste à côté de lui avec une détermination similaire à la sienne.
Les élections avançaient à grand pas, tous les sénateurs le savaient et chacun essayait de sortir leur épingle du jeu, mais il n'y avait à peine plus qu'une poignée d'hommes de pouvoir qui avaient une réelle chance d'obtenir ce poste prestigieux et éminemment influent. Maekar savait qu'il n'était rien de plus qu'un challenger, une nouvelle tête trop méconnue sur la scène politique pour avoir de poids mais, justement, c'était armé de son audace et de sa nouvelle réputation, armé des précieux conseil de son ami qu'il s'était élancé vers la demeure du plus sérieux des candidats, afin de s'entretenir avec ce dernier. Il ne fallut donc pas très longtemps pour que les deux jeunes sénateurs puisse apercevoir la forteresse, grande et impressionnante, dans laquelle résidait le sénateur Baelor Cellaeron : le visage emblématique de la faction mercantiliste, en ce moment. Qu'espéraient-ils apprendre ou retirer d'une telle entrevue ? Le Téméraire gardait ses idées pour lui et son ami, mais ce dernier avait trop fait de pieds et de mains pour qu'ils ne se présentent pas, maintenant que cette entrevue informelle avait été acceptée.
Le Tergaryon savait que s'il débutai sa campagne maintenant, sans soutien ou sans y voir clair sur la situation et le rapport des forces en présence, il courrait trop à la catastrophe. Alors, plutôt que de foncer tête baissée comme n'importe quel soldat le ferait, il avait décidé d'agir non pas soldat mais en Sénateur, ce qui était un drôle de changement pour lui. Lui et Aeganon discutèrent donc beaucoup et, ce soir-là, ils approchaient de la forteresse de Baelor, amorçant la descente alors qu'une plate-forme de pierre s'étendait devant eux. Kyraxes se retint de rugir à l'approche de ce lieu où il n'avait jamais posé les pattes, se posant finalement sur la plate-forme avant de se pencher, pour laisser son cavalier descendre. Ce dernier était sobrement vêtu d'un long manteau noir, sous lequel se cachait une tunique aux tons sombres et tressée de fils d'argents, çà et là, ayant troqué sa toge de sénateur contre une tenue plus informelle.
S'avançant en direction des portes qui s'ouvraient à leur arrivée, Maekar tourna sa tête vers son ami et frère, avant de lui souffler un :
« Merci d'être venu avec moi. »
Ils avaient traversé des rivières de sang et de flammes ensemble, si bien qu'aucun remerciement n'était nécessaire, car ils ne comptaient plus le nombre de fois où ils s'étaient sauvés mutuellement les fesses. Cependant le Tergaryon était conscient que ce plan n'allait pas forcément dans le sens du Bellarys, aussi se devait-il de reconnaître l'effort qui était fourni, au nom de leur amitié éternelle. Des serviteurs accueillirent donc le duo et, une fois rentré dans cette immense demeure qui suintait le luxe et les richesses, Maekar se délesta de son manteau, ne garda que ce qu'il avait apporté avec lui, avant de laisser les serviteurs guider les deux sénateurs vers le maître des lieux. Le général n'était pas connu pour ses grandes démonstrations affectives, la retenue étant le trait qu'on reconnaissait et respectait le plus chez lui mais ce soir, spécialement ce soir, il se devait se se montrer moins...fermé. Aussi, lorsque Baelor arrivé dans son champ de vision, Maekar pencha légèrement la tête en avant, en signes de salutations respectueuses, avant d'ouvrir le dialogue par un simple :
« Sénateur Baelor, merci de nous recevoir à une heure aussi tardive. »
Certes ils étaient tous les trois Sénateurs, mais un peu de respect n'avait jamais fait de mal à personne, non ? Alors qu'il s'approchait de son hôte, Maekar laissa traîner son regard dans la pièce où il était actuellement, reconnaissant que ce lieu n'avait pas dérobé la réputation qu'on lui prêtait. Oh certes on disait de Baelor qu'il était un serpent, aussi sournois que rusé mais, contrairement au reste de la population, malgré la connaissait de cette réputation, le Tergaryon préférait se faire son avis par lui-même. Il n'était pas dupe, plus naïf depuis bien longtemps, mais pas encore assez cynique pour deviner la suite des événements.
« On m'avait vanté la beauté et la grandeur de ta demeure, mais c'est autre chose de la voir de ses propres yeux. Vraiment. »
Certes sa propre demeure familiale était impressionnante, il en avait bien conscience mais cette forteresse était aussi époustouflante de l'intérieur que de l'extérieur. Baelor avait raison d'aborder un sourire confiant aussi souvent qu'il le faisait. Laissant Aeganon prendre la parole s'il le souhaitait, car il avait aussi une importance de poids dans l'échange à venir, le jeune homme vint finalement conclure son intervention par un :
« J'en oubliais mes manières. Nous ne pouvions arriver les mains vides, aussi j'espère que ce vin saura ravir ton palais. Tu m'en diras des nouvelles. »
De son dos il sortit une outre de vin, qu'il tendit à Baelor ou l'un de ses serviteurs : le premier qui chercherait à s'en emparer. Ce n'était qu'un geste empreint de politesse plutôt qu'autre chose, mais un geste de poids car il s'agissait là du meilleur des vins que cultivait sa famille. Un geste de bonne foi, en quelque sorte.